
ment. On cherchera donc aux articles Fourneaux,
VAISSEAUX, INSTRUMENS, ÔC aux articles particuliers
où il s’agit des divers vaiffeaux, & des divers
inftrumens, les lois du manuel chimique , relatives
à leur différent emploi.
C ’eft fouvent des circonftances de manuel, &
même d’une feule circonftance, de ce qu’on appelle
en langage d’ouvrier, le tour de main, que dépend
tout le fuccès d’une opération. Par exemple, la fu-
blimation du fel fédatif, de donner un coup de feu
lorfque ce fel retient encore dans fa cryftallifation
une certaine quantité d’eau qui en étant chaffée par
l’aftion d’un feu doux trop long-tems continué, le
laifferoit dans un état incapable de volatilifation.
Voye^ Sel sédatif. La diffolution du fer dans
l’alkali fixe, VOye^TEINTURE ALKALINE de Mars
de Stall, à l'article MARS, ( Chimie pharmaceutique
& Mat. méd. ) dépend de la circonftance de verfer
la diffolution de fer par l’acide nitreux*, dans une
lefcive d’alkali fixe. Car fi c’eft au contraire l’alkali
qu’on verfe dans la diffolution de fer, on précipite
le fer fans le diffoudre, par l’alkali. Voyei Préc ip
it a t io n .
Mais l’iinportance de la fciencé du manuel pour
le vrai chimifte, eft expofée d’une maniéré plus
générale, aufli bien que les fources où on doit la
puifer, à Carticle Chimie , p. 420. col. ij. ÔC à.
l'article Feu , (Chimie.) p. 6 1 2 . col. j . (£)
M A N U E L L E du Gouvernail , (Marine. )
Voye^ Manivelle.
Manuelles, ou Gâtons, (Cordier.) font des
inftrumens dont les Cordiers fe fervent pour aider
à la manivelle du quarré à tordre & commettre les
cordages qui font fort longs. Cet inftrument eft Ample
ou double.
La manuelle fimple reffemble à un fouet, & eft
compofée d’un manche de bois ôc d’un bout de
corde. Pour s’en ferviÿ, l’ouvrier entortille diligemment
la corde autour du cordage qu’®n commet, &
en continuant à faire tourner le manche autour du
cordage, il le tord.
Quand les cordages font gros, on met deux hommes
fur chacune de ces manuelles ,& alors la corde
eft placée au milieu de deux bras de levier. Cette
manuelle double eft un bout de perche de trois piés
de longueur eftropée au milieu d’un bout de caren-
tenier mol & flexible, qui a une demi-braffe de long.
Voye^ les figures & leur explication , PL de Corderie,
& l’article CORDERIE.
MANUFACTURE, f. f. lieu où plufieurs ouvriers
s’occupent d’une même forte d’ouvrage.
. Manufacture , réunie , dispersée. Tout le
monde convient de la néceflité & de l’utilité des
manufactures, & il n’a point été fait d’ouvrage ni
de mémoire fur le commerce général du royaume,
ôc fur celui qui eft particulier à chaque province,
fans que cette matière ait été traitée ; elle l’a été même
fi fouvent & fi amplement, qu’ainfi que les objets
qui font à la portée de tout le monde , cet article
eft toujours celui que l’on paffe ou qu’on lit
avec dégoût dans tous les écrits où il en eft parlé.
Il ne faut pas croire cependant que cette matière
foit épuifée, comme elle pourroit l’être, fi elle n’a-
voit été traitée que par des gens qui auroient joint
l’expérience à la théorie ; mais les fabriquans écrivent
peu, & ceux qui ne le font pas n’ont ordinairement
que des idées très - fuperficielles fur ce qui
ne s’apprend que par l’expérience.
Par le mot manufacture, on entend communément
un nombre confiderable d’ouvriers , réunis dans le
même lieu pour faire une forte d’ouvrage fous les
yeux d’un entrepreneur ; il eft vrai que comme il y
en a plufieurs de cette efpece,& que de grands atte-
liers fur-tout frappent la vue ôc excitent la curiofité
, il eft naturel qu’on ait ainfi réduit cette idée ;
ce nom doit cependant être donné encore à une
autre efpece de fabrique ; celle qui n’étant pas réunie
dans une feule enceinte ou même dans une feule
ville, eft compofée de tous ceux qui s’ÿ emploient
, ôc y concourent en leur particulier, fans
y chercher d’autre intérêt que celui que chacun de
ces particuliers en retire pour foi-même. De-là on
peut diftinguer deux fortes de manufactures, les unes
réunies , ÔC les autres difperfées. Celles du premier
genre font établies de toute néceflité pour les ouvrages
qui ne peuvent s’exécuter que par un grand
nombre de mains raffemblées, qui exigent, foit pour
le premier établiffement, loit pour la fuite des opérations
qui s’y font, des avances confidérables, dans
lefqueiles les ouvrages reçoivent fucceflivement
différentes préparations, & telles qu’il eft néceffaire
qu’elles fe fuivent promptement ; Ôc enfin celles qui
par leur nature font affujetties à être placées dans
un certain terrein. Telles font les forges, les fen-
deries, les trifileries, les verreries, les manufactures
de porcelaine, de tapifferies ôc autres pareilles.
Il faut pour que celles de cette efpece foient utiles
aux entrepreneurs. i°. Que les objets dont elles
s’occupent ne foient point expofés au caprice de
la mode, ou qu’ils ne le foient du-moins que pour
des variétés dans les efpeces du même genre.
2°. Que le profit foit affez fixe & allez confidé*
rable pour compenfer tous, les inconvéniens auxquels
elles font expolées néceffairement , & dont il fera
parlé ci-après.
30. Qu’elles foient autant qu’il eft poflible établies
dans les lieux mêmes , où fe recueillent & fe
préparent les matières premières, où les ouvriers
dont elles ont befoin puiffent facilement fe trouver,
& où l’importation de ces premières matières ôc
l’exportation des ouvrages , puiffent fe faire facilement
& à peu de frais.
Enfin, il faut qu’elles foient protégées par le gouvernement.
Cette prote&ion doit avoir pour objet
de faciliter la fabrication des ouvrages , en modérant
les droits fur les matières premières qui s’y con-
fomment , & en accordant quelques privilèges ôc
quelques exemptions aux ouvriers les plus néceffai-
res, ôc dont l’occupation exige des connoiffances
ôc des talens ; mais aufli en les réduifant aux ouvriers
de cette efpece , une plus grande extenfion
feroit inutile à la manufacture, ÔC onéreufe au refte
du public. Il ne feroit pas jufte dans une manufacture
de porcelaines, par exemple, d’accorder les mêmes
diftinftions à celui qui jette le bois dans le fourneau
, qu’à celui qui peint ôc qui modelé ; & l’on
dira ici par o'ccafion , que fi les exemptions font utiles
pour exciter l’émulation & faire fortir les talens
, elles deviennent, fi elles font mal appliquées ,
très-nuifibles au refte de la fociété, en ce que retombant
fur elles, elles dégoûtent des autres pro-
feflions, non moins utiles que celles qu’on veut fa-
vorifer. J’obferverai encore ici ce que j’ai vu fouvent
arriver, que le dernier projet étant toujours
celui dont on fe veut faire honneur, on y facrifie
prefquë toujours les plus apciens : de-là le peuple,
ôc notamment les laboureurs qui font les premiers
& les plus utiles mamaaéluriers de l’état, ont toujours
été immolés auxi autres ordres ; ôc par la rai-
fon feule qu’ils étoiêrak les plus anciens , ont été
toujours les moins protégés. Un autre moyen de
protéger les manufactures, eft de diminuer les droits
de fortie pour l’ét/anger , ôc ceux de traite ôc de
détail dans l’intérieur de l’état.
C’eft ici l’occafi°n de dire que la première , la
plus générale & là plus importante maxime qu’il y
ait à fuivre fur l’établiffement des manufactures , eft
| de n’en permettre aucune ( hors le cas d’abfolue
néceflité) dont l’objet foit d’employér les principales
matières premières venant de l’étranger , fi
fur-tout on peut y fuppléer par celles du pays, même
en qualité inférieure.
L’autre efpece de manufacture eft de celles qu’on
peut appeler difperfées , & telles doivent être toutes
celles dont les objets ne font pas affujettis aux
néceflités indiquées dans l’article ci-deffus ; ainfi
tous les ouvrages qui peuvent s’exécuter par chacun
dans fa maifon , dont chaque ouvrier peut fc
procurer par lui-même ou par autres, les matières
premières qu’il peut fabriquer dans l’intérieur de fa
famille , avec le fecours de fes enfans , de fes do-
meftiques, ou de fes compagnons, peut ôc doit faire
l’objet de ces fabriques difperfées. Telles font les
fabriques de draps, de ferges, de toiles, de velours,
petites étoffes de laine & de foie ou autres pareilles.
Une comparaifon exafte des avantages Ôc des
inconvéniens de celles des deux efpeces le feront
fentir facilement.
Une manufacture réunie ne peut être établie, ôc fe
foutenir qu’avec de très-grands frais de bâtimens ,
d’entretien de ces bâtimens, de directeurs , de con-
tre-maitres, de teneurs de livres , de caiffiers , de
prépofés , valets Ôc autres gens pareils , ôc enfin
qu’avec de grands approvifipnnemens : il eft nécel-
faire que tous ces frais fe répartiffent fur les ouvrages
qui s’y fabriquent, les marchandifes qui en for-
tent ne peuvent cependant avoir que le prix que le
public eft accoutumé d’en donner, ôc qu’en exigent
les petits fabriquans. De-là il arrive prefque toujours
que les grands établiffemens de cette efpece
font ruineux à ceux qui les entreprennent les premiers
, ÔC ne deviennent utiles qu’à ceux qui profitant
à bon marché de la déroute des premiers, ôc
réformant les abus , s’y conduifent avec fimplicité
& économie ; -plufieurs exemples qu’on pourroit citer
ne prouvent que trop cette vérité.
Les fabriques difperfées ne font point expofées à
ces inconvéniens. Un tifferând en draps, par exemple,
ou emploie la laine qu’il a récoltée, ou en acheté
à un prix médiocre, ôc quand il en trouve Toc-
cafion , a un métier dans la maifon où il fait -fon
drap, tout aufli-bien que dans un atelier bâti à grands
frais ; il eft à lui-même, fon directeur, fon contre-
maitre , fon teneur de livres, fon cailïier, &c. fe
fait aider par fa femme & fes enfans, ou par un ou
plufieurs compagnons avec lefquels il vit ; il peut
par conféquent vendre fon drap à beaucoup meilleur
compte que l’entrepreneur d’une manufacture.
Outre les frais que celui - ci eft obligé de faire ,
auxquels le petit fabriquant n’eft pas expofé , il a
encore le défavantage qu’il eft beaucoup plus volé ;
avec tous les commis du monde , il ne peut veiller
affez à de grandes diftributions , de grandes & fréquentes
pefées , & à de petits larcins multipliés ,
comme le petit fabriquant qui a tout fous la vue
& fous la main , ôc eft maître de fon tems.
A la grande manufacture tout fe fait au coup de
cloche, les ouvriers font plus contraints ôc plus
gourmandés. Les commis accoutumés avec eux à
un air de fupériorité ôc de commandement, qui véritablement
eft néceffaire avec la multitude , les
traitent durement ôc avec mépris ; de-là il arrive
que ces ouvriers ou fonf plus chers, ou ne font que
paffer dans la manufacture ôc jufqu’à ce qu’ils ayent
trouvé à fe placer ailleurs.
Chez le petit fabriquant, le compagnon eft le camarade
du maitre, vit qvec lui, comme avec fon
égal ; a place au feu & à la chandelle, a plus de
liberté, ôc préféré enfin de travailler chez lui. Cela
fe voit tous les jours dans, les lieux, où il y a des
manufactures réunies & des fabriquans particuliers.
Les manufactures n’y ont d’ouvriers, que ceux qui
Tome X .
ne peuvent pas fe placer chez les petits fabriquans,
ou des coureurs qui s’engagent ôc quittent journellement
, ôc le refte du tems battent la campagne ,
tant qu’ils ont de quoi dépenfer. L’entrepreneur eft
obligé de les prendre comme il les trouve, il faut
que fa befogne fe faffe ; le petit fabriquant qui eft
maitre de fon tems , ôc qui n’a point de frais extraordinaire
à payer pendant que fon métier eft vacant
, choifit & attend l’occafion avec bien moins
de défavantage. Le premier perd fon tems ôc fes
frais ; ôc s’il a des fournitures à faire dans un tems
marqué, & qu’il n’y fatisfaffe pas, fon crédit fe perd;
le petit fabriquant ne perd que fon tems tout au plus.
L’entrepreneur de manufacture eft contraint de,
vendre, pour fubvenir à la dépenfe journalière de
fon entreprife. Le petit fabriquant n’eft pas dans le
même befoin ; comme il lui faut peu, il attend fa
vente en vivant fur fes épargnes, ou en empruntant
de petites fommes.
Lorfque l’entrepreneur fait les achats des matières
premières , tout le pays en eft informé , ôc fe
tient ferme fur le prix. Comme il ne peut guère
acheter par petites parties y il acheté prefque toujours
de la leconde main.
Le petit fabriquant acheté une livre à la fois ,
prend fon tems , va fans bruit & fans appareil au-
devant de la marchandife , ôc n’attend pas qu’on la
lui apporte : la choifit avec plus d’attention , la
marchande m ieux, Ôc la conferve avec plus de foin.
Il en eft de même de la vente ; le gros fabriquant
eft obligé prefque toujours d’avoir des entrepôts
dans'.les lieux où il débite , & fur-tout dans les
•grandes villes où il a de plus des droits à payer. Le
petit fabriquant vend fa marchandife dans le lieu
même , ou la porte au marché ôc à la foire , Ôc
choifit pour fon débit les endroits où il a le moins
à payer ôc à dépenfer.
Tous les avantages ci-deffus mentionnés ont un
rapport plus direft à l’utilité perfonnelle ,foit du manufacturier,
foit du petit fabriquant, qu’au bien général
de l’état : mais fi l’on confidere ce bien général,
il n’y a prefque plus de comparaifon à faire entre
ces deux fortes de fabrique. Il eft certain, ôc il eft
convenu aufli par tous ceux qui ont penfé ôc écrit
fur les avantages du commerce , que le premier ÔC
le plus général eft d’employer , le plus que faire fe
peut, le tems ôc les mains des fujets ; que plus le
goût du travail ôc de l’induftrie eft répandu, moins
eft cher le prix de la main - d’oeuvre ; que plus ce
prix eft à bon marché , plus le débit de la marchandife
eft avantageux , en ce qu’elle fait fubfifter un
plus grand nombre de gens ; & en ce que le commerce
de l’état pouvant fournir à l’étranger les marchandifes
à un prix plus bas, à qualité égale ,1a nation
acquiert la préférence fur celles où la main-
d’oeuvre eft plus difpendieufe. Or la manufacture
difperfée a cet avantage fur celle qui eft réunie. Un
laboureur , un journalier de campagne , qu autre
homme de cette efpece, a dans le cours de l’année
un affez grand nombre de jours ôc d’heures où il ne
peut s’occuper de la culture de la terre, ou de fon
travail ordinaire. Si cet homme a chez lui un métier
à drap, à toile, ou à petites étoffes, il y emploie
un tems qui autrement feroit perdu pour lui
ôc pour l’état. Comme ce travail n’eft pas fa principale
occupation , il ne le regarde pas comme l’objet
d’un profit aufli fort que celui qui en fait fon
unique reffource. Ce travail même lui eft une e f pece
de délaffement des travaux plus rudes de la
culture de la terre ; ôc, par ce moyen, il eft en état
ôc en habitude de fe contenter d’un moindre profit.
Ces petits profits multipliés font des biens très-réels.
Ils aident à la fubfift'ance de ceux qui fè les procurent
; ils foutiennent la main-d’ceuvre.à un bas prix ;