» de ces premiers mots un e qu’on n’y prononçoit
» pas. On en ufa de même dans beau, nouveau , oi-
•»feau , damoifeau, chafieau & autres mots fembla-
» blés, parce que la terminaifon eau y a fuccédé à
*> d : nous difons encore «« bel homme % un nouvel ou-
•et vrage; & l’on difoit jadis, oifèl-, damoifcl, chajlel.
» Les écrivains modernes, plus entreprenans que
»♦ leurs devanciers, »[nous avons eu pourtant des
devanciers allez entreprenans ; Syivius ou Jacques
Dubois dès 15 3 1 ; Louis Meigret & Jacques Pelletier
quelques vingt ans après ; Ramus ou Pierre de
3a Ramée vers le même tems; Rambaud en 1578 ;
Louis de Lefclache en 1668 , & l’Artigaut très-peu
de tems après, ont été les précurseurs des réformateurs
les .plus hardis de nos jours; & je ne fais fi
l ’abbé de S. Pierre , le plus entreprenant des modernes
, a mis autant de liberté dans fon fyftème, que
•ceux que je viens de nommer : quoi qu’il en (bit, je
reprens le difcours de M. Harduin.] « Les écrivains
» modernes plus entreprenans, dit-il, que leurs de-
» vanciers, rapprochent de jour en jour l’orthogra-
» phe de la prononciation. On n’a guere réuffi, à
» la vérité, dans les tentatives qu’on a faites juf-
» qu’ici pour rendre les lettres qui fe prononcent
» plus conformes aux fons & aux articulations qu’el-,
» les repréfentent ; & ceux qui ont voulu faire écri-
» re ampereur, acjion , au lieu d’empereur , action ,
» n’ont point trouvé d’imitateurs. Mais on a été
» plus heureux dans la fuppreffion d’une quantité de
»> lettres muettes, que l’on a entièrement profcrites,
» fans confidérer fi nos ayeux les prononçoient ou
» non, & fans même avoir trop d’égards pour cel-
» les que des raifons d’étymologie ou d’analogie
» avoient maintenues fi long-tems. On eft donc par-
» venu à écrire doute, parfaite, honnête, arrêt, ajou-
» ter, omettre, au lieu de doubte, parfaicle , honnejle ,
» arrefl, adjouter, obmettre ; Sc la confonne oifeufe a
» été remplacée dans plufieurs mots par un accent
» circonflexe marqué fur la voyelle précédente ,.le-
» quel a Souvent la double propriété d’indiquer le
» retranchement d’une lettre & la longueur de la
» fyllabe. On commence auffi à ôter l’e muet ûe.gaie-
» ment, remerciement} éternuement, dévouement, &c.
» Mais malgré les changemens confidérables que
» notre orthographe a reçus depuis un fiecle, il s’en
» faut encore de beaucoup qu’on ait abandonné
et tous les çaraûeres muets. Il femble qu’en fe déter-
» minant à écrire fur., mûr, au lieu de feur, meur,
»on auroit dû prendre le parti d’écrire auffi bau,
» chapau, au-lieu de beau , chapeau , & euf, beuf, au-
» lieu d’oeuf, boeuf \ quoique ces derniers mots vien-
» nent d'ovum, bovis : mais l’innovation ne s’eft pas
» étendue jufques-là ; & comme les hommes font ra-
» rement uniformes dans leur conduite, on a même
» épargné dans certains mots , telle lettre qui n’a-
» voit pas plus de droit de s’y maintenir, qu’en plu-
» fieurs autres de la même claffe d’oit elle a été re-
» tranchée. Le g', par exemple, eft refté dans poing,
» après avoir été banni de foing, loin g , témoing.
» Que dirai-je des confonnes redoublées qui font
» demeurées dans une foule de mots où nous ne pro-
» nonçons qu’une confonne fimple ?
» Quelques progrès que faffe à l’avenir la nouvelle
» orthographe, nous avons des lettres muettes qu’el-
» le pourroit fupprimer fans défigurer la langue, &
» fans en détruire l’économie. Telles font celles qui
» fervent à défigner la nature & le fens des mots,
» comme « dans ils aiment, ils aimèrent, ils aimaf-
» fent, & en dans les tems où les troifiemes perfon-
» nés plurielles fe terminent en oient, ils aimoient,
» ils ai m croient, ils foient ; car à l’égard du t de ces
»mots, & de beaucoup d’autres confonnes finales
» qui font ordinairement muettes, perfonne n’ignore
» qu’il faut les prononcer quelquefois en coiiverfa-
»tlon, & plus fouvent encore dans la Ieéhireou
»dans le difcours foutenu, fur-tout lorfque le mot
» foivant commence par une voyelle.
» Il y a des lettres muettes d’une autre efpece, quî
» probablement ne difparoîtront jamais de l’écritu-
» re. De ce nombre eft Vu fer vile qu’on met toûjours
» après la confonne q , à moins qu’elle ne foit finale;
» pratique finguliere qui avoit lieu dans la langue la-
» tine auffi conftammentqüe dans la françoife. Il eft
» vrai que cet u fe prononce en quelques mots, qua-
» dratüre, équeflre, quinquagéjime ; mais il eft muet
» dans la plupart, quarante , querelle, quotidien ,
»quinze.
» J’ai peine à croire auffi qu’on banniffe jamais
» 1’« & Ve qui font prefque toujours muets entre un,
» g &c une voyelle. Cette confonne g répond, com-
» me on l’a vu (article G.) à deux fortes d’articula-
» tions bien differentes. Devant a , 0, u , elle doit fe
» prononcer durement; niais quand elle précédé un t
» ou un i , la prononciation eh eft plus douce, &C
» reffemble entièrement à celle de Vi confonne [à.
» celle du/.] Or pour apporter des exceptions à ces
» deux réglés, & pour donner au g en certains cas
» une valeur contraire à fa pofition aâuelle, il fal-
» loitdes fignesqui fiflent cohnoître les cas exceptés.
» On aura donc pu imaginer l’expédient de mettre
» un« après le g , pour en rendre l’articulation dure
» devant un e ou un i , comme dans guérir, collègue,
» orgueil, guittare, guimpe; & d’ajouter un e à cette
» confonne, pour la fairè prononcer mollement de-,
» vant « ,< ? ,« , comme dans geai, George , gageure.
» L’« muet femble pareillement n’àvoir été inféré
» dans cercueil, accueil, écueil, que pour y affermir le
» c qu’on prononceroit comme s , s’il étoit immédia-
» tement luivi de IV.
» Il n’eft pas démontré néanmoins que ces voyel-
» les muettes l ’aient toujours été; il eft pofîible ab-
» folument parlant, qu’on ait autrefois prononcé I’k
» ôc IV dans ecueil, guider y George, comme on les
» prononce dans écuelle, Guife ville , & géomètre:
» mais une remarque tirée delaConjiigaïfondes ver-
» bes , jointe à l’ufage où l’on eft depuis long-tems
» de rendre ces lettres muettes, donne lieu de con-
» jeâurer en effet qu’elles ont été placées après le g
» & le c , non pour y être prononcées, mais feule-
» ment pour prêter, comme je l’ai déjà dit, à ces
» confonnes une valeur contraire à celle que de-
» vroit leur donner leur fituation devant telle ou tel-
» le voyelle.
» Il eft de principe dans les verbes de la premier®
» conjugaifon, comme flatter, ]e fiatte, blâmer, je
» blâme, que la première perfonne plurielle du pré-
» fent [indéfini] de l’indicatif, fe forme en chan-
» géant IV final de la première perfonne du fingulier
» en ons; que l’imparfait [c’eft dans fnon fyftème ,
» le préfent antérieur fimple] de l’indicatif 1e forme
» par le changement de cet e final en ois; & l ’aorifte
» [c’eft dans mon fyftème, le préfent antérieur pé-
» riodique] par le changement du même e en ai : je
» flatte ^ nous flattons, jé flattois, je flattai ; je b lâr
» me, nous blâmons, je blâmois, je blâmai. Suivant
»ces exemples, on clevroit écrire je mange, nous
» mangons, je mangois, je mangai ; mais comme le g
» doux de mange y feroit devenu un g dur dans les
» autres mots, par la rencontre de IV & de IV, il
» eft prefque évident que ce fut tout exprès pour
» conferver ce g doux dans nous mangeons, je man-
» geoisy je mangeai, que l’on y introduifit un e fans
» vouloir qu’il fût prononcé. Par-là on crut trouver
» le moyen de marquer tout à la fois dans la pronon-
» ciation & dans l’orthographë, l’analogie de ces
» trois mots avec je mange dont ils dérivent. La mê-
» me chofe peut fe dire de nous commenceons, je com-
» mcnccois, je commenceai, qu’on n’écrivoit fans
O
, doute ainfi avant l’invention de la cédille, que
» pour laifler auc la prononciation douce qu’il a dans
» je commence»
». Cette cédille inventée fi à propos, auroit dû
» faire imaginer d’autres marques pour diftioguer les
» cas ou le c doit fe prononcer comme un k devant
» la voyelle e, & pour faire connoître ceux où le g
» doit être articulé d’une façon oppofée aux réglés
» ordinaires. Ces figues particuliers vaudroient
» beaucoup mieux que l’interpofition d’un e ou d’un
» « , qui eft d autant moins fatisfaifante qu’elle in-
» duit à prononcer ÀcueLle comme écueil, aiguille
» comme anguille, & même géographe & ciguë, com-
» me George &c figue, quand l’écrivain n ’a pas foin,
» ce qui arrive affez fréquemment, d’accentuer le
» premier e de géographe, & de mettre deux points
» fur le fécond i d’aiguille & fur IV final de dguë ».
[Le moyen le plus iùr & le plus court, s’il n’y avoit
eu qu’à imaginer des moyens, auroit été de n’attacher
à chaque çonionne qu’une articulation, & de
donner à chaque articulation fa confonne propre.]
» Quoi qu il ,en foit de mon idée de réforme, dont
» il n y a point d’apparence qu’on voye jamais l’e-
» xecution, on doit envifager la voyelle e dans beau
» tout autrement que dans il mangea. Elle ne fournit
» par elle-meme aucun fop dans le premier de ces
» mots ; mais elle eft cenfée tenir aux deux autres
» voyelles, & on la regarde en quelque forte com-
» me faifant partie des caraûeres employés à repréfenter
le fon o ; au-lieu que dans il mangea, IV ne
» concourt en rien à la repréfentation du fon : il n’a
»> nulle efpece de liaifon avec IV fuivant, c’efl: à la
» feule confonne g qu’il eft uni, pour en changer
» 1 articulation, eu égard à la place qu’elle occupe.
» Ce que je dis ici de IV, par rapport au mot man-
» gea, doit s’entendre également de IV tel qu’il eft
» dans guerre, recueil, quotité ; & ce que j’obferve
» fur l e , par rapport au mot beau, doit s’entendre
» auffi de Va & de IV dans Saône &c boeuf ». Foyer
L et tre , V oyelle , C onsonne , D iphtongue
, ORTHOGRAPHE, 6* diffèrens articles de lettres
particulières. ( B. E. R. M..')
Muet , en Droit, &fingulierement en matière criminelle
, s’entend egalement de celui qui ne peut pas
parler & de celui qui ne le veut pas ; mais on procédé
différemment contre le muet volontaire ou le
muet par nature.
Quand l’accufé eft muet ou tellement fourd qu’il
ne puiffe aucunement entendre, le juge lui nomme
d’office un curateur fachant lire & écrire , lequel
prête ferment de bien & fidellement défendre l’ac-
eufe, & répondra en fa préfence aux interrogatoires,
fournira de reproches contre les témoins, & fera
reçu à faire audit nom tous aftes que l’accufé pourroit
faire pourfe défendre. Il lui fera même permis
de s’inftruire fecrétement avec l’accufé, par fignes
ou autrement ; fi le muet ou fourd fait & veut écrire,
il pourra le faire & ligner toutes fes réponfes , dires
& reproches , qui feront néanmoins lignés aufli
par le curateur, & tous les allés de la procédure
feront mention de l’afliftance du curateur.
Mais fil accufe eft un muet volontaire qui ne veuille
pas répondre le pouvant faire, le juge lui fera fur-Ie-
champ trois interpellations de répondre, à chacune
defquelles il lui déclarera qu’à faute de répondre fon
procès va lui être fait, comme à un muet volontaire,
& qu’après il ne fera plus venu à répondre force
qui aura été fait en fa préfence pendant fon filence
volontaire. Le juge peut néanmoins , s’il le juge à-
propos , lui donner un délai pour répondre de vingt-
quatre heures au plus , après quoi , s’il perfifte en
fon refus, le juge doit en effet procéder à l’inftruc-
tion du procès, & faire mention à chaque article
d’interrogatoire que l’accufé n’a voulu répondre ; &
Tome X .
fi dans la fuite l’accufé veut répondre , cé qui aura
ete fait jufquà feç reponfes fubfiftera, même la confrontation
des témoins contre lefquels il aura fourni
de reproches ; & il ne fera plus reçu à en fournir
s’ils ne font juftifiés par pièces.
Muets , ( Hifi. mod. turque. ) Les foltaris ont dans
leurs palais deux fortes de gens qui fervent à les divertir,
fa voir les muets & les nains ; c’e ft, dit M*
deTourneforr, une efpece finguliere d’animaux rai-
fonnables que les muets du ferrail. Pour ne pas trou*
hier le repos du prince , ils ont inventé entr’eux
une langue dont les cara&eres ne s’expriment qu®
par des fignes ; & ces figures font auffi intelligibles
la nuit que le jour , par l’attouchement de certaines
parties de leur corps. Cette langue eftfi bien reçue
dans le ferrail, que ceux qui veulent faire Leur cour
& qui font auprès du prince 9 l’apprennent avec
grand foin : car ce feroit manquer au refpeâ qui
(Z?6/ 'j f ^UC Par^er ^ l ’oreille en fa préfence»
MUETTE, f. f. ( Mythol. ) déeffe du Silence chez
les anciens Romains. Sa fête fe célébroit le 18 Février
, ou le 11 avant les calendes de Mars.
Muette , f. f. ( Vcnnene. ) maifon bâtie dans une
capitainerie de chaffe, pour y tenir la jurifdiôion
concernant les chaffes, ou y loger le capitaine ou
autre officier, les chiens & l’équipage de chaffe. On
appelle ainfi celles du bois de Boulogne, de Saint-
Germain , &c. parce que c ’eft-là que les gardes de
chaffe apportent les mues ou têtes de cerfs qu’ils
trouvent dans la forêt. On donne encore le nom de
muette au gîte du lievre & du levreau. Au lieu de
muette il y en a qui difent meute : comme dans cet
exemple , la meute du cerf ; le cerf à la voix des
chiens quitte facilement la muette ou la meute.
MUÉZ1N , f. m. (Hifi. turque.) On appelle muèfiri
en Turquie l’homme qui par fa fon&ion doit monter
fur le haut de la mofquée, & convoquer les Maho-
métans à la priere. Il crie à haute voix que Dieu
eft grand , qu’il n’y a point d’autre Dieu que lui, &
que chacun vienne fonger à fon falut. C ’eft l’explication
de fon difcours de cloche ; car dans les états
du grind-feigneur il n’y a point d’autre cloche pour
lès Mufolmans. Ainfi les Turcs, pour fe moquer du
vain babil des Grecs, leur difent quelqufois, nous
avons même des cloches qui pourraient vous apprendre à
parler. Le petit peuple de Sétines .( l’ancienne Athènes
) ne regle les intervalles de la journée que par
les cris qué fönt les muéfins for les minarets , au
point du jour, à midi, & à fix hçures du foir.
( D . J. )
MUFFLE DE LION, voye^ A n th ir r i itu m .
Muffle de VEAU, antirrhinum , genre de plante
à fleur monopétale, campaniforme, tabulée, faite
en forme de mafque , & divifée en deux levres ;
dont la fupérieure eft fendue en deux parties , &
l’inférieure en trois : le piftil fort du calice ; il eft
attaché comme un clou à la partie poftérieure de la
fleur , & il devient dans la fuite un fruit ou une co*
que qui reffemble en quelque façon à une tête de
cochon , car on y diftingue le derrière de la tête -,
les orbites & la bouche. Cette coque eft: divifée en
deux loges par une cloifoh, & contient des femen-
ces le plus fouvent petites & attachées à un placenta»
Tournefort, infi* rei herb. Voye^ Plante.
Muffle , 1. m. ( Venn. ) c’eft le bout du nez des
bêtes fauvages.
Muffle , ( Architect.') ornement de fculpture qui
repréfente la tête de quelqu’animal, & particulièrement
celle du lion , qui fert de gargouille à une ci-
maife , de goulettè à une cafcade , & fért auffi d’ornement
à des confoles, à des corniches, à des pila
ftres , &c.
MUGE N OIR, ( H fi. nat. IShiolog. ) poiffon de
p p p p p ij