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-compte Joanna fils de Méfuach , qui mourut fan de
J. C. 819 , Haly-Abbas , Rhafès , Ezarharagni,
Etrabarani, Avicenne, Méfuach ou Mefué, Tho-
grai, Ibnu-Thophail, Ibnu <Zohar, Ibnu-El-Baitar,
Avenzoar , Averrhoès St Albucafis. Jean Léon l’a-
-fricain peut fournir aux curieux l’abrégé hiftorique
de leur v ie , car je ne dirai qu’un mot de chacun
fous l’article Médecins.
Si des régions du monde que les Arabes éclai-
toient, nous paffons à la partie occidentale de l’A-
.fie , nous ferons affligés de la barbarie qui s’y trou-
v o i t , & qui y régné fans interruption, depuis que
tout ce pays eft fournis à l’empire des Turcs , avec
les îles de l’Archipel autrefois fi floriffantes.
En effet, que penfer de la médecine d’un état, oit
l ’on admet à peine le premier médecin du prince
pour traiter des femmes qui font à l’agonie ? Encore
ce do&eur ne peut-il les voir ni en être vu ; il ne
lui eft permis de tâter de pouls qu’au travers d’une
.gaze ou d’un crêpe, S t bien fouvent il ne faurôit
diftinguer fi c’eft l’artère qui bat, ou le tendon qui
eft en contraélion : les femmes même qui prennent
foin de ces malades ne fauroient lui rendre compte
*le ce qui eft arrivé dans le cours de la maladie ,
car elles s’enfuient bien vîte , quand il vient, S t il
ne refte autour du lit que les eunuques pour empêcher
le médecin de regarder la malade, S t pour lever
feulement les coins du pavillon de fon l i t , autant
qu’ils le jugent néceffaire pour laiffer paffer le
-bras de cette moribonde. Si le médecin demandoit
•à voir le bout de la langue ou à tâter quelque part
ie , il feroit poignardé fur le champ. Hippocrate
avec toute fa fcience eût été bien embarraffé , s’il
■ eut eû à traiter des mufulmanes ; pour moi qui ai
été nourri dans fon école, & fuivant fes maximes,
écrivoit M. de Tournefort, dans le dernier fiecle,
je ne favois quel parti prendre chez les grands Sei?
.gneurs du levant, quand j’y étois appellé , S t que
je traverfois les appartemens de leurs femmes qui
Tont faits comme les dortoirs de nos religieufes , je
trouvois à chaque porte un bras couvert de gaze qui
avançoit par un trou fait exprès. Dans les premières
vifites, continue-t-il, je croyois que c’étoient
des bras de bois ou de cuivre deftinés pour éclairer
la nuit ; mais je fus bien furpris quand on m’avertit
qu’il falloit guérir les perfonnes à qui ces bras ap-
partenoient.
Revenons donc à notre Europe, & voyons fi la
médecine des Arabes qui vint à s’y introduire fur la
fin des fiecles d’ignorance , nous a été plus avanta-
geufe. Ce qu’il y a de certain , c’eft qu’elle a occa-
iionné dans la fuite des tems, la plus grande révolution
qui foit arrivée , tant dans la théorie, que
dans la pratique de cette fcience.
M. Boerhaa ve a penfé qu’après que les Arabes eurent
goûté la chimie & l’alchimie , ils portèrent dans
ces fciences leur façon métaphorique de s’exprimer,
■ donnant aux moyens de perfectionner les métaux ,
les noms de différentes médecines : aux métaux imparfaits
des noms de maladies ; & à l’or celui déhomme
vigoureux & fain. Les ignorans prenant à la lettre
ces ex préfixons figurées, fuppoferent que par des
préparations chimiques , on pouvoit changer les
métaux en o r , St rendre la fanté au corps. Ils firent
d ’autant plus aifément cette fuppofition, qu’ils s’ap-
perçurent que les fcories des plus vils métaux étoient
défignées dans les auteurs arabes par le mot de II-
j>re, une des plus incurables maladies. On appella
du nom de pierre philofophale ou de Don- A^oth ,
cette préparation chimique capable de produire ces
merveilleux effets ; S t ceux qui en poffédoient le fe-
cret furent nommés adeptes.
Vers le commencement du treizième fiecle , la
chique vint à pénétrer en Europe, foit par le retour
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de$ crôîfès , foit par la traduction que l’emperétif
.Frédéric II. fit faire dans ce tems-là de quelques U.-»
vres arabes en latin.
Albert le grand, né dans la Souabe, St Roger Bacon
né.dans la province deSommerfet, en Angleterre
en 13,14, goûtèrent cette fcience, tentèrent
de l’introduire en Europe , & ils y réunirent ; mais
ce ne fut que fur la fin du même fiecle, qu’Arnauld
de Villeneuve, né , dit-on , dans l’île de Maïorque
en 123 5,fit fervir la Chimie à la Médecine. Il trouva
l’efprit de vin, l ’huile de térébenthine, St quelqu’a'u-
tres compofitions. Il s’apperçut que fon efprit-de-
vin étoît fufceptible du goût St de l’odeur des. végétaux
; & de-là vinrent toutes les eaux compofées
dont les boutiques de nos Apothicaires lont pleines,
& dont on peut dire en général, qu’elles font plus
lucratives pour les diftillateurs , que falutaires aux
malades.
Bafile Valentin , moine bénédictin, qui fleurif-
foit au commencement du quinzième fiecle , établit
le premier comme principe chimique des mixtes, le
f e l , le mercure St le foufre. Il a décrit le fel volatil
huileux dont Sylvius Dele-Boë a parlé avec tant
d’éloges, St dont il s’eft fait honneur, ainfi que de
quelqu’autres découvertes moins anciennes. Le même
Bafile Valentin eft le premier qui ait donné l’aa-
timoine intérieurement, St qui ait trouvé le fecret
de le préparer.
Sur la fin du même fiecle , parut en Europe ce
fatal préfent qui naît de la communication des
amours de gens gâtés. Au retour de Chriftophe Colomb
, dont les foldats & les matelots apportèrent
cette maladie d’Hifpaniola en 1492 , elle fit en Europe
des progrès fi rapides, qu’elle devint en peu
d’années la plus commune parmi les peuples, & la
plus lucrative pour les médecins.
Cependant cette maladie fi remarquable dans
l’hiftoire de la médecine par fa naiffance, l’eft encore
par la multitude des remedes nouveaux ou préparés
d’une façon nouvelle, dont l’art s’eft enrichi à fon
occafion. Tels font le gayac, dont on commença à
fe fervir en 15 1 7 ; la lquine, qu’on ne connut en
Europe qu’en 1535, & la falfepareille : mais le re-
mede le plus important St qui changea, pour ainfi
dire, la face des chofes , ce fut le mercure.
Ce minéral fut connu dans toute l ’Europe en
1498 , & fut employé prefque aufli-tôt dans la cure
des maux vénériens. On l ’appliqua extérieurement
à l’exemple des Arabes, qui avoient preferit l’ufage
du vif-argent dans les maladies cutanées, long-tems
avant qu’il fût queftion de la maladie d’Amérique.
Cqmme cette maladie attaquoit auffi la peau cruel-
lement, on conjeCtura qu’on pourroit employer cofi-
tr’elle le mercure avec quelques fuccès. Paracelfe
fut un des premiers qui ait eu le fecret de l’admi-
niftrer intérieurement, St d’opérer des cures furpre-
nantes avec ce feul remede.
Tous les Médecins connoiffent plus ou moins Paracelfe
, il naquit près de Zurich en 1493 , & fe fit
pendant fa vie la plus haute réputation dans l’exercice
de fon art. On le comprendra d’autant plus aifément
, que le langage de la médecine étoit encore en
Europe un compofé barbare , de latin, de grec &
d’arabè. Galien commandoit auffi defpotiquement
dans les écoles médicinales, qu’Ariftote furies bancs
de la Philofophie. La théorie de l’art étoit uniquement
fondée fur les qualités , leurs degrés , & les
tempéramens. Toute la pratique fe bornoit à fai-
gner , purger , faire vomir, St donner des clyftè-
res ; c’eft tout ce qu’on fut adopter des écrits du
médecin de Pergame.
Paracelfe , éclairé fur les propriétés du mercure
& de l’opium, guériffoit avec ces deux arcanes, lei
maux vénériens, ceux de la peau, la lèpre, la gale,
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les hydropifies légères, les diarrhées invétérées, St
d’autres maladies incurables pour fes contemporains
qui ne connoiffoient point le premier de ces remedes
, & qui regardoient l’autre comme un réfrigérant
du quatrième degré.
D ’ailleurs, il a voit voyagé par toute l’Europe,
en Ruffie, dans le levant, avoit affifté à des fiéges
& à des combats , & avoit fuivi des armées en qualité
de médecin : il profeffa pendant deux ans la médecine
à Bâle, & compofa plufieurs ouvrages qu’on
vanta d’autant plus qu’ils eioient intelligibles. Il eft
vrai que les écrits qui portent fon nom , font en fi
grand nombre & d’un caraCtere fi différent entr’eux,
qu’on ne peut s’empêcher d’en attribuer la plus grande
partie à fes difciples. Mais on regarde généralement
comme originaux, le traité des minéraux, celui
de la pefte, celui de longâ vitâ & l’Archidoxa me-
dicinçe. Le dernier de ces livres contient quelques
découvertes, dont les Chimiftes qui lui fuccéderent
immédiatement fe firent honneur. Le lithontripti-
que St l’alçaheft de Van-Helmant en font vifible-
ment tirés. On met encore au nombre des écrits de
Paracelfe, les li vres de arte rerum naturalium.
Je me garderai bien de faire l’analyfe des ouvrages
de cet homme extraordinaire. Ceux qui auront
la patience de les parcourir, s’appercevront bientôt
qu’il avoit l’imagination déréglée, St la tête remplie
d’idées chimériques. Il donna dans les rêveries
de l’aftrologie, de la géomancie, de la chiromancie
, St de la cabale, tous arts dont l’ignorance des
tems oîi il v ivo it, entretenoit la vogue. Il n’a rien
obmis de tout ce qui pouvoit le faire paffer pour
un magicien, un forcier j mais il a joué de malheur,
on ne l’a pris que pour un fourbe. Il fe vantoit d’un
remede univeri'el, St malgré la promeffe qu’il avoit
faite de prolonger fa vie à une durée égale à celle
de Mathufalem, par le moyen de fon é lixir,il mourut
au cabaret, dans la quarante-huitieme année
de fon âge, au bout d’une maladie de quelques
jours.
Cependant entre les abfurdités dont fes ouvrages
font remplis, on trouve quelques bonnes chofes, St
qui ont fervi aux progrès de la Médecine. On ne peut
difeonvenir qu’il n’ait attaqué avec fuccès les qualités
premières, le chaud, le fe c , le froid, & l’humide
; c’eft lui qui a commencé à détromper les Médecins
, & à leur ouvrir les yeux fur le faux d’un
fyftème qu’on fuivoit depuis le tems de Galien. Il
ofa le premier traiter la philofophie d’Ariftoje, de
fondement de bois ; St l’on petit dire qu’en découvrant
le peu de folidité de cette bafe, il donna lieu à fes
fucceffeurs d?en po.fer une plus folide.
Son opinion touchant les femences qu’il fuppofe
avoir toutes exifté dès le commencement, eft adopté
aujourd’hui par de très-habiles gens, qui n’ont que
le mérite de l’avoir expofée d’une maniéré plus vrai-
fembîable. Ce qu’il a avancé fur les principes chimiques
, le fel , le fouffre, & le mercure, a fes
ufages dans la phyfique & dans la Médecine. On ne
peut encore difeonvenir qu’il n’eût une grande con-
noifl'ance de la matière médicale, St qu’il n’eût travaillé
fur les végétaux & les minéraux. Il avoit fait
un grand nombre d’expériences ; mais il eut la vanité
ridicule de cacher les découvertes auxquelles
elles l’a voient conduit, St de fe vanter de fecrets
qu’il ne poffeda jamais.
La cenfure que le chancelier Bacon a portée de
ee perfonnage fingulier& de fes feCtateurs, eft très-,
jufte. Si les Paracelfiftes, dit-il, s’accordèrent à l’exemple
de leur maître, dans les promçffes qu’ils firent
au monde, c’eft qu’ils étoient unis enfemble par
un même efprit de vertige qui les dominoit. Cependant
en errant en aveugle -, à-travers les dédales de
l’expérience , ils tombèrent quelquefois fur des dé-
Tome X .
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couvertes utiles ; ils cherchoient en tâtonnant (car
la raifon n’avoit aucune part dans leurs opérations),
& le hafard leur mit fous la main des chofes précieu-
fes. Ils ne s’en tinrent pas là : tous couverts de la
cendre St de la fumée de leurs laboratoires, ils fe
mirent à former des théories. Ils tentèrent d’élever
fur leurs fourneaux un fyftême de philofophie ; ils
s’imaginèrent que quelques expériences de diftilla-
tions leur fuffifoient pour cet édifice immenfe ; ils
crurent que des réparations & des mélanges, la plupart
du tems impoffibles, étoient les feuls matériaux
dont ils avoient befoin ; plus imbécilles que des en-
fans qui s’amufent à conftruire des châteaux de
cartes.
Le fameux Van-Helmont parut 90 ans après Paracelfe
, & marcha fur fes traces, mais en homme fa-
vant, qui d’ailleurs avoit employé fa vie à examiner
par la chimie les foffiles & les végétaux. Ses opinions
le répandirent promptement dans toute l’Europe. La
Médecine ne connut d’autres remedes que ceux que
la Chimie préparoit ; & les produirions de cet art
pafferent pour les feuls moyens qu’on pût employer
avec fuccès à conferver la vie St la fanté. Ce qui
acheva de mettre les préparations chimiques en réputation
, furent les leçons que Sylvius de le Boë
diCta peu de tems après à Leyde à un auditoire fort
nombreux. Ce profefleur prenant à tâche d’accréditer
cet art, ne ceffôit de vanter fes merveilles ; fon
éloquence , fon exemple, & fon autorité, firent
toute l’impreffion qu’il en pouvoit attendre. Otho
Tachénius, partifan enthoufiafte du mérite de la
Chimie, défendit fa gloire par trois traités auffi travaillés
que profonds , St la Chimie n’eut plus d’ad-
verfaires.
Tout le monde fe tint pour convaincu que la nature
opéré en chimifte ; que la vie dè l’homme eft:
fon ouvrage ; que les parties du corps font fes mftru-
mens ; en un mot qu’elle produit par des voies purement
chimiques tout ce que la variété infinie des
mouvemens fait éclore dans le corps humain. Les
écoles des univerfités ne retentiffoient que de ces
propofitions, St les écrits des Médecins en étoient
remplis.
C ’eft, difoient-ils, par leur acidité que de certaines
liqueurs corrodent les métaux ; c’eft donc un
acide qui diffout les alimens dans l’eftomac. Les acides
font extraits par le feu, & fi on les mêle avec
les huiles des aromates qui font extrêmement âcres ,'
il fe fait une violente effervefcence ; l’acidité du
chyle produira donc la chaleur naturelle, en.fe mêlant
avec le baume du fang ; s’il arrive que le chyle
& le fang foient l’un St l’autre fort âcres, alors il yt
aura fievre ardente.
On fait que le nitre, le fel marin, St particuliere,-
ment le fel ammoniac, refroidiffent l’eau ; c’eft donc
ajoutoit-pn, à ces matières qu’il faut attribuer le
friffon de la fievre. Les exhalaifons du vin en ébullition
, en fe portant dans un vaiffeau placé au-deffus
d’elles, nous offrent, continuoient-jls, une image
de la génération des efprits dans notre corps. Les
acides mêlés avec les alkalis, produifent une fermentation
d’une violence capable de briferles vaif-
feauxqui les contiennent ; c’eft ainfi que le chyle oc-;
cafionne par fon mélange avec le fang des effervescences
dans les ventricules du coeur, St produit
toutes les maladies aiguës & chroniques. C e fyftême
extravagant qui devint le fondement de plufieurs
pratiques fatales au genre humain, regnoit encore
dans les écoles françoifes il n’y a pas long-tems ;
on craignoit pour fa v ie le duel des acides St des alkalis
dans le corps, autant qu’un combat fur mer
contre les Anglois.
Comme un beau foleil djffipe les brouillards qui
font tombés fur l’horifon, de même au commence-
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