On voit par ces principes pourquoi la première
& plus forte lentille eft fi petite , 6c l’on peut aifé-
ment calculer la force de chaque lentille convexe
du microfcope fimple ; car la force de la lentille ,
pour groflir, eft en même proportion que l’.eft fon
foyer par rapport à la vue fimple. Si le foyer d’une
lentille convexe e f t , par exemple, d’un pouce, 6c
que la vue iimple foit claire à huit pouces, comme
le font les vues ordinaires, on pourra voir par cette
lentille un objet qui fera à un pouce de diftance
de l’oe il, 6c le diamètre de cet objet paroîtra huit
fois plus grand qu’à la vue Iimple. Mais comme l’objet
eft grofli également, tant en longueur qu’en largeur
, il nous faut quarrer ce diamètre pour favoir
combien il eft agrandi, 6c nous trouverons que ce
verre groflit la furfacede l’objet foixante-quatre fois.
De plus, fuppofo.ns une lentille convexe dont le
foyer eft fort éloigné du centre de la lentille, de la
dixième partie d’un pouce : il y a dans huit jjouces
quatre-vingt dixièmes d’un pouce ; par conféquent
l ’objet paroîtra à-travers cette lentille , quatre-vingt
fois plus près qu’à la vue fimple ; on le verra par
conféquent quatre-vingt fois plus long , & quatre-
vingt fois plus large qu’il ne paroit aux vues ordinaires
; & comme quatre-vingt multiplié par quatre-
vingt , produit fix mille & quatre cent, l’objet paroîtra
réellement aufii grand.
Faifons encore un pas. Si une lentille convexe eft
fi petite que fon foyer n’en foit éloigné que de la
vingtième partie d’un pouce , nous trouverons que
huit pouces, diftance commune de la vue fimple ,
contient cent foixante de ces vingtièmes, 6c que par
conféquent la longueur & la largeur d’un objet que
l’on voit à travers cette lentille, feront l’une & l’autre
groflies cent foixante fois ; ce qui étant multiplié
par cent foixante , donne le quarré qui monte à
vingt-cinq mille fix cent. Il réfulte que cette lentille
fera paroitre l’objet vingt-cinq mille fix cent fois
aufii grand en furface , qu’il paroît à la vue fimple
à la diftance de huit pouces.
Pour favoir donc quelle eft la force d’une lentille
dans le microfcope fimple, il ne faut que l’approcher
de fon vrai foyer ; ce qui fe connoît aifément,
parce que la lentille eft à cette diftance lorfque l’objet
paroît parfaitement diftinâ& bien terminé. Alors
avec un petit compas on aura foin de mefurer exactement
la diftance entre le centre du verre 6c l’objet
qu’on examine ; & appliquant le compas fur une
échelle où le pouce eft divifé en dixièmes 6c centièmes
par des diagonales, on trouvera aifément combien
cette diftance contient de parties d’un pouce :
ce point étant connu, vous chercherez combien de
fois ces parties font .contenues dans huit pouces ,
qui font la diftance ordinaire de la vue fimple , ÔC
vous faurez combien de fois le diamètre eft grofii :
quarrez ce diamètre, & vous aurez la furface ; & fi
' vous voulez connoître l’épaiffeur ou la folidité de
votre objet, vous multiplierez la furface par le diamètre
, pour en avoir le cube ou la raaffe. La table
fuivante vous donnera le calcul tout fait.
Table de la force des verres convexes, dont on fait ufage
dans les microfcopes Jimples , Jelon la dijlance de
leurs foyers calculée fur une échelle d'un pouce divifé
en cent parties ; ou Ton voit combien de fois le diamètre
, la furface 6* le cube font groffis au-travers de
ces verres , par rapport aux yeux dont la vûe fimple
e(l de huit pouces , ou de huit cent centièmes et un
pouce.
Le foyer d’un groflit le groflit la fur- groflit le cube d’un
t ou 50 l6 256 4,096
•pr OU 40 20 400 8,000
■— ou 50 26 676 1 7 .576
J OU 10 40 i,6oo
2,809
64,000
M _ 53 148,877
*4 9 57 3>M9 >85.>93
*3 - 61 3,721 226,981
11 s 66 4.3 56 287,496
11 i 7 * ■ 373>m 8
OU 10 O. 80 6,400 512,000 fois.
9 g 88 7>744 681,472
IOO 10,000 1,000,000
7 c 114 12,996 1,481,544
6 n 133 17,689 i ,3 51>637
7^ ou 5 l60 25,600 4,096,000
4 200 40,000 8,000,000
3 26 6 70,756 18,821,096
Tôou 1 400 160,000 64,000,000
I 800 640,000 512,000,000
La plus forte lentille du cabinet des microfcopes
de M. Leeu trenhoeck, préfenté à la fociété royale, a
fon foyer à la diftance de la vingtième partie d’un
pouce ; par conféquent il groflit le diamètre d’un
objet cent foixante fois > & la furface vingt-cinq
mille fix cent fois. Mais la plus forte lentille du microfcope
fimple de M. "Wilfon, tel qu’on le fait aujourd’hui
, a ordinairement fon foyer à la diftance
feulement d’environ la cinquantième partie d’un
pouce ; par conféquent il groflit le diamètre d’un
objet quatre cent fois , & fa furface cent foixante
mille fois.
Comme cette table a été calculée en nombres
ronds , elle eft fi facile , que quiconque fait divifer
6c multiplier un petit nombre de figures, pourra la
comprendre aifément.
Cette même table peut fervir à calculer la force
des verres du microfcope double ; d’autant qu’ils ne
grofliflent guere plus que ceux du microfcope fimple
de M. Wilfon ; le principal avantage que l’on
tire de la combinaifori des verres , eft de voir un
plus grand champ, ou une plus grande partie de
l’objet grofli au même degré.
De la grandeur réelle des objets vus par les microfcopes.
Ce n’eft pas aflez de connoître la force des lentilles
des microfcopes, il faut encore trouver quelle
eft la grandeur réelle des objets que l’on examine
lorfqu’ils font exceflivement petits ; car quoique nous
fâchions qu’ils font groflis tant de mille fois , nous
ne pouvons parvenir par cette connoiflance qu’à un
calcul imparfait de leur véritable grandeur ; poux en
conclure quelque chofe de certain , nous avons be-
foin de quelque objet plus grand, dont les dimen-
fions nous foient réellement connues : en effet , la
grandeur n’étant elle-même qu’une comparaifon,
l’unique voie que nous ayons pour juger de la grandeur
d’une chofe, eft de la comparer avec une autre
, 6c de trouver combien de fois le moindre corps
eft contenu dans le plus grand^Pour faire cette comparaifon
dans les objets microfcopiques , les favans
d’Angleterre ont imaginé plufieurs méthodes ingé-
nieufes. Il eft bon d’en mettre quelques-unes de faciles
& de pratiquables fous les yeux du le&eur,
La méthode de M. Lceuwenhoeck de calculer la
grandeur des fels dans les fluides, des petits animaux
in femine mafculino , dans l’eau de poivre ,
&c. étoit de les comparer avec la grofleur d’un grain
de fable, 6c il faifoit ces calculs de la maniéré fuivante.
Il obfervoit avec fon microfcope un grain de fable
de mer , tel que cent de ces grains placés bout-à-
bout , forment la longueur d’un pouce ; enfuite ob-
fervant un petit animal qui en étoit proche , & le
mefurant attentivement des y e u x , il concluoit que
le diamètre de ce petit animal étoit, par exemple ,
moindre que la douzième partie du diamètre du grain
de fable ; que par conféquent, félon les réglés communes
, la furface du grain de fable étoit 144 fois ,
6c tonte la folidité 1718 fois plus grande que celle
de ce petit animal. Il faifoit le même calcul proportionnel
, fuivant la petitefle des animaux qu’il ex-
pofoit au microfcope.
Voici la méthode dont fe fervoit M. Hook pour
connoître combien un objet eft grofli par le microfcope.
« Ayant, dit-il, refrifié le microfcope pour
» voir très diftinftement l’objet requis : dans le mê^
» me moment que je regarde cet objet à travers le
» verre d’un oe il, je regarde avec l ’autre oeil nud
>t d’autres objets à la même diftance ; par-là je fuis
•> en é ta t , au moyen d’une réglé divifée en pouces
» & en petites parties, & placée au pié du microf-
» cope , de voir combien l’apparence de Fobjet,
» contient de parties de cette réglé , 6c de mefurer
» exactement le diamètre de cette apparence , lequel.
» étant comparé avec le diamètre qu’il paroît avoir à
» la vue fimple, me donne aifément la quantité de
» fon agrandiflement.
L’ingénieux dofteur Jurin nous donne une autre méthode
tort curieufe pour parvenir au même but dans
fes differtations phyjicomathématiques : la voici. Faites
plufieurs to.nrs avec un fil d’argent très-fubtil fur une,
aiguille , ou fur quelqu’autre corps femblable , en
forte que les révolutions du fil fe touchent exactement
, & ne laiflent aucun vuide ; pour en être certain
, vous l’examinerez avec un microfcope très-
attentivement. Mefurez enfuite avec un compas trèsr
exactement l’intervalle entre les deux révolutions extrêmes
du fil d’argent, pour favoir quelle eft la longueur
de l'aiguille qui eft couverte par ce fil ;& appliquant
cette ouverture de compas à une échelle de
pouces divifée en io^Sc en iooes parles diagonales,
vous faurez combien elle contient de parties d’un
pouce : vous compterez enfuite le nombre des tours
du fil d’argent compris dans cette longueur, &vous
connoîtrez aifément par la divifion, l’épaifleur réelle
du fil en plufieurs petits morceaux ; fi l’objet que
vous voulez examiner eft opaque, vous jetterez au-
deflus de l’objet quelques-uns de ces petits brins, 6c
s’il eft tranfparent, vous les placez au-deflous, en-
fuite vous comparerez à l’oeil les parties de l ’objet
avec l’épaifleur connue de ces brins de fil.
Par cette méthode le doCteur Jurin obferva que
quatre globules du fang humain ccuvroient ordinairement
la largeur d’un brin, qu’il avoit trouvé
— d’un pouce, 6c que par conféquent le diamètre
de chaque globule étoit 7 ^ partie d’un pouce. Ce
qui a été aufli confirmé par lesobfervations deLeeu-
■ venhoeck fur le fang humain , qu’il fit avec un
morceau du même fil que lui envoya le do&eur Jurin.
Voyei les Tranf. philo(bp. n°. $ J J .
Je pafle fous filence d’autres méthodes plus com-
pofées ; mais je ne dois pas oublier de remarquer
que l’aire vifible , le champ de la vue, ou la portion
d’un objet vu par le microfcope , eft en proportion
du diamètre, 6c de l’aire de la lentille dont on
fait ufage , & de fa force ; car fi la lentille eft extrêmement
petite, elle groflit confidérablement, 6c par
conféquent on ne peut diftinguer par fon moyen
qu’une très-petite portion de l’objet ; ainfi l’on doit
ufer de la plus forte lentille pour les plus petits objets
, 6c toujours proportionnellement. Sans donner
ici des réglés embarraflanres fur le champ dos objets
vus par chaque lentille, c’eft aflez de dire que cette
aire différé peu de la grandeur de la lentille dont on
fe fert , 6c que fi le total d’un objet eft beaucoup
au-deflus de ce volume, on ne peut pas le bien voir
à travers cette lentille.
Après avoir combiné la force des microfcopes
6c donné les méthodes de connoître lagrandeur réelle
des objets microfcopiques, il nous refte à décrire la
maniéré de les examiner, de les préparer, & de les
appliquer au microfcope.
De l'examen des objets microfcopiques. Quelqu’ob-
jet qu’on ait à examiner , il en faut confidérer attentivement
la grandeur , le tjflfu 6c la nature , pour
pouvoir y appliquer les verres convenables , 6c
d’une maniéré à les connoître parfaitement. Le premier
pas à faire doit être conftamment d’examiner
cet objet à-travers d’une lentille qui le repréfente
tout, entier ; car en obfervant de quelle maniéré les
parties font placées les unes à l’égard des autres, on
verra qu’il fera plus aifé d’examiner enfuite chacune
en particulier, & d’en juger féparément fi l ’on en a
occafion. Lorfqu’on fe fera formé une idée claire du
tout, on pourra le divifer autant que l’on voudra ;
& plus les parties de cette divifion feront petites ,
plus la lentille doit être forte pour les bien voir.
On doit avoir beaucoup d’égard à la tranfparence
ou à l’opacité d’un objet, 6c de-Ià dépend le choix
des verres dont on doit fe fervir ; car un objet tranfparent
peut fupporter une lentille beaucoup plus
forte qu’un objet opaque, puifque la proximité du
verre qui groflit beaucoup , doit néceflairement ob-
fcurcir un objet opaque 6c e'mpêcher qu’on ne le
voie, à-moins qu’on ne fe ferve du microfcope pour
les objets opaques. Plufieurs objets cependant de-,
viennent tranfparens , lorfqu’on les divife en parties
extrêmement minces ou petites.
Il faut aufli faire attention à la nature de l’objet}
s’il eft vivant ou non, folide ou fluide ; fi c ’eft un
animal, un végétal , une fubftance minérale, &
prendre garde à toutes les circonftances qui en dépendent
, pour l’appliquer de la maniéré qui convient
le mieux. Si c’eft un animal vivant , il faut
prendre garde de ne le ferrer, heurter, ou décom-
pofer que le moins qu’il fera poflible, afin de mieux
découvrir fa véritable figure , fituation 6c caraâere.
Si c’eft un fluide 6c qu’il foit trop épais, il faut le
détremper avec l’eau ; s’il eft trop coulant, il faut
en faire évaporer quelques parties aqueufes. Il y a
des fubftances qui font plus propres aux obferva-
tions lorfqu’elles font feches , & d’autres au contraire
lorfqu’elles font mouillées ; quelques-unes
lorfqu’elles font fraîches, & d’autres lorfqu’on les
a gardées quelque tems.
Il faut enfuite avoir grand foin de fe procurer la
lumière néceflaire , car de-là dépend la vérité de
tous nos examens ; un peu d’expérience fera voir
combien les objets paroiflent différens dans une po-
fition 6c dans un genre de lumière, de ce qu’ils font
dans une autre pofition ; de forte qu’il eft à-propos
de les tourner de tous les côtés, & de les faire paf-
fer par tous les degrés de lumière, jufqu’à ce que
l’on foit afliiré de leur vraie figure ; car , comme
dit M. Hooke, il eft très - difficile dans un grand
nombre d’objets , de diftinguer une élévation d’un
enfoncement, une ombre d’une tache noire, & la
couleur blanche d’avec la fimple réflexion. L’oeil
d’une mouche, par exemple , dans une efpece de
lumière, paroît comme un treillis percé d’un grand
nombre de trous ; avec les rayons du foleil, il pa