CHAPITRE VT.
B E L A C O N T R É E D E K E E M N I T Z .
J ’aurais desire prolonger mes excursions dans I’inte'rieur des
K.arpathes ,et mon plan primitif de voyage avait e'te'de parcourir
la valle'e de Gran jusqu’à sa source, de traverser ensuite la chaîne
qui la sépare delà vallée de V^ag; je voulais également parcourir
lescomitats de Lip to etd'Â r v a , remonter dans celui de Z ip s ,
et rentrer dans le cornital de Gômor. Ce projet devait me fournir
un examen assez complet des plus hautes montagnes de la
Hongrie, composées en général de roches anciennes; il devait me
faire connaître la liaison de cés montagnes avec celles des comitats
de Thürotz et de Trencsin, qui forment les limites de la Moravie,
que j’avais aussi comprise dans la série de mes excursions. Mais
tous ceux qui ont parcouru les montagnes pour en étudier la
composition savent combien il est difficile de remplir toujours
la tâche qu’on s’était imposée ; il suffit d’arriver sur un
point qui réclame une attention particulière, pour y passer
un temps qu’il n’est plus possible de retrouver. L ’intérêt même
de la science exige souvent du voyageur de négliger quelques
parties pour s’occuper spécialement de celles dont l’étude tend
plus particulièrement à reculer les bornes de nos connaissances :
c’est précisément ce qui m’est arrivé en Hongrie. Le terrain
de trachyte, jusqu’ici presque inconnu, et qui s’offrait à moi
sur une étendue considérable, avec des relations particulières,'
a captive' toute mon attention ; tout le reste ne me présentait
que des terrains généralement connus, et dont il suffisait de
voir un point pour en conclure la nature, d’après l’ensemble
des données qu’on a recueillies jusqu’ici à la surface du globe.
Ces terrains anciens, Cés terrains de transition, ne se sont plus
présentés à moi que comme des sujets d’étude, dont les détails
intéressaient bien plus la géologie particulière' de la Hongrie,
qu’ils1 né pouvaient jeter de lumière sur l’ensemble des faits
dont se compose la géologie générale.-Je me décidai donc à employer
une partie du temps qui me restait ,-à parcourir la contrée
de Krernnitz, dont je ne connaissais encore que les parties extrêmes,
et à me porter ensuite dans les autres lieux où les ren-
seignemeùs pouvaient me faire soupçonner des terrains analogues
à ceux qui avaient fait l’objet de mes recherches depuis
mon entrée dans la Hongrie.- :
On peut aller de Neusohl à Krernnitz par Un chemin de pied,- Eoute ir [a
en traversant, àl’ouest-sud-ouest de la ville, la masse des mon-
tagnes qui forment les limites naturelles des deux comitats. On
parcourt d’abord des collines calcaires, souvent assez erotes-
■*- 0 Collines cal*-
ques par les déehiremens qu’elles présentent; mais tout est caires-
Couvert de cailloux roulés de trachyte , qui deviennent successivement
plus nombreux, à mesure que l’on s’avance vers la
montagne. A environ une heure et demie de Neusohl, on entre
sur des conglomérats trachytiques, dont la pâte, grise ou rouge, Cong,()m,iraef
présente quelquefois une structure porphÿrique, et se distin- jSffjlËS'fr
gue alors difficilement des fragmens dé trachyte qui s’y trouvent
enfermés. Mais cette structure trompeuse ne se présente
qu’en quelques points; partout ailleurs, la pâte est terreuse,
remplie de fragmens évidens, souvent colorée par l’oxyde de
fer, et présentant tous les caractères que nous avons déjà recon