
CHAPITRE II.
DÉPART DE VIENNE. — PRESBmG.-r-TYRNAU: — NÏTTRA. —
GIMÉS. — BORDS DE LA «RIVIÈRE DE GRAN.«— ENVIRONS DE
KOENISBERG.
M e s préparatifs de voyage étant enfin terminés, je quittai
Vienne le 28 mai 1818. Mais il fallut encore subir une épreuve
pour les passe-ports. Un commis arrêta à la barrière la voiture
qui me conduisait, me fit beaucoup de questions sur l’endroit
où j’allais , sur celui d’où je venais, et surtout d’où j’étais. Ma
réponse,je suis de Paris, jevais parcourir la Hongrie, lui causa le
plus singulier étonnement, et il se frappa plusieurs fois la tête, en
répétant : von Paris! nach Ungarn! (de Paris ! en Hongrie !) Les
Autrichiens ont une idée tellement désavantageuse de la Hongrie,
qu’ils ne conçoivent pas qu’on puisse se résoudre à y mettre
seulement le pied : c’est pour eux une vraie Sibérie. Quitter
Paris pour aller dans ces climats glacés ! visiter ces peuples sauvages
et barbares ! devait nécessairement passer pour une véritable
folie auprès d’un commis de la barrière. Cependant celui-
ci me parut en juger autrement, car il ajouta, en déployant mes
larges papiers ; combien ce Monsieur doit être savant ! Malheureusement
pour lui, qui ne Pétait guère, les passe-ports que
l ’on délivre à la chancellerie hongraise sont toujours en latin;
il y entendait si peu de chose, qu’il me demanda si dominas
magnificus étaient mes noms de baptême : je l’affirmai gravement;
et, baptisé de cette sorte, je pus continuer tranquillement
ma route.
On parcourt long-temps une plaine assez bien cultivée : les
îles du Danube bornent l’horizon au nord, et les forêts qui les
couvrent donnent au tableau un aspect assez riant. On a devant
soi les monts Lajta ( L aitha gebirge ) qui se prolongent du
nord-ouest au sud-est, et fient, en quelque sorte, les Karpathes
aux montagnes de la Styrie. Près de P etern el, on aperçoit, au
milieu des champs, les ruines d’un arc de triomphe, que l’on
attribue aux Romains.
En arrivant à Haimburg, on se trouve au pied des montagnes;
elles sont composées d’un calcaire noir, argileux, àîssez
compacte, traversé par des veines de calcaire spathique. Cette
roche paraît passer sous le Danube, et se fier aux collines de
même genre qui se trouvent à Dévèn ( Theben ). C’est dans ce
dernier endroit que Fichtel dit avoir trouvé des débris d’animaux
marins, et notamment des dents de squale *; mais je n’ai
pas été assez heureux pour en voir le moindre vestige; je doute
même qu’on en ait jamais trouvé dans ce calcaire, qui parait se
rapporter à ceux qu’on observe au-dessus du terrain houilfier,
et qu’on a désignés, en Allemagne, par le jnom de Zechstein;
Le granité commence à se montrer au village dcTMolfsthal,
en très-petites collines, sur le bord du Danube; mais,, comme
j’étais partifort tard de Vienne, la nuit vint me surprendre avant
que j’aie pu examiner si le calcaire noir repose directement sur
cette roche, ou s’il en est séparé par quelques couches particulières.
J’arrivai h. Presburg à nuit close.
La ville de Presburg ( Posonium , lat.; Posorvy, hong. ) est
une des plus considérables de la Hongrie. Quoique placée à l’ex-
* Mineralogische Bemerkungen von den Karpathen, pag. 5.
Calcaire noir.
Ville de
Presburg.
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