
■ de ce vice de principe une erreur prefqu’inévitable,
tant elle eft féduifante. Plus une méthode femble
abréger le tems de l’étude en applaniffant les obfta-
cles, 8c fatisfaire la curiofité en préfcntant un grand
nombre d'objets à la fois, plus on lui donne de préférence
8c de confiance. Les diftributions méthodiques
des produâions de la nature, telles qu’elles font
•employées dans l'étude de l’hiftoire naturelle,ont tous
ces attraits ; non-feulement elles font appercevoir
d’un coup d’oeil les differens objets de cette fcience,
mais «lies femblent déterminer les rapports qu’ils
ont entr’eux, 8c donner des moyens aulîi fîirs que
faciles pour les diftinguer les uns des autres 8c pour
les connoître chacun en particulier. On fe livre
volontiers à ces apparences trompeufes ; loin de
méditer fur la validité des principes de ces méthodes
on fe livre aveuglément à ces guides infidèles,
8c on croit être parvenu à une connoiffance exaéte
8c complette des produ&ions de la nature, lorfque
l’on n’a encore qu’une idée très-imparfaite de quelques
unes de leurs qualités ou de leurs propriétés ,
Touvent les plus vaines ou les moins importantes.
Dans cette prévention on néglige le vrai moyen de
s’inftruire, qui eft d’obferver chaque chofe dans toutes
fes parties, d’examiner autant qu’il eft pofiible
toutes ies qualités 6c toutes fes propriétés. Voyt{
B otanique.
Méthode , f. f. ( Arts& Sciences, ) en grec p.t-
tfoJ'oç, c’eft-à-dire ordre , réglé , arrangement. La méthode
dans un ouvrage, dans un difeours, eft l’art
de difpofer fes penfées dans un ordre propre à les
prouver aux autres, ou à les leur faire comprendre
avec facilité. La méthode eft comme l’architeâure
des Sciences ; elle fixe l’étendue 8c les limites de
chacune , afin qu’elles n’empiétent pas fur leur ter-
rein refpeâtif ; car ce font comme dès fleuves qui
ont leur rivage, leur fource, 8c leur embouchure.
Il y a des méthodes profondes & abrégées pour les
■ enfans de génie, qui les introduifent tout-d’un-coup
dans le fanttuaire, 8c lèvent à leurs yeux le voile
qui dérobe les myfteres au peuple.. Les méthodes
clalîiques font pour les efprits communs qui ne fa-
vent pas aller lèuls. On dirait, à voir la marche
qu’on fuit dans la plupart des écoles, que les maîtres
& les difciples ont confpiré contre les Sciences. L’un
rend des oracles avant qu’on le confulte ; ceux-ci
demandent qu’on les expédie. Le maître, par une
fauffe vanité, cache fon art ; 8c le difciple par indolence
n’ofe pas le fonder ; s’il cherchoit le fil, il
le trouverait par lui-même, marcheroit à pas de
..géant, 6c fôrtiroit du labyrinthe dont on lui cache
les détours : tant il importe de découvrir une bonne
^méthode pour réuflir dans les Sciences.
Elle eft un ornement non - feulement effentiel,
_mais abfolument néceffaire aux difeours les plus
fleuris 8c aux plus beaux ouvrages. Lorfque je lis, dit
Adiffon, un auteur plein de génie, qui écrit fans méthode
, il me femble que je luis dans un bois rempli
de quantité de magnifiques objets qui s’élèvent l’un
parmi l’autre dans la plus grande confuîion du monde.
Lorfque je lis un difeours méthodique, je me
trouve, pour ainfi dire, dans un lieu planté d’ar-
. bres en échiquier, où., placé dans fes différens centres
, je puis voir toutes les lignes 8c les allées qui
en partent. Dans l’un on peut roder une journée
entière, & découvrir, à tout moment quelque chofe
. de nouveau ; mais après avoir bien couru, il ne
vous refte que l’idée confufe du total. Dans l’autre,
l’oeil embraffé toute la perfpe&ive, & vous en donne
une idée fi exaéte, qu’il n’eft pas facile d’en perdre
le fouvenir.
Le manque de méthode n’eft pardonnable que dans
les hommes d’un grand favoir ou d’un beau génie,
qui d’ordinaire abondent tfop en penfées pour être
exa&s, 5c qui, à caufe de cela même, aiment mieux
.jetter leurs perles à pleines mains devant un ledeur,
que de fe donner la peine de les enfiler.
La méthode eft avantageufe dans un ouvrage, &
pour l’écrivain 8c pour fon le&eur. A l’égard du premier
, elle eft d’un grand fecours à fon invention.
Lorfqu’un homme a formé le plan de fon difeours,
il trouve quantité de penfées qui naiffent de chacun
de fes points capitaux , 8c qui ne s’étoient pas offertes
a fon efprit, lorfqu’il n’avoit jamais examiné
fon fujet qu’en gros. D’ailleurs, fes penfées mifes
danstout leur jour & dans un ordre naturel, les unes
à la fuite des autres , en deviennent plus intelligibles
, & découvrent mieux le but où elles tendent,
que jettées fur le papier fans ordre 8c fans liaifon.
Il y a toujours de l’obfcurité dans la confufion ; 6c
la même période qui, placée dans un endroit, auroit
fer via éclairer l’efprit du ledeur, l’embarraffelorf-
qu’elle eft mife dans un autre.
Il en eft à-peu-près des penfées dans un difeours
méthodique , comme des figures d’un tableau, qui
reçoivent de nouvelles grâces par la fituation où
elles fe trouvent. En un mot, les avantages qui reviennent
d’un tel difeours au le&eur, répondent à
ceux que l’écrivain en retire. Il conçoit aifement
chaque chofe, il y obferve tout avec plaifir , 6c
l’impreffion en eft de longue durée.
Mais quelques louanges que nous donnions à la
méthode , nous n’approuvons pas ces auteurs, &
fur-tout ces orateurs méthodiques à l’excès, qui dès
l’entrée d’un difeours, n’oublient jamais d’en expo-
fer l’ordre, la fymmetrie, les divifions 6c les fous-di-
vifions. On doit éviter, dit Quintilien, un partage
trop détaillé. Il en réfulte un compofé de pièces 8c
de morceaux, plutôt que de membres 8c de parties.
Pour faire parade d’un efprit fécond , on fe jette
dans la fuperfluité , on multiplie ce qui eft unique
par la nature , on donne dans un appareil inutile ,
plus propre à brouiller les idées qu’à y répandre de
la lumière. L’arrangement doit fe faire fentir à me-,
fure que le difeours avance. Si l’ordre y eft regu-;
lierement obfervé , il n’échappera point aux per-
fonnës intelligentes.
Les favans de Rome 6c d’Athènes , ces grands
modèles dans toits les genres , ne manquoient certainement
pas de piéthode, comme il paroît par une
ledure réfléchie de ceux de leurs ouvrages qui font
venus jufqu’à nous ; cependant ils n’entroient point
en madere par une analyfe détaillée du fujet qu’ils
alloient traiter. Ils auraient cru acheter trop cher
quelques degrés de clarté de plus, s’ils avoient été
obligés de facrifier à cet avantage , les fineffes de
l’art, toujours d’autant plus eftimable, qu’il eft plus
caché. Suivant ce principe , loin d’étaler avec em-
phafe l’économie de leurs difeours, ils s’étudioient
plutôt à en rendre le fil comme imperceptible, tant
la matière de leurs écrits étoit ingénieufement distribuée
, les differentes parties bien afforties enfem-
ble, 6c les liaifons habilement ménagées : ils dégui-
foient encore leur méthode par la forme qu’ils don-
noient à leurs ouvrages ; c’étoit tantôt le ftyle épif-
tolaire, plus fouvent l’ufage du dialogue , quelquefois
la fable 6c l’allégorie. Il faut convenir à la gloire
de quelques modernes , qu”ils ont imité avec beaucoup
de fuccès, ces tours ingénieux des anciens, 8c
cette habileté délicate à conduire un lefteur où l’on
veut, fans qu’il s’apperçoive prefque de la route
qu’on lui fait tenir. (Le chevalier d e Jau c o u r t .)
Méthode c u r a t iv e , (;Médecine) ou traitement
méthodique des maladies ; c’eft-là l’objet précis
d’une des cinq parties.de la Médecine ; favoir de la
Thérapeutique. ^byeçTHERAPEÙTiQUE. i
M É T H O D IQ U E . Onappelloit ainfi unefede
d’anciens médecins, qui récluifoient toute la Médecineàun
petit nombre de principes communs. Voyc{
Médecins.
Les Méthodiques avoient pour chef Theflalus ,
d’où leur vint le nom de Thejfalici. Galien combat
leur dodrine avec force dans plufieurs de fes écrits,
8c foutient qu’elle détruit entièrement ce qu’il y a
de bon dans cet art.
Quincy donne mal-à-propos, le nom de Méthodiques
aux Médecins qui fuivent la dodrine de Galien
6c des écoles, 8c qui guériffent avec des purgations
6c des faignées faites à propos, par oppofi-
tion aux Empiriques 6C aux Chymiftes , qui ufent
de remedes violens 6c de prétendus fecrets. Voyeç
Em p ir iq u e , C h ym is t e , &c.
Méthod iqu es, adj. (Hift. de la Médec.) c’eft
le nom d’une fede fameufe d’anciens médecins, qui
eut pour chef Thémifon de Laodicée, lequel vi-
voit avant 6c fous le régné d’Augufte : il eft regardé
comme le fondateur du fyftème des Métho-
dijles, dont Celfe donne une fi haute idée.
Ce fut la diverfité d’opinions quirégna fi long-tems
entre les deux plus anciennes fedes de la Médecine,
favoir les Dogmatiques 8c les Empiriques, avec les
innovations faites dans cet art par Afclépiade entièrement
oppofé à ces deux fedes, qui en fit éclore
une nouvelle appellée Méthodique, par rapport à
fon but qui étoit d’étendre la méthode, de connoître
6c de traiter les maladies , plus aifée dans
la pratique, 8c de la mettre à la portée de tout le
monde.
Les Méthodiftes formoient la fede la plus ancienne
des médecins organiques quia fait le plus de
progrès, 6c qui a le plus Amplifié 6c généralifé les
maladies organiques : ils faifoient confifter les maladies
flans le rejferrement 8c le relâchement des fo-
lides (Jlri&um, laxum) 8c dans le mélange de ces
deux vices (mixtum)<Jlls penfoient qu’on ne pou-
voit guere acquérir de connoiflànces fur les caufes
des maladies, 6c qu’on pouvoit moins encore en
tirer des indications. En effet, ils ne les tiroient
que des maladies mêmes, telles qu’ils les conce-
voient 8c qu’elles pouvoient tomber fous les fens :
en quoi ils différaient des médecins dogmatiques
ou philofophes, qui raifonnoient fur les caufes invi-
fibles, 8c qui croyoient y appercevoir les indications
qu’on avoit à remplir : ils nè différaient pas
moins aufli à cet égard, des médecins empiriques
qui ne tiroient les indications que des fymptomes
ou des accidens qu’ils obfervoient dans les maladies.
Ils étoient, ainfi que les Empiriques, très-exads
dans la defeription des maladies, 6c ils fuivoient
Hippocrate dans la diftindion des maladies aiguè’s
8c des maladies chroniques, 6c dans le partage de
leur cours : favoir le commencement, le progrès,
l’état 6c le déclin ; ils regardoient même ces dif-
tindions comme, ce qu’il y avoit de plus important
dans la Médecine, réglant le traitement des
maladies, fuivant le genre de leur maladie (c’eft-à-
dire, l’une des trois mentionnées ci-devant), quelle
qu’en fût la caufe, dont ils fe mettoient peu en
peine. Ils obfervoient quelle partie fouffroit davantage,
l’âge, le fexe du malade, ce qui avoit rapport
à la nature du pays qu’il habitoit 8c à la
faifon de l’année, &c. lorfque la maladie avoit
commencé, 6c tout cela fans avoir aucun recours
à la Philofophie ou à l’Anatomie raifonnéë.
Ils.s’accordoient avec les Empiriques, en ce
qu’ils rejettoient comme eux tout ce qui étoit ôbf-
cur ; 8c avec les Dogmatiques, en ce qu’ils admet-
toient cependant un peu de raifonnemënt flans
leur pratique pour établir l’idée du vice dominant,
pourvu que le raifonfi'ement fût “fondé fur, quelque
chofe de fenfible. C’ëft pourquoi ils ne fflfoient
aucun cas des pores, des corpufeuïes d’Afclepiade
dont la do&rine n’etoit qu’imaginaire, f^oye^ Empir
iq u e , D o gm a t iq u e , Mo l é cu l e , Pore.
Avec tout leur bon fens, ils étoient dans une
grande erreur, lorfqu’ils négligeoient les obfer-
vations particulières, étant uniquement attachés
aux maximes générales , 6c ne confidérant dans les
maladies, que ce qu’elles avoient de commun entre
elles. Car les rapports généraux dans les maladies
ne font pas plus l’objet du médecin,' que
ce qui s’y remarque de particulier en certain cas;
6c ces particularités ne méritent pas moins d’attention
de fa part, puifqu’il eft abfolument néceffaire
de connoître l’efpece particulière de chaque maladie.
C ’eft ce que Galien a bien fait fentir , cap. iij.
lib. I I I . acutorum, au fujet d’une morfurè de chien
enragé. Si une telle plaie eft traitée comme les
plaies ordinaires, il eft indubitable que le malade
deviendra bientôt hydrophobe 6c furieux; mais
étant traité comme ayant reçu cette plaie de la
morfure d’un chien enragé, il peut être guéri.
Cependant les Méthodiftes s’appliquoiënt fort
foigneufèment aux deferiptions des maladies 8c à
la recherche de leurs lignes diagnoftiques ; mais ce
n’étoit que pour les rapporter félon qu’ils en ju-
geoient par ces lignes, ou au reflerrement où au
relâchement, ou à l’un 6c à l’autre enfemble : car
lorfque les différentes efpeces de maladies étoient
une fois fixées à devoir être regardées décidément
comme un effet d’un de ces trois genres de lé-
fion, elles ne leur paroiffoient plus exiger aucune
autre attention particulière dans la pratique : leur
cure fe rapportoit tout Amplement à la caufe générale.
Ainfi on peut juger de-Ià combien cette feéle de
médecins a été pernicieufe à l’avancement de la
Médecine : il faut convenir Cependant que c’eft elle
qui a fait naître l’idée dés maladîe'S organiques, 8c
qu’effe&ivement la doftrine de ces médecins ren-
fërmoit confufément quelque réalité que l’on pourrait
trouver dans l’irritabilité 8c dans la fenfibilité
des parties folides de tous les animaux : mais ce
n’eft que d’une maniéré trop générale, bien obfi
cure & bien défeâueufe que l’on peut entrevoir
cette idée dans la doéirine des Méthodiftes. Il né
faut jamais féparer, comme ils ont fait, la laxité
& la rigidité' des folidës de leur a&ion organique ;
car ces vices produifent des effets fort différens , fi
cette aftion eft vigoureufe, ou fi elle eft débile,
ou fi elle eft fpafmodique. C ’eft principalement par
la connoiffance de la puiffance a&ive des folides
que l’on peut juger de leur état dans la Tante 8c
dans la maladie.
Il n’y avoit pas plus de cinquante ans que Thémifon
avoit établi la fe&e méthodique, lorfque Thefi-
Talus de Tralle en Lydie , parut avec éclat fous
Néron. Il fut le premier qui étendit le fyftèmë des
Méthodiftes, 8c il paffa pour l’avoir porté à fa per-
feftion ; il ën étoit même regardé comme le fondateur,
à en juger par ce qu’il dit de lui-même.
Son imprudence étant fi grande, félon Galien,
meth. tnedend. lib. I . qu’il difoit fouvent que fes
prédécèffeûrs n’avoient rien entendu, non plus
que tous les médecins de fon tems, dans ce qui
concernoit la confervation de la fanté 8c la gué-
rifon des maladies. Il prête ridôit avoir tellement
Amplifié l’art de la Médecine par fa méthode, qu’il
difoit quelquefois qü’il n’y avoit perfonne à qui il
ne pût aifément enfeigner en fix mois toutes les
Connôiffances 8c les réglés de cët art.
Theffalus fut le premier qui introduifit, ou plutôt
qui rétablit (car on prétend qu’Afclépiade eft
auteur de cette pratique) les trois jours d’abfti