fut qu’incapacité, fon érudition n’étoit que pédanterie.
(Z?. A ) .
T a b a c , culture d u , ( Comm.') c e fut vers lan
1510 que lesEfpagnols trouvèrent cette plante dans
le Jucatan, province de la Terre-ferme ; 6c c’eft delà
que fa culture a paffé à Saint-Domingue, à Mari-
iand, & à la Virginie. . *•
Vers l’an 1560, Jean N icot, à fon retour de Por*
tugal, préfenta cette plante à Catherine de Mëdicis;
ce qui ht qu’on l’appella la nicotiane. Le cardinal de
Sainte-Croix 6c NicolasTornaboni la vantèrent en
Italie fous le nom d'herbe fainte, que les Efpagnols
lui avoient donné à caufe de fes.vertus. Cependant
l ’herbe fainte, loin d’être également accueillie de
tout le monde , alluma la guerre entre les Savans ;
les ignorans en grand nombre y prirent parti, & les
femmes mêmes fe déclarèrent pour oit contre une
chofe qu’elles ne connoiffoient pas mieux que les
affaires férieufes quife paffoient ' alors en Europe,
6c qui en changèrent toute la face.
On fit plus de cent volumes à la louange ou au
blâme du tabac ; un allemand nous en a confervé les
titres. Mais malgré les adverfaires qui attaquèrent
l ’ufage de cette plante , fon luxe féduifit toutes les
nations , 6c fe répandit de l’Amérique jufqu’au Ja- .
Il ne faut pas croire qu’on le combattit feulement
avec la plume ; les plus puiflans monarques le prof-
crivirent très féverement. Le grand duc de Mofco-
v ie , Michel Féderowits , voyant que la capitale de
fes états, bâtie de.maifonsde b ois, avoitétépref-
que entièrement confumée par un incendie, dont
Fimprudence des fumeurs qui s’endormoient la pipe
à la bouche, fut la caufe, défendit l’entrée & l’ufage
du tabac dans fes états ; premièrement fous peine de
la baftonnade, qui eft un châtiment très-cruel en ce
pays-là; enfuite fous peine d’avoir le nez coupé ;&
enfin , de perdre la vie. Amurath IV. empereur des
Turcs, 6c le roi de Perfe Scach-Sophi firent les^ mêmes
défenfes dans leurs empires, 6c foiïs les mêmes
peines. Nos monarques d’occident, plus rufés politiques
, chargèrent de droits exorbitans l’entrée du
tabac dans leurs royaumes , & laifferent établir un
ufage qui s’eft à la fin changé en nécelîité. On mit
en France en 1629 trente fols par livre d’impôt fur
le pétun , .car alors le tabac s’appelloit ainfi ; mais
comme la confommation de ce nouveau luxe eft devenue
de plus en plus confidérable, on en a multiplié
proportionnellement les plantations dans tous
les pays du monde. On peut voir la maniéré dont
elles fe font à Ceylan, dans les TranfaS. philof. n°.
•zyS. p. 1146 & fuiv. Nous avons fur-tout des ouvrages
précieux écrits en anglois, fur la culture du
tabac en Mariland 6c en Virginie ; en voici le précis
fort abrégé.
On ne connoît en Amérique que quatre fortes de
tabacs ; lepetun, le tabac à langue, le tabac d’amazone
, 6c le tabac de Verine ; des quatre efpeces fleu-
riffent 6c portent toutes de la graine bonne pour fe
reproduire ; toutes les quatre peuvent croître à la
hauteur de 5 ou 6 pies de haut , & durer plufieurs
années, mais ordinairement on les arrête a la hauteur
de deux piés, & on les coupe tous les ans.
Le tabac demande une terre graffe, médiocrement
forte, unie, profonde , 6c qui ne foit pas fujette aux
inondations ; les terres neuves lui font infiniment
plus propres que celles qui ont déjà fervi.
Après avoir choifi fon terrein, on mêle la graine
du tabac avec fix fois autant de cendre ou de fable,
parce que fi on la femoit feule , fa petiteffe la feroit
pouffer trop épais, 6c il feroit impoflible de tranf-
planter la plante fans l’endommager. Quand la plante
a deux pouces d’élévation hors de terre, elle eft bon-
pe à être tranfplantée, On a grand foin de farder les
C o u c h e s , & d e n’y la iffe r a u c u n e s m a u v a ife s herbes^
d è s q u e l’o n p e u t d ift in g u è r le tabac ; i l d o i t to u jo u r s '
ê t r e fe u l 6c b ie n n e t .
Le terrein étant nettoyé, on le partage en allées
diftantes de trois piés les unes des autres , 6c parallèles
, fur lefquelles on plante en quinconce des pi-
quèts éloignés les uns dès autres de trois piés. Pour
cet effet, on étend un cordeau divifé de trois en trois
piçs par des noeuds, ou quelques autres marques apparentes
, 6c l’on plante un piquet en terre à chaque
noeud ou marque.
Après qu’on a achevé de marquer les noeuds du
cordeau , on le le v e , on l’étend trois piés plus loin,
obfervant que le premier noeud ou marque ne cor-
refponde pas vis-à-vis d’un des piquets plantés, mais
au milieu de l’efpac'e qui fe trouve entre deux piquets
, & on continue de marquer ainfi tout le terrain
aveedes piquets, afin de mettre les plantes au
lieu des piquets, q u i, de cette maniéré , fe trouvent
plus en ordre, plus aiféés à farde r, 6c éloignées les
unes des autres fuffifamment pour prendre la nourriture
qui leur eft néceffaire. L’expérience fait con-
noître qu’il eft plus à-propos de planter en quinconce
, qu’en quarré, 6c que les plantes ont plus d’ef-
pace pour étendre leurs racines, & pouffer les feuilles
, que fi elles faifoient des quarrés parfaits.
Il faut que la plante ait au-moins fix feuilles pour
pouvoir être tranfplantée. Il faut encore que le tems
îoit pluvieux ou tellement couvert, que l’on ne doute
point que la pluie ne foit prochaine ; car de tranf-
planter en tems fec , c’ eft rifquer de perdre tout,
fon travail 6c fes plantes. On leve les plantes doucement
, 6c fans endommager les racines^ On les
couche proprement dans des paniers , & on les
porte à ceux qui doivent les mettre en terre. Ceux-,
ci font munis d’un piquet d’un pouce de diamètre, 6c
d’environ quinze pouces de longueur, dont un bout
eft pointu, 6c l’autre arrondi.
Ils font avec cette efpece de poinçon un trou à la
place de chaque piquet qu’ils lèvent, 6c y mettent
une plante bien droite, les racines bien étendues : ils
l’enfoncent jufqu’à l’oe il, c’eft-à-dire, jufqu’à la naif-
fance dés feuilles les plus baffes, 6c preffent mollement
la terre autour de la racine, afin qu’elle foutien-
ne la plante droite fans la comprimer. Les plantes
ainfi mifes en terre, 6c dans un tems de pluie, ne
s’arrêtent point,leurs feuilles ne fouffrent pas la moindre
altération , elles reprennent en 24 heures, 6c
profitent à merveille.
Un champ de cent pas en quarré contient environ
dix mille plantes : on compte qu’il faut quatre per-
fonnes pour lés entretenir, 6c qu’elles peuventrendre
quatre mille livres pefant de tabac, félon la bonté de
la terre, le tems qu’on a planté, 6c le foin qu’on en a
pris ; car il ne faut pas s’imaginer,qu’il n’y a plus rien
à faire, quand la plante eft une fois en terre. Il faut
travailler fans ceffe à farder les mauvaifes herbes ,
qui confommeroientla plus grande partie de fa nourriture.
Il faut l’arrêter, la rejettonner, ôter les feuilles
piquées de vers, de chenilles, 6c autres infe&es;
en un mot avoir toujours les yeux 6c les mains deffus
jufqu’à ce qu’elle foit coupée.
Lorfque les plantes font arrivées à la hauteur de
deux piés & demi ou environ, 6c avant qu’elles
fleuriuent, on les arrête", c’eft-à-dire, qu’on coupe
le fommet de chaque tige, pour l'empêcher de croître
& de fleurir ; 6c en même tems on arrache les
feuilles les plus balles , comme plus difpofées à toucher
la terre , 6c à fe remplir d’ordures. On ôte aufli
toutes celles qui font viciées, piquées de vers, oit
qui ont quelque difpofition à la pourriture, & on fe
contente de laiffer huit ou dix feuilles tout-au-plus
fur chaque tige, parce que ce petit nombre bien entretenu
rend beaucoup plus de tabac, 6c d’une qua-y
iité infiniment meilleure, que fi on laiffoit croître
toutes celles que la plante pourroit produire. On a
çfleore un foin particulier «Téter tous, les bourgeons
Ou rejettons que la,force de la,fève fait poufferentre
Jes feuilles.& la tige ; car, outre que ces rejettons ou
feuilles avortées ne yiendroient jamais bien , elles
Ittiréroient Une partie de la nourriture des véritables
feuilles qui n’en peuvent trop avoir.
Depuis que, les plantes font arrêtées jufqu’à leur
parfaite maturité, il faut cinq à fix femaines, félon
■ Warfo# eft chaude , quçle terrein eft expofé
qu il eft fec ou humide. On viiite.pendant ce tems-là*
aurmoins deux ou trois fois la femaine , les plantes
pour les rejettonner, ç’eft-à-ftire en arracher tous
les remettons , faufles tiges ou, feuilles , qui naiffent
tant fur la tige qu’à fon extrémité , ou auprès des
feuilles.
L e tabac eft ordinairement quatre mois ou environ
en terre, avant d’être en état d’être coupé. On con-
noit qu’il approche de fa maturité, quand fes feuil-
les commencent à changer de couleur, & que leur
verdeur vive & agréable , devient peu-à-peu plus
ôhfcurè; elles papchent alors vqrs ja terre, comme
fl la queue qui les attache à la tige, avoit peine à fou-
tenir le poids du fuc dont elles font remplies: l’odeur
douce qu’elles avoient, fe fortifie, s’augmente, & fe
répand plus au, loin. Enfin quand on s’apperçoit que
les feuilles caftent plus facilement lorfqu’on les ploie,
g eft lin ligne certain que-la plante a toute la maturité
dont elle, a befoin, & qu’il eft tems de la couper.
On attend, pour cela que la rofée foit tombée, &
que le foleil ait defféché toute l’humidité qu’elle avoit
.répandue fur lés feuilles : alors on coupe les plantes
par lp die. Quelques-uns les coupent entre deux terres
, c’eïï-à-dire , environ un pouce au-deflous de la
fupeiftcje-de la terre ; les autres à un pouce ou deux
àu-deflïïs ; cette derniere maniéré eft la plus ufitée. ■
On.laiffe les plantes ainfi coupées auprès de leuri
fouches le relie du jpur, & ona.foin de les retourner
trois pu .quatre ,fqis, afin que ie foleil les échauffe
également de tous les côtés, qu’il confomme une partie
dé leur humidité, & qu’iicommence à exciter une
fermentation néceffaire pourmettre leur fuc en mouvement.
Avant que le foleil fe couche , on les tranfporte
dans la café qu on a préparée pour les recevoir, fans
jamais laificr palier la nuit à découvert aux plantes
coupées , parce que la rofée qui eft très-abondante
dans ces climats chauds, rempliroit leurs pores ouverts
par la chaleur du jour précédent, & én arrêtant
le mouvement de la fermentation déjà commencée
, elle difpoferoit la plante à la corruption & à la
pourriture.
Ç ’eft pour augmenter cette fermentation, que les
plantes coupées & apportées dans la café, font étendues
les unes fur les autres, & couvertes de feuilles
d e halifier amorties, ou de quelques nattes, avec des
planches par-deffus, & des pierres pourles teniren
îujétion : c’eft ainfi qu’on les laiffe trois ou quatre
jours, pendant lefquels elles fermentent, ou pour
parler comme aux îles françoifes , elles refluent
après quoi on les fait fecher dans lescafes ou fueries!
On y conftruit toujours ces maifons à portée des
plantations ; elles font de différentes grandeurs à-
proportion de l’étendue des plantations ; on les bâtit
avec de bons piliers de bois fichés en terre &
bien traverfé par des poutres & poutrelles,pour fou- ’
tenir le corps du bâtiment. Cette carcaffe faite, on
la garnit de planches, en les pofant l’une fur l’autre,
comme l’on borde un navire , fans néanmoins que
ces planches foient bien jointes ; elles ne font attachées
que par des chevilles de bois.
La couverture de la maifon eft aufli couverte de
planches, attachées Tune fur l ’autre fur les chevrons,
> 1
de manière que la pluie ne puiffe entrer dans la mai-
ton: & cependant on obferve de laiffer une ouverture
entre le toit & le corps du bâtiment, enforte
que 1 a iry paffe fans que la pluie y entre , parce qu’-
on entend bien que le toit doit débordçr le corps du
batunent. On n’y fait point de fenêtres, on y voit
allez clair le jour y entrant fuffifammentpar les portes
6c par les ouvertures pratiquées entre le toit &
le corps du batiment.
Le fol ordinaire de ces maifons eft la terre même;
mais comme on y pofe les tabacs , & que dans des
tems humides la fraîcheur peut les hiimeâer & les
corrompre ,1! eft plus prudent de faire des planchers,
que I on forme avec des poutrelles & des planches
chevillées par-deffus. La hauteur du corps du bâti-
ment eft de quinze à feize piés, celle du toit jufqu’au
taite de dix à douze pies.. . , ^
En-dedans du bâtiment, ou y place en-travers d e
petits chevrons qui font chacun de deux pouces &
demi en quatre ; le premier rang eft pofé à un pié
& denu ° u deux pies, au-deffous du faîte , le deuxieme
rang à quatre piés & demi au-deffous, le troifie-
me de meme, &c. jufqu’à la hauteur de l ’Homme ■ les
chevrons font rangés à cinq piés de diftance Tun de
1 autre, ils fervent à pofer les gaulettes, auxquelles ou
pend les plantes de tabac.
Dès que \e tabac a été apporté dans des civières à
H H | ’ .oni e & t rafraîchir en étendant fur ie plan-
cher des lits de trois plantes couchées Tune fur l’au-
tre. Quand il s eft rafraîchi environ douze heures
on paffe dans le pié de chaque plante une brochette
de bois, d une façon à pouvoir être accrochée & te-
mr aux gaulettes, & tout-de-fuite on les met ainfi à
la pente , en obfervant de ne les point preffer l’une
contre: autre Onfaiffe les plantes à la pente jufqu’à
ce que les feuilles foient bien feches ; alors on pf ofite
du premier tems humide qui arrive, & qui permet
de les manier fans les brifer. Dans ce tems ftvora-
ble on détaché les plantes deslapënte, & à mefure
on arrache les feuilles de la tige, pour en former des
manoques ; chaque manoque eft compofée de dix à
douze feuilles & elle fe lie avec une feuille. Ouand
la manoque n apomt d’humidité, & qu’elle peut être
preliee, on la met en boucaux.
Le tabac fort de Virginie, fe cultive encore avec
plus de foin que le tabac ordinaire, & chaque mano.
que de ce tabac for t, n’eft compofée que de quatre
a fix feuilles, fortes, grandes, & qui doivent être
d une couleur de marron foncé ; on voit par-là qu’;
on fait en V îrginie deux fortes de manoques de tabac.
qu on nomme première & fécondé forte.
Quant au merrain des boucaux, on fe Vert pour le
mire du chene blanc, qui eft un bois faiis odeur ;
d autres fortes de bois font également bons pourvu
qu ils n ay ent point d’odeur. Ou dillribue le bois en
merrain,au-mùins fix mois avant que d’être employé
Les. boucaux fe font tous d’une même grandeur • ils •
ont 4 piés de haut fur 3 z pouces de diamètre dans leur
milieu ; ils contiennent cinq ou 600 Iiv. de tabac feulement
preffées par l’homme, & jufqu’à mille livres
lorfqu ils font preffés àla preffe ; les boucaux du baba*
1 fo r t , pelent encore davantage.
Telle eft la culture du tabac que les fermiers de
i .®î?ce ac|letent des Anglois pour environ quatre
millions chaque annee. Il eft vrai cependant que
quand le levenu. du tabac feroit, comme on l’a dit
pour eux de quarante millions par an, il ne furpaffe-
roit pas encore ce que la Louifiane mife en valeur
pour cette denrée, produire» annuellement à l’état
au bout de quinze ans ; mais jamais les tabacs de la
Louifiane ne feront cultivés & achetés fans ia liberté
du commerce. ( L e Chevalier d e J a u c o u r t .')
T abag , manufacture de. Le tabac regardé comme
plante ufuelle & de pur agrément, n’eft connu et»