et ne put rien comprendre à ce que je lui disais; elle me prit de
nouveau tendrement la main, et il fallut cette fois la laisser faire
paisiblement. Depuis, j’ai eu tout le temps de m’accoutumer à
cet usage, car il est généralement répandu : un paysan ne se
trouve pas devant un habit propre sans baiser la main de celui
qui le porte. Les enfans baisent la main, nou-seulement de leurs
parens, lorsqu’ils arrivent près deux, mais encore de toute la
compagnie. Les messieurs baisent la main des dames, ce qui n’a
rien d’extraordinaire; mais une dame même, en arrivant chez une
autre, que son âge ou sa qualité met au-dessus d’elle, s’empresse
d’aller lui offrir cette marque de son respect : si celle-ci
veut faire une politesse, elle cache promptement ses mains et
présente son visage.
Du haut du château, on jouit d’une très-belle vue sur toutes
les montagnes environnantes, mais elles sont toutes tellement
recouvertes d’arbres, qu’il n’est pas possible de.prendre, dans
leur aspect, une idée de leur composition. On trouve çà et là,
dans les murs du château des pierres, sans doute transportées,
qui présentent une brèche remplie de fragmens de roches noires,
les uns compactes, les autres scorifiés. Toute la masse est âpre
au toucher, et ressemble en tout à une brèche volcanique.
Les pentes de la montagne, du côté du sud, sont souvent
escarpées sur une très-grande hauteur; partout elles présentent
le micaschiste en couches inclinées au sud. Dans le bas, on trouve,
au bord d’une petite vallée, qui se dirige de l’ouest à l’est, un
joli bois, où le comte de Forgacs a fait tracer de petits sentiers
qui serpentent de tous côtés. Une garenne forcée où se trouve
beaucoup de gibier, des retenues d’eau, et de plus une position
très-agreste, en font une promenade fort agréable.
Je ne restai pas long-temps à Gimès, malgré les instances du
comte de Forgacs; j’étais impatient d’arriver au milieu de ces
roches problématiques, qui faisaient l’objet principal de mon
voyage. Je quittai donc mes nouveaux amis, fort sensible à 1 aimable
affabilité avec laquelle ils m’avaient reçu; le comte me
donna sa voiture, et je pris le chemin de Königsberg.
Jusqu’à Szent-Benedek ( Saint-Benoît ) on ne peut rien voir
en place; tout est couvert de sable et de terre végétale, et le
pays ne présente que des collines très-basses et arrondies. Apres
le village de A ranios M arot, dans les environs duquel on a
indiqué une mine de plomb aurifère exploitée dans le calcaire ,
on trouve sur le chemin une grande quantité de blocs de tra-
chyte * ** compacte ou celluleux,tombés des collines de conglomérats
trachytiques, qui se trouvent au nord-est, vers K is-
A p a ti , et qui, de là, se prolongent jusqu’aux bords de la
Gran ; mais le chemin que l’on poursuit est encore trop éloigné
pour pouvoir le quitter et aller les visiter.
Ce n’est qu’en arrivant à Saint-Benedek, qu’on rejoint le prolongement
de ces collines; elles sont composées de blocs de
trachytes, rarement très-volumineux, mélangés avec des débris
ponceux, très-altérés, et réunis par un ciment qui ne parait eti e
* Ungrisches Magazin, tom. 5 , pag. i 4o.
** M. Haüy a donné le nom de trachyte (p p&x:JÇ ; âpre, raboteux,) aux
roches dont le mont Dor, le Cantal et les sept montagnes sur les bords du
Rhin, sont composées. Ce sont des roches porphyriques dont la base est l’eld-
spathique et qui renferment des cristaux de feldspath vineux, de 1 amphibole,
du mica, quelquefois du pyroxène, et très-rarement du quarz; une grande
partie des variétés sont extrêmement poreuses. Je nommerai terrain trachytique
celui qui renferme ces espèces de roche avec toutes celles qui leur sont en quelques
sorte subordonnées. (Voyez chap. IV, et tom. III; terrains trachytiques.)
Débris trad:
tiques.