
tantôt im peu longs & gros. Elle eft douce., agséa-,
ble d’un goût de fucre un peu réfineux ; mais on
en fait rarement ufage, parce qu’elle eft beaucoup
moins purgative que celle d’Italie.
Les feuilles du mélèfe tranfudent aufli quelquefois
dans les pays chauds une efpece de manne au
fort de l’été ; mais cela n’arrive que quand l’année
eft chaude & feche, & point autrement. On a bien
de la peine à féparer cette efpece de manne, quand
i l y en a fur des feuilles dikméièfe, où elle eft fortement
attachée. Les payfans pour la recueillir, vont
le matin abattre à coups de hache , les branches de
cet arbre, les mettent par monceaux, & les gardent
à l’qmbre. Le fuc qui eft encore trop mou pour pouvoir
être cueilli, s’épaiflit, & le durcit dans l’ef-
pace dev vingt-quatre heures ; alors on le ramaffe ,
on l’expofe au foleil pour qu’il fe lèche entièrement,
& on en fépare autant que l’on peut, les petites
feuilles qui s’y trouvent méiées. Cette récolte eft
dés plus chétives.
Enfin nous avons remarqué qu’on connoiffoit en
Orient la manne alhagine : elle eft ainfi nommée parce
qu’on la tire de l’arbriffeau alhagi. Voyei ce qu’on a
dit de la manne alhagine en décrivant iarbufte. J’a-
ioûterai feulement que la manne alhagine ne feroit
pas d’une moindre vertu que celle de Calabre, fi
elle étoit ramaffée proprement, & nettoyée des ordures
& des feuilles dont elle eft .chargée.
Le célébré Tournefort ne doute point que cette
manne orientale ne foit la même que le tereniabin de
Sérapion & d’Avicenne , qui ont écrit qu’il tomboit
du ciel comme une rofée, fur certains arbriffeaux
chargés d’épines. En effet, l'alhagi jette de petites
branches fans nombre, hériffées de toutes parts d’épines
de la longueur d’un pouce:, très-aiguës, grêles
& flexibles. D ’ailleurs il croît abondamment en
Egypte , en Arménie , en G é o r g ie e n Perfe fur-
tout autour du mont Ararat 6c d’Ecbatane, &
dans quelques îles de 1 Archipel. ^ •
Je finis ici cet article, qui méritoit quelque étendue,
parce que l’origine de la manne eft fort çurieufe,
parce que les anciens ne l’ont point découverte, &
parce qu’enfin ce fuc concret fournit à la medecine,
le meilleur purgatif lénitif qu’elle connoiffe, convenable
à tout âge, en tout pays, à tout fexe, à toute
conftitution, & prefque en toutes fortes de maladies.
(D . J.') t
Manne , ( Hift. nat. Chim. Pharm. & mat. med. )
man ou manna eft un mot hébreu , chaldaïque, arabe
. grec & latin, que nous avons aufli adopté , &
qui a été donné , dit Geoffroy, à quatre fortes de
fubftances. Premièrement à la nourriture que Dieu
envoya aux Juifs dans le défert; ou plus anciennement
encore , à un fuc épais , doux, & par conséquent
alimenteux, que les peuples de ces contrées
connoiffoient déjà, & qu’ils imaginoient tomber du
ciel fur les feuilles de quelques arbres. C a r , lorfque
cette rofée célefte fut apperçue pour la première fois
par les Ifraélites, ils fe dirent les uns aux autres ,
man-hu, qui fignifié, félon Saumaife, c'ejl de la manne.
Ce peuple fe trompa cependant, en jugeant fur
cette reffemblance ; ca r , félon le témoignage incon-
teftable de l’hiftorien facré, l’aliment que D ieu envoya
aux Ifraélites dans le défert, leur fut miracu-
leufement accordé, par une prote&ion toute particulière
de fa providence ; au lieu que le fuc mielleux
dont ils lui donnèrent le nom , étoit, comme
nous l’avons déjà remarqué , une production toute
naturelle de ce climat, où elle eft encore affez commune
aujourd’hui. - :
Voilà donc déjà deux fubftances différentes qu’on
trouve défignées par le nom de manm.
Les anciens Grecs ont donné aufli très-communément
ce nom à une matière fort différente de celle-ci ;
favoir à Yoliban ou encens à petits grains. Voye^ ENCENS:..,.
j,
Enfin, quelques Botaniftes ont appelle manne, la
graine d’un certain gramen , bon à manger, & connu
fous le nom de gramen daclyloidcs ejeulintum, gramen
mannot efculentum, &c.
Nous ne donnons aujourd’hui le nom de manne ,
qu’à une feule matière ; favoir à un corps concret ,
mielleux, d’une couleur matte 6c terne, blanche ou
jaunâtre , d’une odeur dégoûtante de drogue, qu’on
ramaffe dans différentes contrées, fur l’écorce & fur
les feuilles de plufieurs arbres.
Le chapitre de la manne de la matière médicale de
Geoffroi, eft plein de recherches & d’érudition. Cet
auteur a ramaffé tout ce que les auteurs anciens &
modernes ont écrit de la manne. Il prouve par des
paffages tirés d’Ariftote, de Théophrafte, de Diof-
coride , de Galien, d’Hippocrate, d’Amynthas, de
Pline, de Virgile, d’Ovid e, d’Avicenne & de Sera-
pion, que tous ces auteurs, grecs, latins 6c arabes ,
ont fort bien connu notre manne, fous les noms de
miel, de miel de rofée , de miel cèlefle , d'huile mielleu-
fe , &c. & que la plûpart ont avancé que cette matière
tomboit du ciel, ou de l’air. Pline, par exemple
, met en queftion,, fi fon miel en rofée eft une
efpece de fueur du ciel, de falive des aftres ,ou une
forte d’excrément de l’air.
Ce préjugé fur l’origine de la manne, n’a été détruit
que depuis environ deux fiecles. Ange Palea,
& Barthélemi de la Vieux:ville, francifcains , qui
ont donné un commentaire fur Mefué en 1543, ont
été les premiers qui ont écrit que la manne étoit un
fuc épaifli du frêne. Donat-Antoine Altomarus »
médecin & phjlofophe de Naples, qui a été fort célébré,
vers l ’année 1558, a confirmé ce fentiment
par desobferyations décifives , dont voici le précis.
Premièrement, ayant fait couvrir des frênes de
toiles ou d’étoffes de laine , pendapt plufieurs jours
& plufieurs nuits , en forte que la rofée ne pouvoit
tomber deffus, on ne laiffa pas d’y trouver & d’y
recueillir de la manne pendant ce tems-là.
Secondement, ceux qui recueillent la manne, re-
connoiffent qu’après l’avoir ramaffée, il en fort encore
des mêmes endroits d’où elle découle peu-à-
peu, & s’épaiflit enfuite par la chaleur du foleil.
Troifiemement , fi on fait des incifions dans ces
arbres , il en découle quelquefois de la véritable
manne.
Quatrièmement, les gens du pays affurent avoir
vu des cigales , ou d’autres animaux, qui avoient
percé l’écorce de ces arbres , & que les ayant chaf-
fé s , il étoit forti de la manne par le trou qu’ils y
avoient fait.
Cinquièmement, ceux qui font du charbon , ont
fouvent remarqué que la chaleur du feu fait fortir
de la manne des frênes voifins.
Sixièmement, il y a dans un même lieu des ar-'
bres qui donnent de la manne, & d’autres qui n’en
donnent point.
Ces obfervations d’Altomarus ont été confirmées
par Goropius , dans fon livre intitulé Nilofcopium ,
par Lobel,Penna, la Çofte , Corneille Confentin ,
Paul Boccone & plusieurs autres naturaliftes. ■ £*■ -.
trait de la mai. med. de Geoffroy.
C ’eft un point d’hiftoire naturelle très-décidé aujourd’hui
, que la manne n’eft autre chofe qu’un fuc
végétal, de la claffe des corps muqueux, qui découle
loit de lui-même , foit par incifion, de l’écorce
& des feuilles de certains arbres.
On la trouve principalement fur les frênes, affez
communément fur les melèfes, quelquefois fur le
pin, le fapin, le chêne, le genévrier , l’olivier ;
on trouve fur les feuilles d’érable , même dans ce
pays, une fubftance de cette nature ; le figuier fournit
aufli quelquefois fin fuc très-doux, qu’on trouve?’
fur fes feuilles, fous la forme de petits grains, ou"'
de petites gouttes defféchées.
La manne varie beaucoup'en forme & en confif-
tance , felori le pays où on la recueille, & les arbres
qui la fourniffent. Les auteursnous parlent d’une
manne liquide qui eft très-rare parmi nous , ou plutôt
qui ne s’y trouve point ; d’une manne maflichina ,
d’une manne bombyeine, d’une manne de cedre, manne
alhagine , & c.
On trouve encore la manne diftinguée dans les
traités des drogues , par les noms des pays d’où on
nous l’apporte : en manne orientale, manne de l’Inde ,
manne de Calabre, manne de Briançon , &c.
De toutes ces efpeces de manne , nous n’employons
en Médecine que celle qu’on nous apporte
d’Italie, & particulièrement de Calabre ou de Sicile.
Elle naît dans ce pays fur deux différentes efpeces,
ou plutôt variétés de frênes ; favoir, le petit frêne ,
fraxinus humilior ,five altéra Thcophrafi, & le frêne
à feuille ronde ,fraxinus rotondiore folio.
Pendant les chaleurs de l’é té, la manne fort d’elle-
même des branches & des feuilles de cet arbre, fous
la forme d’un fuc gluant, mais liquide , qui fe durcit
bientôt à l’air , même pendant la nuit, pourvu
que le tems foit ferein ; car la récolte de la manne
eft perdue , s’il furvient des pluies ou des brouillards.
Celle-ci s’appelle mannefpontanée. La manne
fpontanèe eft diftinguée en manne du tronc & des
branches , di corpo, & en manne des feuilles, di fronde.
On ne nous apporte point de cette derniere qui
eft très-rare, parce qu’elle eft difficile à ramaffer.
Les habitansde ces pays font aufli des incifions à l’écorce
de l’arbre , & il en découle une manne qu’ils
appellent formata ou for^atella. Cette derniere opération
fe fait, dès le commencement de l’été , fur certains
frênes qui croiffent fur un terrein fec & pierreux
, & qui ne donnent jamais de la manne d’eux-
mêmes ; & à la fin de Juillet, à ceux qui ont fourni
jufqu’alors de la manne fpontanée.
Nous avons dans nos boutiques l’une & l’autre de
ces mannes dans trois différens états. i°. Sous la forme
de greffes gouttes ou ftalaâites , blanchâtres ,
opaques, feches, caftantes, qu’on appelle manne en
larmes. On prétend que ces gouttes fe font formées
au bout des pailles, ou petits bâtons que les payfans
de Calabre ajuftent dans les incifions qu’ils font aux
frênes. La manne en larmes eft la plus eftimée, & elle
mérite la préférence, à la feule infpefrion, parce
qu’elle eft la plus pure, la plus manifeftement inaltérée.
20. La manne en forte ou en marùns, c’eft-à-dire ,
en petits pains formés par la réunion de plufieurs
grains ou grumeaux collés enfemble ; celle-ci eft
plus jaune & moins feche que la précédente ; elle eft
pourtant très-bonne & très-bien confervée. La plûpart
des apothiquaires font un triage dans les caiffes
de cette manne en forte ; ils en féparent les plus beaux
morceaux, qu’ils gardent à part, fous le nom de manne
choifie , ou qu’ils mêlent avec la manne en larmes.
30. La manne graffe, ainfi appellée parce qu’elle
eft molle & on&ueufe, elle eft aufli noirâtre &fale.
C ’eft très-mal-à-propos que quelques perfonnes ,
parmi lefquelles on pourroit compter des médecins,
la préfèrent à la manne feche. La manne graffe eft
toujours une drogue gâtée par l’humidité , par la
pluie ou par l’eau de la m er, qui ont pénétré les caif-
les dans lefquelles on l’a apportée.Ellefe trouve d’ailleurs
fouvent fourrée de miel,de caffonade commune
& de feammonée en poudre; ce qui fait un remede
au moins infidèle , s’il n’eft pas toujours dangereux,
employé dans les cas où la manne pure eft indiquée.
Nous avons déjà obfervé plus haut, que la manne
devoir être rapportée à la claffe des corps muqueux :
en effet, elle en a toutes les propriétés ; elle donne
dans l’analyfe chimique tous les principes qui fpéci-
fient ces- corps. Voye{ Mu q u eu x . Elle contient le
corps nutritif végétal. Voye^ Nourrissant. Elle
eft capable de donner du vin. Voye? Vu*.
La partie vraiment médicamenteufe de la manne
celle qui conftitue fa qualité purgative, paroît être
un principe étranger à la fubftance principale dont
die eft formée, au corps doux. Car quoique le miel,
le fucre , les fucs des fruits doux lâchent le ventre
dans quelques cas & chez quelques fujets , cependant
ces corps ne peuvent pas être regardés comme
véritablement purgatifs , au lieu que la manne eft un
purgatif proprement dit. D o u x . Voye{ Purg
a t if .
La manne eft de tous les remedes employés dans
la pratique moderne de la Médecine, celui dontl’u-
fage eft le plus fréquent, fur-tout dans le traitement
des maladies aiguës, parce qu’il remplit l’indication
qui fe préfente le plus communément dans ces
ca s, favoir, l’évacuation par les coujoirs des in-
teftins, & qu’elle la remplit efficacement, doucement
ôc fans danger.
Il feroit fuperflu de fpécifier les cas dans lefquels
il convient de purger avec de la manne, comme
tous les pharmacologiftes l’ont fait, & plus encore
d’expliquer comme eux , ceux dans lefquels on doit
en redouter l’ufage. Elle réuflit parfaitement toutes
les fois qu’une évacuation douce eft indiquée ; elle
concourt encore affez efficacement à l’afrion des purgatifs
irritans, elle purge même les hydropiques, elle
eft véritablement hydragogue , & enfin elle ne nuit
jamais, que dans les cas où la purgation eft abfolu-
ment contr’indiquée.
On la donne quelquefois feule, à la dôfe de deux
onces jufqu’à trois , dans les fujets faciles à émou-
v o if , ou lorfque le corps eft difpofé à l’évacuation
abdominale. On la fait fondre plus ordinairement
dans une infufion de fené, dans une décofrion de tamarins
où de plantes ameres ; on la donne aufli avec
la rhubarbe, avec le jalap, avec différens fèls , notamment
avec un ou deux grains de tartre-émétique,
dont elle détermine ordinairement l’aâion par les
felles.
On corrige affez ordinairement fa faveur fade &
douceâtre , en exprimant dans la liqueur où elle'eft
diffoute , un jus de citron , ou en y ajoutant quelques
grains de crème de tartre ; mais ce n’eft pas
pour l’empêcher de fe changer en bile , ou d’entretenir
une cacochimie chaude & feche , félon l’idée de
quelques médecins , que l’on a recours à ces additions.
C ’eft encore un vice imaginaire que l’on fe propofe-
roit de corriger, par un moyen qui produiroitun vice
très-réel, fi l’on faifoit bouillir la manne, pour l’empêcher
de fermenter dans le corps, & pour détruire
une prétendue qualité venteufe. Une diffolution de
manne acquiert par l’ébullition, un goût beaucoup
plus mauvais que n’en auroit la même liqueur préparée
, en faifant fondre la manne dans de l’eau tiede.
Aufli eft-ce une loi pharmaceutique , véritablement
peu obfervée, mais qu’il eft bon de ne pas négliger
pour les malades délicats & difficiles , de diffoudre
la manne à froid, autant qu’il eft poflible. ( b )
Manne DU DESERT, ( Critique facrée. ) quant à
la figure , elle reffemble affez à celle que Moife de<
peint. On obferve que la manne qui fe recueille aux
environs du mont Sinai, eft d’une odeur très-forte,
que lui communique fans douté les herbes fur lefquelles
elle tombe. Plufieurs commèhtateurs , & ,
entre autres , M. de Saumaife , croient que la manne
d’Arabie eft la même dont les Hébreux fe nourrif-
foient au defert, laquelle étant un aliment ordinaire
, pris fëul & dans une certaine quantité, n’avoit