Les Stoïciens affeftoient trop d’apprêts pour ce
dernier moment. Ils uloient de trop de confolations
pour adoucir la perte de la vie. Tant de remedes
contre la crainte de la mort contribuent à la redoubler
dans notre ame. Quand on appelle la vie une continuelle
préparation à la mort, on a lieu de croire qu’il
s’agit d’un ennemi bien redoutable , puisqu’on conseille
de s’armer de toutes pieces ; & cependant cet
ennemi n’eft rien. Pourquoi' l’appréhender fi vivement
? enfin, pourquoi craindre la mort, quand on a
affez bien vécu pour n’en pas craindre les fuites ?
Je fai que la mortalité
Du genre humain efi Vappanage.'.
Pourquoi donc ferois-je excepté ?
La vie ne f i qu’un pèlerinage !
De fon cours la rapidité
Loin de m'allarmer, me foulage ;
| Sa fin , lorfquef tn envifage
L ’infaillible nèceffiti ,
Ne peut ébranler mon courage.
Brûle[ de l'or empaqueté,
Un en périt que 1'emballage ,
C efl tout : un f i Léger dommage
Devroit-il être regretté ? ( D . J. )
Mort l e , ( Critiq.facrèe. ) il eft dit dans le Deutéronome,
chap. xiv. ÿ . /. «vous ne vous ferez
» point d’incifion, & vous ne vous raferez point
» toute la tête pour le mort ». Ce mort efl Adonis,
parce que dans fa fête, on pratiquoit toutes ces cho-
fes. Il eft parlé de la fête d’Adonis dans Ezéchièl,
viij. 14. Au refte, les Juifs avoient l’idée fuperfti-
tieufe, que tous ceux qui fe trouvoient dans la mai-'
fon oh il y avoit un mort, ou qui touchoient au
cadavre, étoient fouillés & obligés de fe purifier,
comme il paroît par faint Luc , xxij. 4. ( D. J. )
Mort , ( Mythol. ) les anciens ont fait de la mort
une divinité fille de la Nuit ; ils lui donnent pour
frere le Sommeil éternel, dont le fommeil des vi-
vans n’eft qu’une foible image. Paufanias parle d’une
ftatue de la Nuit, qui tenoit entre fes brasfes deux
enfans , le Sommeil & la Mon; l’un qui y dort profondément
, & l’autre qui fait femblant de dormir.
On peignoir la Mort comme un fquelette, avec
'une faux & des griffes : on l’habilloit d’une robe fe-
mée d’étoiles, de couleur noire avec des ailes noires.
Mors atris circumvolat alls , dit Horace.
On lui facrifioit un co q , quoiqu’on la regardât
comme la plus impitoyable des divinités; c’eft ce
qui fait dire à Malherbe,
La Mort a des rigueurs d nulle autre pareilles.
On a beau la prier,
La cruelle quelle efl fe bouche les oreilles ,
Et nous iaiffe crier.
Les Phéniciens lui bâtirent un temple dans l’île
de Gadira , qui ne fubfifta pas long-tems ; mais il
n’en fera pas de même de celui du duc de Buckingham
, dont le génie de la Poéfie a fait les frais : le
yoici.
Temple o f Death.
In thofe cold climates , where the fun appears
Unwillingly , aud hides his face in tears ;
A dreadful V 2lé lies in a dejert ifle ,
On which indulgent Heav'n did never fmild.
There a thick grove o f age'd Cypres'f trees ,
Which none without an awful horror fees,
Into its withr'd arms depriv'd o f Leaves,
Whole flocks o f ill-prefaging birds , receives :
Poifons are all the plants the foil will bears. ’
And winter is the only feafon there. ,
Millions o f graves cover the fpacious field ,
And fprings o f blood a thoufand rivers yield ,
Whofe fir earns opprefs'd with car caffes and bones ,
Infiead o f gentle murmurs, pour forth groans £
Within this Fait, a famous temple fiands
Old as the world it f e lf wich it commands z
Round is its figure , and four iron Gates
Divide Mankind. By order o f the fates ,
There comein crowds, doom'd to one common grave g
The young, the old y the monarch, and the flave.
Old age and pains which mankind mofl deplores g
Are faithful keepers o f thofe facred doors :
A ll clad in mournful blacks , which alfo load
The facred walls o f this obfcure abode ;
And tapers o f a pitchy fubfiance made,
With clouds o f fmoak, encreafe the difmal shadei
A Monfier void o f reafon , and o f fight ,
The Goddefs who fways this realm o f night,
Her power extends o' er all things that have breath »
A cruel tyrant, and her name is Death.
( A / . )
Mort , f. m. ( Médecine. ) la mort uniquement
confidérée fous le point de vue qui nous concerne,
ne doit être regardée que comme une ceffation entière
des fondions vitales, & par conféquent comme
l’état le plus grave, le plus contre-nature, dans
lequel le corps puiffe fe trouver, comme le dernier
période des maladies ; & enfin comme le plus haut
degré de fyncope. En i’envifâgeant fous cet afped,
nous allons tâcher d’en détailler les phénomènes»
les caufes, les lignes diagnoftics & prognoftics, &£
d’expofer la méthode curative qui eft couronnée par
le luccès le plus confiant, 61 qui eft la plus appropriée
dans les différens genres de mort. La fépanitioiï
de l’ame d’avec le corps, myftere peut-être plus in-
compréhenfible que fon union, eft un dogme théologique
certifié par la Religion, & par conféquent
inconteftable ; mais nullement conforme aux lumières
de la railon, ni appuyé (ur aucune observation
de Médecine. Ainfi nous n’en ferons aucune mention
dans cet article purement médicinal, où nous
nous bornerons à décrire les chângemens qui arrivent
au corps , & qui feuls tombent fous les fens,
peuvent être apperçus par les médecins artiftes fen-,
fuels, fenfuales artifices.
Symptômes. On neconnoîtla mort que par oppo-
fition à la vie , de même que le repos fe manifefte
par fon contrafte dired avec le mouvement ; les
principauxfymptomes fe tirent del'inexercice delà
circulation &de la relpiration ; ainfi dès qu’un homme
eft mort, on cherche en vain le pouls dans les dif-.
férentes parties où lesarteres font fupeficielles ; elles
font dans une immobilité parfaite. Le mouvement
de la poitrine inléparable de celui des poumons , efl:
totalement anéanti ; toutes les excrétions font fuf-
pendues ; la chaleur eft perdue ; les membres font
froids, roides, inflexibles ; les fens font dans l’in-
adion ; il ne refte aucun veftige de fentiment ; une
pâleur livide occupe le vifage; les yeux font fans
force, fans éclat,recouverts d’écailies, &c. Jufque-
là le cadavre ne différé de l’homme vivant, que par
le défaut de mouvement : les différens organes encore
dans leur entier peuvent être ranimés ; ils côn-
fei vent pendant quelque tems une aptirude à renou-
veller-les mouvemens auxquels ils étoient deftinés.
Ils relient dans cet état jufqu’à ce que la putréfaction
plus ou moins prompte , détruife leur tiffu
rompe l’union des molécules organiques qui le»
compofent, & mefte par-là un obftacle invincible
au retour de la vie. Lorfque la corruption commence
à gagner, le corps devient fuccdfivement bleuâtre,
livide, noir; il exhaletme odeur infoutenable,
particulière , qu’on nomme cadavéreafe ; bien tôt
après les vers y éçlofent ; les différentes parties fe
défuniffent, perdent leur lien, leur figure, & leur
cohéfion ; les-molécules dégagées fpnt volatiles, s’é-
!'|
vàporeht ; & enfin, après leur difiïpatiOh il né refte
aucun veftige d’homme. 11 me paroît qu’on pourroit
diftinguer dans la mort deux états bien différens, &
établir en conféquefice deux efpeces ou deux degrés
remarquables de mort. J’appellerai le premier degré
mort imparfaite, ou fufceptible de fecours, qui comprendra
tout ce tems où il n’y a qu’un fimple inexen-
vice des fondions vitales, & où les organes, inftru-
mens de ces fondions, font encore propres à recommencer
leur jeu. Le fécond degré le complément
de la mort imparfaite, fera connu fous le nom
de mort abfolue, irrévocablement décidée. Il eft ca-
radérifé non-feulement par la ceffation des mouve-
mens, mais encore par un état des organes tels qu’ils
font dans une impoflibilité phyfique de les renou-
veller ; ce qtii arrive le plus fôuvent par leur de-
ftrudion opérée par la putréfadion , ou par des
moyens méchaniques, quelquefois auflï par un def-
féchement confidéràble, ouvrage de l’art ou de la
nature. Le tems qui fe paffe entre la mort imparfaite^
& la mort abfolue -, eft indéterminé ; il varie fuivant
les caufes, les fujets, les accidens, lesfaifons, &c.
En général, l ’intervalle eft plus long dans ceux qui
meurent fubitement ou de mort violente » que dans
ceux où la mort eft l’effet d’une maladie, ou de la
vieilleffe ; dans les enfans que dans les adultes, dans
l’hiver que dans l’été , fous l’eau que dans un air lib
re , &c. La diftindion que je viens d’établir, eft
fondée fur un grand nombre de faits par lefquels il
confte évidemment que des perfonnes ont refté pendant
affez long*-tems dans cet état que nous avons
appellé mort imparfaite, &£ qui après cela, ou par
de^ fecours appropriés , ou d’elles-mêmes, font revenues
à la vie. De ce nombre font les morts volontaires
ou extatiques ; quelques hiftoriens affurent
avoir vû des perfonnes qui par le feul ade de la volonté
, fufpendoient chez eux tous les mouvemens
vitaux, & reftoient pendant un certain tems fans
pouls, fans refpiration, roides, glacées, & après
cela reprenoient d’elles-mêmes l’exercice des fens.
Cheyne auteur connu, digne de fo i, raconte qu’il
a été témoin oculaire d’un femblable fait, & que la
mort lui paroiffoit fi bien décidée, qu’il avoit déjà
pris le parti de fe retirer ; cependant l’extafe finit,
la mortceffa, le pouls & la refpiration revinrent par
degrés. Il y a des gens qui réitèrent fouvent pour fa-
tisfaire les curieux ces morts imparfaites. On dit que
les Lapons fur-tout excellent dans ce métier ; on en
a cependant vu quelquefois mourir tout-à-fait vidi-
mes de ces dangereuîes tentatives, de même qu’un
anglois qui pouvoit fufpendre avec la main le mouvement
de fon coeur ; il mourut enfin ayant pouffé
trop loin cette expérience. Le traité important,
quoique mal digéré, que M. Bruhier médecin a
donné fur l'incertitude des Jignes de la mort, contient
un recueil intérefîant & curieux d’obfervacions ,
qu’il a pris la peine de raffembler & d’extraire de
différens auteurs, qui prouvent que des morts mis
fur la paille, dans la biere, & dans le tombeau
même, en font fortïs v ivans, après plufieurs jours.
Mais ce qu’il y a de plus terrible, & qu’il eft à
propos de remarquer dans ces hiftoires, c’eft que
prefque toutes ces réfurredions naturelles font l’effet
d’un heureux hafard, ou d’un concours de cir-
conftances inattendues. Ainfi une jeune fille morte
de la petite vérole revint en v ie , parce que le bedeau
qui la portoit laiffa tomber le cercueil, dont
les ais mal unis fe deffalüemblerent ; la fecouffe de
cette chûté fit donner à l’enfant des lignes de vie ;
on la reporta chez elle, où elle revint en parfaite
fanté. Traite de l'incertitude desJîgnes de la mort, § .
VI. page i5$. tome I. Une femme du commun
étant expofée fur la paille avec un cierge aux piés,
fuivant i’ufage, quelques jeunes gens renverferent
fen badihànt le cierge fur la paille qui prit feu à l’in-
llaiit s dans le même moment la morte fe ranima ,
pouffa un cri perçant, & vécut long-tems après.
Ibid. §. IV , page 68. Plufieurs perfonnes enterrées
avec des bi/oux, doivent la vie à l’avidité des fof-
foyeurs ou des domeftiques, qui font defcendus
dans leurs tombeaux pour les voler ; les fecOuffes *
l’agitation, les efforts faits pour arracher les anneaux,
pour les dépouiller, ont rappellé ces morts
imparfaits à la vie. Loyer les obfervations rapportées
dans l'ouvrage déjà cité, tome I. page 5$ , 6 i , C)8,
‘34 > ‘ 7 °- &c‘ Dans d’autres la mort a été diifipéè
par des incifions faites pour les ouvrir : une femme
dont Terrili raconte l’hiftoire , donna des lignes de
vie au fécond coup de biftouri ; il eft arrivé quelquefois
que la vie s’eft manifeftée trop tard dans de
lemblables eirconftances ; le mort reffufcité a perdu
la vie fous le couteau anatomique. Ce fut Un pareil
événement qui caufa tous les malheurs du grand
Vefale, ayant ouvert un gentilhomme efpagnol,
il apperçut dès qu’il eut enfoncé le biftouri quel-
S[ues lignes de vie ; & la poitrine ouverte lui fit ob-
erver le mouvement du coeur revenu ; le fait devenu
public excita les pourfuites des parens & des
juges de Pinquilition. Philippe IL roi d’Efpagne,
par autorité ou plutôt par prières , vint à bout de
le fouftrâireà l ’avidité de ce Cruel tribunal, à condition
qu’il expieroit fon crime par un voyage à la
Terre-Sainte. On raconte du cardinal Efpinofa, premier
miniftre de Philippe II. qu’ayant été difgra-
cié, il mourut de douleur. Lorfqu’on l’ouvrit pour
l’embaumer, il porta la main au rafoir du chirurgien
, & on trouva fon coeur palpitant ; ce qui n’empêcha
pas le chirurgien barbare de continuer fon
opération, & de le mettre par là dans l ’impoftibi-
lité d’échapper à la mort. II y a plufieurs exemples
de perfonnes qu’on alloit enterrer, ou qui l’étoient
déjà, que la tendreffe officieufe ou l’incrédulité d’un
amant, d’un parent, d’un ami, d’un mari, d’une
femme, &c. ont retiré des bras de la mort. Un homme
au retour d’un voyage, apprend que fa femme
eft morte & inhumée depuis trois jours : inconfola-
ble de fa perte, & ne pouvant fe perfuader qu’elle
fut réelle, defcend comme un autre Orphée dans
fon tombeau, & plus heureux ou plus malheureux
que lui, il trouve le fecret de lui rendre la vie & la
lànté. La même chofe arriva à un négociant, qui
revenant auffi d’un voyage deux jours après la mort
de fa femme, la trouva expofée à fa porte dans le
moment que le clergé alloit s’emparer de fon corps,
il fit monter la biere dans fa chambre, en tira le
corps de fa femme, qui ne donna aucun figne de vie.
Pour mieux s’affurer de fa mort, 8c pour tâcher de
la difliper, s’il étoit poflible, il lui fit faire des fca-
rifications & appliquer les ventoufes ; on en avoit
déjà mis vingt-cinq fans le moindre fuccès , lorfi
qu’une vingt - fixieme fit crier à la morte reffufci-
tée ah , qûe vous me faites mal ! Miladi Rouffél j
femme d’un colonel anglois , dut la vie à l’exrrème
tendreffe de fon mari, qui ne voulut pas permettre
qu’on l’enterrât, quoiqu’elle parut bien morte, jufqu’à
ce qu’il fe manifeftât quelque figne de putréfa-
âion. Il la garda ainfi pendant fept jours, après lefquels
la morte fe réveilla comme d’un profond fommeil
au fon des cloches d’une églife voifine. Voye{
d’autres obfervations femblables dans l’ouvrage déjà
cité , tome I. pages 6c) , $ 4 , 106, 108 , &c. & tome
I I . pages 6 6 & 68. Quelques morts dont l’enterrement
a été différé par quelque caufe imprévue , font
précifément revenus à la vie dans cet intervalle :
un témoin oculaire raconte & certifie qu’étant à
Touloufe dans l’églife de faint Etienne, il vit arriver
un Convoi dont on différa la cérémonie jufqu’à«
près un fcrgion pendant lequel on dépofa le corps