
Le doftcnr 'Woodward femble d’une opinion peu
éloignée de celle-là. Il prétend que les parties de la
mature font originairement & réellement différentes
les unes des autres ; que la matière au moment de
La création acte divifée en plufieurs ordres ou genres
de corpufcules différens les uns des autres en
Lubftance, en gravité, en dureté, en flexibilité, en
figure , en grandeur, &c. 8c que des diverfes comportions
& eombinaifons de ces corpufcules , réful-
tent toutes les variétés des corps tant dans la couleur
que dans la dureté, la pefanteur, le goût, &c.
Mais M. Newton veut que toutes ces différences résultent
des différens arrangemens d’une même matière
qu’il croit homogène 8c uniforme dans tous les
corps. f
Aux propriétés de la maùere qui avoient été connues
jufqu’ici, M. Newton en ajoute une nouvelle,
Lavoir celle d’attra&ion , qui confifte en ce que chaque
partie de la matière eft douée d’une force at-
trà&ive, ou d’une tendance vers toute autre partie,
force qui eft plus grande dans le point de contaéi
que par-tout ailleurs, 8c qui décroît enfuite fi promptement
, qu’elle n’eft plus fenfible à une très-petite
diftance. C ’eft de ce principe qu’il déduit l’explication
de la cohéfion des particules des corps. Voye^
C o h é s i o n . 1| 1| auffi A t t r a c t i o n .
Il obferve que tous les corps, 8c même la lumière
& toutes les parties les plus volatiles des fluides,
femblent compofées de parties dures ; de forte que
la dureté peut être regardée comme une propriété
de toutes matières, & qu’au moins la dureté de la
matière lui eft aufli effentielle que fon impénétrabilité
; car tous les corps dont nous avons connoif-
fance , font tous ou bien durs par eux-mêmes, ou
capables d’être durcis : or fi les corps compofés font
aufli durs que nous les voyons quelquefois, 8c que
cependant ils foient très-poreux, & compofés de
parties placées feulement les unes auprès des autres,
les parties Amples qui font deftituées de pores, 8c qui
n’ont jan-feis été divifées \ feront encore bien plus
dures ; de p lus, dé telles parties dures ramaffées en
un monceau, pourront à peine fe toucher l’une l’autre
, fi ce n’eft en un petit nombre de points ; 8c ainfi
il faudra bien moins de force pour les féparer, qu’il
n’en faudroit pour rompre un corpufcule folide,
dont les particules fe toucheroient par-tout fans
qu’on imaginât de pores ni d’mterftices qui puffent
én affoiblir la cohéfion. Mais ces parties fi dures
étant placées Amplement les unes auprès des autres,
& ne fe touchant qu’en peu de points , comment,
dit M. Newton , feroient-elles fi fortement adhérentes
les unes aux autres fans le fecours de quelque
caufe, par laquelle elles fuffent attirées ou preffées
les unes vers les autres ?
Cet auteur obferve encore que les plus petites
parties peuvent être liées les unes aux autres par
Fattraâion la plus forte , 8c compofées de parties
plus greffes & d’une moindre vertu, & que plufieurs
de celles-ci peuvent par leur cohéfion en compofer
encore de plus grolfes, dont la vertu aille toujours
en s’affoibliffant, 8c ainfi fucceflivement jufqu’à ce
que la progreflion finiffe aux particules les plus
greffes , defquelles dépendent les opérations de Chimie
8c les couleurs des corps naturels, 8c qui par
leur cohéfion, compofent les corps de grandeur fën-
fible. Si le corps eft compaft, & qu’il plie 'ou qu’il
cede intérieurement à la preflion, de maniéré qu’il
revienne enfuite à la première figure , il eft alors
élaftique. Voye{ Éla st iq u e . Si les parties peuvent
être déplacées, mais ne fe rétabliffent pas, le corps
eft alors malléable, ou mol ; que fi elles fe meuvent
aifément entr’elles, qu’elles foient d’un volume
propre à être agitées par la chaleur, & que la chaleur
foit affez forte pour les tenir en agitation , le
corps fera fluide ; & s’il a de plus l’aptitude de s’attacher
aux autres corps, il fera humide : les gouttes
de tout fluide, félon M. Newton, affettent une figure
ronde par l’attraéHon mutuelle de leurs parties, de
même qu’il arrive au globe de la terre & à la mer
qui l’environne ; fur q u o i, voye^ C ohésion. Les
particules des fluides qui ne font point attachées
trop fortement les unes aux autres, & qui font affez
petites pour être fort fufceptibles de ces agitations
qui tiennent les liqueurs dans l’état de fluidité , font
les plus faciles à féparer & à raréfier en vapeurs;
c’eft-à-dire, félon le langage des Chimiftes, qu’elles
font volatiles , qu’il ne faut qu’une légère chaleur
pour les raréfier, 8c qu’un peu de froid pour les
condenfer ; mais les parties plus groffes, qui font par
conféquent moins fufceptibles d’agitation , & qui
tiennent les unes aux autres par une attraction plus
forte, ne peuvent non plus être féparées les unes des
autres que par une plus forte chaleur , ou peut-être
ne le peuvent-elles point du tout fans le fecours de
la fermentation ; ce font ces deux dernieres efpeces
de corps que les Chimiftes appellent fixe. M. Newton
obferve encore que tout confidéré , il eft probable
que Dieu dans le moment de la création, a
formé la matière en particules folides, maffives ,
dures, impénétrables , mobiles , de volumes , de
figures, de proportions convenables , en un mot ,
avec les propriétés les plus propres à la fin pour laquelle
il les formoit; que ces particules primitives
étant folides , font incomparablement plus dures
qu’aucun corps poreux qui en foient compofés ;
qu’elles le font même à un tel point, qu’elles ne peuvent
nis’ufer ni fe rompre, n’y ayant point de force
ordinaire qui foit capable de divifer ce que Dieu a
fait iiidivifé dans le moment de la création. Tant
que les particules continuent à être entières , elles
peuvent compofer des corps d’une même nature &
d’une même texture. Mais fi elles pouvoient venir
à #ufer ou à fe rompre, la nature des corps qu’elles
compofent changeroit néceffairement. Une eau 8t
une terre compofées de particules ufées par le tems,
8c de fragmens de ces particules, ne feroient plus de
la même nature que l’eau 8c la terre compofées de
particules entières , telles qu’elles l’étoient au moment
de la création ; 8c par conféquent pour que
l’univers puiffe fubfifter tel qu’il eft, il faut que les
changemens des chofes corporelles ne dépendent
que des différentes féparations, des nouvelles affo-
ciations, 8c des divers mouvemens des particules permanentes
; 8c fi les corps compofés peuvent Le rompre
, ce ne fauroit être dans le milieu d’une particule
folide , mais dans les endroits où les particules folides
fe joignent en fe touchant par un petit nombre
de points.
M. Newton croit encore que ces particules ont
non-feulement la force d’inertie, 8c font fujettes aux
lois paflives de mouvemens qui en réfultent naturellement,
mais encore qu’elles font mues par de
certains principes aftifs, tel qu’eft celui de la gravité
, ou celui qui caufe la fermentation 8c la cohé-,
fion des corps ; 8c il ne faut point envifager ces principes
comme des qualités occultes qu’on fuppofe ré-
fulter des formes lpécifiques des chofes ; mais comme
des lois générales de la nature, par Iefquelles
ces chofes elles-mêmes ont été formées. En effet %
les phénomènes nous en découvrent la vérité, quoique
les caufes n’en aient point encore été découvertes.
Foye{ Ferm en t at io n , Gr a v it a t io n ,’
El a s t ic it é , D ureté , Flu id ité , Sel , A cide ,
&c.H
obbes, Spinofa, &c. foutiennent que tous les
êtres dans l’univers font matériels, 8c que toutes
leurs différences ne viennent que de leurs différentes
modifications, de leurs différens mouvemens , &c»
ainfi ils imaginent qu’une matière extrêmement fub-
tile , 8c agitée par un mouvement très - v i f , peut
penfer. J'oyeç à Ü article A ME, la réfutation de cet
opinion» Sur l’exiftence de la mature , voye^ les articles
C orps & Existence , Chambers.
Matière subtile , eft le nom que les Cartéjg
fiens donnent à une matière qu’ils fuppofent traverfer
8c pénétrer librement les pores, de tous les corps ,
8c remplir ces pores de façon à ne laiffer aucun vuide
ou interftices entr’eux. ^ /^ C artésianisme.Mais
en vain ils ont recours à cette machine pour étayer
leur fentiment d’un plein abfolu, 8c pour le faire accorder
avec le phénomène du mouvement, &c. en
un mot, pour la faire agir 8c mouvoir à leur gré.
En effet, s’il exiftoit une pareille matière, il faudroit
pour qu’elle dût remplir les vuides de tous les autres
corps , qu’elle fût elle-même entièrement deftituéè
de vuide ; c’eft-à-dire parfaitement folide , beaucoup
plus folide, par exemple que l’o r , 8c par con-
léquent , qu’elle fût beaucoup plus pefante que ce
métal, 8c qu’elle, réfiftât davantage (vôyeç Résistance
) ; ce qui ne fauroit s’accorder avec les phénomènes.
Voye[ Vuide.
M. Newton convient néanmoins de l’exiftence
d’une matière fubtile, ou d’un milieu beaucoup plus
délié que l’a ir, qui pénétré les corps les plus denfes,
8c qui,contribue ainfi à la production de plufieurs
des phénomènes de la nature. II déduit I’exiftence
de cette matière des expériences de deux rhermome-
ïres renfermés dans deux vaiffeaux de verre, de l’un
defquels on a fait fortir l’air , 8c qu’ on porte tous
deux d’un endroit froid en un endroit chaud. Le thermomètre
qui eft dans le vuide devient chaud, & s’élève
prefque aufîitôt que celui qui eft dans l’air , 8c
fi on les reporte dans l’endroit froid , ils fe refroi-
diffent, 8c s’abaiffent tous deux à peu près au même
point. C ela ne montre-t-il pas, dit-il, que la chaleur
d’un endroit chaud fe tranfmet à-travers le yuide
par les vibrations d’un milieu beaucoup plus fubtil
que l ’air , milieu qui refte dans le vuide après que
3’air en a été tiré ? 8c ce milieu n’eft-il pas le même
qui brife 8c réfléchit les rayons de lumière ? &c.
\Voye^ LUMIERE, Chambers.
Le même philofophe parle encore de ce milieu
ou fluide fubtil, à la fin de fes principes. Ce fluide ,
dit-il, pénétré les corps les plus denfes ; il eft caché
dans leur fubftance ; c’eft par fa force & par fon action
que les particules des corps s’attirent.à de très-
petites diftances, 8c qu’elles s’attachent fortement
quand elles font contiguës ; ce même fluide eft aufli
ïa caufe de l’aûion des corps électriques, foit pour
repouffer, foit pour attirer les corpufcules voifins ;
c ’eft lui qui produit nos mouveméns 8c nos fenfa-
tions par fes vibrations , qui fe communiquent depuis
l’extrémité des organes extérieurs jufqu’au cerveau
, par le moyen des nerfs. Mais le philofophe
ajoute qu’on n’a point encore une affez grande quantité
d’expériences pour déterminer 8c démontrer
exactement les loix fuivant lefquels ce fluide agit.
On trouvera peut-être quelqu’apparence de contradiction
entre la fin de cet article, où M. Newton
femble attribuer à unz matière fubtile la cohéfion des
corps ; 8c l’article précédent où nous avons dit après
lui que l’attra&ion eft une propriété de la matière.
Mais il faut avouer que M. Newton ne s’eft jamais
expliqué franchement 8c nettement fur cet article ;
qu’il paroît même avoir parlé en certains endroits
autrement qu’il ne penfoit. Voye{ G r a v i t é &
Attraction , v o y e^ a u j j i Ether & Milieu
étheré , d u mot Milieu. ( O )
Matière ignée o u Matière de feu , principe
que quelques chimiftes emploient dans l’explication
de plufieurs'effets, fur - tout pour rendre raifon de
1 augmentatiori.de poids que certains corps éprouvent
dans la calcination. Ceux qui ont fait le plus
d’ufage de ce principe, 8c qui l’ont mis le plus en
vogue, conviennent qu’il n’eft pas démonftratif par
lui-même, comme le l’e l, l’eau, &c. mais ils prétendent
feulement qu’il l’eft par les conféquençes : donnons
- en un exemple. Lorfqu’on fait fondre vingt
livres de plomb dans une terrine plate qui n’éft pas
vernie i, 8c qu’on agite ce plomb fur le feu avec une
fpatule jufqu’à ce qu’il foit réduit en poufllere, on
trouve après Une longue calcination, que quoique
par 1’aCtion du feu il fe foit diflipé une grande quantité
de parties volatiles du plomb, ce qui devroit
diminuer fon poids, cette poudre, ou cette chaux
de plomb, au-Iieu de pefer moins que le plomb ne
pefoit avant la calcination, occupe un plus grand
efpaee, 8c pefe beaucoup plus ; car au-lieu de pefer
vingt livres, elle en pefe vingt-cinq. Que fi au contraire
on revivifie cette chaux par la fufion, fon
volume diminue, 8c le plomb fe trouve alors moins
pefant qu’il n’étoit avant qu’on l’eût réduit en chaux ;
en un mot on ne trouve que dix-neuf livres de
plomb. Or ce n’eft ni du bois ni du charbon qu’on a
employé dans cette opération, que le plomb en fe
calcinant a pu tirer ces cinq ou üx livres de poids;
car on a fait calciner plufieurs matières au foyer
du verre ardent, dont feu M. le régent a fait pré-
fent à l’académie, 8c on a trouvé également que
le poids augmentoit.i L’air n’a pu non plus fe cori-
denfer durant l’opération, en une affez grande qualité
dans les pores du plomb, pour y produire un
poids fi confidérable : car pour condenfer un volume
d’air du poids de cinq livres dans un efpaee cubique
de quatre à cinq pouces de hauteur, il faudroit y
employer un poids énorme. On a donc conclu que
cette augmentation de poids ne pouvoit procéder
que des rayons du foleil qui fe font concentrés
dans la matière expofée à leur a&ion pendant tout le
tems que dure l’operation, & que c’étoit à la matière
condenfée de cëfe rayons de lumière qu’il falloit attribuer
l ’excès de pefanteur qu’ori y obfervoit ; 8c
pour cet effet on a fuppofé que la matière qui fert à
nous tranfmettre la lumière & la chaleur, l’aCtion du
foleil ou du feu, étoit pefante, qu’elle étoit capable
d’pne grande condenfation , qu’elle fe condenfoit
en effet prodigieufement dans les pores de certains
corps, fans y être contrainte par aucun poids ; que
la chaleur, qui raréfie univerfellement tôutés les
autres matières, a voit néanmoins la propriété de cori-
denfer celle-ci, 8c que la tiffüre des corps calcinés
quoique très-foible, avoit nonobftant cela la force
de retenir une maùere qui tend à s’étendre avec une
telle force, qu’une livre de cette matière contenue
dans les pores de cinq livres de plomb, étant dans
fon état naturel, devoit néceffairement occuper un
efpaee immenfe, puifque la pefanteur de cette matière
, dans fon état naturel, eftabfolument infenû-
ble ; que c’étoit enfuite cette maùere de feu , condenfée
dans les fels alkalis, qui produifoit en nous ce
goût v if 8c perçant que nous y éprouvons, 8c dans
les fermentations cette ébullition qui nous étonne,
ces couleurs vives que les différentes matières prennent
en fe précipitant ; en un mot que c’étoit à cette
maùere de feu qu’on devoit attribuer conformément
les effets les plus délicats de la Chimie, St qüé fans
être obligé d’entrer dans aucune autre difcufliôn,
il fuflifoit d’avoir remarqué, que ces effets avoient
quelque relation à ceux que le feu produit communément,
fans qu’on fâche comment, ni qu’on foit
obligé de le dire, cela fufKfoit, dis-je, pour rapporter
tous les effets à cette caufe : voilà bien des hypo-
thefes précaires. Les Chimiftes oiit-ils donc conftaté
par quelque expérience fenfible , ce poids prétendu
des rayons du foleil ? ont-ils éprouvé que la maùere
qui telle dans le récipient de la machine du vuide,