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portant avec eux tout ce qu’ils possèdent, c’est-à-dire, quelques
haillons et quelques instrumens pour exercer leur me’tier. Ils
habitent dans les bois, ou bien se fabriquent quelques cabanes
auprès des villages, où ils restent quelquefois plusieurs années,
et d’où ils partent ensuite subitement sans jamais en rien dire
à personne. Rien n’est plus misérable, plus dégoûtant que ces
.cabanes, où il n’existe que quelques pots de terre, et un peu de
paille; pendant l’hiver, ils y passent leur temps à fumer ensemble,
hommes, femmes et enfans, et rassemblent, pour la manger
avec délice, la suie caustique et huileuse,.d’une odeur infecte,
qui se dépose dans le tuyau de leurs pipes. Ils demandent
cette suie avec instance lorsqu’ils rencontrent quelqu’un qui né-
toie sa pipe devant eux» .
Ges gens, en général paresseux et enclins à tous les vices,.
ne travaillent jamais que pour le plus stzicte nécessaire; le métier
le plus commun est celui de forgeron, et ce sont eux qui
fabriquent, en Hongrie, les petites haches en fer ou en cuivre
que l’on adapte aux cannes; il y en a beaucoup qui sont musiciens,
et on en cite même qui sont parvenus naturellement à un
talent supérieur ; ils parcourent alors les villages pour ramasser
quelques sous, et font danser les paysans aux jours de fêtes»
Us" font aussi divers tours d’adresse,, et disent,, en général, la
bonne aventure ; mais il paraît qu’ils exercent beaucoup moins
ce métier en Hongrie que partout ailleurs. Extrêmement fins et
actifs, ils profitent avec adresse de toutes les occasions qu’ils
peuvent rencontrer de faire quelques friponneries ; mais il ne
paraît pas qu’ils soient malfaiteurs, du moins je n’ai jamais rien
entendu citer à ce sujet; et, quoique j’en aie rencontré très-
souvent au milieu des bois, dans des circonstances où ils auraient
pu impunément agir à leur gré, il ne m’est jamais rien
ENVIRONS- DE SCHËMNITZ, Vallée d’Eisenbach. 29ô
arrivé. Ils ne m’ont jamais rien dit, à moins que je ne leur eusse
adressé la parole, et si je leur parlais, ils me demandaient du tabac
après m’avoir répondu.
- On n’a pu encore savoir de quelle nation sont les Zigeu-
ners, et nous n’avons, en général, à cet égard, que des conjectures.
Ce qu’il y a de certain, c’est qu’ils parlent entre eux une
langue particulière, qui n’a d’analogie avec aucune autre. Il paraît
constant qu’ils ne sont pas Européens, et qu’ils arrivèrent
parmi nous au commencement du quinzième siècle. Il est certain
aussi qu’il en existait en Hongrie en 14 17, et que, vers la
même époque, il s’en répandit un grand nombre dans la Vala-
chie, la Transylvanie, la Moldavie, la Bukovine, etc. Il en vint
aussi en France à peu près dans le même temps : il en arriva
une bande à Paris en 1427, où ils se qualifièrent d’habitans de
la basse Egypte, convertis d’abord à la foi chrétienne, retombés
ensuite dans le mahométisme, et admis à la pénitence par le
pape Martin Y , qui leur avait ordonné de- courir le monde pendant
sept ans, sans coucher sur aucun ht. On ne voulut point
les recevoir à Paris, et on les envoya à la Chapelle, près Saint-
Denis, où le peuple allait en foule les voir et se faire dire la
bonne aventure; mais on eut bientôt a se plaindre de leur conduite,
et l’évêque de Paris, pour prévenir de plus grands désordres
, excommunia tous ceux qui se feraient dire la bonne
aventure. Il en résulta que ces vagabonds, ne gagnant plus rien,
quittèrent le pays, après y avoir demeuré seulement pendant
dix jours; mais il paraît que ces gens restèrent en France, ou
qu’il en revint d’autres, car une ordonnance des états d’Orléans,
de 1560, enjoignit à tous imposteurs, sous le nom de
Bohémiens ou Egyptiens de quitter le royaume, souspeine des
galères. C’est probablement aussi dans le quinzième ou le sei-
Origine des-
Ziagares.-