ligamcns qui portent l’nn contre l’autre quand les
coquilles fe ferment, empêchent encore que l’eau
ne forte , & même que les coquilles ne le calîent
fur les bords pendant la grande contra&ion des muf-
cles.
Il y a des coquilles de quelques efpeces de moules
qui font jointes par l’articulation, que nous nommons
ginglyme.
Les moules peuvent rentrer dans leurs coquilles
-par le moyen d’une membrane mufculeufe , dont la
groffe glande qui fort de la coquille en forme de
-langue, eft toute enveloppée. Quand cette membrane
fe contrafte , la glande qui de fa nature eft
molle & flafque , devient une petite malle dure &,
ridée après qu’on l’a maniée, comme il arrive aux
limaçons après qu’on les a touchés.
Lorfque les moules fentent le froid , elles s'enterrent
dans le fable. Pour s’y enterrer , elles fortent
en partie de leurs coquilles en forme de langue ,
qu’elles traînent lentement à droite & à gauche,
afin de remuer le fable, dont elles fe trouvent toutes
couvertes en moins d’une demi-heüre de tems.
Mouvement progreffîf des moules. La ftmôure des
moules eft telle, qu’il femble qu’elles ne devraient
avoir de mouvement, que celui qu’elles reçoivent
de l’agitation des eaux ; cependant elles marchent
routes, quelques-unes s’attachent aux rochers, &
quelques-unes voltigent fur la fuperficie de l’eau ;
voyons comment elles marchent.
Étant couchées fur le plat de leurs coquilles, elles
en font fortir une partie en forme de langue , &
qu’on peut nommer jambes ou bras par fon ufage ;
elles s’en fervent pour creufer le fable ou la glaife
des rivières. En creufant de la forte, elles baiffent
infenfiblement d’un côté , &c fe trouvent fur le tranchant
de leurs coquilles, le dos ou talon en-haut :
elles avancent enfuite peu-à-peu leur tête , pendant
une ou deux minutes, & elles l’-appuient pour
attirer leurs coquilles à elles , réitérant ce mouvement
tant qu’elles veulent marcher ; de cette maniéré
, elles font des traces irrégulières , qui ont
quelquefois jiifqu’à'trois ou quatre aunes de long ,
dans lefquelles elles font à moitié cachées.
On voit pendant l’été plufieurs de ces traces dans
les rivières, où il y a beaucoup de moules ; c’eft ainfi
que ces petits poiffons cherchent leur v ie , & qu’ils
fe promènent çà & là , en labourant la terre avec
1e tranchant de leurs coquilles , marchant toujours
le talon en devant.
Ces routes creufes fervent d’appui aux moules
pour les foutenir fur le coupant de leurs coquilles ,
t e en fouiffant la terre çà & là , elles attrapent apparemment
quelques frayes de poiffon ou autres pe-
-tits alimens dont elles vivent.
M. de Réaumur a trouvé une méchanique fem-
blable dans les moules de mer ; fuivant lu i, ce qu’on
peut appeller leurs jambes ou leurs bras, & qui dans
fon état naturel eft long de deux lignes, peut fortir
de deux pouces hors de la coquille ; l’animal ayant
faifi quelque endroit fixe avec fes bras , les racour-
c it enfuite , en s’avançant & fe traînant. M. Mery
n ’eft pas d’accord avec MM. Poupart & Réaumur,
fur le mouvement progreflif des moules. Il prétend
que leur ventre entier , qui , quand elles veulent,
fort de deux pouces hors de leurs coquilles , fous la
figure de la carenne d’un navire, rampe fur la vafe,
comme feroit fur la terre le ventre du ferpent, par
les feules contrarions alternatives de leurs muf-
•cles.
Les moules de mer Rattachent par des fils aux corps
voifins. Les moules de mer ont une façon de s’attacher
finguliere ; elles jettent hors d’elles des fils gros
•comme un gros cheveu, longs tout au plus de trois
-pouces, & quelquefois au nombre de 159 avec quoi
elleà Vont faifir ce qui les environne , & plus fou-
vent des coquilles d’autres moules. Ces fils font jet-
tés en tout fens , &C elles s’y tiennent comme à des
cordes, qui ont des dire&ions différentes : non-feulement
M. de Réaumur a vu qu’elles les filoient,
& que quand on les leur avoit coupés, elles en filoient
d’autres , mais il a découvert le curieux détail
de méchanique quelles y emploient ; donnons-
en un léger crayon.
Perfonne n’ignore qu’il y a au milieu de là moule
une petite partie noire ou brune, qui par fa figure
reffemble fort à une langue d’animal. Dans les plus
groffes moules , cette elpeee de langue a environ 5
à 6 lignes de longueur, & 2 lignes & demie de largeur
; elle eft plus étroite à fon origine ôc à fon extrémité.
De la racine de cette efpece de langue , ou de
l’endroit où elle eft attachée au Corps de l’animal,
partent un grand nombre de fils, qui étant fixés fur
les corps voifins , tiennent la moule affujettie ; les
fils fortent de la coquille par le côté où elle s’entrouvre
naturellement ; ils font attachés par leur extrémité
fur les corps qui entourent la moule fur des
pierres ; par exemple,, fur des fragmens de coquil^
les, & plus fouvent fur les coquilles des autres moules.
D e - là vient qu’on trouve communément de
gros paquets de ces coquillages»
Ces fils font autant éloignés les uns des autres ,
que leur longueur & leur nombre le peuvent permettre
; les uns font du côté du fomirtet de la coquille
, les autres du côté de la bafe. Les uns font
à droite, les autres font à gauche ; enfin , il .y en a
en tous fens fur tous les corps voifins de la moule.
Ils font comme autant de petits cables , qui tirant
chacun de leur côté , tiennent pour ainfi dire la moule
à l’ancre.
L’obfervation de ces fils eft une chofe très - connue
; & quand on nous apporte des moules de mer
qui n’en font pas entièrement dépouillées, les cui-
finiers ont foin de leur arracher ce qui en refte ,
avant que de les faire cuire.
La difficulté n’eft pas de favoir , fi on doit prendre
ces fils pour une efpece de chevelure de la moult
, qui croît avec elle , & qui l’attache néceffaire-
ment, parce que perfonne n’ignore que ce poiffon
les ourdit à fa volonté & dans le lieu qui lui plaît ;
mais il s’agit de favoir de quelle adreffe les moules
fe fervent pour s’attacher avec ces fils, & comment
elles peuvent les coller par leur extrémité.
Pour cet effet, elles font fortir de leur coquille la
partie que nous avons dépeinte tout-à-l’heure fous
la figure d’une langue , & de la bafe de laquelle
partent différens fils ; elles alongent cette efpece de
langue ou de trompe, la racourciffent après l’avoir
alongée ; eufuite elles l’alongent encore davantage
& la portent-plus loin. Après plufieurs alonge-
mens & racourciffemens alternatifs, elles la fixent
quelque-tems dans un même endroit, d’où la retirant
enfuite avec viteffe, elles font voir un fil, par
lequel elles font attachées dans l’endroit où elles
ont refté appliquées le plus long-tems.
C ’eft en recommençant diverfes fois la même manoeuvre,
qu’une moule s’attache à différens endroits;
ainfi cette langue leur fert à s’attacher & à coller
fur les corps voifins les fils qui partent de fa racine.
Les fils récemment collés font plus blancs, & en
quelque façon plus tranfparens que les anciens.
Si l’on dépouille la moule de ces fils , elle a l’art
d’en filer de nouveaux ; la mer a des fileufes dans
les moules, comme la terre dans les chenilles, & la
partie qui fert à cet ufage, que nous avons confi-
déré fous l’image groffiere d’une langue, eft encore
deftinée à d’autres fins fort différentes.
E n e f f e t , e l l e e f t a u ffi l a j am b e o u l e b r a s d e l a
moule ^
moule; celles qui par quelques accidens fe trouvent
détachées, s’en fervent pour marcher. Elles l’alongent
& la recourbent ainfi qu’elles font pour filer ,
& de cette maniéré , elles obligent leur coquille à
aller en avant ; mais ce n’eft plus ni comme bras ,
ni comme jambe, que nous devons \’envifager ic i,
elle en fait rarement les fon&ions, nous la devons
regarder comme -filiere.
Quoique dans la plus grande partie de fon étendue
, elle foit plate comme une langue ; cependant
vers fon origine, elle eft arrondie en cylindre, fon
autre extrémité ou fa pointe eft à-peu-près faite
comme la pointe d’une langue ; divers ligamens muf-
culeux font attachés auprès de fa racine, & la tiennent
affujettie.
Il y en a quatre principaux qui peuvent fervir à
mouvoir cette partie en tout fens ; il régné une raie
ou une fente qui la divife-félon fa longueur, en deux
parties égales ; cette fente eft un vrai canal, & c’eft
dans ce canal que paffe la liqueur qui forme les filsî,
c’eft-là où fé moitié cette liqueur ; ce canal eft creux
& a de la profondeur.
Il eft auffi probablement le reférvoir, dans lequel
s’affemble la liqueur qui fournit enfuite des fils ; car
il eft entouré de diverfes parties glanduleules propres
à filtrer la liqueur gluante , deftinée à compo-
fer les fils. La moule, comme la plupart des animaux
marins , abonde en cette forte de matière.
Par tous fes mouvemens dont nous avons parlé,
elle comprime apparemment les parties glanduleu-
fes qui contiennent ce fuc gluant. Ce lue exprimé
des pariies qui le contiennent, fe rend dans le refer-
v o ir , & la moule le fait monter dans le canal, en
allongeant & racourciffant alternativement fa filière.
La liqueur conduite au bout du canal forme un
fil vifqueux , qui prend de la confiftance avec le
tems : cette matière vifqueufe trouve prife fur les
corps les plus polis, fur le verre même, mais cette
-liqueur s’épuife aifément ; une moule ne fait guère
plus de quatre à cinq fils dans un jour.
Au refte, quelque jeunes que foient les moules ,
elles favent filer. Celles-là même qui font auffi petites
que des grains de millet, forment des fils très-
courts & très-fins; auffi font-elles affemblées en
paquets comme les groffes moules. A melure qu’elles
croiffent, elles forment des fils plus forts & plus
longs pour fe fixer.
Cette méchanique efi différente de celle des vers, des
chenilles & des araignées. Si l’art de filer eft un art
commun aux moules & à divers animaux terreftres,
tout ce que nous avons rapporté fait affez voir,que
la méchanique qu’elles y emploient leur eft particulière.
Les v e r s , les chenilles , les araignées, tirent
de leur corps des fils auffi longs qu’il leur plaît
en les faifant paffer par un trou de filiere : leur procédé
reffemble à celui des Tireurs d’or. Le procédé
des moules, au contraire , reffemble à celui des ouvriers
qui jettent les métaux en moule. Le canal de
leur filiere eft un moule où le fil prend fa figure, &
une longueur déterminée.
Peut-être au refte, que comme les vers, les araignées
& les chenilles , elles ne travaillent que dans
•certains mois de l’année. Du moins, celles que M.
de Réaumur a renfermées dans des vafes pendant les
mois de Juillet, d’Août & de Septembre , ont filé ,
& il n’a vu former aucuns fils à celles qu’il a mis
■ dans de pareils vafes pendant le mois d’Oftobre ; il
en a pourtant trouvé quelques-unes, qui pendant ce
dernier mois, ont filé dans la mer.
Qn ignore j î les moules peuvent détacher Us fils , avec
lefquels elles fe font une fois fixées. Mais l’on propofe
ici une queftion, qui n’eft pas facile à réfoudre. L’on
demande , fi les moules peuvent défaire, ufer, détruire
à leur gré les fils avec lefquels elles fe font
Tome X.
attachés? L’expérience fuivante de M. de Réaumur,
femble prouver qu’elles n’ont point l’art d’y parvenir.
Après avoir laiffé des moules s’attacher contré les
parois d’un vafe plein d’eau de mer , il ôta cette
même eau de mer, fans laquelle elles ne forment:
point de fils dans le vafe, & il l’ôta de maniéré, que
quelques-unes en étoient entièrement privées, &
que d’autres la touchoient feulement du bord de
leur coquille ; elles étoient donc alors dans une fi-
tuation violente ; fi elles 'enflent eu l’habileté de fe
détacher, c’étoit le tems d’en faire ufage pour aller
chercher un fluide qui leur eft fi néceffaire ; néanmoins
, il n’y en eut aucune qui tantât de rompre
les fils qui la retenoient.
Il eft vrai qu’elles ont un mouvement progreflif,
& qu’elles changent de place, mais c’eft avant que
d’être liées par leurs fils. Il eft vrai encore , qu’on
en trouve fouvent de libres qui ont de gros paquets
de fil ; mais divers accidens peuvent avoir brifé ccs
fils, fans que l’adreffe des moules y ait eu part.
D’un autre côté, fi elles n’ont pas l’art cie fe détacher
de leurs liens , il femble qu’on devroit fréquemment
les trouver mortes, parce qu’elles ne peuvent,
fuivant les apparences, lubfifter toujours dans
le même lieu où elles fe font fixées pour la première
fois.
Quoi qu’il en foit, on ignore encore , fi elles ont
le talent de fe mettre en liberté , d’aller planter le
piquet à leur gré dans divers endroits , & en ce
cas., quelle induftrie elles emploient pour brifer leurs
chaînes. La mer eft un autre monde peuplé d’ani-
■ maux, dont le génie & les talens nous font bien inr
connus. ’
Voltigement d'une efpece de moule. Ariftote dit qu’on
lui a rapporté, qu’il y a une grande efpece de moule
qui voltige, & ce philofophe n’a point été trompé,
car M. Poupart a vu de fes yeux qùe la grande cf-
pece de'moule d’étang voltigeoit fur la furface de
l’eau ; il explique la chôfe de la maniéré fuivante.
Ces grandes efpeccs de moules ont des coquilles
qui font fort légères , très-minces , & fi grandes -,
qu’el es en peuvent battre la fuperficie de l’eau ,
comme les oifeaux battent l’air avec leurs aîles ; il
y a au dos de ces coquilles , un grand ligament à
refforten maniéré de charnière , & au-dedans deux
gros mufclcs qui lés ferment. C’en eft allez pour
voltiger , car il fuffit pour cela que ces relions agif-
fent promptement l’un après l’autre, & qu’elles frappent
l’eau avec affez de force & de viteffe ; ce qui
frivorife encore ce mouvement, c’eft que le gingly-
me qui fe trouve dans les autres coquilles, qui ne
voltigent point, ne fe rencontre pas dans celles-ci ,
il feroit embarraffant.
Anatomie des moules. Ce qu’on peut appeller tête
dans la moule, quoiqu’on n’y trouve point d’yeux,
ni d’oreilles, ni de langue , mais feulement une ouverture
, qu’on nomme bouche, eft une pa'rtiè immobile
& attachée à une des coquilles, de forte qu’elle
ne peut aller chercher la nourriture , il faut que la
nourriture vienne chercher la moule. Cette nourriture
n’eft que de l’eau qui, lorfque les coquilles s’ouvrent,
entre dans l’anus de la moule op\\ s’ouvre en
même tems , paffe de-là dans certains réfefvoirs ou
canaux, compris entre la fuperficie intérieure de la
coquille & la fuperficie extérieure de l’animal , &
enfin va fe rendre dans la bouche de cet animal,
quand il l’y oblige par un certain mouvement.
Au fond de la bouche fe préfentent deux canaux
pour recevoir l’eau ; l’un jette dans le corps de la
moule plufieurs branches , dont une va fe terminer
au coeur ; l’autre eft une elpeee d’inteftin qui d’abord
I pafle par le cerveau , de là fait plufieurs crtconvo- 1 G G g g g