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ii y aura équilibre entre les deux puiffanccs : c’eft
ce qu’on voit tous les jours, lorfqu’on pefe un poids
avec une romaine. Il eft aifé de concevoir par ce
que nous venons de dire, comment un poids d’une
livre peut lur cette machine faire équilibre avec
un poids de mille livres & davantage.
C’eft par cette raifon qu’Archimede ne deman-
doit qu’un point fixe hors de la terre, pour l’enlever.
Ca r, en faifant de ce point fixe l’appui d’un
lev ier , & mettant la terre à l’extrémité d’un des
bras de ce levier, il eft clair qu’en Plongeant l’autre
bras, on parviendroit à mouvoir le globe ter-
reftre avec une force aufli petite qu’on voudroit.
Mais on fent bien que cette propofition d’Archi-
mede n’eft vraie que dans la fpéculation ; puif-
qu’on ne trouvera jamais ni le point fixe qu’il
demandoit, ni un levier de la longueur néceffaire
pour mouvoir le globe terreftre.
Il eft clair encore par-là que la force de la puif-
fance n’eft point du-tout augmentée par la machine
, mais que l’application de l’inftrument diminue
la vîtefl'e du poids dans fon élévation ou
dans fa traûion, par rapport à celle de la puif-
fance dans fon aûion ; de forte qu’on vient à bout
de rendre le moment d’une petite puiflance égal,
& même fupérieur à celui d’un gros poids, & que
par-là on parvient à faire enlever ou traîner le
gros poids par la petite puiflance. Si, par exemple
, une puiflance eft capable d’enlever un poids
d’une livre, en lui donnant dans fon élévation un
certain degré de vîtefl’e , on ne fera jamais par le
fecours de quelque machine que ce puifle être que
cette même force puifle enlever un poids de deux
livres, en lui donnant dans fon élévation la même
vîtefl'e dont nous venons de parler. Mais, on viendra
facilement à-bout de faire enlever à la puif-
fance le poids de deux livres, avec une vîtefl'e
deux fois moindre, ou, fi l’on veu t, un poids de
dix mille livres, avec une vîteffe dix mille fois
moindre.
Plufieurs auteurs ont tenté d’appliquer les principes
de la Méchaniquc au corps humain ; il eft cependant
bon d’obfcrver que l’application des principes
de la Méchaniquc à cet objet ne fe doit faire
qu’avec une extrême précaution. Cette machine
eft fi compliquée, que l’on rifque fouvent de tomber
dans bien des erreurs, en voulant déterminer
les forces qui la font agir; parce que nous ne con-
noiflons que très-imparfaitement la ftruéhire 8c la
nature des différentes parties que ces forces doivent
mouvoir. Piufieurs médecins 8c phyficiens,
fur-tout parmi les Anglois, font tombés dans l’inconvénient
dont je parle ici. Ils ont prétendu donner
, par exemple, les lois du mouvement du
fang , 8c de fon action fur les vaifleaux ; 8c ils
n’ont pas pris garde, que pour réuflïr dans une
telle recherche, il feroit néceffaire de connoître
auparavant une infinité de chofes qui nous font
cachées, comme la figure des vaifleaux, leurélaf-
ticité, le nombre, la force & la difpolïtion de leurs
valvules, le degré de chaleur & de ténacité du
fang, les forces motrices qui le pouffent, &c. Enco
re , quand chacune de ces chofes feroit parfaitement
connue, la grande quantité d’élémens qui
cntreroient dans une pareille théorie, nous cond
u is it vraiffemblablement à des calculs impraticables.
Voyt{ le D iscours préliminaire.
MÉCHANIQUE, (Mathém.) eft encore d’ufage en
Mathématiques, pour marquer une conftru&ion ou
folution de quelque problème qui n’eft point géométrique,
c’eft-à-dire, dont on ne peut venir à-bout
par des defcriptions de courbes géométriques. Telles
l’ont les conftru&ions qui dépendent de la quadrature
du cercle. ^ « ^ Construction, Quadra-
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TURE, &c. Foye-i aiifîi GÉOMÉTRIQUE.'
Arts méchaniques. Voyt{ Art.
Courbe méchaniquc, terme que Defcartes a mis
en ufage pour marquer une courbe qui ne peut pas
être exprimée par une équation algébrique. Ces
courbes font par-là oppofées aux courbes algébriques
ou géométriques. Voyc^ C ourbe.
M. Leibnitz 8c quelques autres les appellent tranfa
ccndantcs au lieu de méchaniques, 8c ils ne conviennent
pas avec Defcartes qu’il faille les exclure de
la Géométrie.
Le cercle, les ferions coniques, &c. font des
courbes géométriques, parce que la relation de leurs
abfides à leurs ordonnées eft exprimée en termes finis.
Mais la cycloïde, la fpirale, & une infinité d’autres
font des courbes méchaniques, parce qu’on ne
peut avoir la relation de leurs abfides à leurs ordonnées
que par des équations différentielles, c’eft-à-
dire, qui contiennent des quantités infiniment petites.
yoyt{ Différentielle, Fluxion, T angente,
Exponentielle, &c. (G)
Les vérités fondamentales de la Méchaniquc, en
tant qu’elle traite des lois du mouvement, & de
l’équilibre des corps, méritent d’être approfondies
avec foin. Il femble qu’on n’a pas été jufqu’à-pré-
fent fort-attentif ni à réduire les principes de cette
fcience au plus petit nombre, ni à leur donner toute
la clarté qu’on pouvoit defirer; aufli la plupart de
ces principes, ou obf’curs par eux-mêmes, ou énoncés
6c démontrés d’une maniéré obfcure, ont-ils
donné lieu à plufieurs queftions épineufes. En général
on a été plus occupe jufqu’à-préfent à augmenter
l’édifice, qu’à en éclairer l’entrée, & on a penfé
principalement à l’élever , fans donner à fes fonde-
mens toute là folidité convenable.
Il nous paroît qu’en applahiffant l’abord de cette
fcience,on en reculeroit en même tems les limites,
c’eft-à-dire qu’on peut faire voir tout-à-Ia-fois 8c
l’inutilité de plufieurs principes employés jufqu’à-
préfent par les Méchaniciens, 6c l’avantage qu’on
peut tirer de la combinaifon des autres , pour le
progrès de cette fcience; en un mot, qu’en réduifant
les principes on les ctendra. En effet, plus ils feront
en petit nombre, plus ils doivent avoir d’étendue ,
puifque l’objet d’une fcience étant néceffairement
déterminé, les principes en doivent être d’autant
plus féconds, qu’ils font moins nombreux. Pour
faire connoître au leâeur les moyens par lefquels
on peut efpérer de remplir les vues que nous proposons
, il ne fera peut-être pas inutile d’entrer ici
dans un examen raifonné de la fcience dont il
s’agit.
Le mouvement 8c fes propriétés générales font
le premier 6c le principal objet de la méchaniquc ;
cette fcience fuppofe l’exiftence du mouvement 8c
nous la fuppoferons aufli comme avouée 6c reconnue
de tous les Phyficiens. A l ’égard de la nature
du mouvement, les Philofophes font au contraire
fort-partagés là-deffus. Rien n’eft plus naturel, je
l’avoue, que de concevoir le mouvement comme
l’application fucceflive du mobile aux différentes
parties de l’efpace indéfini que nous imaginons
comme le lieu des corps ; mais cette idée fuppofe un
efpace dont les parties foient pénétrables & immobiles;
or perfonne n’ignore que les Cartéfiens (fe&e
à la vérité fort-affoiblie aujourd’hui) ne reconnoif-
fent point d’efpace diftingué des corps, 6c qu’ils regardent
l’étendue & la matière comme une même
chofe. Il faut convenir qu’en partant d’un pareil
principe, le mouvement feroit la chofe la plus difficile
à concevoir, 6c qu’un cartéfien auroit peut-
être beaucoup plûtôt fait d’en nier l’exiftence, que
de chercher à en définir la nature. Au refte, quelque
abfurde que nous paroifle l’opinion de ces philofo-
phes a
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phes, & quelque peu de clarté 8c de précifion qu’il
y ait dans les principes métaphyfiques fur lefquels
ils s’efforcent de l’appuyer , nous n’entreprendrons
point de la réfuter ici : nous nous contenterons de
remarquer que pour avoir une idée claire du mouvement
, on ne peut fe difpenfer de diftinguer au-
moins par l’efprit deux fortes d’étendue ; l’une qui
foit regardée comme impénétrable, 8c qui conftitue
ce qu’on appelle proprement les corps ; l’autre, qui
étant confidérée Amplement comme étendue , fans
examiner fi elle eft pénétrable ou non, foit la mefure
de la diftance d’un corps à un autre, & dont les parties
envifagées comme fixes 6c immobiles, puiffent
fervir à juger du repos ou du mouvement des corps.
Il nous fera donc toujours permis de concevoir un
efpace indéfini comme le lieu des corps, foit réel,
foit fuppofé, 6c de regarder le mouvement comme
le tranfport du mobile d’un lieu dans un autre.
La confidération du mouvement entre quelquefois
dans les recherches de la Géométrie pure ; c’eft ainfi
qu’on imagine fouvent les lignes droites ou courbes
engendrées par le mouvement continu d’un point ,
les furfaces par le mouvement d’une ligne, les foli-
des enfin par celui d’une furface. Mais il y a entre
la Méchaniquc 8c la Géométrie cette différence, non-
feulement que dans celle-ci la génération des figures
par le mouvement eft pour ainfi dire arbitraire 6c
de pure élégance, mais encore que la Géométrie ne
confidere dans le mouvement que l’efpace parcouru,
au lieu que dans la Méchaniquc on a égard de plus
au tems que le mobile emploie à parcourir cet efpace.
On ne peut comparer enfemble deux chofes d’une
nature différente, telles que l’efpace 6c le tems : mais
on peut comparer le rapport des parties du tems ,
avec celui des parties de l’efpace parcouru. Le tems
par fa nature coule uniformément, 6c la Méchaniquc
fuppofe cette uniformité. Du refte, fans connoître
le tems en lui-même, 6c fans avoir de mefure pre-
cife , nous ne pouvons repréfenter plus clairement
le rapport de fes parties, que par celui des portions
d’une ligne droite indéfinie. Or l’analogie qu’il y a
entre le rapport des parties d’une telle ligne » 6c celui
des parties de l’efpace parcouru par un corps qui
fe meut d’une maniéré quelconque, peut toujours
être exprimée par une équation. On peut donc imaginer
une courbe, dont les abfciffes reprefentent
les portions du tems écoulé depuis le commencement
du mouvement, les ordonnées correfpondantes
défignant les efpaces parcourus durant ces portions
de tems : l’équation de cette courbe exprimera non
le rapport des tems aux efpaces, mais fi on peut parler
ainfi, le rapport du rapport que les parties de
tems ont à leur unité, à celui que les parties de l’efpace
parcouru ont à la leur. Car 1 équation dune
courbe peut être confidérée ou comme exprimante
rapport des ordonnées aux abfciffes, ou comme 1 é-
quation entre le rapport que les ordonnées ont à leur
unité, 6c le rapport que les abfciffes correfjpondantes
ont à la leur.
Il eft donc évident que par l’application feule de
la Géométrie & du calcul, on peut, fans le fecours
d’aucun autre principe, trouver les propriétés générales
du mouvement, varié fuivant une loi quelconque.
Mais comment arrive-t-il que le mouvement
d’un corps fuive telle ou telle loi particulière ? C ’eft
fur quoi la Géométrie feule ne peut rien nous apprendre
; 6c c’eft aufli ce qu’on peut regarder comme le
premier problème qui appartienne immédiatement
à la Méchaniquc."
On voit d’abord fort-clairement qu’un corps ne
peut fe donner le mouvement à lui-même. Il ne peut
donc être tiré du repos que par l’aâion de quelque
caufe étrangère. Mais continue-t-il à fe mouvoir de
lui-même, ou a-t-il befoin pour fe piQUYoir de l’ac-
Tomc AT,
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tion répétée de la caufe? Quelque parti qu’on pût
prendre là-deffus, il fera toujours inconteftable que
l’exiftence du mouvement étant une fois fuppolée
fans aucune autre hypothefe particulière, la loi la
plus fimple qu’un mobile puifle obferver dans fort
mouvement, eft la loi d’uniformité, 6c c’eft par con-
féquent celle qu’il doit fuivre.
Le mouvement eft donc uniforme par fa nature ÿ
j’avoue que les preuves qu’on a données jufqu’à-pré^
fent de ce principe , ne font peut-être pas fort-côn-?
vaincantes. On verra à l'article Force d’Inertie,*
les difficultés qu’on peut y oppofer, 6c le chemin
que j’ai pris pour éviter de m’engager à les réfoudre.
Il me femble que cette loi d’uniformité effentielle
au mouvement confidéré en lui-même, fournit une
des meilleures raifons fur lefquelles la mefure dut
tems par le mouvement uniforme, puifle être appuyée.
Voyc{ Uniforme.
La force d’inertie, c’eft-à-dire la propriété qu’ont
les corps de perfévérer dans leur état de repos ou
de mouvement, étant une fois établie, il eft clair
que le mouvement qui a befoin d’une caufe pour
commencer au-moins à exifter, ne fauroit non plus
être accéléré ou retardé que par une caufe étrangère:
Or quelles font les caufes capables de produire ou de
changer le mouvement dans les corps ? Nous ri’eri
connoiffons jufqu’à-préfent que de deux fortes ; les
unes fe manifeftent à nous en même tems que l’effet
qu’elles produifent, ou plutôt dont elles font l’occa-
fion : ce font celles qui ont leur fource dans l’aûion
fenfible & mutuelle des corps, réfultante de leur impénétrabilité
; elles fe réduifent à l’impulfion 6c à
quelques autres aâions dérivées de celles-là : toutes
les autres caufes ne fe font connoître que par leur
effet, 6c nous en ignorons entièrement la nature:
telle eft la caufe qui fait tomber les corps pefans vers
le centre de la terre , celle qui retient les planètes
dans leurs orbites, &c.
Nous verrons bien-tôt comment on peut déterminer
les effets de l’impulfion 6c des caufes quipeu vent
s’y rapporter: pour nous en tenir ici à celles ae la
fécondé efpece, il eft clair que lorfqu’il eft queftion
des effets produits par de telles caufes, ces effets doivent
toujours être donnés indépendamment de la
connoiffance de la caufe, puifqu’ils ne peuvent en
être déduits; fur quoi voyeç Accélératrice.
Nous n’avons fait mention jufqu’à préfent, que
du changement produit dans la vîtefl’e du mobile
par les caufës capables d’altérer fon mouvement :
8c nous n’avons point encore cherché ce qui doit
arriver, fi la caufe motrice tend à mouvoir le corps
dans une direttion différente de celle qu’il a déjà:
Tout ce que nous apprend dans ce cas le principe
de la force d’inertie , c’eft que le mobile ne peut
tendre qu’à décrire une ligne droite, & à la décrire
uniformément : mais cela ne fait connoître ni fa vî-
teffe, ni fa direttion. On eft donc obligé d’avoir
recours à un fécond principe, c’eft celui qu’on appelle
la compojîtion des mouvemens, 8c par lequel ort
détermine le mouvement unique d’un corps qui
tend à fe mouvoir fuivant différentes directions à la
fois avec des vîteffes données. Voyc^ Composition
du mouvement.
Comme le mouvement d’un corps qui change de
direction, peut être regardé comme compofé dit
mouvement qu’il avoit d’abord, 8c d’un nouveau
mouvement qu’il a reçu , de même le mouvement
que le corps ayoit d’abord peut être regardé comme
compofé du nouveau mouvement qu’il a pris, &
d’un autre qu’il à perdu. De-là il s’enfuit, que les
| lois du mouvement changé par quelques obftacleS
que ce puifle être , dépendent uniquement des lois
du mouvement, détruit par ces mêmes obftacles:
Car il eft évident qu’il fuffit.de déçompofer le mou»