
premier degré de bonheur & de gloire. Mais cet il-
hiftre guerrier, en chargeant Dinocrate, qui s’étoit
emparé d’un pofte important, eut ion cheval abattu
fous lu i, 6c tomba prefque fans vie. Les ennemis
le relevèrent, comme fi c’eût été leur général, 6c
le conduifirent à Meffene, où Dinocrate acheva fes
jours par le poifon.
Les Achéens ne différèrent pas la vengeance de
cet attentat, & le tyran fe donna la mort, pour éviter
fa jufte peine. L’on tira de Meffene le corps de
Philopæmen, l’on le brûla, & l’on porta les cendres
à Mégalopolis.
Toutes les villes de Péloponnefe lui décernèrent
les plus grands honneurs par des decrets publics, &
lui érigerent par-tout des ftatues 6c des inferiptions.
Son convoi funebre fut une forte de pompe triomphale.
Polybe , âgé de 22 ans , portoit l’urne , 6c
Lycortas fon pere, fut nommé général des Achéens,
comme le plus digne de fuccéder au héros qu’ils pleu-
roient.
Ce fut à ces deux écoles de Philopæmen & de Lycortas
, que notre hiftorien prit ces favantes leçons
de gouvernement & de guerre qu’il a mifes en pratique.
Après avoir été chargé des plus grandes négociations
auprès des Ptolomées, rois d’Egypte, il fut
long-tems détenu à Rome dans la maifon des Emiles,
6c forma lui-même le deftru&eur de Carthage & de
Numance. Quel pupile, & quel maître ! Notre ame
s’élève enlifant ces beaux confeils qu’il lui donnoit,
ces fentimens de générofité & de magnanimité qu’il
tâchoitde lui infpirer, & dont le pupille fit un fi bel
ufage. C ’eft encore aux confeils de Polybe que Dé-
métrius fut redevable du trône de Syrie. Génie fu-
périeur, il cherchent dans les réglés de la prudence,
de la politique , & de la guerre , la caufe des évé-
nemens. Il traitoit la fortune de chimere , 6c ne
croyoit point à ces divinités qui avoient des yeux
fans v o ir , 6c des oreilles lans entendre.
Il compofa la plus grande partie de fon hiftoire
dans la maifon même des Emiles, qui lui donnèrent
tous les mémoires qu’il defira. Scipion l’emmena au
fiege de Carthage, 6c lui fournit des vaiffeaux pour
faire le tour de la mer Atlantique. Toutes les villes
du Péloponnefe adoptèrent le code des lois dont il
étoit l’auteur, & les Achéens, en reconnoiffance,
lui érigerent, de fon v ivan t, plufieurs fiatues de
marbre. Il mourut l’an de Rome 624 , à l'âge de 82
ans, d’une bleffure qu’il s’étoit faite en tombant de
cheval.
Il avoit compofé fon hiftoire univerfelle en quarante
deux livres, dont il ne nous refte que les cinq
premiers, avec des fragmens des douze livres fui-
vans. Quel dommage que le tems nous ait envié
des annales fi précieufes ! Jamais hiftorien ne mérita
mieux notre confiance dans fes récits , 6c jamais
homme ne porta plus d’amour à la vérité. Pour la
politique , il l’avoit étudiée toute fa vie ; il avoit
géré les plus grandes affaires, 6c avoir gouverné lui-
même.
Les Géographes ont encore raifon de partager
avec les politiques , 6c les généraux d’armées , la
douleur de la perte de fon hiftoire. Si l’on doit juger
de ce que nous n’avons pas par ce qui nous en refte
, fes deferiptions de villes 6c de pays font d’un prix
ineftimable, 6c n’ont été remplacées par aucun hiftorien.
On defireroit qu’il eût fait moins de réflexions 6c
de raifonnemens ; mais il réfléchit avec tant de fa-
geffe, il raifonne fi bien, il difeute les faits avec tant
de fagacité, qu’il développe chaque événement juf-
que dans la fource. On lui reproche auffi fes digref-
fions, qui font longues & fréquentes ; mais elles font
utiles & inftruâives. Enfin , Denys d’Halicarnaffe
(Critique fon ftyle raboteux ; mais ç’eft que Polybe
s’occupoit de plus grandes chofes , que du nombfe
& de la cadence de les périodes; 6c c ’eft encore parce
que Dénis ne prifoit dans les autres, que ce qu’il
pofledoit lui-même davantage. Après tou t, nous
avons en françois une excellente traduftion de Polybe
, avec un favant commentaire militaire , qui
pafferont l’un & l ’autre à la poftérité. ( D . J. )
MÉGARA, pl. ( Littér. ) Mtyapa. Les Grecs appelaient
/jLîyapov un grand édifice, de /uyaipco, ƒ envie,
je rej'pecte. mîyap*, ditPaufanias , eft le nom
qu’on donnoit dans l’ Atrique aux premiers temples
de Cérès , parce qu’ils étoient plus grands que les
bâtimens ordinaires, 6c qu’ils étoient propres à exciter
la jaloulie ou la vénération. (D . J.)
Mégara, ( Gêog. anc.') il y a plufieurs villes de
ce nom. i° . Mégara, ville de Grece dans l’Achaïe.
Voye{ MÉGARE. 2°. Mégara ville de Sicile, fur la
côte orientale de l ’île , dans le golfe de Mégare, au
nord de Syracufe. Elle avoit été appellée auparavant
Hybla. 30. Etienne le géographe place une
Mégara en Macédoine, une autre dans la Moloffide,
une autre en Illyrie, & une quatrième dans le royaume
de Pont. 40. Mégara, ville de Syrie, dans la dépendance
d’Apamée , félon Strabon. 50. Mégara,
ville du Péloponnefe, félon Ariftote. (D . /.)
MEGARADA, ou BAGRADA, (Géog.) riviere
d’Afrique, au royaume de Tunis; Elle a la fource
dans la montagne de Zeb, qui fépare le royaume
de Tunis de celui d’Alger , prend fon cours du midi
au nord oriental, paffe à Tunis,& va fe jetter dans
la mer. (D .J .)
MÉGARE, {Géog. anc.') ville de Grece, dont il
importe de parler avec plus d’étendue que de coutume.
La ville de Mégare étoit fituée dans l’Achaïe. Elle
étoit la capitale du pays connu fous le nom de Ja
Mégarique, ou Mégaride, Megaris, au fond du golfe
faronique, entre Athènes & Corinthe, à 20 milles
d’Athenes , à 40 de Thefpies , ville de la Béo-
tie, & à 12 d’Eleufis, ville de l’Attique. Son territoire
étoit bas, enfoncé, & abondant en pâturages.
La Mégarique ou Mégaride s’éf en doit entre le
golfe Saronique, au levant, & celui de Corinthe
à l’occident, 6c jufqu’à l’ifthme de Corinthe. Les
Latins, tant poètes qu’hiftoriens, qui ont fuivi les
Grecs, appellent la ville Mégara au fingulier féminin
, ou Mégara au neutre pluriel.
li faut d’abord obferver avec les anciens géographes
, qu’il y avoit une ville de Mégare en Syrie,
une au Péloponnèfe, une en Theffalie, une dans le
Pont, une dans l’Illyrie, une enfin dans la Moloffide.
Nous n’entrerons dans aucun détail fur la fondation
6c les révolutions de la ville de Mégare en Sicile
, qui fut bâtie par une colonie des Mégariens
de l ’Achaïe, fur les ruines de la ville d’Hybla, fa-
meufe par l’excellence de fon miel. Nous dirons feulement
que s’il fe trouve dans le cabinet des antiquaires
des médailles,avec l’infcription M«>«tpe«j-(Angelo-
ni 6c Goltzius en rapportent chacun une),qui foient
antérieures aux tems des empereurs romains; elles
font de la colonie de Mégare en Sicile, qui porte
une ancre pour revers, comme Mégare de l’Achaïe.
Les hafiitans de cette derniere étoient furnommés
Niitmoi Mtyetpm Nifjoei, 6c Théocrite les diftingue
de ceux de Sicile, en difant d’eux qu’ils étoient maîtres
en l’art de naviger.
LesHiftoriens, fuivant leur coutume ordinaire,
ne font point d’accord fur l’origine du nom de la
ville de Mégare en Achaïe, ni fur celle de fon fondateur
; mais peu nous importe de favoir fi ce font
les Héraclides qui du tems de Codrus bâtirent Mè-
gare\{\ c’eft Megarus fils de Neptune, 6c protecteur
de Nifus ; ou bien encore Mégarée fils d’Apollon.
Selon Paufanias c’eft Apollon lui même qui prêta
fon miniftere à la çonftruétion des murailles de cette
ville- Elles ont été plus fouvent renverfées & détruites
que celles de Troie qui fe vantoit du même
honneur. Je penfe que Paufanias ne croyoit pas plus
que nous qu’Apollon eût bâti Mégare, quoiqu’on
l’engagea pour le lui perfuader, à obferver le rocher
fur lequel ce Diçu dépofoit fa lyre, pendant le tems
de fon travail, 6c qui rendoit, difoit-on, un fon
harmonieux , lorfqu’on le frappoit d’un cailloù.
Tl y a plus d’apparence que le nom de Mégare fut
donné à cette ville, à caufe de fon premier temple
bâti par Ca r, fils de Phoronée, à l’honneur de Cérès.
Euftathe nous apprend que les temples de cette
déeffe étoient Amplement appellés miyapa. Ce temple
attiroit une fi grande quantité de pèlerins, que l’on
fut obligé d’établir des habitations pour leur lervir
de retraite & de repofoir, dans les tems qu’ils y ap-
portoient leurs offrandes. C ’eft ce temple dédié à
Çérès, fous la proteftion de laquelle étoient les
troupeaux de moutons dont Diogene fait mention,
quand il dit qu’il airneroit mieux être bélier d’un
troupeau d’un mégarien, que d’être fon fils ; parce
que ce peuple négligeait de garantir fes propres en-
fans des injures de l’air, pendant qu’il avoit grand
foin de couvrir les moutons, pour rendre leur laine
plus fine 6c plus aifée à mettre en oeuvre. Du-moins
Plutarque fait ce reproche aux Mégàriens de fon
fiecle.
La ville de Mégare étoit encore célébré par fon
temple de Diane furnommée la protectrice, dont Paufanias
vous fera l’hiftoire, à laquelle félon les apparences
il n’ajontoit pas grand foi.
On affure que le royaume de Mégaride fut gouverné
par douze rois, depuis Clifon, fils de Lélex,
roi de Lélégie , jufqu’à Ajax, fils de Télamon, qui
mourut au fiege de T ro ie, de fa propre main, & de
l’épée fatale dont Heélor lui avoit fait préfent, en
confiderarion de fa valeur.
Après cet événement, ce royaume devint un état
libre 6c démocratique, jufqu’au tems que les Athéniens
s’en rendirent les maîtres. Enfuite les Héraclides
enlevèrent aux Athéniens çette conquête, 6c
établirent le gouvernement ariftocratique.
Alors les Mégariens prefque toujours occupés à
fe défendre contre des voifins plus puiffans qu’eu x,
devenoient troupes auxiliaires des peuples auxquels
leur intérêt les attachoit, tantôt d’Athenes, tantôt
de Lacédémone, 6c tantôt de Corinthe, ce qui ne
manqua pas de les metrre aux prifes alternativement
avec les uns ou les autres.
Enfin les Athéniens outrés de l’ingratitude des
Mégàriens, dont ils avoient pris la défenfe contre
Corinthe 6c Lacédémone , leur interdirent l’entrée
des ports 6c du pays de l’Attique, 6c ce decret fulminant
alluma la guerre du Péloponnèfe.
Paufanias dit que le héraut d’Athènes étant allé
fomme.r les Mégariens de s’abftenir de la culture
d’une terre contactée aux déeffes Cérès 6c Profer-
pine, on maffacra le héraut pour toute réponfe.
L’intérêt des Dieux, ajoute Plutarque, fervit aux
Athéniens de prétexte, mais la fameiife Afpafie de
Milet, que Périclès aimoit éperduement,. fut la véritable
caufe de la rupture des Athéniens avec Mégare.
L’anecdote eft bien fingulierc.
Les Mégariens par repréfaillcsde ce qu’une troupe
de jeunes Athéniens ivres avoient enlevé chez eux
Séméthé courtifane célébré dans Athènes, enlevèrent
deux courtifanes de la fiÿte d’Afpafie. Une folle
paflion, lorfqu’elle poffede les grandes âmes, ne
leur infpirc que les plus grandes foibleflçs. Périclcs
époufa la querelle d!Afpafie outragée,. 6c avec le
pouvoir qu’il avoit en main> il vint facilement à bout
de perfuadçr ce qui lui,plut. On publia con tre les
Megariens, un decret foudroyant. On défendit tout
çommerce avec eux, fous péine de la v ie , & l’on
dreffa un nouveau formulaire de ferment, par lequel
tous les généraux s’engageoiçnt à ravager deux fois
chaque année les terres de Mégare. Ce decret jetta
es premières étincelles, qui peu-à-peu allumèrent
la guerre du Péloponnèfe. Elle fut l’ouvrage de trois
courtifanes Les plus grands évenemens ont quelquefois.
une origine affez honteufe ; j ’en pourrois citer
des exemples modernes, mais il eft encore de trop
bonne heure pour ofer le hafarder.
Enfin il paraît que la ville de Mégare n’eut de
confiftence decidee, qu’après qu’elle fut devenue
colonie romaine par la conquête qu’en fit Quintus
Cecihus Metellus, furnomme le Macédonien, lorfque
Alçainène fut obligé de retirer les troupes auxiliaires
qu’il avoit amenées à Mégare, 6c qu’il les tranfporta
de cette ville à Corinthe. Paffons aux idées qu’o*
nous a laiffées des Mégariens.
Ils n etoient pas eftimes ; les auteurs grecs s’étendent
beaucoup à peindre leur mauvaife foi ; leur
goût de plaifanterie avoit paffé en proverbe, & il
s’appliquoit a ces hommes fi communs parmi nous,
qui facrifient un bon ami à un bon mot; illufion dç
l’efprit qui cherche à briller aux dépens du coeur l
On comparait auffi les belles promeffes des Mégariens
aux barillets de terre de leurs manufa&ures ;
ils impofoient à la vûe par leur élégance, mais on
ne s’en fervent point, & on les mettoit en réferve
dans les cabinets des curieux, parce qu’ils étoient
auffi minces que fragiles. Les larmes des Mégarienç
furent encore regardées comme exprimées par force,
& non par de vrais fentimens de douleur, d’où vient
qu’on en attribuoit la caufe à l’ail 6c à l’oignon de
leur pays.
Les femmes 6c les filles de Mégare n’étoient pas
plus confiçlérees par leur vertu, que les hommes par
leur probité ; leur nom fervoit dans la Grece à dé-
figner les femmes de mauvaife vie.
L’imprécation ufitée chez les peuples voifins, que
perfonne ne devienne plus fage que les Mégariens ,'
n’eft v.raiffemblablement qu’une dérifion, ou qu’une
déclaration de l’opinion qu’on avoit du peu de mérite
de ce peuple. Je crois cependant qu’il entrait
dans fous ces jugçmens beaucoup de partialité ,
parce que la politique des Mégariens les avoit obligés
d'être très-jneonftans dans leurs alliances avec
les divers peuples de la Grece.
Cependant je ne tirerais pas la défenfe de leur;
piété 6c de leur religion, du nombre 6c de la magnificence
des temples, ôc des monumens qu’ils avoient
élevés à l’honneur des dieux & des héros , quoique|
Paufanias feul m’en fournit de grandes preuves. II
faudrait même copier plufieurs pages de ce célébré
hiftorien, pour avoir une idée des belles chofes en
ce genre , qui fe voyoient encore de fon tems à iWé-
gare; mais lui-même n’a pu s’empêcher de rabattre
fquvent la vanité des Mégariens, par la critique judicieuse
de la plus grande partie des monumens qu’ils
affedoient de faire voir. Il en démontre même quelquefois
la fauffeté, par des preuves tirées des ana-
chronifmes, ou du peu de vraiffemblance, en coin-,
parant leurs traditions avec les monumens hifto»
riques.
Quoi qu’il en foit, les Mégariens ne négligèrent
jamais la culture des beaux arts 6ç de la Philofophie*
D ’abord il eft sûr que la Peinture 6c la Sculpture
étoient chez eux en grande eonfidqratipn. Théocof-
me qui avoit acquis un nom célébré en Sculpture ,
etoit de çette ville. Il travailla conjointement avec
Phidias, aux ornemens du temple de Jupiter Olymt
pien.
La Poçfi,e n’étoit pas mpins honorée à Mégarii