burg, d’aller m’y présenter. C’était l’habitation du comte de
Forgacs, seigneur du pays, dont je reçus en effet l’accueille
plus aimable; il m’invita à rester chez lui, d’où je pourrais librement
aller voir tout ce crue je désirerais. C’est la première
fois cpie j’ai eu l’occasion de connaître l’hospitalité des gentilshommes
hongrais. En général, dans ce pays, que ses voisins calomnient
journellement, et duquel nous avons aussi, fort mal à
propos, des idées peu avantageuses, on trouve, parmi les seigneurs,
des hommes fort instruits, parlant tous plusieurs langues
, et habituellement le français, qui est généralement la
langue de la bonne société. Mais, ce qui les distingue surtout >
c’est la noblesse de leurs manières ; non-seulement un étranger
est accueilli avec amabilité par ceux à qui il est recommandé,
mais encore par ceux même qui ne le connaissent nullement ;
partout on peut se présenter avec la certitude d’être reçu avec
autant de grâce que de simplicité. C’est même, en quelque sorte,
faire une injure au seigneur, crue de s’établir dans la mauvaise
auberge tenue par ses fermiers, ou bien c’est annoncer qu’on ne
Se croit pas digne de se présenter chez lui.
Les paysans eux-mêmes sont de fort bonnes gens; je n’ai jamais
eu'à me plaindre d’aucun d’eux; et lorsqu’il m’est arrivé
d’en prendre avec moi pour me suivre dans mes courses, je les
ai toujours trouvés remplis de soins ; ils ne voulaient plus me
quitter, et me suppliaient de leur permettre de m’accompaguer
encore quelques instans.il est vrai qu’en général je me suis toujours
bien trouvé partout, et que je ne comprends pas les déclamations
des voyageurs contre les habitans des pays qu’ils ont
parcourus. La manière d’être reçu dépend beaucoup de la manière
dont on se présente ; je Conçois que si l’on ne veut en aucune
manière se plier aux moeurs et aux usages d’un pays,si on
tourne tout en ridicule , si on traite le paysan avec hauteur, ou
avec trop de familiarité, on aura partout des desagremens de
toutes*espèces, et, en Hongrie, plus peut-être qu’ailleurs, il
serait facile d’en éprouver.
Les moeurs et les usages sont, il est vrai, bien différens enHoa-1 “ '1“ 1'
grie de ce qu’ils sont en France; j’en ai souvent obseryé qui
m’ont paru au moins fortsinguliers, mais j’espère que personne
ne s’est aperçu de l’effet qu’ils produisaient sur moi. Je m’y suis
soumis tranquillement ; et cette petite complaisance, qui ne
me coûtait nullement, n’a pas peu contribué à rendre agréable
mon séjour dans ce pays.
Quoi de plus bizarre, en effet, pour un Français, que de trouver
le dessert servi lorsqu’on ya .se mettre à table, de voir arriver
ensuite une soupe au chocolat, une omelette coupée en
petits morceaux, arrangés symétriquement sur un plat de pruneaux
, un morceau de veau sur des poires cuites, un plat d’épis
de maïs ( vulgairement blé de Turquie ) cuit dans l’eau , et
tant d’autres choses du même goût, fort éloignées de n,os usages.
Comment se faire à la coutume de servir une bouteille de liqueur
et un seul verre, dans lequel chacun boit à son tour; à
celle qu’ont lesfhommes de fumer après le repas, au milieu du
salon, avec les dames, qui sont les premières à vous offrir une
pipe i c’est pourtant ce que l’on rencontre à chaque pas. Les
Hongrais savent fort bien que ce ne ■ sont pas là nos manières ;
mais il faut se plier à tout, autant qu’on le peut; et ils vous savent
tant de gré de ce que vous adoptez momentanément de
leurs coutumes, qu’il y aurait mauvaise grâce à ne pas le faire.
Encore plus faut-il se plier aux usages du paysan, qui ne
raisonne pas, et croit qu’on fait de même partout. Une de ses
grandes politesses est de vous offrir de boire à même sa bou