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gnes , & encore moins de décrire ce qu’il y a eu de
remarquable dans leur miniftere; ce détail nous me-
neroit trop loin, & appartient à l’hiftoire* plutôt
qu’au droit public : nous nous bornerons à expliquer
ce qui concerne la fonction de minijlre.
Jufqu’au tems de Philippe Augufte, le chancelier
faifoit lui-même toutes les expéditions du confeil
avec les notaires ou feerétaires du Roi. Frere Guérin
, évêque de Senlis, minijlre du roi Philippe Augufte
étant devenu chancelier, abandonna aux notaires
du Roi toutes les expéditions du fecrétariat, &
depuis ce tems les notaires du Roi faifoient tous
concurremment ccs fortes d’expéditions.
Mais en 1309 Philippe-le-Bel ordonna qu’il y au-
roit près de fa perfonne trois clercs du fecret, c’eft-
à-dire pour les expéditions du confeil fecret, ce que
l’on a depuis appelle dépêches ; ces clercs furent
choifis parmi les notaires ou feerétaires de la grande
chancellerie ; on les appella clercs du fecret, fans
doute parce qu’ils expédioient les lettres qui étoient
fcellées du feel du fecret, qui étoit celui que portoit
le chambellan.
Ces clercs du fecret prirent en 1343 le titre de
feerétaires des finances, & en 1547 ils furent créés én
titre d’office au nombre de quatre fous le titre de
feerétaires d'état qu’ils ont tou jours retenu depuis.
Ces officiers, dont les fondions font extrêmement
importantes, comme on le dira plus particulièrement
au mot Secrétair e d’é t a t , participent
tous néceffairement au miniftere par la nature de
leurs fondions, même pour ceux qui ne feroient
point honorés du titre de minijlre d'état comme ils le
font la plupart au bout d’un certain tems, c’eft
pourquoi nous avons cru ne pouvoir nous difpen-
fer d’en faire ici mention en parlant de tous les
miniflres du Roi en général.
L’établiffement des Clercs du fecret, dont l’emploi
n’étoit pas d’abord auffi confidérable qu’il le
devint dans la fuite, n’empêcha pas que nos rois
n’euffent toujours des miniflres pour les foulager
dans l’adminiftration de leur état.
Ce fut en cette qualiré que Charles de Valois,
fils de Philippe le Hardi, & oncle du roi Louis X.
dit Hutin, eut toute l’autorité- quoique le roi fût
majeur. Il eft encore fait mention de plufieurs autres
miniflres, tant depuis l ’établiffement des feerétaires
des finances, que depuis leur éreflion fous le titre
àefecrétaïres d'état.
Mais la diftinttion des miniflres d’état d’avec les
autres perfonnes qui ont le titre de minijlre du roi,
ou qui ont quelque part au miniftere, n’a pû commencer
que lorïque le confeil du roi fut diflribué
en plufieurs féances ou départemens; ce qui arriva
pour la première fois fous Louis XI. lequel divifa
ion confeil en trois départemens, un pour la guerre
6 les affaires d’état, un autre pour la finance, & le
troifieme pour la juftice. Cet arrangement fublifta
jufqu’en 1526 que ces trois confeils ou départemens
furent réunis en un. Henri II. en forma deux, dont
le confeil d’état ou des affaires étrangères étoit le
premier ; & fous Louis XIII. il y avoit cinq départemens,
comme encore à préfent.
On n entend donc par miniflres T état que ceux
qui ont entrée au confeil d’état ou des affaires étrangères
, & en préfence defquels le fecrétaire d’état
qui a le département des affaires étrangères, rend
compte au roi de celles qui fe préfentent.
On les appelle en Iatinr«g/ù adminifler en François
dans leurs qualités on leur donne le titre d'excellence
Le roi a coutume de choifir les perfonnes les plus
diftinguées & les plus expérimentées de fon royaume
pour remplir la fonâion de minijlre d'état: le
nombre n’en eft pas limité, mais communément il
n’efi que de fept ou huit perfonnes.
MI N
Le choix du roi imprime à ceux qui affiftent au
confeil d’état le titre de minijlre d'état, lequel s’acquiert
par le feul fait &fans commiflîôn ni patentes,
c’eft à-dire par l’honneur que le roi fait à celui qu’il
y appelle de l’envoyer avertir de s’y trouver, &C
ce titre honorable ne fe perd point, quand même on
cefferoit d’être appellé au confeil.
Le fecrétaire d’état ayant le département des affaires
étrangères eft minijlre n é , atténdu que fa fonction
l’appelle néceffairement au confeil d’état ou
des affaires étrangères : on l’appelle ordinairement
le minijlre des affaires étrangères.
Les autres feerétaires d’état n’ont la qualité de
miniflres que quand ils font appellés au confeil d’état;
alors le fecrétaire d’état qui a le département de la
guerre, prend le titre de minijlre de la guerre ; celui
qui a le département de la marine, prend le titre
de minijlre de la marine. ■
On donne auffi quelquefois au contrôleur général
le titre de minijlre des finances, mais le titre de mini-
Jlre d'état ne lui appartient que lorfqu’il eft appellé
au confeil d’état.
Tous ceux qui font miniflres d'état, comme étant
du confeil des affaires étrangères, ont auffi entrée
& féance au confeil des dépêches dans lequel il fe
trouve auffi quelques autres perfonnes qui n’ons
pas le titre de minijlre d'état.
Ce titre de minijlre d’état ne.donne dans le confeil
d’état & dans celui des dépêches, d’autre rang que
celui que l’on a d’ailleurs •, foit par l’ancienneté aux
autres féances ou départemens du confeil du ro i,
foit par la dignité dont on eft revêtu lorfqu’on y
prend féance.
Les miniflres ont l’honneur d’être affis en préfence
du roi pendant la féance du confeil d’état & de celui
des dépêches, & ils opinent de même fiir les
affaires qui y font rapportées.
Le roi établit quelquefois un premier ou principal
minijlre d'état. Cette fonction a été plufieurs fois
remplie par des princes du fang& par des cardinaux.
.• Les miniflres d'état donnent en leur hôtel des audiences
oû ils reçoivent les placets & mémoires qui
leur font préfentés.
Les miniflres ont le droit de faire contre-figner de
leur nom ou du titre de leur dignité toutes les lettres
qu’ils écrivent; ce contre-feing fe met fur l'enveloppé
de la lettre.
Les devoirs des princes, fur-tout de ceux qui
commandent à de vaftes états , font fi étendus
& fi compliqués , que les plus grandes lumières
fuffifent à peine pour entrer dans les détails de
l’adminiftiation« Il eft donc néceffaire qu’un monarque
choififfe des hommes éclairés & vertueux,
qui partagent avec lui le fardeau des affaires & qui
travaillent fous fes ordres au bonheur des peuples
foumis à fon obéiffance. Les intérêts du fouverain
& des fujets font les mêmes. Vouloir les défunir,
c’eft jetter l’état dans la confufion. Ainfi, dans le
choix de fes miniflres, un prince ne doit cônfulter
que l ’avantage de l’é tat, & non fes vues ôc fes amitiés
particulières. C’eft de ce choix que dépend le
bien-être de plufieurs millions d’hommes ; c’eft de
lui' que dépend l’attachement des fujets pour le princ
e , & le jugement qu’en portera la poftérité. II ne
fuffit point qu’un roi defire le bonheur de fes peuples
; fa tendrefle pour eux devient infruéhieufe, s’il
les livre au pouvoir des miniflres incapables, ou qui
abufent de l’autorité. .« Les miniflres font les mains
» des rois, les hommes jugent par .eux de leur fou-
» verain ; il faut qu’un roi ait les yeux toujours oti-
» verts fur fes miniflres ; en vain rejettera-t-il fur eux
» fes fautes au jour où les peuples fe fouleveront. Il
» reffembleroit alors à un meurtrier qui s’exeuferoie
n devant fës juges, en difant que ce n’eft pas lui, mai$
M I N
» fon épée qui a commis le meurtre ». C ’eft ainfi que
s’exprime Huffein , roi de Perfe, dans un ouvrage
qui a pour titre, la fagejje de tous les tems.
Les fouverains ne font revêtus du pouvoir que
pour le bonheur de leurs fujets ; leurs miniflres font
deftinés à les féconder dans ces vues faluîâires. Premiers
fujets-de l’état , qu’ils donnent aux autres
l’exemple 3de Fobéiffance aux lois. Ils doivent les
connoître , ainfi que le génie, les intérêts , les ref-
fources de la nation qu’ils gouvernent. Médiateurs
entre le prince & fes fujets, leur fondion la plus
glorieufe eft de porter aux piés du trône les befoins
du peuple, de s’occuper des moyens d’adoucir fes
maux ,. & de refferrer les liens qui doivent unir celui
qui commande à ceux qui obéiffent. L’envie de flatter
les pallions du monarque, la crainte de le con-
trifter, ne doivent jamais les empêcher de lui faire
entendre la vérité. Diftributeurs des grâces , il ne
leur eft permis de cônfulter que le mérite & les fer-
vices.
Il eft vrai qu’un minijlre humain, jufte & vertueux,
rifque toujours de déplaire à ces courtifans avides
& mercenaires , qui ne trouvent leur intérêt que
dans le défordre & l’opprelfion ; ils formeront des
brigues, ils trameront des cabales , ils s’efforceront
de faire échouer fes defleins généreux, mais il recueillera
malgré eux les fruits de fon zele ; il jouira
d’une gloire qu’aucune difgrace ne peut obfcurcir ;
il obtiendra l’amour des peuples , la plus douce ré-
compenfe des âmes nobles & vertueufes. Les noms
chéris des d’Amboife , des Sulli partageront avec
ceux des rois qui les ont employés, les hommages
& la tendrefle de la poftérité.
Malheur aux peuples dont les fouverains admettent
dans leurs confeils des miniflres perfides, qui
cherchent à établir leur puiffance fur la tyrannie &
la violation des lois, qui ferment l’accès du trône à
la vérité lorfqu’elle eft effrayante, qui étouffent les
cris de l’infortune qu’ils ont caufée, qui infultent
avec barbarie aux miferes dont ils font les auteurs,
qui traitent de rébellion les juftes plaintes des malheureux
, & qui endorment leurs maîtres dans une
fécurité fatale qui n’eft que trop fouvent l’avant-
coureur de leur perte. Tels étoient lesSéjan, les Pal-
las , les Rufin , & tant d’autres monftres fameux qui
ont été les fléaux de leurs contemporains, & qui font
encore l’exécration de la poftérité. Le fouverain n’a
qu’un intérêt, c’eft le bien de, l’état. Ses miniflres
peuvent en avoir d’autres très-oppofés à cet intérêt
principal : une défiance vigilante du prince eft le
feul rempart qu’il puiffe mettre entre fes peuples
& les pallions des hommes qui exercent fon pouvoir.
Mais la fonction de minijlre d'état demande des qualités
fi éminentes, qu’il n’y a guère que ceux qui ont
vieilli dans le miniftere qui en puiffent parler bien
pertinemment, c’eft pourquoi nous nous garderons
bien de hafarder nos propres réflexions fur line matière
auffi délicate;nous nous contenterons feulement
de donner ici une courte analyfe de ce que le fieur de
Silhon a dit à ce fujet dans un ouvrage imprimé à
Leyden en 1643, qui a pour titre, le Minijlre d'état,
avec le véritable ufage dé la politique moderne.
Ce petit ouvrage eft divifé én trois livres.
Dans le premier l’auteur fait voir qüe le confeil du
prince doit être compofé de peu de perfonnes ; qu’un
excellent minijlre eft une marque de la fortune d’un
prince, & l’inftrument de la félicité d’un état ; qu’il
eft effentiel par conféquent de n’admettre dans le
miniftere que des gens fages & vertueux,qui jo ignent
à beaucoup de pénétration une grande expérience
des affaires d’é tat, où l’on eft quelquefois
forcé de faire ce que l’on ne voudroit pas , & de
choifir entre plufieurs partis celui dans leipiel jl lé
trouve le moins d’inconyénien$ ; un mmjlre doit
Tome X .
MIN 555
regler fa conduite par l’intérêt de l’état & du prince
. pourvu qu’il n’offenfe point la juftice; il doit
moins chercher à rendre fa conduite éclatante qu’à
la rendre utile.
L’art de gouverner, cetart fi douteux & fi difficile,
reçoit, félon le fieur de Silhon, un grand fecours de
l’étude, & la connoiffance de la morale eft, dit-il,
une préparation néceffaire pour la politique; ce
n’eft pas affez qu’un minijlre foit favant, il faut auffi
qu’il foit éloquent pour protéger la juftice & l’innocence
, & pour mieux réuffir dans les négociations
dbnt il eft chargé.
Le fécond livre du fieur de Silhon a pour objet
de prouver qu’un minijlre doit être également propre
pour le confeil & pour l’exécution ; qu’il doit
avoir un pouvoir fort libre, particulièrement à la
guerre. L’auteur examine d’où procédé la vertu de
garder un fecret, &C fait fentir combien elle eft néceffaire
à un minijlre ; que pour avoir cette égalité
d’ame qui eft néceffaire à un homme d’état, il eft
bon qu’il ait quelquefois trouvé la fortune contraire
à fes deffeins.
Un minijlre, dit-il encore, doit avoir la fcience
de difeerner le mérite des hommes, & de les employer
chacun à ce qu’ils font propres.
Mais que de dons du corps ôede l ’efprit ne faut-
il pas à un minijlre pour bien s’acquitter d’un emploi
fi honorable, & en même tems fi difficile ! un
tempérament robufte , un travail affidu, une grande
fagacité d’efprit pour faifir les objets & pour difeerner
facilement le vrai d’avec le faux , une heu-
reufe mémoire pour fe rappeller aifément tous les
faits, de la noble.ffe dans toutes fes aétions pour fou-
tenir la dignité de fa place, de la douceur pour
gagner les efprits de ceux avec lefquels on a à négocier,
favoir ufer à propos de fermeté pour foutenir
les intérêts du prince.
Lorfqu’il s’agit de traiter avec des étrangers, un
minijlre ne doit pas regler fâ conduite fur leur exemple
; il doit traiter différemment avec eux, félon
qu’ils .font plus ou moins puiffans, plus ou moins
libres, favoir prendre chaque'nation.félon fon ca-
r'aCtere; &C fur-tout fe défier des confeils des étranger
s;; qui doivent toujours être lufpeâis.
Un minijlre n’eft pas obligé de fui vre inviolable-
ment ce qui s’eft pratiqué dans un état ; il y a des
changemens neceffaires , félon les circonftànces,
c’eft ce que le minijlre doit pefer avec beaucoup de
prudence*
Enfin, dans le troifieme livre le fieûr de Silhon
fait connoître combien le foin ôc la vigilance font
néceffaires à un minijlre, & qu’il ne faut rien négliger;
principalement à la guerre; que le véritable
exercice de la prudence politique confifte à favoir
comparer les choies entre elles , choifir les plus
grands biens, éviter les plus grands maux.
II fait auffi, en plufieurs endroits de fon ouvrage,
plufieurs réflexions fur l’uf3ge qu’un minijlre doit
-faire des avis qui viennent de certaines puiffances
-avec Jefquelles on a des ménagemens à garder, fur
-les alliances qu’un minijlre peut rechercher pour fon
maître, fur la conduite que l’on doit tenir à la guerre
; & à cette occafion il envifâge les inffruftions
que l’on peut tirer du fiege de la Rochelle où. eom-
mandoit le cardinal de Richelieu, l’un des plus
grands miniflres que la France ait eu.-
•' Sur ce qui concerne les qualités & fondions des
. 'miniflres, on peut encore voir les différens mémoires
des négociations faites, tant par les miniflres de
France que par les miniflres étrangers , & principa-
•lement les Lettres du cardinal d’Offat , les Mémoires
de M. de Villeroy, Ceux dit préfident Janin, ceux
' du maréchal d’Eftrades, & fur - tout les Mémoires de
t.M,deTorcy.
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