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néglige le plus malgré les.réclamations des plus fa-
ges, malgré l ’exemple des anciens qu’on eftime le
plus, & malgré les expériences.réitérées du danger
qu’il ÿ a à négliger une partie fi effentielle ; 2°. celui
de préparer les jeunes élevés à l’étude des langues
étrangères, par la connoiflance des principes
qui font communs à toutes , & par l’habitude d’en
faire l’application raifonnée. Il ne faudra donc point
regarder comme perdu le tems qu’ils emploieront à
ce premier objet, quoiqu’on ne puifle pas encore, en
tirer de latin : ce n’eft point un détour; c ’eft une
autre route oii ils apprennent des chofes effentielles
qui ne fe trouvent point fur la route ordinaire : ce
n’eft point une perte » c’eft lin retard utile , qui leur
épargne une fatigue fuperflue &; dangereufe , pour
les mettre en état d’aller enfuite plus aifément, plus
furement, & plus vite quand ils, entreront dans l’étude
du latin, & qu’ils pafleront pour cela au fécond
livre élémentaire.
2°. Elèmens de la langue latine. Ce fécond volume
fuppofera toutes les notions générales comprifes
dans le premier, & fe bornera à ce qui eft propre à
la langue latine. Ces différences propres naiffent du
génie de cette langue, qui a admis trois genres, &
dont la conftruélion ufuelle eft tranfpofitive ; ce qui
y a introduit l’ufage des cas & des déclinaifons dans
les noms, les pronoms & les adjectifs : il faut les ex-
pofer de fuite avec des paradigmes bien nets pour
fervir d’exemples aux principes généraux des déclinaifons
; & ajouter enfuite des mots latins avec leur
traduftion, pour être déclinés comme le paradigme :
on joindra aux déclinaifons grammaticales des adjectifs
la formation des degrés de lignification , qui
en eft comme la déclinaifon philofophique. L’ufage
des cas dans la fyntaxe latine doit être expliqué immédiatement
après ; i° . par rapport aux adjectifs;,
qui fe revêtent de ces formes, ainfi que de celles
des genres & des nombres, par la loi de concordance
; 2°. par rapport aux noms &c aux pronoms
qui prennent tantôt un cas, & tantôt un autre, félon
l’exigence du régime : & ceci, comme on voit,
amènera naturellement, à propos de l’accufatif &
de l’ablatif, les principaux ufages des prépofitious.
Viendront enfuite les conjugailons des verbes , dont
les paradigmes., rendus les plus clairs qu’il fera pof-
fible , feront également précédés des réglés de formation
les plus générales , & fuivis des verbes, latins
traduits pour être conjugués comme le paradigme
auquel ils feront rapportés. Les conjugaifons
feront fuivies de quelques remarques générales fur
les ufages propres, de l’infinitif , des gérondifs., des
fupins, & fur quelques autres iatinifmes analogues!
Partout on aura foin d’indiquer les exceptions les
plus confidérables ; mais il faut attendre de l’ufàge
îa connoiflance des autres. Voilà toute la matierede
ce fécond ouvrage élémentaire, qui fera , comme
on v o it , d’un volume peu confidérable. Voye^ ceux
des articles déjà cités qui conviennent ic i, &L lpéi-
cialement Superlatif , Infinitif , Gérondif ,
Supin.
On doit bien, juger qu’il en doit être de ce livre.,
comme du précédent;qu’àmefure que l’enfant enaura
appris les différens articles, il faudra lui en faire faire
l ’application fur du latin ; l’accoutumer à: y reconnoîr
tre les cas, les nombres, les genres , à remonter d’un
cas oblique qui fe préfente, au nominatif, & de-là à
la déclinaifon, d’un comparatif ou d’unfupeijlatif an
pofitif : puis quand il aura appris l,es conjugaifons,
les lui faire reconnoître de la même mqnieçe, & fe
hâter enfin de l’améner à l’analyfe telle qu’on fa.vue
cirdevant ; car cette provision, de principes eft fnffi-
fante, pourvu qu’on ne fafle analyfer que des.pbrar
fes cbpifies exprès- Mais j’avoue qu’on ne peut pas
encore, ^Uer bien loin, paree qu’il eft rare de trou-
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ver du latin fans figures, ou de diâion , ou de conf*
truttion, & fans tropes, & que , pour bien entendre
le fens d’un écrit, il faut au-moins être en état d’entendre
les obfervations qu’un maître intelligent
peut faire fur ces matières. C ’eft pourquoi il eft bon,
pendant ces exercices préliminaires fur les principes
généraux, de faire apprendre au jeune éleve les fonde
mens du difeours iiguré'dans le livre qui fuir.
3°. Elèmens grammaticaux du difeours figuré , ou
traité élémentaire des métaplafmes , des tropes , & des
figures de confiruclion. Ce livre élémentaire fe partage
naturellement en trois parties analogues & cor-
refpondantes à celles du premier; & il .appartient,
comme le premier, à la grammaire générale : mais
on en prendra les exemples dans les deux langues.
Le traité des métaplafmes fera très-court, Voye^
Métaplasme : les deux autres demandent un peu
plus de développement, quoiqu’il faille encore s’attacher
à y réduire la matière au moindre nombre
de cas , & aux cas les plus généraux qu’il fera pof-
fible. Les définitions doivent en être claires, juf-
te s , & précifes : les ufages des figures doivent y
être indiqués avec goût & intelligence : les exemples
doivent être choifis avec circonfpe&ion, non-
feulement par rapport à la forme, qui eft ici l’objet
immédiat, mais encore par rapport au fonds, qui
doit toujours être l’objet principal.. On trouvera
d’excellentes, chofes dans le bon ouvrage de M. du
Marfais fur les tropes ; & fur Vellïpfe en particulier,
qui eft la principale clé des langues , mais furtout
du latin ; il faut confulter avec foin , & pourtant
avec quelque précaution, la Minerve de Sanctius, &
fi l’on veu t, le traité des ellipfes., de M. Grimm , imprimé
en 1743 à Francfort & à Léipfic : j’obferve-
rai feulement que l’un & l’autre deces auteurs donne
à-peu-près une lifte alphabétique des mots fuppri-
més par ellipfes dans les livres latins ; & que j’ai-
merois beaucoup mieux qu’on exposât des réglés
générales pour reconnoître & l’ellipfe, & le fup-
plé nient, ce qui me paroît très-poffible en fui vaut
à-peu près l’ordre des parties de l’oraifon avec attention
aux lois générales de la fyntaxe. Voye[ T ropes
& les articles de chacun en particulier, Construction.,
Figure , &c.
Je fuis perfuadé qu’enfin avec cette derniere pro-
vifion de principes , il n’y a plus gueres. à ménager
que la progreflion naturelle des difficultés ; mais
que cette attention même ne fera, pas longtems né-
ceflaire : toytembarras doit difparoître, parce qu’on
a la clé de tout. La feule chofe donc que je crois
néceffaire > c’eft de commencer les premières applications
de ces derniers principes fur la langue
maternelle, & peut-être d’avoir pour le latin un
premier livre préparé exprès pour le début de notre
méthçde : voici ma penfée.
40. SeleUtz èprobatfjiniisferiptoribus eclogce. Ce titre
annonce des pbrafes détachées ; elles peuvent
donc être choifies & difpofées de maniéré que les
difficultés, grammaticales ne s’ y préfentent que fuc-
ceffivement. Ainfi on n’y trouveroit d’abord que
des phrafes très-fimples & très-courtes ; puis d’au?
très, aufli Amples, mais plus longues ; enfuite des
phrafes complexes qui èn renfermeroient d’incidentes
; & enfin des périodes ménagées avec la mêr
me gradation de complexité. Il faudroit y préfen-
ter les tours elliptiques avec la même diferétion, &
ne pas montrer d’abord les grands ellipfes où il faut
fuppléer plufieurs mots. 1
Malgré toutesies précautions que j’infinue, qu’on
n’aifte .pas croire que j’approuvaffe un latin faétice*
où il feroit aifé de préparer cette gradation de diffir
cultéSi Le titre même de l’ouvrage que je propofe
me juftifie pleinement de ce foupçon : j’entends que
le tout feroit tiré des meilleures fources, & . fans
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'aucune altération ; & la raifon en eft fimple. Je l’ai
•'déjà dit ; nous n’étudions le latin que pour nous mettre
en état d’entendre les bons ouvrages qui nous
reftent en cette langue, c’eft le feul but où doivent
tendre tous nos efforts : c’eft donc le latin de ces ouvrages
mêmes qui doit nous occuper, & non un
langage que nous n’y rencontrerons pas ; nos premières
tentatives doivent entamer notre tâche , &
l ’abréger d’autant.- Ainfi il n’y doit entrer que ce que
l’on pourra copier fidellement dans les auteurs de la
plus pure latinité , fans toucher le moins du monde
à leur texte ; & cela eft d’autant plus facile, que le
champ eft vafte au prix de l’étendue que doit avoir
ce volume élémentaire, qui, tout confidéré, ne doit
pas excéder quatre à cinq feuilles d’impreffion, afin
de mettre les commençaris, auffitôt après, aux fources
mêmes.
Du refte, comme je voudrais que les enfàns ap-
priffent ce livre par coeur à mefure qu’ils i’enten-
droient, afin de meubler leur mémoire de mois &
de tours latins ; il me femble qu’avec un peu d’art
dans la tête du compilateur , il ne lui feroit pas im-
poffible de faire de ce petit recueil un livre utile par
le fonds autant que par la forme : il ne s’agiroit que
d’en faire une fuite de maximes intéreffantes , qui
avec le tems pourroient germer dans les jeunes ef-
prits où on les auroit jettées fous un autre prétexte,
s ’y développer, & y produire d’excellens fruits. Et
quand je dis des maximes, ce n’ejl pas pour donner
line préférence exclufive au ftyle purement dogmatique
: les bonnes maximes fe peuvent préfenter fous
toutes les formes ; une fable, un trait hiftorique,
une épigramme , tout eft bon pour cette fin : la morale
qui plait eft la meilleure.
Quel mal y auroit-il à accompagner ce recueil
d’une tràdu&ion élégante, mais fidelle vis-à-vis du
texte? L’intelligence de celui-ci n’en feroit que plus
facile ; & il eft aifé de fentir que l’étude analytique
du latin empêcheroit l’abus qui réfulte communément
des traduûions dans la méthode ordinaire. On
pourroit auffi , & peut-êtreferoit-ce le mieux, imprimer
à part cette traduftion, pour être le fujet des
premières applications'de la Grammaire générale à
la langue françoife : cette traduâion n’en feroit que
plus utile quand elle fe retrouveroit vis-à-vis de l’o riginal
: il feroit plutôt conçu ; la correfpondance en
feroit plutôt fentie ; & les différences des deux langues
en feroient faifies & juftifiées plus aifément.
Mais dans ce cas le texte devroit auffi être imprimé
à p a rt, afin d’éviter une multiplication fuperflue.
J’ofe croire qu’au moyen de cette méthode , & en
n’adoptant que des principes de Grammaire lumineux
& véritablement généraux & raifonnés, on
mènera les enfans au but par une voie fûre , & dé-
barrafîee non-feulement des épines & des peines in-
féparables de la méthode ordinaire, mais encore de
quantité de difficultés qui n’ont dans les livres d’autre
réalité que celle qu’ils tirent de l’inéxa&itude de
nos principes, & de notre parefle à îes difeuter.
Qu’il me foit permis, pour juflifier cette derniere
reflexion , de rappeller ici un texte de Virgile que
j’ai cité à l'article Inversio# , & dont j’ai donné la
conftruâion telle que nous l’a laiflee Servius , &
d’après lui faint Ifidore de Séville, Æneïd. I I . 348.
Voici d’abord ce paflage avec la ponduation ordinaire.
Juvenes, fortifiima, frufirà ,
P éclora ,Ji vobis , audentem ex tréma , cupido efi
Certa fequi ; ( quee fit rebus fortuna videtis :
Excejfére omnes , ady tis arifque reliclis ,
D i quibus imperium hoc fieterat : ) fuccurritis urbi
Incenfa : moriamur , & in media arma ruamus.
On prétend que l’adverbe frufirâ^ mis entre deux
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virgules dans le premier vers, tombe fur le verbe
fuccurritis du cinquième vers ; & la conftrudion
d Ifidore & de Servius nous donne à entendre que le
fécond Vers avec les deux premiers mots du troifie-
me, font liés avec ce qu’on lit dans le fixeme, moriamur
& in media arma ruamùs. Mais, j’ofe le dire
hardiment, fi Virgile l’avoit entendu ainfi , il fe feroit
mépris groffierement ; ni la conArudion analytique
ni la conftrudion ufuelle du latin ou de quelque
langue que ce fo it , n’autorifent ni ne peuvent
autorifer de pareils entrelacemens , fous prétexte
même de l’agitation la plus violente, ou de l’emhou-
fiafme le plus irréfiftibie : ce ne feroit jamais qu’un
verbiage reprchcnfiblc , & , pour me fervir des ter- *
mes de Quintilien , infl. VIII. 2 , pejor eft mifiura.
verborum. Mais rendons plus de juftice à ce grand
poète : il fa voit très-bien ce qui convenoit dans la
bouche d’Enée au moment aduel : que des difeours
fuivis , raifonnés & froids par conféquent, ne pou-
voient pas etre le langage d’un prince courageux
qui voyoit fa patrie fubjuguée , la vilje livrée aux
flammes, au pillage , à la fureur de l’ennemi vido-
rieux , fa famille expofée à des infultes de toute
efpece ; mais il favoit auffi que les paflions les plus
vives n’amenent point le phebus & le verbiage dans
l’élocution : qu’elles interrompent fou vent les pror
pos commencés , parce qu’elles préfentent rapide^
ment à 1 efprit des torrens , pour ainfi dire , d’idées
détachées qui fe fuccedent fans continuité, & qui
s’aflocient fans liaifon; mais qu’elles ne laiflent jamais
afîez de phlegme pour renouer les propos interrompus.
Cherchons donc à interpréter Virgile fans
tordre en quelque maniéré fon texte , & fuivons
fans réfiftance le cours des idées qu’il préfente naturellement.
J’en ferois ainfi la conftrudion analytique
d’après mes principes. ( Je mets en parenthefe
& en caraderes différens les mots qui fuppléent les
ellipfes. )
Juvenes, peUora fortifiima frufirà, (dicite ) f i cupide
certa fequi (me) audentem (tentare pericula) ex tréma
eft vobis ? videtis quee fortuna fit rebus ; omnes d i( à )
quibus hoc imperium fieterat, excejfére ( ex ) adytis,
que ( e x ) aris reliclis : ( dicite igitur in quem finem )
fuccurritis urbi incenfa ? ( hoc negotium unum, ut )
moriamur & ( proinde ut ) ruamus in arma media >
( decèt nos. )
Je conviens que cette conftrudion fait difparoître
. toutes les beautés & toute l’énergie de l’original ;
mais quand il s’agit de reconnoître le fens grammatical
d’un texte, il n’eft pas queftion d’en obferver
les beautés oratoires ou poétiques ; j’ajoute que l’on
manquera le fécond point fi l’on n’eft d’abord aflùré
du premier, parce qu’il arrive fouvent que l ’énergie,
la force , les images & les beautés d’un difeours
tiennent uniquement à la violation des lois minutieu-
fes de la Grammaire, & qu’elles deviennent ainfi le
motif & l’excufe de cette tranfgreflion. Comment
donc parviendra-t-on à fentir fes beautés, fi Ton ne
commence par reconnoître le procédé fimple dont
elles doivent s’écarter? Je n’irai pas me défier des lecteurs
jufiju’à faire fur le texte de Virgile l’application
du principe que je pofe ici : il n’y en a point qui ne
puifle la faire aifément; mais je ferai trois remarques
qui me femblent néceflaircs.
La première concerne trois fupplémens que j’ai
introduits dans le texte pour le conftruire; 1 °. (dici te)
f i cupido, & c. Je ne puis fuppléer dicite qu’en fuppo-
fant que f i peut quelquefois, & fpécialement ici ,
avoir le même fens que an (yoyei Interrogatif.) ;
or cela n’eft pas douteux, & en voici la preuve : an
marque proprement l’incertitude , & f i défigne la
fuppofition ; mais il eft certain que quand on con-
noît tout avec certitude, il n’y a point de fuppoli-
tion à faire, & que la fuppofition tient néceflaire