oie j jamais peuplé n’eut, plus befoin des fuperche^'
ries de Féioquence (pie celui-là.
Les puiffances .modernes étalent à leurtour , dans
leurs écrits'publics, tous les artifices de la.rhétorique
,.& tout ce qu’elle a d’adreffe, pour.expofer là',
jufticejdes caufes qui leur font prendre les armes,.
6c les' torts qu’ils prétendent avoir reçus/
Un motif de politique a rendu néceflaires ces *
mftftcs , dans la .fituation oif font à l’égard des uns
des autres les princes de l’Europe, liés enfemble
par la religion, par le fang, par des alliances, paf:
des ligués offenfives Sc défenfives. Il eft de la prudence
du prince qui déclareda guerre à un autre,
de ne pas, s’attirer en même tems fur les bras tous
les allies de .celui, qu’il attaque: c’ell en partie pour
détourner cet inconvénient qu’on fait aujourd’hui
des, maniféftcs , qui renferment quelquefois la raifon
qui a détermine le prince à commencer, la guerre:
fans la déclarer. .
Ce n’eft pas cependant fur ces fortes de pièces
qu’ils fondent le plus le fuccès de leurs armes, c’eft
fur leurs préparatifs, leurs forces, leurs alliances &
leurs négociations. Ils pourraient tous s’exprimer
comme fit un préteur latin dans une affemblée où
l’on délibérait ce qu’on répondrait aux Romains,
qui fur des foupçons de révolte, avqient mandé les
magiftrats du Latium. « Meilleurs, d it-il, il me fem-
» ble que dans la conjoncture préfente nous devons
» moins nous embarraffer de ce que nous avons à
» dire que de ce que nous avons à faire ; car quand
» nous aurons bien pris notre parti, & bien concerté
» nosmefures, il ne fera pas difficile d’y ajufter des
» paroles». (D .J .') r>
Ma n i f e s t e , f. m. ( Comm. ) eft le nom que
les François,- Anglois , Hollandois donnent, dans les
échelles du Levant, à ce que nous nommons autrement
une déclaration.
Les reglemens de la nation angloife portent que
les écrivains des vaiffeaux feront tenus de remettre
des manifeftes fideles de leurs chargemens, à peine
d’être punis comme contrebandiers, & chafles du
fervice. Ceux de la nation hollandoife ordonnent
aux capitaines,pilotes, & écrivains de remettre leurs
manifcjles au trél'orier, tant à leur arrivée qu’avant
leur départ, & d’affurer par ferment qu’ils font fideles,
à peine de mille écus d’amande , & d’être privés
de leur emploi.
Ces manifefies font envoyés tous les ans par le
tréforier des échelles, aux dire&eurs du Levant établis
à Amfterdam, pour fervir à l’examen de fon
compte. Di3. de commerce. (G)
MANIFESTAIRES, f. m. ( Théolog.') hérétiques
de Pruffe, qui* fuivoient les impiétés des Anabati-
ftes, 8c croyoient que c’étoit un crime de nier leur
dottrine, lorfqu’ils étoient interrogés. Prateole.
Voyer Manifefl. Gantier Cron.fac. I. X V I I . c. Ixxvij.
MANIGUETTE ou M ELEGUETTE, f. m. (Hifi.
nat. des Epiceries. ) graine étrangère nommée mani-
guetta ou meleguetta dans les boutiques ; par Cordus
cardamomumpiperatum, & par Geoffroy cardamomum
majus 9femine piperato.
Le maniguette eft une graine luifante, anguleufe,
plus petite que le poivre, rouffe ou brune à fa fu-
perficie, blanche en-dedans, âcre, brûlante comme
le poivre 8c le gingembre, dont elle a femblable-
ment l’odeur. On nous en apporte en grande quantité
. & on s’en fert à la place du poivre pour affai-
fonner les mets. Quelquefois on fubftitue cette graine
au cardamome dans les compofitions pharmaceutiques.
Elle naît dans l’Afrique, dans l’île de Madagaf-
car & dans les Indes orientales, d’où les Hollandois
nous l’apportent ; mais perfonne jufqu’à ce jour n’a
pris la peine de nous décrire la plante. On eft avide
de gagner de l’argent 3 8c fort peu de l’avancement
de la Botanique,
Je fais bien que Matthiole prétend que la'meleguetti
ou maniguette e& la graine dur'grand cardamdm'e ;
mais y premièrement , de goût1 du grand cardamome
eft doux, très-agréable^ ne brûle pas la langue
fecondement, .quand cela ferait, nous n’en ferions-
pas plus avancés, car nous ignorons quelle eft. la
plante qui produit le grand cardamome : on en con-
noît le fruit 8c rien de plus ; (ü?. ƒ .) t
MANILLE, f. f. terme de jeu. Au jeu de quadrille
c’eft lafeconde & la plus haute carte après efpadille:
c’eft. le deux en couleur noire, & le fepten couleur
rouge.
Manille à la comete, neuf de carreau que Fon fait
valoir pour telle carte qu’on v eu t , pour ro i, pour
dame, valet 8c d ix, 8c ainfi des autres cartes inférieures.
Il y a de l’habileté à faire valoir cette carte
à-propos.
Manille , ( Géogr. ) ville forte des Indes, capitale
de l’île de Luçon, 8c la feule ville de cette î le ,
avec un bon château , un havre magnifique, & un
archevêché. On y jouit prefque toujours d’un équinoxe
perpétuel, car la longueur des jours ne différé
pas de celle des nuits d’une heure pendant' toute
l’année, mais la chaleur y eft exceffive.
Cette v ille , qui appartient aux Efpagnols , eft fi-
tuée au pié d’une file de montagnes fur le bord oriental
de la baie de Luçon. Les maifons y font prefque
toutes de bois , à caufe, des tremblemens de terre.
On y compte environ trois mille habitans, tous nés
de l’union d’efpagnols, d’indiens , de chinois, de
malabares, de noirs 8c d’autres.
• Les femmes de diftinâion s’habillent à l’efpagnole,'
& elles font rares ; toutes les autres n’ont pas befoin
de tailleurs : elles s’attachent de la ceinture en bas
un morceau de toile peinte qui leur fert de jupe,
tandis qu’un morceau de la même toile leur fert de
manteau. La grande chaleur du pays les difpenfe de
porter des bas 8c des fouliers.
On permet aux Portugais de négocier à Manille $
mais les Chinois y font la plus grande partie du commerce.
Long, félon Lieutaud, 13 J . â i1. 3 0". latit.
14.3 0. Selon les Efpagnols long. 138.5$ '. 4S". lat.
14. 16.
Manille , île, ( Glog. j voyeç Luçon.
Man ill es , îles, ( Géogr. ) Philippines^
MANIMI, ( Géog. anc. ) ancien peuple de la Germanie
, félon Tac ite, qui le regarde comme faifant
partie de la nation des Lygiens, fans nous en marquer
le pays ; mais les modernes fe font égayés à
lui en chercher un dans la baffe Autriche 8c ailleurs.
(D .J . )
MANIOC oa MAGNIOC, f. m. ( Botan. ) plante
dont la racine préparée tient lieu de pain à la plû-
part des peuples qui habitent les pays chauds de l’Amérique.
Le manioc vient ordinairement de bouture ; il
pouffe une tige ligneufe, tendre, caftante , partar
gée en plufieurs branches tortueufes, longues de
cinq à fix piés, paroiffant remplies de noeuds ou petites
éminences qui marquent les places qu’occu-
poient les premières feuilles , dont la plante s’eft
dépouillée à mefure qu’elle a acquis .de la hauteur.
Ses feuilles font d’un verd brun , affez grandes, découpées
profondément en maniéré de rayons, 8c
attachées à de longues queues.
L’écorce du manioc eft mince , d’une couleur ou
grile ou rougeâtre, tirant fifr le violet, & la pellicule
qui couvre les racines participe de cette couleur félon
l’efpece, quoique l’intérieur en foit toujours extrêmement
blanc 8c rempli de fuc laiteux fort abondant,
plus blanc que le lait d’amande, 8c fi dangereux avant
d’être cuit, que les hommes 8c les animaux* ont en
plufieurs fois éprouvé des effets funeftes, quoique
ce fuc ne paroiffe ni acide ni corrofif. Les racines du
manioc font communément plus groffes que des betteraves
: elles viennent prefque toujours trais ou
quatre attachées enfemble ; il s’en trouve des efpe-
ces quimûriffent en fept ou huit mois de tems, mais
la meilleure , 8c celle dont on fait le plus d’ufage,
demeure ordinairement 15 ou 18 mois en terre avant
de parvenir à une parfaite maturité : pour lors avec
un peu d’effort on ébranlefgs .tiges ; 8c les racines
étant peu adhérentes à la tenjè,. elles s’en détachent
fort aifément.
~ .Préparation des racines pour en faire foit de la caffa-
y e , ou de la farine de manioc,. Les racines, après avoir
etc féparées des tiges,* font trânfportées fous un an-
gard, où l’on a foin de les bien ratifier 8c de les laver
en grande eau pour en enlever toutes les malpropretés
, 8c les mettre en état d’être gragées, c’eft-à-dire
râpées fur des grages ou groffes râpes de cuivre
rouge courbées en demùcylindre, longues & larges
de 18 à 20 pouces , 8c attachées fur des. planches
de trois piés 8c demi de longueur , dont le bout d’en
bas.fepofe dans un auge de bois , 8c l’autre s’appuie
contre l’eftomac de celui qui grage,, lequel à
force de bras réduit les racines en une rapure grof-
'fiere 8c fort humide, dont il faut extraire le fuc auparavant
de la faire cuire. Pour cet effet on en remplit
des facs tiffus d’écorce de latanier, on arrange
çesfaçs les uns fur les autres, ayant foin de mettre
des bouts de planches entre deux, enfuite de quoi on
les place fous une preffe compofée d’une longue 8c
forte piece de bois fituée horiîbntalement., 8c difpo-
fée en bras de levier, dont l’une, des extrémités doit
être paflee dans un trou fait au tronc d’un gros arbre
: on charge l’autre extrémité avec de groffes
pierres ; & toute la piece portant en-travers fur la
planche qui couvre le plus élevé des facs, il eft aifé
cl’en concevoir l’effet : c’eft la façon la plus Ordinaire
de preffer le manioc. On emploie quelquefois au lieu
de facs , qui s’ufent en peu de tems, de grandes 8c
fortes caiffes de bois percées de plufieurs trous de
tarriere, ayant chacune un couvercle qui entre librement
en dedans des bords : on charge ce couvercle
de quelques bouts de foliveaux , par-deffus lel-
quels on fait paffer le bras du levier, comme on l’a
dit en parlant des facs.
_ Les Caraïbes ou Sauvages des Ifles ont une invention
fort ingénieufe, mais qui ne pouvant fervir que
pour exprimer le fuc d’une médiocre quantité de
manioc, il paraît inutile de répéter ici ce que l’on a
dit à Particle COULEUVRE.
Après dix ou douze heures de preffe , la rapure
du manioc étant fuffifamment dégagée de fon fuc fu-
perflu, on la paffe au-travers d’un hébichet, efpece
de crible un peu gros, 8c on la porte dans la caze ou
lieu deftiné à la faire cuire, pour en fabriquer foit
de. la caffave, ou de la farine de manioc.,
Maniéré de faire la caffave. Il faut avoir une platine
de fer coulé, ronde, bien unie, ayant à-peu-près
deux piés 8c demi de diamètre, épaiffe de fix à fept
lignes, & élevée fur quatre piés, entre lefquels on
allume du feu. Lorfque la platine commence à s’échauffer,
on répand fur toute fa furface environ
deux doigts d’épaiffeur de la fufdite rapure paffée
au crible , ayant foin de l’étendre bien également
par-tout, & de l’applatir avec un large couteau de
bois en forme de fpatule. On laiffe cuire le tout fans
le remuer aucunement, afin que les parties de la
rapure, au moyen de l’humidité qu’elles contiennent
encore, puiffent s’attacher les unes aux autres pour
ne former cpi’un feui corps , qui diminue confidéra-
blement d’epaiffeur en cuifant. Il faut avoir foin de
le retourner fur la platine, étant effentiel de donner
aux deux furfaces un égal degré de cuiffon : c’eft
alors que cette efpece de galette ayant la figure d’ui\
large croquet, s’appelle caffave. On la met refroidir
à ljair , où elle achevé de prendre une cônfiftance
feche , ferme 8c aifée, à rompre par morceaux.
■ Les Caraïbes^ font leur caffave beaucoup plus
épaiffe que la nôtre, elle paraît aufli plus blanche ,
étant moins riffolée ; mais elle ne fe conferve pas fi
Iong-tcms. Avant que l’ufage,des platines fût introduit
parmi ces fauvages, ils fe fervoient de grande*
pierres plates peu épaiffes, fous lefquels ils allu-
moient du feu & faifoient cuire ainfi lepr caffave. ,
Maniere.de faire la farine de tfianioc. Elle ne.diffère
de la câffavè qu’en ce que les parties de la rapure
dont il, a été parlé ne font point liées les unes aux
autres, mais toutes féparées par petits grumeaux qui
reffemblent à de la chapelure de pain, ou plûtôt à du
bifeu^t de mer groffierement pilé.
Pour faire à-la-fois une grande quantité de farine,
on fe fert d’une poêle de cuivre à fond p lat, d’environ
quatre piés de diamètre, profonde de fept à huit
pouces, & fcellée contre le mur de la caze dans une
maçonnerie en pierre de taille ou en brique , for-,,
mant un fourneau peu é le v é , dont la bouche du
foyer doit être en-dehors du mur. La poêle étant
echauffee , on y jette la rapure du manioc, & fans
perdre de tems on la remue en tous fens avec un rabot
de bois fembjable à ceux dont fe fervent les maçons
pour corroyer leur mortier. Parce mouvement
continuel on empêcheUes parties de la rapure de
s’attacher les unes aux autres ; elles perdent leur
humidité 8c cuifent également. C’eft à l’odeur favou-
reufe 8c à la couleur un peu rouffâtre qu’on juge fi
la cuiffon eft exaâe : -pour lors on retire la farine
avec une pelle de bois ,-on l’étend fur des napes de
groffe toile, 8c lorfqu’elle eft refroidie on l’enferme
dans des barils , où elle fe conferve long-tems.
Quoique la farine de manioct ainfi que la caffave,1
puiffent être mangées feches & fansautre prépara-,
tion que ce qui a été dit , il eft cependant d’ufage
de les humeéler avec un peu d’eau fraîche ou avec
du bpuillon clair, foit de viande ou de poiffon : ces
fubftances fe renflent confidérablement, & font une
fi excellente nourriture dans les pays chauds , que
ceux qui y font accoutumés la préfèrent au meilleur
pain de froment. J’en ai par-devers moi l’expérience
de plufieurs années.
Par l’édit du roi , nommé le code noir, donné à
Verfailles au mois de Mars 1685, il eft expreffément
ordonné aux habitans des îles françoifes de fournir
pour la nourriture de chacun de leurs efclaves âgé
au-moins de dix ans , la quantité de deux pots 8c
demi de farine de manioc par femaine , le pot contenant
deux pintes ; ou bien au défaut de farine, trois
caffaves pefant chacune deux livres 8c demie.
L’eau exprimée du manioc, ou le fuc dangereux,
dont il a été parlé ci-deffus , s’emploie à plufieurs.
chofes. Les fauvages en mettent dans leurs fauces ;
& après l’avoir fait bouillir, ils en ufent journellement
fans en reffentir aucune incommodité, ce qui
prouve que ce fuc, par une fort ébullition, perd fa
qualité malfaifante.
Si l’on reçoit l’eau de manioc dans des vafes pro-,
près, & qu’on la laiffe repofer, elle s’éclaircit ; la
fécule blanche s’enfépare & fe précipite d’elle-même
au fond des vafes. On décante comme inutile l’eau
qui l’urnage , 8c l ’on verfe fur la fécule une fuffifante
quantité d’eau commune pour la bien laver : on lui
donne encore le tems de fe précipiter, on décante
de nouveau ; 8c après avoir réitéré cette manoeuvre
pendant cinq ou fix fois , on laiffe fécher la fécule.
à l’ombre. Cette fubftance s’appelle mouchache, mot
efpagnol qui veut dire enfant ou petit , comme qui
dirait le petit du manioc.
La mouchache eft d’une extrême blancheur, d’un
grain fin , faifant un petit craquement lorfqu’elle eft
frcâffée entre les doigts, à-peu-près comme fait l’a-.