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la ftru£urô_méchanique d’un jargon qui n’eft pas la
langue queVon vouloit apprendre ; puifque , comme
l’obierve judicieufement Quintilien , aliud eft
grammaticï, aliud latine loqui : au lieu que 1 application
de la méthode analytique aux ouvrages qui
nous reftent du bon fiecle de la langue latine , eft
uniforme 8c par conféquent fans embarras ; qu’elle
eft dirigée par le difcours même qu’on a fous les
y e u x , & conféquemment exempte des travaux pénibles
de la produaion , j’ai prefque dit de l’enfantement
; enfin, que tendant dire&ement à l’intelligence
de la langue telle qu’on Técrivoit, elle nous
mene fans détour au vra i, au feul but que nous devions
nous* propofer en nous en occupant.
Je réponds aux féconds, à ceux qui veulent retrancher
du néceffaire , afin de recueillir plutôt les
fruits du peu qu’ils auront femé , fans même attendre
le terns naturel de la maturité , que l’on affaiblit
ces plantes & qu’on les détruit en hâtant leur fécondité
contre nature ; que les fruits précoces qu on
en retire n’ont-jamais la même faveur ni la même fait,
brité que les autres , fi l’on n’a recours à cette culture
forcée 8c meurtrière ; 8c que la feule culture
raifonnable eft celle qui ne néglige aucune des attentions
exigées par la qualité des fujets 8c des cir-
conftances , mais qui attend patiemment les fruits
fpontanés de la nature fécondée avec intelligence ,
pour les recueillir enfuite avec gratitude.
Je réponds aux derniers, qui s’imaginent que les -
enfans en général ne font guere que des automates,
qu’ils font°dans une erreur capitale 8c démentie par
mille expériences contraires. Je ne leur citerai aucun
exemple particulier ; mais je me contenterai de
les inviter à jetter les yeux fur les diverfes conditions
qui compofent la fociéte. Les enfans de la populace,
des manoeuvres , des malheureux de toute
efpece qui n’ont que le tems d’échanger leur fueur
contre leur pain , demeurent ignorans & quelquefois
flupides avec des difpofitions de meilleur augure ;
toute culture leur manque. Les enfans de ce que
l ’on appelle la bourgeoifie honnête dans les provinces
, acquièrent les lumières qui tiennent au fyf-
teme d’inftitution qui y a cours ; les uns fe développent
plutôt, les autres plus tard, autant dans la
proportion de l’emprcffement qu’on a eu à les cultiver
que dans celle des difpofitions naturelles. Entrez
chez les grands, chez les princes. : des enfans qui balbutient
encore y font, des prodiges, finon de raifon,
du moins de raifonnement ; 8c ce n’eft point une
exagération toute pure de la flatterie, c’eft un phénomène
réel dont tout le monde s’affure par foi-même
, 8c dont les témoins deviennent fouvent jaloux ,
fans vouloir faire les frais néceffaires pour le faire
voir dans leur famille : c’eftqu’onraifonnefansceffe
avec ces embryons de l’humanité que leur naiffance
fait déjà regardercomme des demi-dieux ; & l'humeur
fin gerejfe , pour me fervir du vieux mais excellent
mot de Montagne , 7’humeurJingereffe, qui dans
les plus petits individus de l’efpece humaine ne demande
que dès exemples pour s'évertuer, développe
auflîrtôt le germe de raifon qui tient effentiellement
à la nature de l’efpece. Paffez de là à Paris , cette
ville imitatrice de tout ce qu’elle voit à la cour, 8c
dans laquelle , comme dit Lafontaine,/^, /ƒ/.
'Tout bourgeois veut bâtir comme les grands ftigneurs,
Tojit petit prince a des dmbaffadeurs ,
Tout, marquis veut avoir des pages :
Vous y verrez les enfans des bourgeois raifonner
beâucoitp plutôt que ceux de laprovince, parce que
dans toutes les familles.honnêtes on a l’ambition de
fe modeler fur les gens de la première qualité que
l’on a fous les yeux. Il eft vrai que l’on obferve auffi,
qu’après avoir montré les prémices les plus flatteules
, 8c donné1 les plus grandes efpérances , les jeûnes
parifiens retombent communément dans une
forte u’inertie ; dont l’idée fe groffit encore par la
comparaifon lourde que l’on en fait avec le début :
c’eft que les facultés de leurs parens les forcent de
les livrer , à.un certain âge , au train de l’ihftitutiorï
commune, ce qui peut taire dans ces tendres intelligences
une difparate dangereufe ; 8c que d’ailleurs
on continue, parce que la chôfe ne coûte rien, d’imiter
par air les vices des grands, la molleffe , la pa-
reffe , la luffifance, l’orgueil, compagnes ordinaires
de l’opulence , 8c ennemies décidées de la raifon. Il
y a peu de perfonnes au refte qui n’ait par-devers
loi quelque exemple connu du ïiicçès des foins que
l’on donne à la culture de la raifon naiffante des enfans
; 8c j’en a i , de mon côté , qui ont un rapport
immédiat à l’utilité de la méthode analytique telle que
je la propofe ici. J’ai vu par mon expérience, qu’en
fuppofant même qu’il ne fallût faire fonds que fur
la mémoire des enfans, il vaut encore mieux la
meubler de principes généraux 8c féconds par eux-
mêmes , qui ne manquent pas de produire des fruits
dès les premiers développemens de la raifon , que
d’y jetter, fans choix 8c fans mefure , des idées ifo-
lées 8c ftériles, ou des mots dépouillés de fens.
Je réponds enfin à tous, que la provifion des principes.
qui nous font néceffaires, n’eft pas abfolument
fi grande qu’elle peut le paroître au premier coup
d’oe il, pourvu qu’ils foient digérés par une perfonne
intelligente , qui fâche choifir, ordonner, 8c “écrire
avec précifion , #8c qu’on ne veuille recueillir qu’a-
près avoir femé ; c’eft une idée lur laquelle j’iniifte,
parce que je la crois fondamentale.
Me permettra-t-on d’efquiffer ici les livres élémentaires
que fuppofenéceffairementla méthode analytique
? Je dis d’abord les livres élémentaires, parce
que je crois effentiel de réduire à plufieurs petits
volumes la tâche des enfans, plutôt que de la renfermer
dans un feul, dont la taille pourroit les effrayer
: le goût de la nouveauté, qui eft très-vif dans
l’enfance, fe trouvera flatté par les changemens
fréquens de livres 8c de titres ; le changement de
volume eft en effet une efpece de délaffement phyli-
que , ou du moins une illufion auffi utile ; le changement
de titre eft un aiguillon pour l’amour-pro-
! r e , qui fe trouve déjà fondé à fe dire ,ye fai ceci,
qui voit de la facilité à pouvoir fe dire bientôt , je
fai encore cela, ce qui eft peut-être l’encouragement
le plus efficace. Je réduirois donc à quatre les livres
élémentaires dons nous avons befoin.
1 J.E lémens de la grammaire généra le appliquée à la lan-
gut françoife. Il ne s’agit pas de groffir ce volume des
recherches profondes 8t des raifonnemens abftraits
des Philofophes fur les fondemens de l’art de par-,
1er ; pifeis hic non eft omnium. Mais il faut qu’à part
i r des mêmes points de vûe , on y expofe les ré-
fultats fondamentaux de ces recherches, 8c qu’on y
trouve détaillés avec jufteffe, avec précifion, avec
choix , & en bon ordre , les notions des parties néceffaires
de la parole ; ce qui fe réduit aux élémens
de la vo ix, aux élémens de l’oraifon, 8c aux élémens
de la propofition.
J’entends par les élémens de la voix , prononcée ou
écrite., les principes fondamentaux qui concernent
les parties élémentaires 8c intégrantes des mots, confédérés
matériellement comme des produftions de la
voix : ce font donc les fons & les articulations , les
voyelles, & les confonnes,qu’il eft néceffaire de bien
diftinguer ; mais qu’il ne faut pas féparer ic i, parce
que les lignes extérieurs aident les notions intellectuelles;
8c enfin les fyllabes, qui font, dans la parole
prononcée, des fons Amples ou articulés; 8e
dans l’écriture, des voyelles feules ou accompagnées
de confqnnes. Voye^ L e t tre s, C onsonne*
D iP Î ÎT O N G Ü É , V O Y E L L fe , HÎÀ TUS , & t . 5c les af-
'ticlts de chacune dè6 lettres. La matière que je préfente
paroît bien vafte ; mais il faut choifir 8c réduire
; il ne faut ici que les games dès idées générales,
& tout ce premier traité ne doit occuper que cinq
ou fix pages in-1 1. Cependant il faut y mettre les
principaux fondemens de l’étymOlogiè, de la pro-
fiodie, des métaplafmes , de l’orthographe ; mais
peut-être que ces noms-là mêmes ne doivent pas y
paroîtrè:
J’entends par les élémens de Vùraifon, Ce qu’on eh
appelle communément les parties, ou les différentes
efpeces de mots diftinguées par les différentes idées
lpécifiques de leur fignification ; favoir, le nom, le
pronom, l’adjeôif, le verbe ; la prépofition , l’adverbe,
la conjonftion 8c l’interje&ion. Il ne s’agit
ici que de faire connoître par des définitions juftes
chacune de ces parties d’oràifon , 8c leurs efpeces
fubalternes. Mais il faut en écarter les idées de genres
, de nombres, de cas ,.de déclinaifons , des perfonnes,
démodés : toutes ces chofes ne tiennent à la
grammaire, que par les befoins delà fyntaxe, & ne
peuvent être expliquées fans allufion à fes principes
, ni par conféquent être entendues que quand
on en connoît les fondemens. Il n’en eft pas de même
des tems du v erbe, çonfidérés avec abftraétion
des perfonnes, des nombres & des modes ; ce font
des variations qui fortent du fond même de la nature
du verbe , 8c des befoins d e j’énonciation , indépendamment
de toute fyntaxe î ainfi il fera d’autant
plus utile d’en mettre ici les notions, qu’elles
font en grammaire de la plus grande importance; 8c
quoiqu’il faille en écarter les idées de perfonnes ,
on citera pourtant les exemples de la première, mais
fans en avertir. On voit bien qu’il fera utile d’ajouter
un chapitre fur la formation des mots , où l’on
parlera des primitifs 8c des dérivés ; des Amples 8c
des compofés ; des mots radicaux , 8c des particules
radicales ; de l’infertion des lettres euphoniques ; des
verbes auxiliaires; de l’analogie des formations, dont
on verra l’exemple dans celles des tems, 8c l’utilité
dans le fyftème qui en facilitera l’intelligence 8c la
mémoire. Je crois qu’en effet c’eft ici la place de ce
chapitre , parce que , dans la génération des mots,
on n’en modifie le matériel que relativement à la fignification.
Au refte, ce que j’ai déjà dit à l ’égard
du premier traité, je le dis à l’égard de celui-ci :
choififfez, rédigez, n’épargnez rien pour être tout-
à-la-fois précis 8c clair. Foye[ Mots , 8c tous les
articles des différentes efpeces de mots ; voye[ auffi
T ems , Particule , Euphonie , Formation ,
Auxiliaire , &c.
J’entends enfin par les élémens de la propofition,
tout ce qui appartient à l’enfemble des mots réunis
pour l’expreffion d’une penfée ; ce qui comprend les
parties , les efpeces 8c la forme de la propofition.
Les parties, foit logiques, foit grammaticales,font
les fujets , l’attribut, lefquels peuvent être fimples
ou compofés, incomplexes ou complexes ; 8c toutes
les fortes de complémens des mots fufceptibles de
quelque détermination. Les efpeces de propofitions
néceffaires à connoître, 8c fuffifantes dans ce traité,
font les propofitions fimples , compofées , incomplexes
8c complexes, dont la nature tient à celle de
leur fujet ou de leur attribut, ou de tous deux à la
fois, avec les propofitions principales , 8c les incidentes,
foit explicatives, foit déterminatives. La
forme de la propofition comprend la fyntaxe 8c
la conftruâjon. La fyntaxe réglé les inflexions
des mots qui entrent dans la propofition , en
les affujettiffant aux lois de la concordance ,
qui émanent du principe d’identité, ou aux lois du
régime qui portent fur le principe de la diverg
é : c’çft donc ici le lieu de traiter des aecidenS
dés mots déclinables \ les genres , les nombres
, les cas pour certaines langues ; 8c tout ce qui
appartient aux déclinaifons ; les perfonnes , l'es modes
, 8c tout ce qui 'conftiiûe les conjugaifons ; leâ
râiforis & la deftination de toutes ces formes feront
alors intelligibles, 8c conféquemment elles feront
plus âifées à concevoir 8c à retenir : l’explicâtion
claire 8c précife de chacune de ces formes accidentelles
, en en indiquant l’ufagè ^ formera le code le
plus clair 8c le plus précis de là fyntaxe. La conf-
truûion fixe la place des mots dans l’enfèmble de la
propofition ; elle eft analogue ou inverfe : la confia
truftion analogue à des réglés fixes qu’il faut détail*
1er ; ce font celles qui règlent l’anaiyfe de la propofition
; la conftruûion inverfe en a de deux fortes ,
les unes générales, qui découlent de l’analyfe de là
propofition , les autres particulières, qui dépendent
uniquement des ufages de chaque langue. Le champ
de ce troifieme traité eft plus vafte que le précédent*
mais quoiqu’il comprenne tout ce qui entre Ordinairement
dans nos grammaires franco!fés , 8c mênië
quelque chofe de plus , fi l’on faifit bien lès points
généraux, qui font fuffifans pour les vûes que j’indique,
je fuis afîliréque le tout occupera un affez petit
efpace, relativement à l’étendue de la matierë
8c que tout ce premier volume ne fera qu’un in - ii
très-mince. Voyc^ Proposition , Incidente
Syntaxe , Régime »Inflexion , Genre , Nom*
BRE, C as , 8c les articles particuliers , PERSONNES'
Modes 8c les articles des différents modes, Déclinaison
, Conjugaison,Paradigme , Concordance
, Identité, Construction, Inversion,
&c.
Si je dis que ces élémens de la grammaire générale
doivent être appliqués à la langue françoife 1
c’eft que j’écris principalement pour mes compatrid-
tes : je dirois à Rome qu’il faut les appliquer à la langue
italienne ; à M a d r id j’indiquérois la langue ef-
.pagnole ; à Lisbonne, la portugaile ; à Vienne l’allemande
; à Londres, l’angloife ; partout, la langiié
maternelle des enfans. C ’eft que les généralités font
toujours les réfultats des vûes particulières , 8c même
individuelles ; qu’elles font toujours très-loin de
la plupart des efprits ; & plus loin encore de ceux
des enfans ; 8c qu’il n’y a que des exemples familiers
& connus qui puiffenr les en rapprocher. Mais là
méthode de defeendre des généralités aux cas particuliers
eft beaucoup plus expéditive que Celle de remonter
des cas particuliers fans fruit pour la fin,puif-
qu’elle eft inconnue , 8t que dans celle-là au contraire
on envifage toujours le terme d’où l’on eft
parti.
Je conviens qu’il faut beaucoup d’exemples pour
affermir l’idée générale, 8c que notre livre élémentaire
n’en comprendra pas affez : c’eft pourquoi je fuis
d’avis que dès que les éleves auront appris,par exemple
, le premier traité des élémens de la voix on les
exerce beaucoup à appliquer ces premiers principes
dans toutes les leûures qu’on leur fera faire, pendant
qu’ils apprendront le fécond traité des élémens
de l'oraifon ; que celui-ci appris on leur en faffe pareillement
faire l’application dans leurs leélures eil
leur y faifant reconnoître lès différentes fortes de
mots ^ les divers tems des verbes, &c. fans négliger
de leur faire remarquer de fois à autre ce qui tient
au premier traité ; enfin que quand ils auront api
pris le troifieme, des élémens de la propofition, on les
occupe quelque-tems à en reconnoître les parties ;
les efpeces, & la forme dans quelque livre fran-
çois.
Cette pratique a deux avantagés : i° . celui dé
mettre dans la tête des énfans les principes raifon-
nés de leur propre langue, la langue qu’il leur importe
le plus de favoir, 8c. que communément on