Végétation , c’eft-à-dire, à l’accroiffement des Sfr
brls&des plantes, eft perdu pour la foraine totale
des eaux, St cette partie, félon lu i, peut fe con-
ver tir en terre par la putréfaôion des végétaux, fen-
timent qui a été foutenu par Van Helmont, & qui
n’eft rien moins que démontré ; le grand Newton,
qui l’a adopté , en conclut que les parties folides de
la terre vont en s’augmentant, tandis que les parties
fluides diminuent & doivent un jour difparoître totalement
, vu que, fuivant ce favant geometre, notre
globe tend perpétuellement à s’approcher du foleil ;
d’où il conjeéture qu’il finira par fe deffécher totalement
, à moins que l’approche de quelque comete
ne vienne rendre à notre planete l’humiaite qu’elle
aura perdue. .
M. Celfius trouve encore une autre manière d expliquer
la diminution des eaux de la mer ; c ’eft que,
félon lu i, une partie des eaux fe retire dans les cavités
& les abyfmes qui font au fond du lit de la mer ;
mais il ne nous dit point comment ces cavités fe
forment : il y a tout lieu de croire que c’eftle feu
qui fait place à l’eau, 6c que les eaux de la mtr
vont occuper les efpaces qui ont été creufés par les
feux fouterreins dont l’intérieur de notre globe eft
perpétuellement confumé.
Il feroit très-important que l’on fit les obferva-
tions néceflaires pour conftater jufqu’à quel point
ces idées peuvent être fondées ; cela ne manqueroit
pas de jetter beaucoup de lumières fur laPhyfique &
fur la Géographie » 6c fur la connoiffance de notre
globe. M. Celfius croit que la Scandinavie a été anciennement
une île , 6c que le golfe de Bothnie com-
muniquoit autrefois avec la mtr Blanche par les marais
aujourd’hui formés par l’Ulo-EIbe; ce fenti-
ment s’accorde avec celui de Ptolémée 6c de plu-
fieurs anciens géographes, qui ont parlé de la Scandinavie
comme d’une île.
Ce n’eft point feulement dans le nord que l’on a
obfervé que les eaux de la mer fe retiroient 6c laif-
foient à fec une partie de fon lit , les plus anciens
hiftoriens nous apprennent que l’île du Delta en
Egypte , qui fe trouve à l’embouchure du N il, a été
formée par le limon que ce fleuve a fucceflivement
dépofé. Les voyageurs modernes ont obfervé que le
concincnt gagnoit continuellement de ce côté. Les
ruines du port de Carthage font aujourd’hui fort éloignées
de la mer. On a aufli remarqué que la Méditerranée
fe retiroit des côtes méridionales de la
France vers Aigues-mortes, A rles, &c. & l’on pour-
roit conjeéturer qu’au bout de quelques milliers d’années
, cette mer difparoîtra totalement , comme M.
Celfius préfume que cela arrivera à la mer Baltique.
On peut en dire autant de la merNoire, de la mer Caf-
pienne dont le fond doit néceffairement hauffer par
les dépôts qu’y font les grandes rivières qui vont s’y
rendre.
Tout ce qui précédé, nous prouve que les mers
produifent fur notre globe des changemens perpétuels.
11 y en a qui difparoiffent dans un endroit;
il n’en eft pas moins certain qu’il s’en produit de
nouvelles dans d’autres. C ’eft ainfi qu’a été for-
la mer d’Harlem en Hollande, que l’on voit entre
Harlem & Amfterdam, dont la formation qui eft
affez récente, eft due à des vents violens qui ont
pouffé les eaux de la mer par-deffus fes anciennes
bornes, & qui par-là ont inondé un terrein bas
d’où ces eaux n’ont point pu fe retirer. Pline regarde
la mer Méditerranée comme formée par une
irruption pareille de l’Océan. Voici comme ce célébré
naturalifte s’exprime, au liv. III. de fon hift.
natur. Terrarum orbis univerfus in très dividitur partes;
Europam, Ajiam & Africam; origo ab occafu Jolis &
gadita.no fieto , qua inumpens Oceanus atlanticus in
maria intçriora dijfunditur.
îl y a des mers, telles que la mer Cafpienne , là
mer morte, &c. qui fe trouvant au milieu des terres,
n’ont point de paffages fenfibles par où l’écoulement
des eaux qu’elles reçoivent puiffe fe faire.
LeP.Kircher 6c plufièurs autres naturaliftes ont foup-
çonné que leurs eaux s’écouloient par des conduits
©u canaux fouterreins par où elles fe dégorgeoicnt
dans l’Océan; & qu’il y avoit une efpece de liaifon
entre toutes les mers, qui fait qu’elles communiquent
les unes avec les autres. Ces auteurs n’ont trouvé
que ce moyen d’expliquer pourquoi ces mers ne
débordoient point, malgré les eaux des rivières
qu’elles reçoivent continuellement ; mais ils n’ont
point fait attention que l’évaporation pouvoit être
équivalente à la quantité d’eau que ces mers reçoivent
journellement.
C ’eft au féjour des eaux de la mer fur de certaines
portions de notre continent, qu’il faut attribuer
la formation des mines de fel gemme ou de
fel marin foflile que l’on trouve dans plufièurs pays
qui font maintenant très-éloignés de la mer. Des
eaux falées font reliées dans des cavités d’où elles ne
pouvoient fortir. Là, par l’évaporation, ces eaux ont
dépofé leur fe l, qui, après avoir pris une corifif-
tance folide & concrète, a été recouvert de terre,
& forme des couches entières que l’on rencontre
aujourd’hui à plus ou moins de profondeur. Voyeç.
l’article SEL GEMME.
II n’eft point fi aifé de rendre faifon de la falure
des eaux de la mtr, ôc d’expliquer d’où elle tire fou-
origine. Un grand nombre de phyficiens ont crix
que l’on devoit fuppofer le fond de la mer rempli de
maffes ou de roches de fel que les eaux de la mer
diffolvoient perpétuellement, mais on ne nous apprend
point comment ces maffes de fel ont été el-
les-mêmes formées.
Au relie, le célébré Stahl regarde la formation!
du fel marin comme un des myfteres de la natur©
que la chimie n’a point encore pu découvrir. Ea
général, nous favons que tous les fels font com-
pofés d’une terre atténuée 6c d’eau, & l’on pour-
roit préfumer que le fel marin fe généré continuellement
dans la mer. Quelques phyficiens ont
cru que l’eau de la mer avoit été falée dès la création
du monde. Ils fe fondent fur ce que fans cela
les poilfons de mer, exigeant une eau falée, n’au-
roient pas pu y v iv re , fi elle n’avoit été falée
dans fon origine.
M. Cronftedt, de l’acad. des Sciences de Suede,
remarque dans fa minéralogie, § . z i , que l’eau d©
la mer tient en dilfolution une quantité prodigieufe
de terre calcaire, qui eft faturée par l’acide du fel
marin. C’eft cette terre qui s’attache au fond des
chaudières où l’on lait cuire l’eau pour obtenir le
fel; elle a la propriété d’attirer l’humidité de l’air.
Suivant cet auteur, c’eft cette terre calcaire qui
forme les coquilles, les écailles des animaux cruf-
tacés, &c. à quoi il ajoute qu’il peut arriver que
la nature fâche le moyen de faire de la chaux un
fel alkali qui ferve de bafe au fel marin.
Quoi qu’il en foit de toutes ces conjonétures| il
eft confiant que toutes les mers qui font fur notre
globe , ne font point également falées. Dans les
pays chauds 6c vers la ligne, l’eau de la mer eft
beaucoup plus falée que vers le nord : ce qui,vient
de la forte évaporation que la chaleur caufe, 6c qui
doit rapprocher & comme concentrer le fel. Des
circonftances particulières peuvent encore concourir
à faire que les eaux de la mer foient moins
falées en quelques endroits qu’en d’autres : cela
arrivera, par exemple, vers l’embouchure d’une
riviere dont l’eau tempérera la falure de la mtr
dans un grand efpace ; c’eft ainfi qu’on nous dit
que la mer Blanche n’eft nullement falée à l’embouchure
bouchure de la grande riviere d’Ô by en Sibérie*
D ’ailleurs., il peut fe faire qu’il y ait dans de certains
endroits des fources, qui, en entrant dans la
mer & en fortant du fond de fon lit , adouciffent
fa falure dans ces fortes d’endroits ; mais c’eft fans
fondement que quelques perfonnes ont étendu cette
réglé, 6c ont prétendu que l’on trouvoit toujours de
l ’eau dou.ee au fond de l a mer. Voyez l'articlefuivant,
Mer, eau de la.
Outre la falure, les eaux de la mer ont ordinairement
un goût bitumineux 6c dégoûtant qui révolte
l’eftoüiac de ceux qui veulent en boire. II y
a lieu de conjecturer que ce goût leur vient des couches
de matières biîumineuiés qui fe trouvent dans
le lit de la mer : à quoi l’on peut joindre la décom-
pofifion de la graiffe que fournit une quantité im-
menfe d’animaux & de poiffons de toute efpece,
qui vivent & meurent dans foutes les mers.
La falure 6c le mauvais goût des eaux de la mer
empêchent de la boire. C ’eft pour remédier à cet
inconvénient, que l ’on eft obligé d’embarquer de
l’eau douce dans les vaiffeaux;& lorfque les voyages
font fort longs, cette eau douce fe corrompt,
6c les équipages, fe trouvent dans un très-grand
embarras. Depuis Iong-tems on avoit inutilement
cherché Je moyen de deffaller l’eau de la mer. Enfin
il y a quelques années que M. Appleby, chimifte
anglois, a trouvé le fecret de rendre cette eau potable
; cette découverte lui a mérité une rccom-
penfe très-confidérable de la part du parlement d’Angleterre
qui a fait publier fon fecret. Il confifte à
mettre quatre onces de pierre à cautere 6c d’os calcinés
fur environ vingt pintes d’eau de mer; on
diftiile enfuite cette eau avec un alambic, & l’eâu
qui paffe à la diftillation eft parfaitemènt douce.
Cette expérience importante a été réitérée avec
fuccès par M. Rouelle. Pour peu qu’on veuille s’en
donner la peine, on adaptera les vaiffeaux diftil-
latoires à la cheminée de la cuifine d’un vaiffeau,
&fans augmentation de dépenfe, on pourra diftil-
lercontinuellement de l’eau de mer, en mêmetems
que l’on préparera les alimens des équipages.
Les eaux de la mer ont trois efpeces de mouvement.
Le premier eft le mouvement d’ondulation
ou de fluéluation que les vents excitent à fa fur-
face en produifant des flots ou des vagues plus ou
moins cônfidérables, en raifon de la force qui les
excite. Ce mouvement des flots eft modifié par la
pofition des côtes, des promontoires, des îles, &c.
que les eaux agitées par les vents rencontrent.
Le fécond mouvement de la mer eft celui que
l’on nomme courant ; c’eft celui par lequel les eaux
de la mer font continuellement entraînées d’orient
vers l’occident ; mouvement qui eft plus fort vers
l ’équateur que vers les pôles, & qui fournit une
preuve inconteftable, que le mouvement de la terre
fur fon axe fe fait d’occident vers l’orient. Ce mouvement
dans l’Océan,commence aux côtes occidentales
de l’Amérique, où il eft peu violent ; ce qui lui
fait donner le nom dé mer pacifique. Mais en partant
d e là , les eaux dont le mouvement eft accéléré,
après avoir fait le tour du globe, vont frapper
avec violence les côtes orientales de cette partie
du monde, qu’elles romproient peut-être, fi leur
force n’étoit arrêtée par les îles qui fe trouvent
en cet endroit, 6c que quelques auteurs regardent
comme des relies de l’Atlantide ou de cette île im-
menfe dont les anciens prêtres égyptiens, au rapport
de Platon , ne parloient déjà que par tradition.
Un auteur allemand moderne appellé M. Po-
powits, qui a publié en 1750, en fa langue, un ouvrage
curieux, fous le titre de recherches fur la mer,
prelume que tôt ou tard la violence du mouvement
de la mer dont nous parlons, forceroit un paffage
âtt travers de ï’ifthmé de Panama, lï Ce tétfeiri n*é-
toit rempli de roches qui oppofent de la réfiftancô
aux entreprifes de la mer ; fur quoi il remarque que
quelque tremblement de terre pourra quelque jour
aider la mer à effeétuer ce qu elle n’a point encore
, pu faire toute feulé.
Cette conjeéture eft d’autant mieux fondée que
plufièurs exemples nous prouvent que la violence
des eaux de la mer arrache & fépare des parties
du continent, 6c fait des îles de ce qui étoit autrefois
terre ferme. C ’eft ainfi qu’une infinité de
circonftances prouvent que la grande Bretagne te-
noit autrefois à la France; vérité qui à été mife
dans un rrès-grand jour par M. Defmarets dans fa
dijfertation fur l'ancienne jonction de l'Angleterre dveè
la France , publiée il y a peu de tems. On ne peut
guere douter non plus que la Sicile n’ait été fépa-
rée de la même maniéré de l’Italie, &c.
Le troifieme mouvement de la met eft celui
qui eft connu fous le nom de la marée ou du flusè
6c reflux ; on n’en parlera point ic i, vu que cet
important phenomene a été examiné au long dans
les articles Flux & Marée.
Outre les trois efpeces de mouvemens dont On
vient de parler, il en eft encore un autre fur lequel
les phyficiens ne font point tout-à-fait d’ac-
çord. Quelques auteurs prétendent que dans les
détroits, tels que ceux de Gibraltar , du Sund 6c
des Dardanelles, les eaux de la mer ont deux cou-
rans direélement oppofés, & que les eaux de la
furface ont une direction contraire à celle des eaux
qui font au-deffous. Le comte de Marfigli a obfervé
ces deux courans contraires ail paffage des Dardanelles,
phenomene qui avoit déjà été remarqué
dans le fixieme fiecle par l’hiftorien Procope. Ces
deux auteurs affurent que lorfque les pêcheurs jettent
leurs filets dans ce détroit, la partie fupérieufe
du filet eft entraînée vers la Propontide ou mer de
Marmora ; tandis que la partie la plus enfoncée du
filet fe trouve emportée par le courant inférieur
vers le pont Euxin ou la mer Noire. Le comte de
Marfigli a conftaté la même expérience avec une
fonde de plomb attachée à une corde; quand il
ne l’enfonçoit que de cinq ou fix piés, ia fonde
étoit emportée vers la propontide.; mais lorfqu’il
l’enfonçoit plus avant, il voyoit qu’elle étoit pouf-,
fée vers le pont Euxin.
M. Popowits explique d’après ce phénomène ;
pourquoi les eaux de la mer Noire font toujours
également falées, malgré les rivières qu’elle re-*
çoit.C’eft que, fuivant ces expériences, la Méditerranée
fournit continuellement à la mer Noire par
le détroit des Dardanelles, de l’eau falée, qu’ellô
reçoit elle-même de la même maniéré de l’Océan
par le détroit de Gibraltar. Suivant le rapport du
célébré Ray, on a fait dans le Sund les mêmes
expériences que dans le détroit des Dardanelles;
6c l’on a trouvé que les eaux de la mer Baltique
fortoient à la partie fupérieure, & que les eaux
de l’Océan entroient dans la mer Baltique par-
deffous les premières.
Comme plufièurs mers de notre globe font placées
au milieu du continent, 6c reçoivent de très-
grandes rivières, fans que l ’on apperçoive de paffages
par où leurs eaux puiffent s’écouler .* quelques
auteurs ont cru qu’il falloit qu’il y eût des communications
fouterreines entre ces mers 6c l’Océan*
C ’eft ainfi que l’on a cru qu’il y avoit une communication
cachée fous terre entre 1a mer Caf-
pienne 6c l’Océan, entre la mer Morte 6c la Méditerranée,
&c. On a cru fur-tout expliquer par-là
pourquoi ces mers ne débordent point; peut-être quô
l’évaporation des eaux de ces me« eft équivalente à là
quantité des eaux que les rivières leur apportent. (—)