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roient plus avant dans les folitudes , pour vivre en
des cellules féparées plus détachés des hommes &
plus unis à Dieu. 'C’étoit ainfi que s’achevoient pour
l’ordinaire les plusilluftres folitaires, voye^ A n ac
h o r è t e s ; mais l’abbé confervoit fon autorité
fur eux.
Les moines étoient pour la plupart laïques, oc
même leur profelïion les eloignoit des fonctions ec-
cléfiaftiques. Il ne falloit d’autre difpofition pôur le
devenir que la bonne volonté , un defir fincere de
faire pénitence & d’avancer dans la perfection. Il
ne faut pourtant pas s’imaginer qu’on les y admit
fans épreuve : Pallade dansJ'on hifloire de Lamiaquc,
<h. xxxviij. dit expreffément, que celui-qui entre
dans le monaftere & qui ne peut pas en foutenir les
exercices pendant trois ans, ne doit point etre admis.
Mais que fi durant ce terme, il s’acquite des oeuvres
les plus difficiles , on doit lui ouvrir la carrière : in
fiadium prodeat. Voilà l’origine bien marquée du noviciat
ufité aujourd’hui, mais reltraint à un tems plus
court. Voye^ N o v i c i a t .
Au refte, on y recevoir des gens de condition &
de tout âge, même de jeunes enfans que leurs pa-
rens offroient pour les faire élever dans la piété. Le
onzième concile de Tolède avoit ordonne, qu on ne
leur fît point faire profeffion avant l’âge de dix-huit
■ ans Sc fans leur confentement, dont l’evêque devoit
s’affurer. Le quatrième concile de la même ville par
une difpofition contraire, attacha perpétuellement
aux monafteres ceux que leurs parens y avoient offert
dès l’enfance ; mais cette décifion particulière
n’a jamais été autorifée par l’Eglile. Les .efclaves
étoient auffi reçus dans les monafteres comme les
libres, pourvu que leurs maîtres y confentiffent. Les
gens mariés n’y pouvoient entrer fans le confentement
de leurs femmes, ni les femmes fans celui de
leurs maris, ni les gens attachés à la cour par quel-
qu’emploi, que fous le bon plaifir du prince.
Tout l’emploi des moines confiftoit dans la priere
& dans le travail des mains. Les évêques néanmoins
tiroient quelquefois les moines de leur folitude pour
les mettre dans le clergé ; mais ils ceffoient alors
d’être moines, & ils étoient mis au nombre des clercs.
S. Jerome diftingue toujours ces deux genres de vie:
alia monachorum ejl caufa, dit-il dans fon epître a He-
liodore, àlia clericorum, clerici pafeunt oves ; & ailleurs
, monachus nondocentis habet ojjîcium ,fedplan-
gentis , epifi. 55. ad Bipar. Quand on leur eut permis
de s’approcher des villes, ou meme d’y habiter
pour être utiles au peuple ; la plupart dentr eux
s’appliquèrent aux lettres , afpirerent à la clerica-
ture, & fe firent promouvoir aux ordres, fans toutefois
renoncer à leur premiér état. Ils fe rendirent
alors utiles aux évêques en Orient, Sc acquirent de
la réputation fur-tout dans l’affaire de Neftorius;
mais parce que quelques-uns abuferent de l’auto-
. rité qu’on leur avoit donnée ; le concile de Chalcé-
doine ftatua , que les.moines feroient fournis entièrement
aux évêques , fans la permiffion defquels ils
ne pourroient bâtir aucun monaftere , & qu’ils feroient
éloignés des emplois eccléfiaftiques, à-moins
qu’ils n’y fuffent appellés par leurs éveques. Ils n’a-
voient alors d’autre temporel, que ce qu’ils gagnoient
par le travail de leurs mains, mais ils avoient part
aux aumônes que l’évêque leur faifoit diftribuer, &
le peuple leur faifoit auffi des charités. Il y en avoit
néanmoins qui gardoient quelque chofe de leur patrimoine
, ce que S. Jerome n’approuvoit pas. Pour
ce qui eft du fpirituel, ils fe trouvoient à l’églife
épifcopale ou à la paroiffe avec le peuple, ou bien
on leur accordoit de faire venir chez eux un prêtre
pour leur adminiftrer les Sacremens. Enfin, ils obtinrent
d’avoir un prêtre qui fût de leur corps , puis
d’en avoir plufieurs, ce qui leur donna oceafion de
bâtir des églifes joignant leurs monafteres,& de former
un corps régulier compofé de clercs & de laïques.
Tous les vrais moines étoient cénobites ou anachorètes
; mais il y eut bientôt deux efpece,s de faux
moines. Lél unsdemeuroient fixes, à la vérité, mais
feuls, ou feulement deux ou trois enfemble, indé-
pendans & fans conduite ; prenant pour réglé leur
volonté particulière, fous prétexte d’une plus grande
perfeftion: on les nommoit farabaites, voye^ SA-
rab aïtes. Les autres que l’on nommoit gyrofaques9
ou moines errans, & qui étoient les pires de tous ,
couroient continuellement de pays en pays, paffant
par les monafteres fans s’arrêter en aucun , comme
s’ils n’euffent trouvé nulle part une vie affez parfaite.
Ils abufoient de l ’hofpitalité des vrais moines ,
pour fe faire bien traiter : ils entroient en tôus lieux,
fe mêloient avec toutes fortes de perfonnes, fous
prétexte de les convertir, & menoient une vie de-
réglée à l’abri de l’habit monaftique qu’ils deshono-
roient.
Bingham obferve que les premiers moines qui parurent
en Angleterre &C en Irlande , furent nommés
apojloliques, & cela du tems dès Piétés &c des Saxons,
avant que faint Auguftin y eût été envoyé par le pape
faint Grégoire ; mais il ne dit rien de pofitif fur
l ’origine de ce nom. Il parle auffi, après Bede, des
deux monafteres de Banchor ou.de Bangor, fitués l’un
en Angleterre, & l’autre en Irlande, dans lelquels
on comptoit plufieurs milliers de moines. 11 parle
auffi de différens autres noms donnés, mais moins
communément aux anciens moines, comme ceux
d’aumetes, de ftudites , de fiilytes , de Jilentiaires, de
$omioi, c’eft-à-dire paijjans, donné aux moines de
Syrie & de Méfopotamie, parce qu’ils ne vivoient
que d’herbes qu’ils faüchoient dans les champs Sc
iur les montagnes : on les appelloit encore, félon le
même auteur, hefychartes ou quiécijles, à caufe delà
vie tranquille & retirée qu’ils menoient ; continuas
& renonçans , parce qu’ils renonçoient au monde Sx.
au mariage; quelquefois philofophes & philothèes9
c’eft-à-dire amateurs de la fagejje ou de Dieu ; ce'llula-
ni Sc infulani, parce qu’ils habitoient dans des cellules
, ou fe retiroient dans des îles. Bingham. origi,
Ecclef. tom. III. lib. vij, ç. ij. p. $5. & fuiv.
Il y avoit près de deux fiecles que la vie monaftique
étoit en vigueur quand faint Benoît, après avoir
long-tems vécu en folitude, Sc long-tems gouverné
des moines y écrivit fa réglé pour le monaftere qu’il
avoit fondé au mont Caffin, entre Rome & Naples.
Il la fit plus douce que celle des Orientaux, permettant
un peu de vin Sc deux fortes de mets, outre le
pain; mais il confervale travail des mains, le fi-
lence exaû & la folitude : cette réglé fut trouvée fi
fage, qu’elle fut volontairement embraffée par la
plupart des moines d’occident, Sc elle fut bientôt apportée
en France. Le moine faint Auguftin l’intro-
duifit en Angleterre fur la fin du vj. fiecle.
Les Lombards en Italie, & les Sarrafins en Efpa-
gne, défolerent les monafteres ; les guerres civiles
qui affligèrent la France furla fin de la première race
, cauferent auffi un grand relâchement : on commença
à piller les monafteres qui étoient devenus
riches par les donations que la vertu des moines atti-
roit, Sc que leur travail augmentoit. L’état étant
rétabli fous Charlemagne, la difeipline fe rétablit
auffi fous fa proteûion, par les foins de faint Benoît
d’Aniane, à qui Louis le Débonnaire donna enfifite
autorité fur tous les monafteres. Cet abbé donna les
inftruûions fur lefquelles fut dreffé, en 8 1 7 , le
gtand réglement d’Aix-la-Chapelle; mais il refta
beaucoup de relâchement : le travail des mains fut
méprifé, fous prétexte d’étude Sc d’oraifon: les abbés
devinrent des feigneurs ayant des vaflaux, Sc
étant
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étant admis aux parlemens avec les évêques, avec
qui ils commençoient à faire comparaifon : ils pre-
noient parti dans les guerres civiles, comme les autres
feigneurs : ils armoient leurs vaffaux Sc leurs
ferfs ; Sc fouvent ils n’a voient pas d’autre moyen de
fe garantir du pillage : d’ailleurs il y avoit des feigneurs
laïcs qui, fous prétexte de proteâion,femet-
toient en poffeffion des abbayes, ou par conceffion
des rois, ou de leur propre autorité, Sc prenoient
même le titre d’abbés. Les Normands qui couroient
la France en même tems, achevèrent de tout ruiner.
Les moines qui pouvoient échapper à leurs ravages,
quittoient l’habit & revenoient chez leurs parens,
prenoient les armes, ou faifoient quelque trafic pour
vivre. Les monafteres qui reftoient fur pié, étoient
occupés par des moines ignorans, fouvent jufqu’à
ne favoir pas lire leur réglé, & gouvernés par des
fupérieurs étrangers ou intrus. Fleuri, Injlit, au droit
tccléf. tom. I. part. 1. c. xxj.
Au milieu de ces miferes, ajoute le même auteur,
faint Odon commença à relever la difeipline monaftique
dans la maifon de Cluny,fondée par les foins
de l’abbé Bernon, en 910, voye^ C lu n y . Elle reprit
encore un nouveau luftre dans celle de Citeaux,
fondée par faint Robert, abbé deMolefme,en 1098,
voye^ C it eaux . Dans l’onzieme fiecle on travailla
à la réformation du clergé féculier, Sc c’eft ce qui
produifit les diverfes congrégations de chanoines réguliers,
auxquels on confia le gouvernement de plufieurs
paroiffes, Sc dont on forma même des chapitres
dans quelques églifes cathédrales, fans parler
du grand nombre de maifons qu’ils fondèrent par
toute l’Europe. Les croifades produifirent auffi un
nouveau genre de religion ; ce furent les ordres militaires
& hofpitaliers , voye^ C hanoines réguliers
, O rdres & Ho sp it a l ier s . A ceux-ci fuc-
céderent les ordres mendians : faint Dominique ScS.
François d’Affife en furent les premiers inftituteurs ,
Sc à leur exemple, on en forma plufieurs autres,
dont les religieux faifoient profeffion de ne point
pofféder de biens , même en commun, Sc denefub-
fifter que des aumônes journalières des fideles. Ils
étoient clercs la plupart, s’appliquant à l’étude, à la
prédication, & à l’adminiftration de la pénitence ,
pour la converfion des hérétiques & des pécheurs.
Ces fondions vinrent principalement des Dominicains
; le grand zele de pauvreté vint principalement
des Francifcains : mais en peu de tems tous les
mendians furent uniformes, Sc on auroit peine à
croire combien ces ordres s’étendirent promptement.
Ils prétendoient raffembler toute la perfe&ion
de la vie monaftique Sc de la vie cléricale ; l’aufté-
rité dans le vivre 6c le vêtement, la priere, l’étude
& le fervice du prochain. Mais les fondions cléricales
leur ont ôté le travail des mains ; la folitude Sc
le filence des anciens moines, & l’obéiflance à leurs
fupérieurs particuliers, qui les transférèrent fouvent
d’une maifon, ou d’une province à l’autre , leur a
ôté la Habilité des anciens clercs, qui demeuroient
toûjours attachés à la même églife, avec une dépendance
entière de leur évêque, voyes^ Mendians.
Les anciens moines, comme nous l’avons dit,
étoient fournis à la jurifdidion des ordinaires ; les
nouveaux ordres ont tenté de s’y fouftraire, par des
privilèges & des exemptions qu’ils ont de tems en
tems obtenues des papes. Mais le concile de Trente
a ou reftreint ou révoqué ces privilèges, & rappelle
les chofes au droit commun ; en forte que les réguliers
ne peuvent s’immifeer dans le miniftere ec-
cléfiaftique, fans l’approbation des évêques.
Depuis le commencement du xvj. fiecle, il s’eft
elevé plufieurs congrégations de clercs réguliers,
tels que les Théatins, les Jéfuites, les Barnabites,
&c. dont nous avons parlé en détail fous leurs titres
Tome X.
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particuliers. ^ « { T h é a t in s , Jésuites , &c.
Ainfi tous les ordres religieux, depuis leur éta-
bliffement jufqu’à préfent, peuvent être rapportés à
cinq genres : moines, chanoines, chevaliers, religieux
mandians, clercs réguliers.
, Les Grecs ont auffi des moines qui, quoique différens
entre eu x, regardent tous faint Bafile comme
leur pere & leur fondateur, & pratiquent fes conf-
titutions avec la derniere régularité. Ils n’ont pourtant
pas tous la même difeipline générale , ou façon
de vivre. Les uns s’appellent r.oivofita.y.01, & les autres
/J'iopuBp.ot. Les premiers font ceux qui demeurent enfichable
& en commun, qui mangent dans un même’
réfeûoire, qui n’ont rien de particulier entre eux
pour l’habit, & qui ont enfin les mêmes exercices.
Ils font ainfi nommés de xoivoç, commun , & de 0/oç9
vie, c’eft-à-dire religieux qui vivent en commun. Il y a
néanmoins deux ordres parmi eux ; car les uns fe
difent être du grand & angélique habit, lefquels font
d’un rang plus élevé Sc plus parfait que les autres,
qu’on appelle du petit habit, qui font d’un ran<* inférieur,
& ne mènent pas une vie fi parfaite que les
premiers. Voye^Angélique.
Ceux qu’on nomme iS'iopuBpo/, vivent comme il
leur plaît, ainfi que porte leur nom, compofé du
grec /J'/oç, propre ou particulier, & pOr/xeç, réglé ou
mejure. C ’eft pourquoi avant que de prendre l’habit,
ils donnent une lomme d’argent pour avoir une cellule,
& quelques autres chofes du monaftere. Le cé-
lerier leur fournit du pain & du vin, de même
qu’aux autres ; 6c ils pourvoient eux-mêmes au refte.
Exemts de tout ce qu’il y a d’onéreux dans le monaftere,
ils s’appliquent à leurs affaires. Quand quelqu’un
de ceux-ci eft prêt à mourir, il légué, par
teftament, ce qu’il poffede tant dedans que dehors
le monaftere, à celui qui l’a affifté dans fes befoins.
Celui-ci augmente encore par fon induftrie, les
biens dont il a hérité ; & laiffe par teftament, ce qu’il
a acquis à celui qu’ il a pris auffi pour compagnon.
Le refte du bien qu’il poffede, c’eft-à-dire , ce que
fon maître lui avoit laiffé en mourant, demeure au
monaftere qui le vend eniuite. Il s’en trouve néanmoins
de fi pauvres parmi ces derniers moines, que
n’ayant pas de quoi acheter un fonds, ils /ont obligés
de donner tout leur travail au monaftere, ôc de
s’appliquer aux plus vils emplois : ceux-là font tout
pour le profit du couvent.
Il y a un troifieme ordre de ces moines, auxquels
on a donné le nom d’anachorètes : ceux-ci ne pouvant
travailler ni fupporter les autres charges du
monaftere, achètent une cellule dans un lieu retiré,
avec un petit fonds dont ils puiffent vivre ; & ne
vont au monaftere qu’aux jours de fêtes pour affif-
ter à l’office : ils retournent enfuite à leurs cellules
oîi ils s’occupent à leurs affaires ou à leurs prières.
Il y a quelquefois de ces anachorètes qui fôrtent de
leur monaftere avec le confentement de l’abbé, pour
mener une vie plus retirée, & s’appliquer davantage
à la méditation. Lp monaftere leur envoie une
fois ou deux le mois des provifions, Iorfqu’ils ne pof-
fedent ni fond ni vignes ; mais ceux qui ne veulent
point dépendre de l’abbé, louent quelque vigne
voifine de leur cellule , la cultivent & en mangent
les fruits, ou ils vivent de figues & de quelques
fruits fembIab!es:on en voit auffi qui gagnent leur vie
à écrire des livres. Les monafteres de la Grecefont
ordinairement vaftes, bien bâtis, avéede fort belles
églifes , où les moines chantent l’office jour & nuit.
Outre ces moines , il y a des moineffes qui vivent
en communauté, & qui font renfermées dans des
monafteres, fous la réglé de faint Bafile. Elles ne
font pas moins aufteres que les moines, dans tout ce
qui concerne la vie monaftique. Elles ont une abbefi
fe ; mais leur monaftere dépend toujours d’un abbé
Il i i