
le fiecle fuivant fur les médailles en général, les Antiquaires
y joignirent les explications de toutes celles
de leurs propres cabinets 8c des cabinets étrangers :
alors on fut en état, par la comparaifon de tant de
monumens , foit entr’eux , foit en les confrontant
avec les auteurs grecs & latins, de former des fyftè-
mes étendus fur l’art numifmatique.
Plufieurs fa vans n’oublierent pas d’étaler, peut-
être avec excès, les avantages que l’Hiftoire & la
Géographie peuvent tirer des médailles 8c des inf-
criptions ; il eft vrai cependant que ces monumens
précieux réunis ensemble, forment prefque une histoire
fuivie d’anciens peuples , de princes , 8c de
grandes villes ; & leur autorité eft d’autant plus ref-
pcflablc , qu’ils n’ont pu être altérés. Ce font des
témoins contemporains des chofes qu’ils aiteftent
revêtus de l’autorité publique, qui femblent n’avoir
furvécu à une longue fuite de fiecles 8c aux diverses
révolutions des états, que pour tranfmettre à la
poftérité des faits plus ou moins importans , dont
elle ne pourroit d’ailleurs avoir aucune eonnoiftance.
On n’ignore pas que M. Spanheim a réduit à des
points généraux l’objet des médailles en particulier,
pour en juftifier l’utilité ; & M. Vaillant, rempli des
mêmes vues, a diftribué par régnés toutes les médailles
des villes grecques fous l’empire Romain.
D ’autres auteurs fe tournant d’un autre côté, ont
envifagé les médailles comme monnoie * 8c en ont
comparé le poids & la valeur avec celle des monnoies
modernes ; l’examen de ce feul point a déjà produit
plufieurs volumes.
Enfin les ouvrages numifmatiques fe font telle-»
ment multipliés , qu’on avoit befoin d’une notice
des favans qui ont écrit fur cette matière ; c’eft ce
qu’a exécute complettement le P. Bauduri , dans fa
bibliotheca nummaria, imprimée à la tête de fon grand
ouvrage des médailles depuis Trajan Dece , jufqu’à
Conftantin Paléologue.
Mais ce fiecle ayant trouvé quantité de nouvelles
médailles, dont on a publié des catalogues exafts ,
è’eft aujourd’hui qu’on eft en état de rendre par ce
moyen l’hiftoire des peuples plus détaillée & plus
intéreflante qu’on ne p'ouvoit la donner dans le fiecle
précédent.
Voilà comment la fcience des médailles s’étant in-
fenfibkment perfectionnée, eft devenue . parmi les
hionumens antiques, celle qui fe trouve la plus propre
à illuftrer ceux qui la cultivent. Il ne faut pas
s’étonner du goût qu’on a pris pour elle : fon étude
brillante n’eft point hériffée des épines qui rendent
les autres fciences triftes & fâcheufes. Tout ce qui
entre dans la compofition d’une médaille contribue
à rendre cette étude agréable : les figures amülent
les yeux ; les légendes, les inferiptions, les fymbo-
les toujours variés, réveillent l’efprit & quelquefois
l’étonnent. On y peut faire tous les jours d’héureu-
fes découvertes : fon étendue n’a point de bornes ;
les objets de toutes les fciences 8c de tous les arts
font de fon reflbrt, fur-tout l ’Miftoire, la Mythologie
, la Chronologie, & l’ancienne Géographie.
Je voudrois bien traiter un’ peu profondément
cette belle fcience dans tous les articles qui la concernent
, entr’antrès dans fon article générique, 8c
c ’eft à quoi du-moins je donnerai mesYôins ; mais
pour éviter que ma foible vue ne m’égare dans cette
entreprife , j’emprunterai mes lumières des inftruc-
tions du P. Jobert, des excellentes notes dont M. le
baron de la Baftie les a enrichies ; des mémoires de
l’académie des Inferiptions $ & de tous les autres livres
propres à me guider; Je tâcherai de mettre de
la netteté dans les fubdivifions néceffaires , 8c de
remplir avet exactitude les articles particuliers. Le
léfteur en lès raflembldnt y pourra trouver les fe- '
cours fufftfanspour acquérir les élémens dé la fcience
i numifmatique, & petit-être pour l’engager à en faire
une étude plus profonde. L’on s’étoit propofé de faciliter
cette étude par les Planches; mais des hommes
habiles nous ont repréfenté que les feules médailles
très-rares alloieiit à plufieurs milles.
Divijion générale des médailles; Toutes les médailles
fe partagent en deux clafles générales, en antiques
& en modernes ; car c’eft de cette première notion
que dépend l’eftime 8c le prix des médailles.
Les antiques font toutes celles qui ont été frappées
jufque vers le milieu du iij, ou jufqu’au ix. fiecle
de Jefus- Chrift ; je fuis obligé de m’exprimer
ainfi, à caufe du différent goût des curieux, dont
les uns font finir les médailles antiques avec le haut
empire, dès le tems de Gallieri, & même quelquefois
avant Gallien ; les autres feulement au tems de
Conftantin ; d’autres les portent jufqu’à Augufte ,
dit Auguftule ; d’autres même ne les terminent qu’avec
Charlemagne, félon les idées différentes qu’ils
fe forment, & qui font purement arbitraires.
Les modernes font toutes celles qui ofit été faites
depuis 300 ans : nous en ferons un article à part.
On diftingue dans les antiques les grecques & les
romaines : les grecques font les premières 8c les plus
anciennes , puifqu’avant la fondation de Rome les
rois & les villes grecques frappoient de très-belles
monnoies de tous les trois métaux + 8c avec tant
d’art, que dans l’état le plus floriffant de la républi-
que & de l’empile , l’on a eu bien de la peine à les
égaler. On en peut juger par les médaillons grecs
qui nous relient, car il y en a de frappés pour les
rois 8c d’autres pour les villes de la Grèce..Il faut
avouer que dans ce qui concerne les figures , les
médailles grecques , généralement parlant, ont un1
deffein, une attitude, une force & une délieateffe à
exprimer jufqu’aux mufcles 8c aux veines,qui, fou-
tenues par un très-grand relief , leur donnent uné
jufte préférence en beauté fur les romaines.
Ces dernieres font confulaires ou impériales. Ûii
appelle médailles coufulaires celles qui ont été frappées
pendant que la république romaine étoit gouvernée
par les confiais ; ori nomme médailles impi*
riales celles qui ont été faites fous les empereurs.
Parmi les impériales on diftingue le haut & le bas
empire ; 8c quoiqu’à l’égard de ce qu’on appelle
moderne les médailles dés empereurs jufqu’aux Paléo-
loguespaffent pour antiques, encore qu’elles defeen-
dent jufqu’au xv. fiecle, les curieux en gravure n’ef-
tifnent que celles du haut empire, qui commence à
Jules-Gefar ou à Augufte , & finit, félon eu x , au
tems des trente tyrans. Ainfi les médailles du haut
empire s’étendent environ depuis l’an 700 de Rome»
54 ans avant Jefus-Chrift, jufqu’à l ’an 1010 de Rome
ou environ, & de Jefus-Chrift environ 260.
Le bas empire comprend près de douze cens ans »•
fi l’on Veut aller jufqu’à la ruine de l’empire de Constantinople
, qui arriva l’an 1455, que les Turcs s’eh
rendirent les maîtres ; de forte qü’on ne reconnut
plus que l’empire d’Occident dans tout le monde
chrétien. Ainfi l’on peut y trouver deux différens
âges ; le premier depuis l’empire d’Aurelien ou dè
Claude le Gothique, jüfquà Héracliüs, qui eft d’environ
3 50 ans; le deuxieme depuis Héracliüs juf-
qu’aux Paléologùes, qui éft de plus de 800 ans.
Des différens métaux qui compofent les méd.ailles. Le
prix des médailles ne doit pas être confidéré précifé-
ment par la matière , c’eft un des premiers principes-
de la fcience des médailles : fouvent une même médaille
frappée fur l’or fera commune , qui fera très-
rare en bronze ; & d’autres fort eftiniées en o r , le
feront très-peu en argent & en bronze. Par exemple»
un Othon latin de grand bronze, n’auroit pas dé
prix : on ne connoît que des médailles d’Ôthon eft
moyen bronze, frappées dans l’Orient, à Antioch*
8c en Egypte, elles font même très-pré cieufes ; mais
lin Othon d?or ne vaut que quelques piftoles au-
deffus de fon poids , qui eft environ de deux gros ;
& le- même Othon d’argent ne vaut qu’un écir au-
delà de ce qu’il pefe , excepté qu’il n’eut quelque
revers extraordinaire qui en augmentât le prix. Si
même l’on pouvoit recouvrer quelques- unes des
monnoies.de cuir qui étoient en ufage à Rome avant
le régné deNuma, 8c que l’hiftoire nomme ajfes fcor-
u i , on. n’épargneroit rien pour les mettre à la tête
d’un cabinet;
Il eft utile de connoître les métaux antiques , afin
de n’y être pas trompé, 8c de favoir ce qui forme les
différentes fuites où les métaux ne doivent jamais,
être mêlés , fi ce n’eft lorfque pour rendre la fuite
d’argent plus ample 8c plus complette, on y place
certaines têtes d’orqui ne fe trouvent plus en argent ;•
car cela s’appelle enrichir unefuite. Ajoutons cependant
que dans la fuite des rois & des villes , il eft
affez d’ufage de mêler enfemble les trois métaux, &
même les différentes grandeurs : c’eft auffi ce qui fe
pratique ordinairement, dans la fuite des médailles
confulaires; mais cela vient de ce qu’il y a des têtes
de rois 8c des familles romaines qui ne fe trouvent
que dans l ’un des trois métaux 8c fur ces pièces de
différent volume , outre l ’extrême difficulté qu’il y
auroit de raffembler un affez grand nombre de ces
têtes de même métal & de même volume , pour en
compofer une fuite.
On voit déjà par ce détail que la matière des médailles
antiques le réduit à trois principaux métaux,
l’or, l’argent & le cuivre , qu’on nomme bronze par
honneur. Les médailles d’o r , à ne parler que des feules
impériales , peuvent être d’environ trois mille :
les médailles d’argent vont bien à fix mille ; mais les
médailles de bronze , en y comprenant les trois différentes
grandeurs, pourroient aller à plus de trente
mille, puifque le petit bronze feul s’étend peut-être
jufqu’à vingt mille. Le célébré Morel, que la mort
furprit lorfqu’il travailloit à exécuter le grand 8c
utile deffein de graver toutes les médailles connues ,
fe propofoit d’en repréfenter vingt- cinq mille , quoiqu’il
terminât la fuite des impériales à l’empereur
Héracliüs. Si donc au nombre des médailles impériales
en o r , en argent, & dans les trois grandeurs de
bronze , on y ajoutoit les médaillons en tous mé~ !
taux, les quinaires, les potins, les plombs antiques,
les confulaires , les médailles des rois & des villes
grecques', il eft vraiffemblable que le nombre des
médailles antiques connues pafleroit cinquante mille.
On ne peut guère réfléchir fur la découverte de
tant de médailles , fans venir à fe perfuader qu’elles
étoient originairement des monnoies répandues dans
le commerce, c’eft-à-dire des efpeces courantes ou
dans tout l ’empire, ou du-moins dans les pays ou
elles ont été battues.
i°. L’ufage des métaux monnoyés a de tous tems
été dans l’Empire, comme il eft encore aujourd’hui
parmi nous : cet ufage eft abfolument néceffaire dans
le commerce , depuis qu’on ne trafique plus par le
feul échange des marchandifes ; il faut donc croire
qu’il n’a point été interrompu dans le fiecle de Conf-
tantin, non plus que dans les précédens. On ne peut
douter que durant tant de fiecles on n’ait frappé une
bien plus grande quantité de pièces de monnoies que
de jettons, qui n’avoient aucun cours dans le commerce.
Par quel miracle feroit-il arrivé que ces jetr
tons feuls fe fuffent confervés, qu’on en trouvât une
infinité par-tout, & qu’au contraire il ne nous fût
refté aucune monnoie ? Quand on me dit qu’il nous
eft refté beaucoup moins de médaillons que de médailles
, je répons auffi-tôt que les médaillons n’é-
toient d’aucun ufage dans le commerce, & qu’il s’en
frappoit beaucoup moins que de mojjnoies ; mais
quand.on me demande pourquoi on Irouve une infinité
de médailles, & qu’il ne nous refte plus aucune
monnoie antique, je ferois forcé, fi je convenois du
fait, d’avouer que c’eft un prodige.
r Χ*Sb con^ant clue h. plupart des médailles ,
foit d argent, foit de bronze, que nous -ajyons du
tems de la république (car popr parler médaille tout,
le monde fait qu’on donne le nom de krönte au cuivre
) , il eft confiant, dis-je , que c’étqiefltïes mon-,
noies courantes. La plupart en portent démarque in-*
, dubitable , qui eft la valeur de chacune ; fur celles,
d’argent le X*. le Q. le II-S., font voirqu’elles va-,'
loient tant d’as ; 8c fur cplles,. de bronze, le nombre-
de o. 00. 000. 0000. dit qu’elles valpient une once,
deux onces, trois onces, quatre onces, &c. Pourquoi;
: donc du tems des empereurs n’auroit-pn pas continué
la,même chofe, quoique ces marques ne s’ytrou^
vent-elles pas ? c’eft que l’ufage commun faifoit affezj
favoir, comme à-prélent, la valeur de chaque pièce.
Ainfi nous ne nous étendrons, point à, répéter les,
preuves que Patin a données après Savot 8c les au-!
très antiquaires , que toutes les médailles'que nous,
avons font les vraies monnoies dont on fe fervoitj
dans ces? tems-là.: il fuffir de rappçller, ceux qui fe-
roient d’un fentiment contraire à ce miracle, qui fera,
toujours inconcevable , puifqu’il n’y aiifoit que les
médailles qui auroienteu le bonheur de fe*conferverr
jufqu’à nos tems, pendant que toutes les, monnoies*
abfolument fe feroient perdues, fans que dans ces!
tréfors qu’on tire encore tous les jours des entrailles,
de la terre, on en put rencontrer une feule.
3°. Quand les médailles déclarent elles - memesj
qu’elles font des monnoies, il me femblp qu’on doit
les en croire fur leur propre témoignage. Or nous-
avons dans le fiecle de Conftantin plufieurs médail-^
les qui portent pour légende,. Sacra.Moneta Augg.
& CoeJJ. N N. Pourquoi ne vouloir pas lire dans les!
lettres initiale.s de l’exergue, ce qui fe lit dans la,
légende tout au long , en expliquant Si M. par Sacr^
Moneta , plutôt que par Societas Mercatorum ?
Nous avons auffi des médailles qui portent Momta,
Urbis. Cela veut-il dire des jettons ? Ce qui s’appelle.
monnoie du prince ou monnoie de. la ville, n’eft point
fans doute un préfent fait par des marchands gaulois..
Nous avons enfin Moneta Augujli, & Moneta Auggi
Dans Hadrien, dans Antonin, dans Septime Severe,
& fous prefque tous fes fucceffeurs ; dans Trajan!
D è c e , Trébonien, Galle , Volufien, Valerien, Gallien
, Salonien, Pofthume,Tétricus., Claude le gothique
, T ac ite, Florien, Carus, Carin , Numérien,
&c. nous ayons Moneta Augußi fur les médailles de,
quelques princeffes, comme de Julia Fia, &c. Sous
d’autres empereurs où on ne trouve pas Moneta , ou
trouve ÆquitasAug. avec le même type d’une femme
affife ou debout qui tient une balance.
Cependant je ne voudrois pas décider que toutes
les médailles abfolument fans exception, , fuffent originairement
des monnoies ; je crois cela prefque
toujours v r a i, mais il peut fe faire qu’en certaines
occafions on ait frappé des médailles au p9,ids & au
titre de la mpnnoie courante , faq s avoir deffein de
les faire paffer dans le commerce, 8c uniquçrqen;
dans la vue de conferver la mémoire de quelque
événement remarquable , ou par d’autres raifon$
particulières ; mais s’il fe trouye de ces médailles x
elles font en fi petit nqmbre , que l’opini(on d,’$rizzo
8c du P. Hardouin n’en eft pas moins infoutenablei
Des différentes grandeurs^ qui formant les fuites en
bronze. La grandeur de toutes les médailles antique^
n’eft ordinairement que depuis t-rpis pou,çes de diamètre
jufqu’à un quart de ppuce , (oit. en or , foit en
argent, fo.it en cuiyre, qui font les principaux me?
taux fur Iefquels travaillpient les qiopétaires.
Qn appelle r/iédqillons les médailles qui font d’une