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rien, & fe fait fentir fortement à la première ouver-
Verture du fac.
Il efl confiant que le parfum durant la vie du mufc
& d’abord après fa mort, eft d’une violence extrême.
I l réfidc dans le feul organe qui le filtre & qui le contient.
Plufieurs peri'onnes ont cru que toutes les parties
de l’animal fourniffoient une odeur de la même
rature ; mais on a tout lieu d’affurer, qu’elle réfidë
uniquement dans la pommade & dans l’organe qui
la filtre & la contient : fi les autres parties en ont
quelque impreffion, elle leur eft étrangère, c’eft la
pommade qui la leur a donnée : voici des expériences
qui le prouvent.
M. de la Peyronie a coupé une portion du poumon
, du foie, de la rate , & de divers mufcles : il
a imbibé une petite éponge fine du fang & de l’humidité
, qu’il a trouvé dans la poitrine & dans le
bas-ventre de l’animal. Il a renfermé toutes ces parties
dans différentes armoires ; il les a vifitées foi-
gneufement tous les jours , jufqu’à ce qu’elles ayent
été pourries ou defiéchés ; elles n’ont jamais donné
d’autres odeurs que celle du fang , ou d’une chair
ordinaire pourrie ou defléchée , fans le moindre
parfum de mufc.
La jlruclure particulière de Vorgane forme ce parfum.
La qualité des alimens peut augmenter la production
de la pommade ; elle peut même fortifier ou affoi-
blir l’odeur du parfum. Cet animal-ci ne vivoit que
de viande crue , ôc le parfum qu’il fourniffoit avec
abondance étoit exeeffivement fort ; il y a pourtant
apparence que les diverfes préparations que les
alimens, quels qu’ils foient, reçoivent dans le corps
de l’animal,ou plutôt la ftrufture finguliere du couloir
, à-travers lequel la fécrétion du parfum fe fait,
y contribue plus que toute autre caufe.
C ’eft par cette raifon qu’il y a des perfonnes qui
exhalent une odeur mufquée dans certaines parties
glanduleufes & chaudes du corps: M. de la Peyronie
connoiffoit un homme de condition, dont le
deffous de l’aiffelle gauche répandoit durant les chaleurs
de l’été , une odeur de mufc furprenante qui
l’auroit rendu très-incommode dans la fociété, s’il
n’eût pris des précautions pour affoiblir la force de
cette odeur ; cependant fon aiffelle droite n’en don-
noit prefque point. On ne peut attribuer ce phénomène
qu’à une ftruûure particulière des glandes de
raiffelle gauche de cet homme.
I l fe trouve en tris-petite quantité dans tous les animaux
mufquès. Au refte, on retire très-peu de pommade
odorante de tous les animaux mufqués : il ne
s’eft trouvé ici dans chacune des grandes véficules
dont les glandes étoient compofées , que le poids
d’environ trois grains de pommade ; & dans les médiocres
ou les petites, la moitié ou le tiers de moins
que dans les grandes, ce qui fait en tout environ
une demi-once de vraie pommade , fans mélange
d’aucune autre fubftance ; c ’eft à-peu-près la quantité
de vrai mufc que l’organe de l’animal diffequé
par M. de la Peyronnie, pouvoit contenir.
Noms de l'animal d'Afie qui donne le mufc de Portent.
L’autre animal qui donne le mufc dans l ’orient
eft de la claffe des chevreuils ; & c’eft proprement
celui qui eft décrit ôc repréfenté dans les ouvrages
de nos Naturaliftes, ôc qu’ils défignent en latin fous
les noms fuivaRS.v
Mofchus , Schrock. Animal mofekiferum ; Raii fy-
nops. anim. 117. mofehius , five mofehi capreolus..
Schrod. 5. 301. capta mofehius. Aldrov. de quad.
Pilule, 743' Jonft , de quad. 5$. capreolus mofehi,
ej> fd. tab. 29. Gefn. de quad. 695. capra mofeh ,
a Us cervus odoratus. Chart. exer. 1 o.
Lieux qu'habite cet animal. On commence à voir
cet animal qui produit le mufc de l ’orient aux envi-
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rons du lac de Baikal i fur les frontières de la Tar*
tarie mofeovite : mais il eft beaucoup plus commun
à mefure qu’on avance dans la Tartarie chi-
noife.
Les lieux de la Chine oh l’on en trouve davantage
font la province de Xanxi , particulièrement
aux environs de la ville de Leao : la province de
Suchum, celle de Hanhungfu, celle de Paoningfu,
près de Kiating , ôc de la fortereffe de Tiencinen,
ôc dans quelques endroits de la province de Junan ;
mais il n’ÿ a point de pays oh il foit plus commua
que dans les royaumes de Boutan & de Tunquin.
Sa defeription. Les voyageurs ne s’accordent point
dans les récits qu’ils nous font de cet animal : voici
ce que j’ai trouvé de plus vraiffemblable fur fa def-
cription.
Il eft du genre des chevreuils, affez femblable au
daim pour la grandeur, à la réferve qu’il n’a point
de cornes, 8c que la couleur de fon poil eft plus foncée.
Sa tête a quelque chofe de celle du loup, mais
il a deux défenfes comme celles du fanglier. Les
Chinois l’appellent hiang-tchang-tfe , c’e ft-à -d ire ,
chevreuil odoriférant, chevreuil mufqué. Il habite les
bois ôc les forêts oh l’on va le chaffer.
I l porte le mufc dans une bourfe fous le nombril. La
drogue qu’on nomme mufc eft renfermée dans une
bourfe ou veffie qu’il a au-deffous du ventre, entre
les parties génitales ôc le nombril.
Cette bourfe couverte de poil au-dehors eft de la
groffeur d’un oeuf de poule, d’une fubftance mem-
braneufe 8c mufculeufe, garnie d’un fphinfter. Sa
furface interne eft revêtue d’une membrane fine qui
enveloppe le parfum, fur laquelle on découvre plufieurs
vaiffeaux fanguins ôc un grand nombre de
glandes qui fervent à la fécrétion de la pommade.
Auffi-tôt que la bête eft tuée , on lui coupe cette
veffie. On la taille 8t l’on la coût en forme de rognons
, tels qu’on les apporte en Europe : voilà la
poche qui contient le véritable mufc d’Afie , fur l’origine
ôc la nature duquel on ne croiroit jamais ,
combien d’opinions bifarres nos Naturaliftes ont
embraffé.
Fauffes idées de l'origine de ce parfum. Les uns le
regardent comme un fang excrémenticiel qu’on ra-
maffe après que l’excrétion en a été faite , ou qui
fe trouve dans ce fac de l ’animal, lorfqu’on le tue
dans un tems convenable ; mais l’analyfe feule du
parfum détruit cette idée : d’ailleurs le tems de la
mort de l’animal ne change rien à la qualité de fon
mufc, elle eft toujours la même.
D ’autres prétendent que la veffie de ce chevreuil
fauvage , pendant qu’il eft en rut, fe tourne en un
abfcès, qui l’incommodant & lui caufant de la de-
mangeaifon, le porte à fe frotter fi fortement dans
cet endroit contre des pierres ou contre des troncs
d’arbres, qu’il le fait crever, ôc que la fanie en étant
répandue ôc fechée au foleil, devient le mufc qu’on
ramaffe avec foin ; mais quelle apparence qu’il
fût poffible de ramaflér le pus que ces animaux au-
roient jette, tantôt dans des lieux inacceffibles, tantôt
dans des boues , tantôt dans du fable } un tel
mufc feroit bien rare 8c bien cher. De plus, un abcès
defféché feroit d’un gris blanchâtre, ôc par con-
féquent d’une couleur fort différente de celle du
mufc.
D ’autres veulent qu’il naiffe des coups dont ils
ont imaginé qu’on accabloit l’animal pris dans des
piégés , jufqu’à ce qu’il furvienne des tumeurs fur
lbn corps, 8c que ces tumeurs réduites en forme de
poches, au moyen d’une ligature, enfuite coupées,
donnoient le parfum odoriférant. Mais fans parler
du ridicule de cette fittion, pour produire l’effet
qu’on fuppofe,. il eft certain que le tiffu des cruautés
qui y régné eft imputé gratuitement aux cbaffeurs
leurs des mufes ; aucun voyageur de mérite n’en
parle.
D ’autres enfin fe font perfuadés que les Afiati-
ques font le mufc avec la chair de l’animal qu’ils
broyentdans un mortier de pierre jufqu’à la confif-
tance de bouillie, y mêlant de tems en tems du lang
de la bête , qu’ils ont eu foin de recueillir auffi-tôt
apres fa mort. Cette bouillie mife dans des facs faits
de la peau de l’animal puis féchée à l’ombre e ft , di-
fent-ils , la drogue que nous appelions mufc , mais
cette^ opinion n’eft pas plus vraiffemblable que les
precedentes. Le fang ôc la chair de l’animal n’ont
aucune odeur de mufc, elles ne fauroient l’acquérir
par le mélangé, ôc ne peuvent que fe pourrir ou fe
deffecher comme nous l’avons prouvé ci-deffus.
Concluons que^ la fubftance graffe ôc onûueufe,
contenue dans la veffie du chevreuil mufqué , eft
le fruit de la ftruâurc finguliere des vaiffeaux , des
glandes, ôc des couloirs qui en font la fécrétion
dans cette partie.
On lefophifiique en Afis. On en retire à peine trois
ou quatre drachmes, auffi eft-ce une des marchandâtes
ou l ’on cherche le plus à tromper , ôc que les
habitans ont l’adreffe d’altérer d’une infinité de maniérés
, avec de la terre, du fang defféché , les tefti-
cules , les rognons de l’animal Ôc autres ingrédiens
de cette efpece ; ôc ces tromperies fe font dans le
pays malgré les défenfes des princes de l’Afie , ôc
des précautions qu’ils ont tâché de prendre pour les
empêcher, à ce que rapporte Tavernier : d’ailleurs,
comme ils aiment extrêmement ce parfum, ils font
enlever pour eux-mêmes le plus pur qu’on peut trouver
; c’eft ainfi qu’en agit l’empereur de la Chine.
On le vend en veffie ou hors de veffie. Le mufc fe vend
en Europe chez les marchands Epiciers ôc Droguif-
tes , de deux maniérés, ou en veffie, ou féparé de
fon enveloppe.
Choix du mufc en veffie. Quand on acheté le mufc
en veffie , il faut le tirer de bonne main , le choifir ;
fec , onflueux, odorant ; que la peau de la veffie
foit mince , peu garnie de poil ; car plus il s’y
rencontre de peau ôc dé poil, ôc moins il y a de mar-
chandife. Il faut que le poil foit de couleur brune
qui eft la marque du mufc de Tunquin qu’on eftime
le plus. Le mufc de Bengale eft enveloppé dans des
veffies garnies de poil blanc.
f Choix du mufc feparé des veffies. Quand le mufc eft
féparé de la veffie, on doit le conferver dans une
boîte de plomb ôc dans un lieu frais , parce que la
fraîcheur du lieu ôc du métal, empêchent qu’il ne
fé deffeche trop, ôc tendent à lui conferver les par- ,
très les plus volatiles. Le bon mufc fans enveloppe
doit être gras, mais fe c , pur, fans mélange, d’une
couleur tannée, d’une odeur forte ôc infupportable,
d’un goût amer ; mis fur le feu , il doit fe confumer
tout entier , quoique cette derniere marque de bonté
foit équivoque, l’épreuve n’étant bonne que pour
le mufc mélangé de terre , de plomb , de chair hachée
, ôc ne fervant de rien pour celui qui eft mêlé
de fang.
- Son prix eft en Hollande. Le mufc dont on fait négoce
à Amfterdam, vient ordinairement de Tunquin
ôc de Bengale , ôc quelquefois de Mofcovie. Celui
de Tunquin eft de deux fortes, en veffie ou hors de
veffie, l’un ôc l’autre fe vend à l’once ; celui en
veffie fe vend jufqu’à neuf florins , celui hors des
veffies jufqu’à douze florins, celui de Bengale eft le
meilleur marché. A l’égard, du mufc de Mofcovie,
on l’eftime moins que les autres , fon odeur quoique
très-forte d’abord, s’évapore fort aifément.
On en débitait autrefois en France quatre à cinq
cens onces par année. On feroit furpris aujourd’hui
du peu qui s’en confomme dans le royaume.
- Son odeur eft violente. Ce parfum eft prefque tout
Tome X.
huile & fel vola îii, il contient très-peu de terre'
Son odeur eft fort incommode & defagréable, quand
on en font quelque quantité à la fois ; mais elle eft
luave & douce , lorfqu’on en mélange feulement
quelques grains avec d’autres matières. La raifon
de cette différence vient , de ce qu’étant en trop
grande quantité, il s’en exhale tant de parties qu’el-
Ics preffent & fatiguent les nerfs olfaôoires, au lieu
qu étant en petite,quantité , le peu de parties volatiles
qui s’en élevent ne font que chatouiller les
nerfs de l’odorat.
Elle fe repare quand elle eft perdut. Si le mufc perd
fon odeur , comme il arrive quelquefois , il la reprend
ôc fe raccommode , en le fufpendant pour
quelque tems au haut d’un plancher humide , & fur-
tout près d’un privé , ce qui dénote que la nature
du mufc eft recrémenticielle.
Elle eft compofée de corpufcules tres-fubiils. On peut
juger de la fubtilité des parties volatiles qui confti-
tuent fon odeur , puifqu’en s’exhalant perpétuellement
, le mufc paroît au poids ne rien perdre de fa
maffe. Il faut, fans doute, qu’à mefure que les petits
corpufcules odoriférans s’exhalent , ils foient
remplacés par de nouvelles particules mêlées dans
l’air.
Le mufc n'eft plus d'ufage en Médecine. On a attribue
précédemment au mufc de grandes vertus médicinales
; on le donnoit intérieurement feul ou avec
d’autres aromates pour fortifier l’eftomac , pour les
maux de tête, pour réfifter au venin, pour exciter
la femence, pour diffoudre le fang grumelé ôc dans
divers autres cas ; il entroit auffi dans plufieurs com-
pofitions pharmaceutiques , mais préfentement on
n’en fait plus d’ufage, ôc c’eft le mieux. D’ailleurs
les vapeurs que fon odeur provoque aux femmes
& a la plupart des hommes, lui ont ôté tout crédit
tant en médecine que dans les parfums, qui de leur
côté font extrêmement tombés de mode. ( Le chevalier
d e J a u c o u r t .') * V‘
MUSCADE, n o ix , ( Botan. exot. ) La noix
mufeade eft une efpece de noix aromatique desTndes
orientales, qui eft proprement l’amande , le noyau
du fruit du mufeadier. Koye^ Muscadier. J
La noix, mufeade s’appelle en latin dans les boutiques
n u x mofehata, nux myriftica aromatica. Avicenne
la nomme giaufiban ; Sérapion, jeufttave ou
jufiaque i les Grecs modernes, oa ,âpv„
fMJfHÇlKOV.
C ’eftun noyau fermé & compafle, fragile cependant
, & qui fe fend aifément en petits morceaux
quand on le pile. Il eft long d’un demi-pouce, gras ,
odorant, un peu ridé en-dehors, & d’nne couleur
prefque cendrée. Il eft panaché en-dedans de veines
d’un rouge brun & d’un jaune blanchâtre, qui font
des ondulations ou qui vont de côté & d’autre, fans
aucun ordre. Le goût de cette noix eft d’une faveur
âcre & fnave , quoiqu’amere. Sa fubftance eft odox
rante, huileufe.
On diftingue dans les boutiques deux fortes de
vraies noix mufatdes cultivées, nommées noix muf-
cades femelles ; l’une eftdde la forme d’une olive
d’uneiodeur aromatique un peu aftringente ; l’autre
eft plus longue , prefque cylindrique , & moins efti-
mée : ce font néanmoins des fruits du même arbre
qui ont pins ou moins réufft , félon l’âge de l’arbre
le terroir, l’expofition, la culture. Entre ces deux
fortes de noix, il s’en trouve d’autres mélées de fi-
;ures diverfes & irrégulières, qui font des jeux de
a nature.
Il y a pareillement des nolxmufcadcs fittlvagesem'oa
appelle autrement noix mu/cadis mâles. Cette derniere
noix mufeade eft fujette comme la fenulU à des
figures irrégulières, & eft d’ordinaire plus greffe
que la noix mufeade cultivée, de forme qMongue
T T t t t