» cienne langue romaine ; nous y retrouvons bien
» des traits de celle qui leur a donné nailTance : la
» latine au contraire netenoità la langue d’Athè-
» nés par aucun degré de parenté ou de reffemblan-
» c e , qui en rendît l’accès plus aifé ».
Comment peut-on croire que le latin n’avoit avec
le grec aucune affinité ? A t- on donc oublié qu’une
partie confidérable de l’Italie avoit reçu le nom de
grande Grece, magna Gracia, à caufe de l’origine
commune des peuplades qui étoient venues s’y établir?
Ignore-t-on ce que Prifcien nous apprend,
lib. F. de cafibus, que l’ablatif eft un cas propre aux
Romains, nouvellement introduit dans leur langue,
&c placé pour cette raifon après tous les autres dans
la déclinaifon ? Ablativus proprius ejl Romanorum ,
& ... .quia novus videtur à Latinis invent us, vetujiaù
reliquorum cafuum concefjit. Ainfi la langue latine au
berceau avoit précifément les mêmes cas que la langue
grecque ; Si peut-être l’ablatif ne s’eft-il introduit
infenfiblemcnt, que parce qu’on prononçoit un
peu différemment la finale du datif, félon qu’il étoit
ou qu’il n’étoit pas complément d’une prépofition.
Cette conjeélure fe fortifie par plufieurs obferva-
tions particulières : i°. le datif & l’ablatif pluriels
font toujours femblables : i°. ces deux cas font encore
femblables au fingulier dans la fécondé décli-
aiaifon : 30. on trouve morte- au datif dans l’épitaphe
de Plaute, rapportée par Aulu-Gelle, Nocl.
Att. I . xxiv. 8c au contraire on trouve dans Plaute
lui-même, oneri ,furfuri, &c. à l’ablatif ; parce qu’il
y a peu de différence entre les voyelles e 8c i, d’oii
vient même que plufieurs noms de cette déclinaifon
ont l’ablatif terminé des deux maniérés : 40. le datif
de la quatrième étoit anciennement en u , comme
l ’ablatif, & Aulu-Gelle, IV. xvj. nous apprend que
Céfar lui-même dans les livres de l’Analogie, pen-
foit que c’étoit ainfi qu’il devoit fe terminer : 50. le
datif de la cinquième fut autrefois en e , comme il
.paroît par ce' paffage de Plaute, Mercat. I. j . 4 .
Amatoresy qui aut nocti , aut die, aut fo li, aut lunes
miferias narrant fuas : 6°. enfin l’ablatif en â long
de la première, pourroit bien n’être long, que parce
qu’il vient de la diphtongue ce du datif. La déclinaifon
latine offre encore bien d’autres traits d’imitation
& d’affinité avec la déclinaifon grecque. Foye^
Génitif , n . I.
Pour ce qui concerne les étymologies grecques de
quantité de .mots latins, il n’eft pas poffible deréfi-
Jter à la preuve que nous fournit l’excellent ouvrage
de Voffius le pere, etymologicon linguce latinæ ; 8c je
fuis perfuadé que de la comparaifon détaillée des articles
de ce livre avec ceux Au Dictionnaire étymologique
de la langue françoife par Ménage, il s’enfui-
vroit qu’à cet égard l’affinité du latin avec le grec
eft plus grande que celle du françois avec le latin.
Je dirpis donc au contraire qu’il doit naturellement
nous en coûter davantage pour apprendre le
latin, qu’aux Romains pour apprendre le grec : car
outre que la langue de Rome trouvoit dans celle d’Athènes
les radicaux d’une grande partie de fes mots ,
la marche de l’une & de l’autre étoit également
tranfpofitive ; les noms, les pronoms, les adjeftifs,
s’y déclinoient également par cas ; le tour de la
phrafe y étoit également elliptique, également pathétique
, également harmonieux ; la profodie en
étoit également marquée, & prefque d’après les
mêmes principes; 8c d’ailleurs le grec étoit pour les
Romains une langue vivante qui pouvoit leur être
inculquée & par l’exercice de la parole, & par la
leâure des bons ouvrages. Au contraire nos langues
, françoife, italienne, efpagnole , &c. ne tiennent
à celle de Rome, que par quelques racines
qu’elles y ont empruntées ; mais elles n’ont au fur-
plus avec cette langue ancienne aucune affinité qui
leur en rende l’accès plus facile ; leur conftru&iori
ufuelle eft analytique ou très-approchante ; le tour
de la phrafe n’y fouffre ni tranlpolition confidérable,
ni ellipfe hardie ; elles ont une profodie moins
marquée dans leurs détails ; & d’ailleurs le latin eft
pour nous une langue morte, pour laquelle nous
n’avons pas autant de fecours que les Romains en
avoient dans leur tems pour le grec.
Nous devons donc mettre en oeuvre tout ce que
notre induftrie peut nous fuggérer de plus propre à
donner aux commençans l’intelligence du latin 8c du
grec ; & j’ai prouvé, article Inversion , que le
moyen le plus lumineux, le plus raifonnable , & le
plus autorifé par les auteurs mêmes à qui la langue
latine étoit naturelle, c’eft de ramener la phrafe latine
ou grecque à l’ordre & à la plénitude de la con-
ftruâion analytique, Je n’avois que cela à prouver
dans cet article : j’ajoute dans celui-ci, qu’il faut
donner aux commençans des principes qui les mettent
en état le plus promptement qu’il eft poffible
d’analyfer feuls & par eux-mêmes ; ce qui ne peut
être le fruit que d’un exercice fuivi pendant quelque
tems, 8c fondé fur des notions juftes, précifes, &
invariables. Ceci demande d’être développé.
Perfonne n’ignore que la tradition purement orale
des principes qu’il eft indifpenfable de donner aux
enfans, ne feroit en quelque forte qu’effleurer leur
ame : la légèreté de leur âge, le peu ou le point
d’habitude qu’ils ont d’occuper leur efprit, le manque
d’idées acquifes qui puiffent fervir comme d’attaches
à celles qu’on veut leur donner; tout cela &
mille autres caufes juftifient la néceffité de leur
mettre entre les mains des livres élémentaires qui
puiffent fixer leur attention pendant la leçon, les
occuper utilement après, & leur Vendre en tout tems
plus facile 8c plus prompte l’acquifition des connoif-
lances qui leur conviennent. C ’eft fur-tout ici quo
fe vérifie la maxime d’Horace, Art poét. 180.
Segnius irritant animos demijfa per aures ,'
Quàm quce fuat oculis fubjccta fidelibus. '
On pourroit m’objetter que j ’infifte mal-à-propos
fur la néceffité des livres élémentaires, puifqu’il en
exifte une quantité prodigieufe de toute efpece, 8c
qu’il n’y a d’embarras que fur le choix. Il eft vrai
que grâces à la prodigieufe fécondité des faifeurs
de rudimens, de particules , de méthodes, les enfans
que l’on veut initier au latin ne manquent pas d’être
occupés ; mais le font-ils d’une maniéré raifonnable,
le font-ils avec fruit? Je ne prendrai pas fur moi de
répondre à cette queftion ; je me contenterai d’ob-
ferver que prefque tous ces livres ont été faits pour
enfeigner aux commençans la fabrique du latin, & la
compofition des thèmes ; que la méthode des thèmes
tombe de jour en jour dans un plus grand difcrédit,
par l’effet des réflexions fages répandues dans les
livres excellens des inftituteurs les plus habiles, 8c
des écrivains les plus refpeftables, M. le Fevre de
Saumur, Voffius le pere, M. Rollin, M. Pluche,’
M. Chompré, &c. Qu’il eft àdefirer que ce difcrédit
augmente, 8c qu’on fe tourne entièrement du
côté de la verfion, tant de vive-voix que par écrit;
que l’un des moyens les plus propres à amener dans
la méthode de l’inftitution publique cette heureufe
révolution, c’eft de pofer les fondemens de la nouvelle
méthode, en publiant les livres élémentaires
dans la forme qu’elle fuppofe 8c qu’elle exige; &
qu’aucun de ceux qu’on a publiés jufqu’à-préfent,
ou dumoins qui font parvenus à ma connoiffance,
ne peut-fervir à cette fin.
Dans l’intention de prévenir, s’il eft poffible, une
fécondité toujours nuifible à la bonté des fruits ,
j’ajoute que les livres élémentaires, dans quelque
genre d’étude que çe puiffe être , font peut-être les
plus
plus difficiles à bien faire, & ceux dans lefquels on
a le moins réuffi. Deux caufes y contribuent: d’une
part, la réalité de cette difficulté intrinfeque, dont
on va voir les raifons dans un moment; 8c de l’autre
, une apparence toute contraire, qui eft pour lès
plus novices un encouragement à s’en mêler, &
pour les plus habiles, un véritable piège qui les fait
échouer.
Il faut que ces élémens foient réduits aux notions
les plus générales, 8c an néceffairele plus étroit,
parce que, comme le remarque trcs-judicieufement
M. Pluche , il faut que les jeunes commençans
voient la fin d’une tâche qui n’eft pas de nature à
les réjouir, 8c qu’ils n’en feront que plus difpofés à
apprendre le tout’parfaitcment. Ces notions cependant
doivent être en affez grande quantité pour fer-
vir de fondement à toute la fcience grammaticale ,
de folution à toutes les difficultés de l’analyfe, d’explication
à toutes les irrégularités apparentes; quoiqu’il
faille tout-à-la-fois les rédiger avec affez de
précifion, de jufteffe,& de vérité, pour en déduire
facilement 8c avec clarté, en tems 8c lieu , les dé-
vcloppemens convenables, 8c les applications né-
ceffaires, fans ftircharger ni dégoûter les commen- ,
çans.
L’expofition de ces élémens doit être claire &
debarraffée de tout raifonnement abftrait ou méra-
phyfique, parce qu’il n’y a que des efprits déjà formés
8c vigoureux, qui puiffent en atteindre la hauteur
, en faifir le f il, en fuivre l’enchaînement, &
qu’il s’agit ici de fe mettre à la portée des enfans ;
efprits encore foibles & délicats, qu’il faut foutenir
dans leur marche, & conduire au but par une rampe
douce 8c prefque infenfible. Cependant l’ouvrage
doit être le fruit d’une métaphyfique profonde , &
d’une logique rigoureufe, finon les idées fondamentales
auront été mal vues ; les définitions feront obf-
cures ou diffufes, ou fauffes ; les principes feront
mal digérés ou mal préfentés ; on aura, omis des
chofes effentielles, ou l’on en aura introduit de fu-
perflues ; l’enfemble n’aura pas le mérite de l’ordre,
qui répand la lumière fur toutes les parties, en en
fixant la correfpondance, qui les fait retenir l’une
Çar l ’autre en les enchaînant, qui les féconde en en
facilitant l’application. Peut-être même faut-il à
l ’auteur une dofe de métaphyfique d’autant plus
forte, que les enfans ne doivent pas en trouver la
moindre teinte dans fon ouvrage.
Ce n eft pas affez pour réuffir dans ce genre de
travail, d’avoir vu les principes un à un ; il faut les
avoir vus en corps, & les avoir comparés. Ce n’eft
pas affez de les avoir envifagés dans un état d’ab-
ftraétion, 8c d’avoir, fi lîon veut, imaginé le fyftème
le plus parfait en apparence ; il faut avoir efiàyé le
tout par la pratique : la théorie ne montre les principes
que dans un état de mort ; c’eft la pratique qui
les vivifie en quelque forte ; c’eft l’expérience qui
les juftific. Il ne faut donc regarder les principes
grammaticaux comme certains, comme néceffaires,
comme admiffibles dans nos élémens, qu’après s’être
affure quen effet ils fondent les ufages qui y ont
trait, 8c qu’ils doivent fervir à les expliquer.
Afin d’indiquer à-peu-près l’efpece de principes
qui peut convenir à la méthode analytique dont je
confeille l’ufage, qu’il me foit permis d’inférer ici
un effai d’analyfe, conformément aux vues que j’in-
linue dans cet article, & dans l ’article Inversion -
& dont on trouvera les principes répandus 8c développés
en divers endroits de cet ouvrage. On y
verra l’application d’une méthode que j ’ai pratiquée
avec fuceès, & que toutes fortes de raifons me portent
à croire la meilleure que l’on puiffe fuivre à
1 egard des langues tranfpofitives ; je né la propofe
cependant au public que comme une matière qui
peut donner lieu à des expériences întéreffahtes pour
la religion 8 c pour la patrie, puifqu’elles tendront
a perfectionner une partie néceffaire de l’éducation.
Quelques lefteurs délicats trouveront peut-être
mauvais que j’ofe les occuper de pareilles minuties,
& d’obfervarions pédantefques: mais ceux qui peuvent
etre dans ces difpofitions, n’ont pas même entame
la Ie&ure de cet article J e puis continuer fans 1
confecjuence pour eux ; les autres qui feroient venus
jufqu’ici, & qui feroient infenfibles au motif que je
viens de leur préfenter, je les plains de cette irifen-
fibilité ; qu’ils me plaignent, qu’ils me blâment, s’ils
T^u ent, de celle que j’ai pour leur délicareffe ; niais
qu ils ne s’offenfent point, fi traitant un point de
grammaire, j’emprunte le langage qui y convient,
8 c defcens dans un détail minutieux, fi fon veut
mais important, puifqu’il eft fondamental.
Je reprens le difcours de la mere de Sp. Càf-viÜüs
à fon fils, dont j’avois entamé l’explication (artidi
Inversion) d’après les principes de M. Pluche.
Quinprodis, mi Spuri, utqùotiefcunque graâurn facièsf
Toties tibi tuarum virtutum veniat in mentem
Q u i n eft un adverbe conjon£ïif& négatif.
par apocope, pour q u in e , qui eft c o m p o f é de Labia*
tif commun q u i ,, & de la négation n e ; 8 c C e t ablatif
q u î e ü . le complément de la prépofition fouf-ehren-
due p r o pour ; ainfi q u in eft équivalent à p r b q u i nc±
pour quoi ne 0« ne pas ; q u in eft donc im adverbe \
puifqu il équivaut à la prépofition p r o avec fon com*
plement q u i ; 8 c cet adverbe eft lui-même le Conta
plément circonftanciel de Caufe du verbe p r o d i s i
r o y e i RÉGIME. Q u in eft conjdnôif, puifqu’il renferme
dans fa lignification le mot conjonérif q u i j 8 t
en cette qualité il fert à joindre la propofition incidente
dont il s’agit ( v o y é ç Incidente) avec un antecedent
qui eft ici fous-entendu, & dont nous ferons
la recherche en tems 8 c lieu : enfin q u in eft négatif--
puifqu’il renferme encore dans fa fignification la négation
ne qui tombe ici fur prodis.
P r o d is (tu vas publiquement) eft à la fécondé per*
fonne du firigulier du préfent indéfini ( v o y e ï Présent
) de l’indicatif du verbe p r o d i r e , p r ô d e o > i s ;
i v i , 8 c par fyncope, i i , h u m , verbe abfoiu aftif,
Ç v o y e { Verbe)& irrégulier, de la quatrième con-
jugaifon; ce verbe eft compofé du verbe i r e , aller*
& de la particule p r o , qui dans la compofition figni-
fie p u b liq u em en t ou e n p u b l i c i parce qu’on fuppofe
à la prépofition p r o le complément ore o m n iu m , p r ô
ore om n ium (devant la face de, tous ) le d a été i référé
entre les deux racines par euphonie ( v o y eç Euphonie
) pour empêcher l’hiatus : p r o d i s eft à U
fécondé perfonne du fingulier, pour s’accorder e n
nombre & en perfonne avec f o n fujet naturel, m i
S p u r i . F b y e i SUJET.
Mi ( mon ) eft au vocatif fingulier mafculin do
meus?a,eum9 adjeâif hétéroclite,delà première dê-
clinaifon. Foye1 Paradigme. Mi eft au vocatif fingulier
mafculin, pour s’accorder en cas , en nombre
& en genre avec le nom propre Spuri, auquel
il a un rapport d’identité. F o y c { Concordance &
Identité.
Spuri (Spurius) eft au vocatif fingulier de Spurius4
i i , nom propre , mafculin & hétéroclite, de là deu-»
xieme déclinaifon ; Spuri eft au vocatif, parce que*
c’eft le fujet grammatical de la fécondé perfonne ÿ
ou auquelle difcours eft adreffé. Foyej Vocatif.
Mi Spuri (mon Spurius ) eft le fujet logique de la
fécondé perfonne.
Ut ( que) eft une conjonâion déterminative, dorîf
l’offiOe eft ici de réunir à l’antécédent fous-entendit
hanc finem, la propofition incidente déterminative,
quotiefeumque gradum faciès , loties tibi tuarum virtu~
tum veniat in mentem,
m