particuliers. En général tout mouvement qui fe fait
par le moyen des roues à dents , eft plus jufte &c
plus égal que célui à corde & à poulies : le premier
peut fe mefurer. divifer & diftribuer à telle proportion
que l’on veut ; on en peut déterminer & fixer
les gradations par le nombre des dents dont il eft
compofé , & l’on eft en état, à chaque inftant, de
•compter ces .gradations jufqu’à la plus petite réduction,
ce que Tonne fauroit faire dans le fécond mouvement,
la corde ni les poulies n’étant pas fufceptibles
de cette ponéluation géométrique qui feroit requife
.pour en mefurer & diûinguer les progrefllons ; la
chofe eft auffi claire qu’inconteftable- \
2°. Un mouvement compofé eft bien plus multiplié
& varié qu’un mouvement fimple : cela s’entend
de foi-même : or le mouvement à rouage eft un mouvement
compofé ; par conféquent, &c,
3°. Dans la thefe particulière1, on comprend que
pour former fur l’hafple ou dévidoir ces croilemens
en zigzags, qui empêchent qu’aucun fil de la foie
ne fe couche l’un fur l’autre , il faut un mouvement
extrêmement multiplié & v arié, & qui renferme en
lui-même une irrégularité repréfentative auffi-bien
que productive de ces zigzags ; ce qui ne fe rencontre,
ni même ne peut fe rencontrer que dans le
rouage en queftion.
Le pignon de l’hafple a vingt-deux dents qui s’en-
.grenent à une roue, non de vingt-deux dents auffi,
c e ne ferôit-là qu’un même mouvement fimple , mais
de vingt-cinq dents. Cette irrégularité dans le nombre
des dents, en engendre néceffairement une dans
le mouvement, qui n’ eft appellé un jeu par l’ordonnance
de 1724 , qu’à caufe de cette irrégularité même.
La roue du va-&-vient de vingt-cinq dents ,
reçoit le mouvement d’une roue de vingt-deux dents,
deuxieme irrégularité qui forme un fécond jeu: cette
•double irrégularité de mouvemens s’entretenant
•exaûement par la correfpondance d’entre le va-&-
vient & Ckafple qui lui donne le branle, forme un
mouvement intégral , dont l’effet eft d’imiter & de
fuivre la décompofition du cocon, la même méthode
que le ver à foie a employée à le compofer ; car c’eft
un point de fait confiant entre les naturalises & les
•artiftes, que la foie du cocon y eft filée en zigzags
pareils à ceux que tour de Piémont fait former
fur fon hafple , & que par conféquent l’opération de
ce tour eft une imitation de là nature , dont l’indufi
trie du v e r , inftruit par elle , eft le prototype.
C’eft-là cette merveille dont la découverte a coûté
tant de veilles, de foins & de recherches aux Pié-
montois ( £). Elle n’a point frappé les fieurs le
M * * * & R * * * , parce qu’ils ne la fuppofoient
pas dans un tour qu’ils n’ayoient pas envie de préconiser
à Texclufion des leurs. D’ailleurs ils la connoif-
foient fi peu ( car on eft bien éloigné de les taxer de
cette partialité plus opiniâtre qu’aveugle que l’amour
propre infpire aux ouvriers pour leurs productions
) , qu’ils n’ÿ entendoient pas même myftere ,
& n’en foupçonnoient point dans ce nombre & dans
•cet arrangement curieux de roues & de dents. « Le
» quatrième tour, difent-ils dans leur procès-verbal,
» eft celui que le feu fieur Baron a fait faire fur le
» modèle de ceux de Piémont ; fon chaffis eft de la
» même longueur.. . . L ’hafple donne le mouvement
w au va-&-vient par le moyen d’un arbre horifon-
» ta l, dont uh bout engraine par des dents à l’arbre
» de l’hafple,, & l’autre à un plateau dentelé auquel
» eft attaché le va-&-vient ».
Cette laconique defcription, ce filence fur le nombre
& l’arrangement des roues & des dents du tour
de Piémont de la part des gens qui ontpompeufe-
(b) On a fait en Piémont plus de roues que n’en contien-
dnoient fix tombereaux, auparavant de faire cette découverte.
ment étalé des inutilités ( c ) dans les autres tours J
provient tout au moins de ce qu’ils ne connoifloient
guere ce qu’ils examinoient,ou qu’ils n’examinaient
point affez ce qu’ils ne cqnnoiffoient pas ; cela eft fi
v r a i, qu’ils fe font même imaginés que ce rouage
embarraffoit l’opération- du tirage (d ) . Quelle in-
conféquence 1
D ’ailleurs une réflexion qui fe préfente ici d’elle-
même , c’eft qu’il n’eft pas bien certain que la machine
du fieur B * * * fût un modèle parfait de celle
de Piémont. Ce doute eft d’autant plus raifonnable ,
que le témoignage même des fieurs M * * * &
R * * * , de la façon dont ils en parlent, fert plutôt à
le confirmer qu’à l’éclaircir, & encore moins à le
réfoudre.
L autorité de la chofe jugée (e) ne milite pas moins
que les principes en faveur du tour de Piémont : enfin
il a pour lui l’expérience de toute l’Europe. Muni
de tant de titres , peut-on lui refufer une préférence
auffi juftement acquife ; préférence d’ailleurs dont il
a été déjà jugé digne par l’épreuve qui en a été faite
en 1748 , en préfence de Meilleurs les intendans du
commerce, chez M. le Tourneur , l’un d’eux?
La perfection de ce tour n’a point échappé aux
lumières de M. Rouillé, fecrétaire d’état, lous les
yeux duquel il a paru. « J’ai vu ( ƒ ) , dit ce Lavant
» miniftre , le tour du fieur Othon , qui eft celui du
» Piémont : j’ai vu fon dévidoir, & j’ai été con-
» tent de l’un & de l’autre ». Cette approbation eft
un garant affuré de celle qu’on a lieu d’attendre de
tous les connoiffeurs devant qui l’on renouvellera
l’épreuve du tour de Piémont, fi le confeil le juge à
propos.
• L importance du tirage ou filage de la foie démontrée
par lui-même & reconnue par l’unanimité des
fabriquans de l’Europe, rien de plus intéreffant pour
le bien du commerce du royaume en général, & en
particulier des manufactures des étoffes de foie qui
en font la branche la plus confidérable, que d’affurer
la méthode de ce même tirage , par une décifion qui
prononce irrévocablement fur la préférence que la
machine de Piémont mérite fur fes concurrentes. Et
comme.cette décifion doit porter fur ces deux objets,
i° . la ftruCture des tours,. z°. leur utilité ; fuppofé
que le confeil ne trouvât pas, quant à-préfent, ces
objets ou l’un des deux, luffifamment éclaircis , par
les raifons expliquées dans ce mémoire , en ce cas
rien de plus fimple que d’en faire faire la vérification
en préfence de noffeigneurs les commiffaires du
confeil , par les députés de l’académie royale des
Sciences, conjointement avec ceux du commerce ,
& des manufacturiers, artiftes & connoiffeurs.
Cette précaution, qui eft conforme à la fageffe &
aux maximes du confeil, diffipera jufqu’au doute le
plus leger , & acquerra infailliblement à la machine
de Piémont une plénitude d’évidence, à laquelle fes
adversaires, s’il lui en reftoit encore alors, ne pourront
réiifter.
Autres obfervations fur le tirage des foies. Quoique
l’explication de la méthode dont les Piémontois fe
fervent pour tirer leurs foies, paroiffe fuffifante pour
parvenir à cette perfection qui leur eft commune, il
feroit néanmoins néce flaire d’établir un o rdre, qui ,
fans exciter les murmures que caufent ordinairement
les nouveautés, pût rendre le public certain de la
folidité du grand objet qu’on fe-propofe.
L’ordre qu’on fe propofe d’établir, pourroit être
(c) Voyez la defcription de l’hafple du tour du fleur
R * les numérations des dents de deux roues du même
tour, une corde finement placée, 6>c.
(d) Voyez le procès-verbal.
(«) Réglement de Piémont de 1714.
(ƒ) Lettre d u i j Août 1748 à M. de Fourqueux, procureur
général de la chambre des comptes.
S O I
line efpece de réglement, qui pût concerner toutes
les perfonnes qui s’appliquent à faire des foies, principalement
celles dont la mauvaife foi peut donner
lieu à de grandes .défeCtuofités dans celles qu’elles
font tirer ; il ne peut fe trouver que des perfonnes
femblables à qui cette nouveauté donne de la répugnance
; il eft néceffaire d’expliquer quels font les
abus qui peuvent fe commettre en pareil cas.
C’eft un ufage confiant en France , en Piémont
en Italie, & depuis peu dans le royaume de Naples ,
que chaque particulier qui fait faire des foies , a la
liberté de les faire tirer à fa fantaifie , c’eft-à-dire a
tant de cocons, plus ou moins. Cette liberté ne doit
point être ôtée à ceux qui en jouiffent, crainte de
décourager lés perfonnes qui s’appliquent à faire des
nouvelles plantations de meuriers. Mais elle entraine
après foi un grand inconvénient, en ce que , excepté
néanmoins en Piémont, la Joie tirée à 17 cocons
eft bien fouvent vendue dans les foires ou marchés
fur le même pié & au même prix que celle qui eft tirée
à 13 ou à 12 ; celle tirée à 12 , comme fi elle étoit
tirée à 10 ou à 9 , ainfi des autres. C ’eft au moyen de
cette fraude qui échappe aux lumières des plus fameux
connoiffeurs, par la fineflé de la foie tirée, que
tous les organfins de l’Europe, autres que ceux de
Piémont, ne font jamais portés à cette perfection fi
néceffaire pour celle des étoffes , fi Ton en excepte
néanmoins certaines fabriques, qui ayant des fonds
affez confidérables pour acheter dans le tems de la
récolte la quantité de cocons dont elles peuvent faire
l’emploi pendant le courant de Tannée , font en état
de fournir une quantité proportionnée d’organfin
.. égal & bien fin vi auquel on donne communément
le nom d'orgatijin de tirage.
Indépendamment de la fraude qui peut être mife en
pratique dans le tirage desjoies, concernant la quantité
de brins fuppofée, la croifade fi néceffaire pour
l’union des brins qui compofentle fil, & fi utile pour
parvenir à faire un bel organfin,ne peut-elle pas être
négligée ? Tout le monde fait que plus il y a de croi-
fur,e, plus la foie acquiert de perfeélion ; mais auffi
elle fe tire bien plus doucement ; d’oii on doit conclure
que l’avidité du gain, & l’expédition du tirage
pour vendre promptement la foie tirée ou grèze, peut
occafionner la négligence d’un article auffi effentiel
dans le réglement de Piémont, de l’importance duquel
dépend toute la perfeftion de la foie.
Il eft peu de Fabriquans de foie en France qui
foient en état de fe fournir tout-d’un-coup de la quantité
de cocons qu’ils peuvent faire tirer , & dont ils
font préparer la foie pour être employée dans leurs
manufactures, & les faire travailler pendant le courant
d’une anneè, s ’ils ne font de ceux à qui le confeil
a fait des fonds , ou accordé des privilèges pour
en trouver plus facilement; il faut donc avoir recours
à cette multitude de particuliers qui font tirer eux-
mêmes ; & c’eft précifément cette quantité de Joie de
differens tirages qui altéré les organfins qui en proviennent
: ce qui n’arriveroit pas , fi on obfervoit à
cet égard la même réglé qui eft pratiquée en Piémont.
.
Il eft néceffaire d’obferver encore qu’il eft peu de
fabriquans d’étoffes qui achètent les foies oeuvrées
comptant ; le terme du payement eft toujours au
moins d’une année : il eft porté quelquefois à plus de
15 mois , & cela par rapport au tems long pour la
préparation de la matière & la fabrication de l’étoffe;
de lorte qu’un marchand de foie , qui au commencement
de la récolte vendra la Joie achetée dans le commencement
de la précédente, qu’il n’aura pas pu faire
préparer plutôt, pour continuer fon travail, qu’il
ne peut ni ne doit faire difcontinuer, afin d’entretenir
les ouvriers pour ne pas les perdre , fera obligé
d attendre plus de deux années, avant que de pou-
S O I 277
Voir te pt&cùrer le rembouiffement des âVàflèeS qu’il
aura ete oblige de faire en achetant les Cocons de di*
verspamcubersquinepetivent vendre quecoiiiptant.
Il n en eft pas de même des particuliers qui font ti-
, rer les fines qu ils cueillent : ceux-là ne font pas obil.
ges de vendre leurs cocons Comptant, attendu leur
bien être, & le bénéfice qui fe trouve fur la foie qu’ils
font tirer, & fur les fraudes que quelques-uns peu-»
vent mettre en pratique, ainfi qu’elles ont été citées.
Ils vendent la/oie qu’tls font, à ceux qui la préparent
pour la vendre aux fabriquans d’étoffe. Ces fabriquons
de yùi'c n’en achètent qu’au fiir & à mefuro
qu ils én trouvent le débouche : ce qui fait que toutes
ces parties différentes achetées de différens particu-
liers , reunies pour compofer un même balot, ne
peuvent faire qu’une mar'charfdife ou matière très-
deteftueufe.
,P ° “ r. prévenir un abus àuifi pernicieux, il feroit
necenaire de faire un réglement femblable à celui de
Piémont , qut, entrVttres articles;, en eût un qui af-
iujettxt chaque particulier de faire une déclaration ait
châtelain ou procureur fi'fç^du bourg ou village oit
il leroit la refidence, de la quantité de cocons qu’il
a cueillis : à combien de brins il voudroit les faire tirer:
les croifer en conformité de la quantité, à peine
d e, 6-c. dans le cas oit il feroit une fauffe déclaration !
charger ceux qui la recevroient, de faire des vifités
exactes, en leur attribuant une partie des amendes
encourues, ou autre indemnité pour les exciter à
veiller : prépôftr une pçrfonne pour faire des vifites
generales.outre ies particulieres : & enfin ne rien négliger
de ce qui pourroit contribuer à faire des foies
parfaites. • • .
Toutes les précautions qu’on pourroit. prendra
pour parvenir à la perfeûion du tirage des foies, deviendront
inutiles, dès qu’on négligera celles qui
conduifent à la perfeaion-de l’organlin, qui ne fau-
roit etre parfait, ni même bon, fi celui qui lé prépare,
n’eft pas certain de la quantité de fils ou brins
qui compofent les fils. On ne fauroit être inftruit de
cette qualité qu’en mettant en pratique les moyens
énoncés ci-deifus. ;;
Au moyen de cette précaution aufli néceffaire
qu utile, le particulier c[ui croiroit avoir été trompé
dans l’achat des joies grèzes, n’auroit befoin que de
recourir à celui qui auroit reçu la déclaration de fon
vendeur , pour en être parfaitement inftruit ; d’ailleurs
l’obligation impofee de la faire , tiendrait en
quelque façon tous les fraudeurs en réglé ; & ceux
qui ne s’y trouveraient pas, feraient obligés defubir
la peine qui leur feroit impofée à cet égard ; confé-
quemment les^prevaricateurs feraient retenus par la
crainte du châtiment ou par celle des exemples, &
ne feraient plus de fauffes déclarations.
Comme cet article eft le plus délicat de ceux qui
pourraient etre inférés dans le réglement prétendu
auffi bien que celui de la croifade , il eft néanmoins
évident qu’il ne feroit à charge qu’aux perfonnes de
mauvaife foi. Des femblables articles font obfervés
dans le réglement de Piémont .concernant les filatures
, ou à-peu-près de même. A l’égard des autres
tels que ceux qui concerneraient l’égalité du dévidoir
, tant pour les tirages de foie que pour les moulins
à la préparer, le ialaire des tireufes & des ouvriers
qui travaillent aux moulins , les raifons qu’on
donnerait de là néceffité de leurs exécutions, ôc
l’examen qui en feroit fait, fuffiroient pour les augmenter
ou diminuer , félon que le cas l’exigerait. -
Des que les mouliniers qui préparent la foie au
fortir du tirage, feraient sûrs de la qualité de celles
qu’ils employeroient, il eft certain qu’ils s’appliqueraient
à mieux travailler ; aucune raifon ne pourroit
les difculper des reproches qu’on feroit en droit
de leur faire fur les défauts qui fe trouveraient dans