
ï^47 , une andiance royale , une umverfité, fi l’oft
peut nommer de ce nom les écoles de l’Amérique
-efpagnole.
Elle fut la capitale de Pempire du Mexique juf-
«ii au 13 Août 1 5 1 1 , que Cortez la prit pour toujours
, 6c que finit ce fameux empire. Voyons ce
qu’elle étoit alors , avant que de parler de Ion état
aftuei.
Cette v ille , fondée au milleii d’un grand lac ,
crffroit aux yeux le plus beau monument de l’induf-
trie américaine. Elle communiquoit à la terre pat
fes digues ou chauffées principales, ouvrages fomp-
tueu x, qui ne fervoient pas moins à l’orrtement qu’à
la néceffité. Les rues étoient fort larges, coupées
par quantité de ponts, & paroiffoient tirées au cordeau.
On voyoit dans la ville les canots fans nombre
naviger de toutes parts pour les befoins ,6 c le
commerce. On voyoit à Mexico les maifons fpacieu-
fes & commodes confinâtes de pierres, huit grands
temples qui s’élevoient au-deffus des autres édifices
, des places , des marchés , des boutiques qui
brilloient d’ouvrages d’or & d’argent fculptés, de
vaiffelle de terre verniffée , d’étoffes de coton , 6c
de tiffus de plumes, qui formoient des deffeins écla-
tans par les plus vives couleurs.
L’achat & la vente fe faifoient par échange ; chacun
donnoit ce qu’il avoit de trop, pour avoir ce qui
lui manquoit. Le maïs & le cacao fervoient feule-
- ment de monnoie pour les chofes de moindre valeur.
Il y avoit une maifon oü les juges de commerce
tenoient leur tribunal ,pour regler les différends
entre les négocians : d’autres miniffres inférieurs al-
loient dans les marchés, maintenir par leur prélen-
ce > l’égalité dans les traités.
Plufieurs palais de l’empereur Montézuma augmentaient
la fomptuofité de la ville. Un d’eux s’é-
levoit fur des colonnes de jafpe, 6c étoit deftiné à
•récréer la vue par divers étangs couverts d’oifeaux
de mer & de riviere , les plus admirables par leurs
plumages. Un autre étoit décoré d’une ménagerie
pour les oifeaux de proie. Un troifieme étoit rempli
d’armes offenfives & défenfives , arcs, fléchés,
frondes, épées avec des trenchans de cailloux, en-
châffés dans des manches de bois, &c. Un quatrième
étoit confacré à l’entretien & nourriture des
nains, des boffus, 6c autres perfonnes contrefaites
ou eftropiées des deux fexes 6c de tout âge. Un cinquième
étoit entouré de grands jardins, où l’on ne
cultivoit que des plantes médecinales, que des in-
tendans diftribuoient gratuitement aux malades. Des
médecins rendoient compte au roi de leurs effets, 6c
en tenoient régiftre à leur maniéré , fans avoir l’u-
fage de l ’écriture. Les autres efpeces de magnificence
ne marquent que le progrès des arts ; ces deux
ffernieres marquent le progrès de la morale, comme
dit M. de Voltaire.
Cortez , après fa conquête , réfléchiflant fur les
avantages & la commodité de la fituation de Mexico
, la partagea entre les conquérans , & la fit rebâtir
; après avoir marqué les places pour l’hôtel-de-
ville , & pouî les autres édifices publics. Il fépara
la demeure des Efpagnols d’avec celle du refte des
Indiens, promit à tous ceux qui voudroient y venir
demeurer, des emplacemens 6c des privilèges, &
donna une rue entière au fils de Montézuma, pour
gagner l’affettion des Mexicains. Les defcendans de
ce fameux empereur fubfiftent encore dans cette
v ille , 6c font de fimples gentilhommes chrétiens ,
confondus parmi la foule. .
Mexico eft aôuellement fituée dans une vafte plainte
d’eau, environnée d’un cercle de montagnes d’environ
40 lieues de tour. Dans la faifon des pluies ,
qui commencent vers le mois de M ai, on ne peut
entrer dans cette ville que par trois chauffées , dont
la plus petite a une grande demi-lieue de longueur; les
deux autres font d’une lieue & d’une lieue 6c demie. ;
mais dans les tems de féchereffe , le lac au milieu
duquel la ville eft fituée, diminue cortfidérablement.
Les Efpagnols fe font efforcés de faire écouler les
eaux à-travers les montagnes voifines ; mais après
des travaux immenfes , exécutés aux dépens des
jours des malheureux Mexicains , ils n’ont réufîi
qu’en partie dans l’exécution de ce projet ; néanmoins
ils ont remédié par leurs ouvrages aux inondations
, dont cette ville étoit, fouvent menacée..
Elle eft aftuellement bâtie régulièrement, 6c tra-
verfée de quelques canaux , lelquels fe rempliffent
des eaux qui viennent du lac. Les maifons y font
baffes , à caufe des fréquens tremblemens de terre ;
les rues font larges, & les eglifes très-belles. Il y a
un très-grand nombre çle couvents.
On comptoit au moins trois cent mille âmes dans
Mexico fous le régné de Montézuma ; on n’en trou-
veroit pas aujourd’hui foixante mille, parmi lef-
quels il y a au plus dix mille blancs ; le refte des ha*
bitans eft compofé d’indiens, de nègres d’Afrique ,
de mulâtres, de métis , 6c d’autres, qui defeendent
du mélange de ces diverfes nations entre elles , 6c
aveclesEuropéens;ce qui a formé des habit ans de toutes
nuances de couleurs,depuis le blanc jufqu’au noir.’
C ’eft cependant une ville très-riche pour le commerce
, parce que par la mer du nord une vingtaine
de gros vaiffeaux abordent tous les ans à S. Jean de
Mhua, qu’on nomme aujourd’hui la. Vera - Crux ,
chargés de marchandifes de la chrétienté, qu’on
tranfporte enfuite par te/re à Mexico. Par la mer du
fu d , elle trafique au Pérou & aux Indes orientales
au moyen de l’entrepôt des Philippines, d’où il revient
tous les ans deux galions-à Acapulco , où l’on
décharge les marchandifes, pour les conduire par
terre à Mexique.
Enfin, fi l’on confidere la quantité d’argent qu’on
apporte des mines dans cette ville , la magnificence
des édifices facrés, le grand nombre de carroffes
qui roulent dans les rues , les richeffes immenfes de
plufieurs Efpagnols qui y demeurent, l’on penfera
qu’elle doit être une ville prodigieufement opulente:
mais d’un autre côté , quand on voit que les Indiens
qui font les quatre cinquièmes des habitans, font fi
mal vêtus , qu’ils vont fans linge & nudspiés , on
a bien de la peine à fe perfuader que cette ville foit
effeâivement fi riche.
Elle eft fituée à 12 lieues de la Puébla, 75 d’A-
cipulco, & à 80 de la Vera-Crux. Long, félon le P«
Feuillée & d e s Places, z j z deg. z i min. 30 fcc. lat.
z o . 10. Long, félon Caffini 6c Lieutaud, 273- Si»
30. lat. z o . Long, félon-M. de Lille , zy5. i5. lat»
z o . ï k (Z>. ƒ•)
MEXIQUE, l’ empire du (Géog.') vafte contrée
de l’Amérique feptentrionale, foumife aux rois du
Mexique, avant que Fernand Cortez en eût fait la
conquête.
Lorfqü’il aborda dans le Mexique , cet empire étoit
au plus haut point de fa grandeur. Toutes les provinces
qui avoient été découvertes jufqu’alors dans
l’Amérique feptentrionale, étoient gouvernées par
les miniffres du roi du Mexique , ou par des caciques
qui lui payoient tribut.
L’étendue de fa monarchie de levant au couchant
étoit au moins de 500 lieues; 6c fa largeur du midi
au feptentrion contenoit jufqu’à près de 100 lieues
dans quelques endroits. Le pays étoit par tout fort-
peuplé , riche & abondant en commodités. La mer
Atlantique, que l’on appelle maintenant la mer du
Nord y & qui lave ce long efpace du côté étendu depuis
Penuco jufqu’à Yucatan, bornoit l’empire dû
côté du feptentrion. L’Océan , que l’on nomme
ajiatique , ou plus communément mer du Sud, lé
bornoit
h
bornoit au couchant, depuis le cap Mindofin, juf-
qu’atax extrémités de la nouvelle Galice. Le côté
du fud occupoit cette vafte côte , qui court au long
de la mer du Sud, depuis Acapulco jufqu’à Guati-
inala ; lê côté du noids’éiendoit julqu’àPanuco, en
y comprennant cette province..
Tour cela était l’ouvrage de deux fiecles. Le premier
chef dès Mexiquains, qui vivôient d’abord en
république, fut un* homme très-habile 6c très-brave;
ôedepuis ce ternsdà, ils élurent, 6c déférèrent l’autorité
fouveraine à celui.qui paffoit pour le plus vaillant.
r Les richeffes de l’empereur étoient fi;xonfidéra-
bles, qu’elles fufiïloient non-feulement à entretenir
les délices de fa cour, mais des armées nombreu-
fes pour couvrir les ftfontieres. Les «fines d’or &
d’argent, les falines , 6c autres droits , lui prodifi-
fbient des revenus immenfes. Un grand ordre dans
les finances maintenoit la profpérité de cet. empire.
Il y avoit différens tribunaux pour rendrè la juiiice,
6c même des juges des affaires de commerce. La
police étoit fage & humaine, excepté1 dans la coutume
barbare ( & autrefois .répandue chez tant de
péuples ) d’immoler des prifonniers de guerre à l ’idole
Vitztzilipuzli, qu’ils regardoient pour le fou-
verain des dieux. L’éducation de la jeuneffe for-
moit un des principaux objets du gouvernement. Il
y avoit dans l’empire des écoles publiques établies
pour l’un 6c l’autre fexe. Nous admirons encore les
anciens Egyptiens , d’avoir connu que l’année eft
d’environ 365 jours ; les Mexiquains aVoient pouffé
jufques-Ià leur aftronomie.
Tel étoit l’état du Mexique lorfque Fernand'Cor-
te z , en 1 5 10 ,fimple lieutenant de Véiafquez , gouverneur
de l’ile de Cuba , partit de cette île avec
fort agrément, fuivi de 600 hommes, une vingtaine
de chevaux , quelques pièces de campagne, 6c fub-
juga tout ce puiffant pays.
D ’abord Cortez eft affez heureux pour trouver
un efpagnol, qui, ayant été neuf ans prifonnier à
Yucatan , fait le chemin du MexiqtUy.lui fert de guide
& de truchement. Une américaine, qu’il nomme
dona Marina, devient à-la-fôis fa maîtrefié & fon
confeil, 6c apprend bientôt affez d’efpagnol, pour
être aüffi une interprète utile. Pour comble de bonheur;
on trouve un volcan plein de fouphre 6c de
falpètre, qui lert à renouveller au befoin la poudre
qu’on confommerbit dans les combats.
Cortez avance devant le golphe du Mexique, tantôt
careffant les naturels du pays, 6c tantôt faifant
la guerre. La puiffante république de Tlafcala fe
joint à lu i, 6c lui donne fix mille hommes de fes
troupes, qui l’accompagnent dans fort expédition.
Il entre dans l’empire du Mexique , maigre les défen-
fes du fouverain, qu’on nommoit Montézuma ; « Mais
» ces animaux guerriers fur qui les principaux Efpa-
y> gnols étoient montés, ce tonnerre artificiel qui fe
» rormoit dans leurs mains , ces châteaux de bois
« qui les avoient apportés fur l’Océan , ce fer
» dont ils étoient couverts, leurs marches comptées
» par des vi&oires ; tant de fujets d’admiration,
» joints à cette foibleffe qui porte le peuple à admi-
„ rer ; tout cela fit que quand Cortez arriva dans la
» ville de Mexico, il fut reçu de Montézuma com-
» me fon maître, 6c par les habitans , comme leur
>♦ dieu. On fe mettoit à genoux dans les rues, quand
» un valet efpagnol paffoit. »
Cependant, peu-à-peu , la cour de Montézuma
s’apprivoifant avec leurs hôtes, ne les regarda plus
que comme des hommes. L’empereur ayant appris
qu’une nouvelle troupe d’Efpagnôls étoit lur le chemin
du Mexique , la fit attaquer en fecret par un de
fes généraux, qui par maiheur fut battu. Alors Cortez
, fuivi d’ùne efeorte efpagnole} & accompagne
Tome X .
de fa dona Marina , fe rend au palais du roi. II emploie
tout eniemblc la perfuafion 6c la menace, em-
mene à fon quartier l ’empereur prifonnier , 6c l’engage
de fe reconnoître publiquement vaffal de Char-
jles-Qujnt.
Montézuma, & les principaux de la nation,doii-
nent pour tribut attache à leur hommage fix cent
mille marcs d’or pur , avec une incroyable quantité
de pierreries 9 d’ouvrages d’o r , 6c tout ce que l’in-
duftrie de plufieursfiecles avoit fabriqué de.pLusrare
dans cette contrée. 'Cortez en mit à part le cinquième
pour fon.maître,.prit un cinquième pour lui, 6c
diftribua le refte. à fes ioldats.
Ge. n-’eft pas là le plus grand prodige ; il eft bien
plus fingulier que les conquérans de ce nouveau
monde., Te déchirant eux>.ûiêmcsles conquêtes
n’en fouffrirent pas.. Jamais le vrai ne fut moins
vraifi'emblable. Véiafquez offenfé; de lat gloire de
tConez, envoyé un.corps de mille. Efpagnols avec
deux pièces de canon poftr le prendre, prifonnier,
6c fuivre le cours de 'les viftoires. Cortez iaiffé cent
hommes pour garder l’empereur dans fa capitale, 6c
marche * fuivi du refte.de les gens,.contre fes com-
patriotes.’ 11 défait les premiers qui l’attaquent., 6c
gagne les autres, qui, fous les étendards, retournent
avec lui dans la viilede Mexico. î •
Il trouve à fon arrivée cent mille Américains en
armes contre les Cent hommes qu’il;aVoit commis à
la garde de Montézuma, iefqueis cent.hommes , fous
prétexte d’une confpiration , avoient pris le tems
d’une fête, pour égorger deux mille; des principaux
feigneurs , plongés dans Fivreffe de leurs liqueurs
fortes, & les avoient dépouillés dé tousdes.ornè-
mens d’or & de pierreries’ dont ils s’étoient parés.
Montézuma mourût'dans cette conjonclutepmais lès
Mexicains animés du défir de la vehgeaneei, élurent
en la place Quahutimoe, que nous appelions Gàd-
mo^in, dont la delà née tût enoore plùsfûnelte que
celle de Ton- prédéceffeur.
. Le défelpoir & la haine précipitoient Ie£ Mexicains
contre ces mentes hommes/j qu’ils- a’o*>
foienr auparavant regarder qu’à gênoUîf ;-Cortèz
fe vit forcé de quitter la ville de Mexicopour n’y
être pas affamé. Les Indiens avoient rompu les chauffées
, 6c les Elpagnols firent des ponts avec les corps
des ennemis qui fes pour/uivoienr. Mais dans leur
retraite fanglante , ils perdirent tous les tréfors immenfes
qu’ils avoient ràvis pour Charles-Quint, ôc
pour eux. Cortez n’olant s’écarter de la capitale ,
fit conftruire des bâtimens, afin d’y rentrer par le
lac. Ces brigantins renverferent les milliers de canots
chargés de Mexicains qui couvroient le lac , ôc
qui voulurent vainement s’oppofer à leur paffage.
Enfin, au milieu de ces combats , les Elpagnols
prirent Gatimozin, 6c par ce coup funefte aux Mei
xiquains , jetterent la confternation 6c l’abattement
dans tout l’empiré du Mexique. C ’eft ce Gatimozin
fi fameux par les paroles qu’il prononça , lorfqu’un
receveur des tréfors du roi d’Efpagne le fit mettre
fur des charbons ardens, pour favoir en quel endroit
du lac il avoit jetté toutes fes richeffes. Son grand-
prêtre condamné au même lupplice, ponffoit les cris
les plus douloureux, Gatimozin lui dit fans s’émou-,
voir : « Et moi fuis-je fur un lit de rofes ? »
Ainfi Cortez fe v i t , en 15 2 1 , maître de la villa
de Mexique, avec laquelle le refte de l’empire tomba
fous la domination efpagnole , ainfi que lu Caftille
d’o r , le D arien, & toutes les contrées voifines.
L'empire du Mexique fe nomme aujourd’hui la nouvelle
EJpagne. Ce fut Jean de Grijalva, natif de
Cuellar en Efpagne, qui découvrit le premier cette
vafte région, en 1 5 1 8 ,6c FappeLla nouvelle Efpà-
gne. Velâzquez, dont j’ai parlé , lui en avoit donné
la commiffion, en lui défendant d’y foire aucun cta