fenjûs in Apocalypfi, &c il a été imprimé plufieurs
fois de fuite , favoir à Anvers en 1604, 16 1 1 , &
1619. & à L y on , en 1616, infol. L’auteur prétend
que l ’apocalypfe eft accomplie jufqu’au vingtième
chapitre, & ne fait aucune difficulté d’abandonner
dans fon explication, les peres de l ’églife. Il
mourut dans fa patrie en 1613 , âgé de 60 ans.
Antonio ( Nicolas ) , chevalier de l’ordre de S. Jacques,
& chanoine de Séville, a fait honneur à fon
pays , par fa bibliothèque des écrivains efpagnols, '
qu’il mit au jour à Rome en 1672 , en 2 vol. in-fol.
Elle a été réimprimée dans la même ville , en 1696,
au frais du cardinal d’Aguirre ; c’eft un très-bon livre
en fon genre, avec une préface pleine de jugement.
L ’auteur mourut en 1684, à 67 ans. On lui doit en-
core un livre d’érudition : De exilio , Jive de pcend
exulii, exulumque conditione , 6* juribus , Antuer-
piæ 1659 , In-fol.
Cafas ( Barthelemi de las ) , évêque de Chiapa,
fuivit à 19 ans fon pere , qui paffaen Amérique avec
Colomb, en 1493. Remploya cinquante ans fans
fuccès à tâcher de perfuader aux Efpagnols qu’ils dévoient
traiter les Indiens avec douceur , avec defin-
téreffement, & leur montrer l’exemple des vertus.
D e retour en Efpagne , en 15 51 , à caufe de la foi-
blefle de fafanté, ilfe démit de fon évêché, & mourut
ii Madrid en 1566, à 92 ans. On a de lui une relation
intéreffante , de la deftruftion des Indes par
les barbaries des Efpagnols. Cette relation parut à
Séville en efpagnol, en 15 5 2 ; en latin à Francfort,
en 1598 ; en italien à V enife, en 1643 ; & en fran-
çois à Paris, en 1697. C’eft un ouvrage qui refpire
la bonté du coeur, la vertu, & la vraie pieté ; on a
encore de ce digne & favant homme, un livre latin,
curieux & rare , imprimé à Tubinge en 1625 , fur
cette queftion : « fi les rois ou les princes peuvent
H en cônfcience , par quelque droit ou quelque ti-
» tre , aliéner leurs fujets de la couronne, & les
foumettre à la domination de quelqu’autre feigneur
» particulier ». Voye^ fur ce fujet la' Bibl. eceléf. de
M . Dupin , xvj fiecle.
Cervantes Saavedra ( Miguel de ) , auteur de don
Quichotte, naquit à Seville, en 1549 , félon Nicolas
Antonio. Il avoit tant de paflion pour s’inftruire,
qu’il dit : « je fuis curieux jufqu’à ramaffer les moin-
» dres morceaux de papier par les rues». Mais il fit
fon étude particulière des ouvrages d’efprit, tant
en vers qu’en profe, & fur-tout de ceux des auteurs
efpagnols & italiens. On voit qu’il étoit fort
verfé en ce qui a du rapport à cette forte de livres
, par le plaifant & curieux inventaire de la bibliothèque
de don Quichotte, par les fréquentes al-
lufions aux romans, par le jugement fin qu’il porte
de tant de poètes , & par fon voyage du parnaffe.
Il pafla en Italie pour prendre le parti des armes ,
& fervit plufieurs années fous Marc-Antoine Colonne.
Il fe trouva à la bataille de Lépante, en 15 7 1 ,
& y perdit la main gauche d’un coup d’arquebufe ;
ou du moins en fut-il fi fort eftropié, qu’il ne put plus
s’ en-fervir. Peu de tems après, il fut pris par les Maures
, & mené à Alger,ou il demeura plus de 5 anspri-
fonnier. De retour en Efpagne, il compofa plufieiirs
comédies , qui eurent une approbation générale, tant
parce qu’elles étoient fupérieures à celles qu’on avoit
■ vues j-ufqu’alors , qu’à caufe des décorations , qui
étoient toutes de fon invention, & qui parurent très-
bien entendues. Les principales de fes comédies,
étoient les coutumes d’Alger, Numancia, & la bataille
navale. Cervantes traita le premier & le dernier de
ces fujets en témoin oculaire. Il fit auffi quelques
tragédies qu’on applaudit.
En 1584 il publia fa Galatée, qui fut très-accueil-
lie. Il prouva par cet ouvrage la beauté de fon ef-
prit dans l’invention, la fertilité de fon imagination
dans la variété des defcriptions,fon adrefle à dénouer
les intrigues , & fon habileté dans le choix des ex-
preffions propres au fujet qu’il traiioit. On eftima
fur-tout la modefiie avec laquelle il parloit de l’amour.
On ne critiqua que la multiplicité des épifodes
, qui quoiqu’amenes avec beaucoup d’art, empêchent
de fuivre le fil de la narration, & l’interrompent
trop fouvent par de nouveaux incidens. Cervantes
fentit bien lui-même ce défaut , & il en fait
prefque l’aveu , quand il introduit le curé Pérez,
gradué à Siguenza, & maître Nicolas le Barbier,
difant : « Celui-là que voilà tout-auprès du recueil
» de chanfon de Lopès de Moldonado , comment
» s’appelle-t-il, dit le curé ? C ’eft la Galatée de Mi-
» chel de Cervantes, répondit maître Nicolas. Il y
» a long-tems que cet auteur eft de mes meilleurs
» amis , reprit le curé, & je fai qu’il eft plus mal-
» heureux encore que poète. Son livre a de l’inven-
» tion ; il promet affez , mais il n’àcheve rien. Il
» faut attendre la fécondé partie qu’il fait efpérer ;
» peut-être qu’il réuffira mieux, & qu’il méritera
» qu’on fafîe grâce à la première : compere gardez-
» la ». La fécondé partie, quoique fouvent promife,
n’a jamais paru.
Ce joli paflage e f t , comme on fait, dans don Quichotte
, ouvrage incomparable par la beauté du fty-
le , par la jufteffe de l’efprit, la fineffe du goût, la
délicateflé des penfées , le choix des incidens, & la
plaifanterie fine qui y régné d’un bout à l’autre. Don
Quichotte nous offre en fa perfonne un fou vraiment
héros , qui s’imaginant que quantité de chofes qu’il
v o it , reflemblent aux avantures qu’il a lues, s’engage
à des entreprifes glorieufes dans fon opinion , Ôc
folles dans celles des autres. On voit en même tems
ce même héros-chevalier, raifonner fort fagement
quand.il n’eft pas dans fes accès de folie. La fimpli-
cit.é de Sancho Pança eft d’un comique qui n’ennuie
perfonne. Il parle toujours comme il doit parler,
& agit toujours conféquemment. .
Pour que l’hiftoire d’un chevalier errant ne fatiguât
pas le le&eur par la répétition tédieufe d’avan-
tures d’une même efpeee, ce qui ne pouvoit manquer
d’arriver, s’il n’avoit été queftion que de rencontres
extravagantes ; Cervantes a fait entrer dans
fon roman divers épifodes, dont les incidens font
toujours nouveaux & vraiffemblables. Tous ces
épifodes, hormis deux , favoir, l'hifoirede Cefclave,
& la nouvelle du curieux impertinent, font enchâffés
dans la fable même, ce qui eft un grand art. Le ftyle
eft approprié au caraftere des perfonnages & des fujets.
Il eft pur , doux, naturel, jufte & fi correft,
qu’il y a peu d’auteurs efpagnols qui puiffent aller du
pair avec Cervantes à cet egard. Il en a pouffé fi loin
l’etude, qu’il emploie de vieux mots pour mieux exprimer
de vieilles chofes. Enfin , les raifonnemens
font pleins d’efprit, le noeud eft habilement caché ,
& le dénouement heureux.
La première partie de don Quichotte parut à Madrid
en 1605 ,1/2-4°. & eft dédiée au duc de Bejar,de
la proteôion duquel l’auteur fe félicite dans des vers
qu’il attribue à Urgande la déconnue , & qui font à
la tête du livre. La fécondé partie de l’Ouvrage ne
parut qu’en 1615. Le débit du livre fut t e l , qu’avant
que l’auteur eût donné cette fécondé partie , il
fait dire au bachelier Samfon Carafco : « A l’heure
» qu’il eft, je crois qu’on en a imprimé plus de douze
» mille à Lisbonne, à Barcelonne & à Valence, &C
» je ne fais point de doute qu’on ne le traduife en
» toutes fortes de langues ». Cette prédiction s’eft fi
bien vérifiée , qu’il faudroit un volume pour entrer
dans le détail de les différentes éditions & traductions.
Tous les plus célébrés artiftes , peintres, graveurs,
fculpteurs, deffinateurs en tapifferies de haute
baflè-liffe, ont travaillé à l’envi à repréfenter les
avantures de don Quichotte, & c’eft ce que nous
avons de plus âmufant.
Dès que cet ouvrage parut en Ëfpâgne , on lui fit
un accueil qui n’avoit point eu d’exemple ; car il fut
univerfel, chez les grands , le militaire, & les gens
de lettres. Un jour que Philippe III. étoit fur un balcon
du palais de Madrid, il apperçut un étudiant fur
le bord du Mançanarès , q u i, en lifant, quittoit de
tems en tems fa leCture, & fe frappoit le front avec
des marques extraordinaires de plaifir : « cet homme
» eft fou , dit le roi aux courtifans qui étoient auprès
» de lu i, ou bien il lit don Quichotte. Le prince
avoit raifon , c’étoit effectivement là le livre que l’étudiant
lifoit avec tant de joie.
En 1614 » Cervantes fit imprimer fort voyage du
Parnaffe, qui n’eft point un éloge des poètes efpa- '
gnols de fon tems, mais une fatyre ingénieufe, comme
celle de Céfar Caporali, qui porte le même titre,
en eft une des poètes italiens.
En 1615 il publia quelques comédies & farces
nouvelles, les unes en vers, les autres en profe. Il
y joignit une préface très-curieufe fur l’origine & les
progrès du dramatique efpagnol ; cependant les comédiens
ne jouèrent point les nouvelles pièces de
l’auteur, & c’eft lui-même qui nous l’apprend avec
fa naïveté ordinaire.
« II y a , dit-il, quelques années qu’étant revenu
*> à mes anciens amufemens, & m’imaginant que les
» chofes étoient encore fur le même pié , que du
» tems que mon nom faifoit du bruit ; je me mis de
» nouveau à compofer quelques pièces pour le théâ-
» tre ; mais les oifeaux étoient dénichés ; je veux
» dire, que je ne trouvai plus de comédiens qui me
» les demandaffent. Je les condamnai donc à demeu-
» rer dans l’obfcurité. Dans le même tems, Un li-
>> braire m’affura qu’il me les auroit achetées „ fi un
» célébré comédien ne lui avoit dit, que l’on poù-
» voit efpérer que ma profe réuffiroit, mais non pas
>> més vers. Alors , je me dis à moi-même , ou je
» fuis bien déchu, ou les tems font devenus meil-
» leurs, quoique cela foit contraire au fentiment
» commun, félon lequel On fait toujours l’éloge des
>> tems paffés» Je revis cependant mes comédies,
» & je n’en trouvai aucune affez mauvaife, ’ pour
» qu’ellenepûtappellerdeladécifionde cecomédien,
» au jugement d’autres afteurs moins difficiles. Dans
» cette idee, je les donnai à un libraire qui les im-
» prima. Il m’en offrit une fomme raifonnable , &
» je pris fon argent. Je fouhaiterois qu’elles fuffent
» excellentes ; du moins j’efpere qu’elles feront paf-
» fables. Vous Verrez bien-tôt, cher lefteur, ce que
» c’eft ; fi vous y trouvez du bon, & que vous ren-
» contriez mon comédien de mauvaife humeur,
» priez-le de ma part de n’être pas fi prompt à faire
» injure aux gens ; qu’il examine mûrement mes
» pièces, il n’y trouvera ni ridicule , ni pauvreté ;
» leur défauts font cachés ; la vèrfification eft forta-
» ble au comique ; & le langage convient aux per-
» fonnages qui y paroiffent. Si tout cela ne le con-
» tente pas , je lui recommande une piece à laquelle
» je travaille , intitulée l ’abus de jugerfur II étiquette
» qui , fi je ne me trompe , ne peut manquer de*
o> plaire. En attendant, Dieu lui donne la fanté, &
*> à moi de la patience.
. ^ divertit encore à Compofer quelques hiftoi-
netes qu’,1 publia fous le titre de novelas exemplares,
■ .q11 d dédia au feigneur de Lemos. « Votre excel-
» lence, lui marque-t-il, faufa que je lui envoie
* j,0uz j * Mm S îe ne fe*s Pas dans le goût
» a en débiter, néanmoins,, j’oferois les mettre au
H nombl'e des meilleurs , fi ce n’étoit pas mon ou-
^ Il parle ainfi dans fa préfacé : « Je vous avertis,
>> gratieux lecteur, que vous ne trouverez rien ic i,
» dont on puiffe abufer ; j’intitule mes nouvelles,
» exemplaires , parce que, fi vous y prenez garde ,
» il n en eft aucune qui n’offre quelque exemple
» utile. J’ai eu deffein d’amufer fans danger, & les
» amufemens innocens font > à Coup fur , légitimes.
» On ne peut pas toujours être occupé de la prière,*
» de la méditation , ou des affaires : il faut des tems
» de récréation pour délaffer l ’efprit, & réparer fes
» forces ; c’eft dans cette Vue qu’on a des bois, des
» fontaines & des jardins cultivés. La le&ure que je
» vous offre, ne peut exciter de paflion criminelle.
» Il rie convient pas à un homme de mon âge, qut
» touche à fa foixante-quatrieme année, de badiner
>> avec l ’autre vie.
» Comme j’ai fait cet Ouvragé par goût, je n’aî
» rien négligé pour le mettre en état de plaire > &
» j’ai quelque gloire à dire , que je fuis le premier
» qui aie écrit des contes originaux en efpagnol ; ils
>> font tous tirés de mon fonds , & il n’en eft aucun
» imité ni puifé dans d’autres écrivains. Mon imagi-
» nation les a enfantés , ma plume les a mis fur le
» papier , oc l’imprefîion va les faire Croître ».
Il y avoit long-tems que Cervantes s’oCcupoit à
un autre livre d’imagination , intitulé les travaux dè
Perfile & Sigifmohde, qu’il finit immédiatement avant
fa mort, arrivée en 1616. Il étoit alors attaqué d’une
maladie qui ne l’empêcha pas d’écrire ce roman, &c
les petites anecdotes qui s’y râpportoient. Comme
nous n’avons point d’autre hiftorien que lui-même
& qu’il raconte tout avec grâce : voyons ce qu’il
nous dit à ce fujet. Il s’exprime en ces termes.
» Il arriva, mon cher lecteur, que comme je ve-
» nois avec deux de mes amis de la fameilfe ville
» d’Efquivias, je dis fameufe par mille endroits ;
» premièrement par fes familles illuftres ; en fécond
» lieu , par fes excellens vins, & ainfi du refte ; j’en-
» tendis quelqu’un galoper derrière nous , comme
» pour nous attraper, à ce qu’il me paroiffoit ; & ce
» cavalier ne nous permit pas d’en douter, nous
» ayant crié de n’aUer pas fi vîte. Nous l’attendîmes
» donc, & nous vîmes approcher monté fur une
» ânéfle un étudiant gris ( j ’entends qu’il étoit tout
» habillé de gris ) : il avoit des botines fêmblables à
» celles que portent les moiffonneufs, pour empê-
» cher le blé de leur piquer les jambes; des fouliers
» rônds, une épée &£ un collet n oir, que le moûve-
» ment de fa monture faifoit fouvent tourner de côté
» & d’autre, quelque peine qu’il fe donnât à le met-
» tre droit. Vos feignéuries , nous dit-il, vont ap-
» paremment folliciter quelque emploi ou bénéfice
» à la' cour ; fans doute que fort éminente eft à To-
» lede , ou du moins le r o i , puifque vous allez fi yî^
» te. Franchement j’ai eu bien de la peine à vous
» atteindre,quoique mon âne ait plus d’une fois pafle
» pour un bon coureur. A ce difeours un de mes
» compagnons répondit; le cheval du feigneur Cer-
» Vantes en eft la caufe, c’eft un drôle qui n’aime
» pas à aller doucement.
» A peine mon homme eut-il entendu le nôm dé
» Cervantes , qu’il fauta à bas de fa monture, en
» falfânt tomber fon couffin d’un côté, & fon porte-
» manteau de l’autre ( car il avoit tout cet équipage
» avec,lui); il vint à moi, & me prenant parla
» main gauche ; o u i, qui , dit-il, c’eft ici ie fameux
» le divertiffant écrivain, le favori des mufes I Me
» voyant complimenter fi magnifiquement, je jugeai
» qu’il y auroit de l’impoliteffe à ne pas lui témoi-
» gner quelque reconnoiffance de fes louanges ; je
» l’embraffai ( & lui fis tourner fon collet par mort
» accolade ) , & je l’affurai qu’il étoit dans la même
» erreur fur mon fujet, que d’autres perfonnes, qui
» me vouloient du bien. Je fuis, lui dis-je, Cervan-
» tes, il eft v ra i, mais non le favori des mufes ni
» rien de tout ce que vous m’avez dit de beau. Ayez