rapportoîent parfaitement aux quatre liffes de gros-
de - tours ; fi l’armure de ces huit liffes étoit différente
il arriveroit que ces mêmes liffes fe trouve-
roient forcées une fois à chaque coup de navette ,
c’eft-à-dire à l’un des deux coups pour le lac tiré,
de faire baiffer la moitié des fils qui fe trouveroient
levés par la liffe de gros - de - tours, 8c par cette
contrariété arrêteroient le fil qui doit baiffer au
fatin, de même que celui qui doit lever au gros-détours
, & empêcheraient la fabrication de l’étoffe ,
au-lieu que niivant cette difpofition il eft clair que
la première liffe qui rabat ne répondant qu’à la première
liffe de gros-de-tours qui ne leve point au
premier coup, les fils ne fauroient fe contrarier,
de même, qu’au fécond où on fait baiffer la quatrième
qui répond à la fécondé du gros-de-tours,
qui pour-lors demeure baiffée, ainfi des autres
pendant la courfe ; on appelle courfe le mouvement
fuivi de huit marches pendant la fabrication ; on
donne aufli le nom de courfe au nombre des fils
enfemble que contient une maille de corps.
Quoiqu’il n’y ait point de rabat, & qu’il ne puiffe
pas même en être mis dans la moëre iàtinée pour
arrêter les fils qui ne lèvent pas 8c les empêcher de
fuivre, néanmoins comme ces mêmes fils font paffés
féparément dans les huit liffes qui doivent être les
premières du côté du corps, cette féparation empêche
qu’ils ne fe lient ou fe joignent par quelques petits
ou légers bouchons de ioie , comme il arrive
très - fréquemment, 8t fait que l’étoffe fe fabrique
toujours bien 8c avec netteté.
Les moires fatinées 8c brochées ne pouvant être
fabriquées que l’endroit deffus, dans ce cas on ne
fait lire que la corde qui fait le contour des fleurs,
des feuilles & des fruits, ainfi que les découpures ;
pour-lors le lac étant tiré , on le broche à l’ordinaire.
Les moires à bandes, dont les unes font un très-
beau fatin & les autres un parfait gros-de-tour, font
montées différemment des premières, 8c à-peu-près
comme les fatinées, quant aux liffes , avec cette
différence qu’encore que la quantité foit égale, les
huit liffes qui forment le fatin ne rabattent point,
parce que les fils y font paffés pour être levés, ainfi
que dans les autres fa tins , mais il faut douze liffes
comme dans les précédentes , conféqueinment huit
marches.
Pour fabriquer les moires à bandes, on fait ourdir
la quantité de portées dont on veut que l’étoffe foit
compofée, partie d’une couleur à fils doubles pour
faire le gros-de-tour, 8c partie à fils fimples pour
faire-le fatin,en obfervant que le même nombre de
fils foit égal dans chaque bande, c’eft-à-dire que
fi une bande eft compofée de dix portées doubles
qui valent autant que vingt portées fimples ,
il faut que la bande de fatin , fi elle eft compofée
d’une même largeur , Contienne vingt portées fimples
; mais comme il faut que la bande de gros-de-
tours foit dominante attendu le brillant du moirage,
il faut que celle du fatin qui ordinairement eft plus
étroite, lui foit proportionnée pour la quantité de
fils.
La difpofition de l’ourdiffage de ces fortes de moires
doit être de façon que lorsque la moire eft fabriquée,^
qu’on la double pour la paffer fous la calandre
, il faut que les bandes qui forment le gros-de-
tours fe trouvent précifément les unes contre les-
autres, lorfque la piece d’étoffe eft doublée pour la
moirerj fans quoi les bandes qui fe trouveroient de
gros-de-tours contre le fatin,ne pourroient pas prendre
le moirage ; le fatin ne prenant pas la moire, attendu
qu’il ne forme aucun grain, étant uni 8c plat; le
gros-de-tours au contraire étant d’autant plus grené
qu’il eft garni en chaîne, les deux grains étant adoffes
& ecrafes par le ppids de la calandre,donnent le
brillant que l’on apperçoit dans les belles moires • le
fatin au contraire fe trouvant contre le fatin, devient
plus uni 8c plus brillant par la preflion du
poids de la même calandre.
Les Anglois font les premiers inventeurs de ces
fortes de moires de cette efpece , attendu le poids
énorme des caiffes de leurs calandres qui eft de 140
à 150 milliers qui font mues à l ’aide d’un cheval feulement
au moyen des poulies doubles qui en facilitent
le mouvement; ce qui n’eft pas ignoré en France,
comme on voit par celle que l’abbé Hubert a fait eon-
ftruire à Paris, ni à Lyon où la ville a fait conftniire
de même une calandre, fuivant le plan donné par un
anglois qui la conduit, auquel on a donné un éleve
qui eft françois, 8c affûré une penfion à fon auteur
outre le prix de moirage qu’il retire des fabriquans qui
le font travailler.Tous les connoiffeurs font d’accord
que la calandre de Lyon eft la plus belle du royaume.
Les douzes liffes pour paffer les fils de la chaîne
de cette étoffe doivent être à -jour, c’eft-à-dire que
les quatre liffes qui font deftinées pour former le gros-
de-tours ne doivent avoir des mailles qu’autant qu’il
en faut pour y paffer les fils de la bande qui doit être
moirée, & ne doivent point avoir de mailles dans les
parties où les bandes de fatin pafferont;les liffes pour
le fatin doivent être de même,& n’avoir aucunes mailles
dans les parties où les bandes dés gros-de-tours
pafferont. Les fils pour le gras7de-tour$ doivent être
paffés à col tors pour éviter quatre liffes de rabat ;
les liffes doivent être fufpendues comme dans les
moires brochées, unies i ou celles qui font Amplement
unies. On arme les liffes de fatin comme on
juge à propos , foit une prife ou deux laiffées, foit
une prife 8c une laiffée, &c. on pourroit brocher ces
fortes de moires à l’ordinaire , l’endroit deffous ,
mais nos Lyonnois ne l’ont pas encore entrepris ,
peut-être n’ont-ils pas connoiffance de la façon dont
on fait lever les liftes pour brocher , ce qu’ils ne
pourroient faire qu’én ajoutant quatre liffes de rabat
; la façon de feuiever les liffes âyant été tirée
d’Angleterre, ces infûlaires étant aufli inventeurs
que nous.
Pour que cette étoffe foit belle , il faut que la trame
approche beaucoup plus de la couleur du fatin que
de celle de la bande du gros-de-tours, parce que le
beau fatin doit être uni 8c d’une feule couleur , au
lieu que le gros-de-tours, dont la trame eft d’une
couleur différente que les fabriquans nomment gros•
de-tours changeant,paroît d’une couleur tranfparente,
laquelle étant moirée , augmente confidérablement
la beauté de cette étoffe. Par exemple , une moire
dont les bandes principales feroient marron, clair
ou maurdoré, & les bandes de fatin aurore ou autre
couleur jaune comme fou c i, jonquille, &c. étant
tramée d’une couleur aurore ou autre jaune, ne pourroit
pas manquer d’être belle, attendu l’effet que
produirait la couleur jaune qui tranfpireroit ( c’eft
le terme) au-travers de la chaîne marron , c ’eft-à-
dire qui percerait ou paroîtroit imperceptiblement,
ce qui, avec le moirage, ne pourroit s’empêcher de
produire un bel effet. Dans le nombre des échantillons
de moire fabriquée en Angleterre, il s’en eft vu
un dont les bandes principales étoient blanches , &
les bandes de fatin d’un beau pourpre,la trame étoit
d’une belle couleur cerife dont la rougeur ne pourvoit
pas nuire au fatin , attendu qu’elle étoit également
rouge ; mais au contraire elle donnoit par fon
changement dans la bande blanche une couleur de
feu fi tendre, que les Anglois avoient donné le nom
à cette moire , couleur de cuiffe de nymphe enflammée.
L’ufage étant de donner ordinairement aux moires
à bandes le nom de la couleur de celles qui font moirées,
parce qu’elles doivent être les plus larges.
Moires fatinées & brochées à L'ordinaire. Ou a trouvé
depuis quinze jours environ la maniéré de faire
les moires fatinées & brochées l’endroit deffous , ce
qui eft infiniment plus aifé à travailler que celles qui
fë font faites jufques à ce jour l’endroit deffus ; il eft
même étonnant que la multitude des fabriquans de
Lyon ait ignoré jufqu’à ce jour cette nouvelle méthode
, attendu fa fimplici'té, qui ne mérite pas que
l’on faffe l’éloge de l’inventeur qui eft l’auteur de
nosmiémoires.
Pour fabriquer cette étoffe, il n’eft befoin que de
paffer la chaîne fur les huit liffes qui, dans des liffes
fatinées, font difpofées pour le rabat, & dans celles-
ci doivent être paffées comme dans un fatin ou comme
dans la luftrine„à poil, ou celle qui eft fans poil,
ainfi qu’il eft expliqué à l’article des lu fir in è s&
faire lire le fond ou tout ce qui doit être moire dans
l’étoffe. En faifant tirer le fond dont la moitié eft ra-
batue par les liffes de rabat, on fera un parfait gros-
de-tours de tout ce qui fera tiré,conféquemment dans
une moire tout ce qui ne fera pas tiré , formera un
fatin qui pourra figurer dans l’étoffe , ou qui fera
deftiné pour ê?re couvert du broché qui fera defliné
pour l’étoffe. Tout ce qu’on pourroit objeûer eft
que, s’il y a beaucoup de moire, la tire ou le lac qui
la formera fera pefant, mais on a des machines pour
cette opération.
MOERIS , l a , ÇGéog.) lac d’Egypte à l ’occident
du Nil. Le roi Moeris le fit conftruire pour obvier
aux irrégularités des inondations du Nil.
“Hérodote, /. II. c. cxl. fur la bonne foi des gens
du pays , lui donne 180 lieues de circuit. Diodore
de Sicile, l. I.p. 4 7 , répété la même chofe, 8c cette
erreur a été regardée comme un fait inconteftable
par M. Boffuet : cependant Pomponius Mêla mieux
informé, ne donne à ce lac que 20 mille pas de tour,
qui font à-peu-près 10 ou 12 lieues communes. Mce-
ris, dit cet hiftorien latin, aliquando campus, nunc la-
cus viginti milita pajfuum in circuitu patens j 8c C eft
aufli ce qui a été vérifié par des récentes obferva-
tiqps de nos voyageurs modernes.
Deux pyramides , dont chacune portoit une fta-
tuecolofi'ale placée fur un trône, s’éle voient de 300
piés au milieu du lac , 8c occupoient, dit-on, fous
les eaux un pareil efpace. Elles prouvoient du-moins
par-là , qu’on les avoit érigées avant que le creux
eût été rempli. & juftifioient qu’un lac de cette étendue
avoit été fait de main d’homme.
Ce lac communiquoit au Nil par le moyen d’un
canal, qui avoit plus de 15 ftades, ou 4 lieues de
longueur, & 50 piés de largeur. Des vaftes éclufes
ouvraient 8c le canal 8c le. la c , ou les férmoient félonie
befoin.
La pêche de ce lac valoit aux princes beaucoup
d’argent ; mais fa principale utilité étoit pour réprimer
les trop grands déhordemens du Nil. Au contraire,
quand l’inondation étoit trop baffe , 8c me-
naçoit de fterilité , on tiroit de ce même lac par des
coupures 8c des faignées', une quantité d’eau fuffi-
fante pour arrofèr les terres. C ’eft donc en confidé-
rant l’utilité de ce la c , qu’Hérodote a eu raifon d’en
parler avec admiration , de le préférer aux pyramides
, au labyrinthe, 8c de le regarder- comme le plus
beau 8c le plus précieux de tous les ouvrages des rois
d’Egypte.
Strabon remarque, que de fon tems, fous Pétrone,
gouverneur d’Egypte , lorfque le débordement
du Nil montoit à 12 coudées , la fertilité étoit grande
, 8c qu’à 8 coudées la famine ne fe faifoit point
fentir ; apparemment parce que les eaux du lac fup-
pléoient au défaut de l’inondation pat le moyen des
coupures 8c des canaux. (Z>. J.)
MOESIE, ( Géog. anc.') contrée de l ’Europe, à l’orient
de la Pannonie. Prefque tous les auteurs latins
Tome X ,
I difent Mafia en parlant de la Moefie en Europe, 8c
Myfa quand il eft queftion de la Myfie afiatique : les
exemples contraires font rares ; cependant Denis Je
géographe a dit Myfia pour Mcefia : Ovide dit aufli
Myfas pour Motfas, en parlant des peuples.
Hic tenuit M'yfas gentes in pacefideli.
Cette même ortographe fe trouve dans quelques
inferiptions ; & finalement le code théodofien l’emploie
deux fois.
Pline 8c Ptolomée ont décrit la Mcefie, les peuples
&,les fleuves qu’ elle contenoit. Selon P line, les frontières
de la Mcefie prenoient depuis le confluent du
Danube 8c de la Save , où étoit la ville de Tauri-
num , jufqu’à l’embouchure du Danube dans le
Pont-Euxin-; de façon que le Danube étoit au nord,
les montagnes de Dalmatie faifoient la borne au
midi, de même qu’une grande partie du mont Hæ-
mus , qui féparoit cçtte contrée de la Macédoine &
delà Thrace. Ptolomée diftinguela Mcefie en haute
8c bafle , ou en fupérieure & en inférieure , 8c ne
différé de Pline . qu’en c-e qu’il étend la baffe Moefie
jufqu’à l’embouchure du Boryfthene.
La haute Moefie eft appellée Mirfi par Leuncla vius ;
Servie, par Lazius ; Moldavie par Tàurinus ; Wala-
chie par Sabellicus , & Hongrie par Tzetzés.
La bafle Mcefie eft nommée Bulgarie par divers auteurs.
Dans Jornandés elle a le nom de Scythie mineure
, 8c celui de Scythie de Thrace dans Zozime :
Ovide l’appelle Amplement Scythie, 8c d’autres l’ont
nommée P ontique maritime. ( D .J . )
MCESIE, ( Géog. anc. ) ville de Phrygie , au voi-
finage deT ro y e, dans Virgile;mais Etienne le géographe
lit Myfia au lieu de Mcefia , & il eft vraif-
lemblable qu’il a raifon.
.MCEUF, f. m. ( Gram. ) c’eft la même chofe que
mode. Voyez l'article MODE.
MOEURS,f. f. ( Morale. ) a&ions libres des hommes
, naturelles ou acquifes, bonnes ou mauvaifes,
fufceptibles de réglé 8t de dire&ion.
Leur variété chez lés divers peuples du monde dépend
du climat, de la religion, des lois , du gouvernement
, desbefoins , de l’éducation, des maniérés
8c des exemples. A mefure que dans chaque nation
une de ces caufes agit avec plus de force , les autres
lui cedent d’autant.
Pour juftifîer foutes ces vérités, il faudrait entrer
dans des détails que les bornes de cet ouvrage ne fauroient
nous permettre ; mais en jettant feulement les
yeux fur les differentes formes du gouvernement de
nos climats tempérés , on devinerait aflez jufte par
cette unique confidération, les moeurs des citoyens.
Ainfi , dans une république qui ne peut fubfifter que
du commerce d’économie, la fimplicité des moeurs ,
la tolérance en matière de religion , l’amour de la
frugalité., l’épargne , l’efprit d’intérêt 8c d’avarice,
devront nécèffairement dominer. Dans une monarchie
limitée, où chaque citoyen prend part à l’admi-
niftration de l’é tat, la liberté y fera regardée comme
un fi grand bien , que toute guerre entreprife pour
la foutenir, y paffera pour un mal peu confidérable \
les peuples de cette monarchie feront fiers , généreux
, profonds dans les feiences 8c dans la politique,
ne perdant jamais de vue leurs privilèges, pas même
au milieu du loifir 8c de la débauche. Dans une riche
monarchie abfoliie , où- lés femmes donnent le
ton , l’honneur , l’ambition , la galanterie, le goût
des plaifirs , la vanité , la molleffe , feront le carae-
■ tere çfiftinâif des fujets ; 8c comme ce gouvernement
produit encore l’oifiveté , cètîeoifiveté corrompant
les moeurs , fera naître à'leur place la pohteffe des
maniérés. Voye^ MANIERES-.
Moeurs, (^Poétique.')'ce mot à l’égard de l’épo-
pée* de la tragédie ou de 1» comédie, défigne le ca-
H H h h i j