•me celle - ci : « Rien ne gagne tant les coeurs que
» la bonté ». Et tantôt à une perfonne, comme cette
autre de Domitius Afer: « Un prince qui veut tout
» connoître, eft dans la nécelfité de pardonner bien
» des chofes ».
Quelques-uns ont dit que la fentence étoit une
partie de l’enthymème ; d’autres que c’étoit le commencement
ou le couronnement & la fin de l’épi-
cherème, ce qui eft vrai quelquefois, mais non pas
toujours. Sans m’arrêter à ces minuties, je diftingue
trois fortes de fentences ; les unes Amples, comme
celle que j’ai rapporté la première; les autres qui
contiennent la raifon de ce qu’elles difent, comme
celle-ci, « Dans toutes les querelles, le plus fort,
» encore qu’il foit l’offenfé, paroît toujours l’offen-
» feur, par, cette raifon même qu’il eft le plus fort ».
Les autres doubles ou compofées, comme: » la com-
♦ > plaifance nous fait des amis, & la franchife des
» ennemis.
Il y a des auteurs qui en comptent jufqu’à dix
fortes, fur ce principe qu’on peut les énoncer par
interrogation, par comparaifon, par admiration,
par fimilitude, &c. Mais en fuivant ce principe, il en
faudroit admettre un nombre encore plus confidéra-
b le , puifque toutes les figures peuvent fervir à les
exprimer. Un genre des plus remarquables, eft celui
qui naît de la diverfité de deux chofes, par exemple :
» la mort n’eft point un mal, mais les approches de
» la mort font fâcheufes ». Quelquefois on énonce
une fentence d’une maniéré fimple & direfte, comme :
« l’avare manque autant de ce qu’il a que de ce qu’il
» n’a pas »; & quelquefois par une figure, ce qui
lui donne encore plus de force. Par exemple, quand
je dis:» Eft-ce donc un fi grand mal que de mourir?
On fent bien que cette penfée eft plus forte, que fi
je difois tout Amplement: *< la mort n’eft point un
» mal.
Il en eft de même quand une penfée vague & générale
devient propre & particuliere par l'application
que l’on en fait. Ainfi, au lieu de dire en général
: « Il eft plus aifé de perdre un homme que de le
» fauver». Médée s’exprime plus vivement dans
Ovide, en difant :
Moi qui V ai pu fauver , je ne le pourrai perdre ?
Cicéron applique ces fortes de penfées à la perfonne
, par un tour encore plus regulier, quand il
dit : « Pouvoir fauver des malheureux, comme vous
» le pouvez, c’eft ce qu’il y a , Céfar, & de plus
» grand dans le haut degré d’élévation oh vous êtes,
» & de meilleur parmi les excellentes qualités que
» nous admirons en vous » ; car il attribue à la perfonne
deCéfar ce qui femble appartenir aux chofes.
Quant à l’ufage de ces efpeces de J entences, ce qu’il
y faut obferver, c’eft qu’elles ne foient ni trop fréquentes
, ni vifiblement faillies , comme il arrive
quand on s’imagine pouvoir les employer indifféremment
par-tout; ou quand on regarde comme indubitable
tout ce qui paroît favorifer notre caufe.
C ’eft enfin, de prendre garde fi elles ont bonne grâce
dans notre bouche ; car il ne convient pas à tout le
monde de parler par fentences. Il faut que l’importance
des chofes foit foutenue de l’autorité de la
perfonne. Toutes ces judicieufes réflexions font de
Quintilien.
Cicéron dans fon dialogue des orateurs, a aufli donné
plufieurs regies fur les fentences. Il feroit trop long
de les répéter ; outre qu’en général, il eft établi que
les plus courtes fentences plaifent le plus ; cependant
celle-ci, quoique longue, a paru à des critiques digne
d’être propofee pour exemple : Lucain s’arrête dans
la rapidité défia narration fur l’erreur des Gaulois qui
croyoient que les âmes ne fortoient d’un corps, que
f>our rentrer dans un autre, & dit, félon la traduction
de M, de Brebeuf :
Officieux menfonge, agréable impofiure !
La frayeur de la mort, des frayeurs la plus dureÿ
N’a jamais fait pâlir ces fieres nations
Qui trouvent leur repos dans leurs Ululions ;
De'la naît dans leur coeur cette bouillante envie ,
D'affronter une mort qui donne une autre vie,
De braver les périls, de chercher les combats ,
Où l ’on fe voit-renaître au milieu des trépas.
(Z>. J.)
Sen ten ce, ( Poéfie épiq.') Voici quelques réglés
à obferver fur les fentences dans l’épopée. Il faut les
placer dans la btfuche des a fleurs pour faire plus
d’impreffion. Elles doivent être clair-femées, & telles
qu’elles paroiffent naître indifpenfablement de la
fituation. Il faut qu’elles foient courtes, générales &
intéreffantes pour les moeurs. Elles doivent être
courtes, fans quoi elles dégénèrent en traité de
morale, & font languiffantes. Elles doivent être générales
, parce que fans cela, elles ne font pas inf-
tru&ives, & n*ont de vérité & d’application que
dans des cas, particuliers. Elles doivent intéreffer les
moeurs ; ce qui exclud toutes les réglés, toutes les
maximes qui concernent les fciences & les arts. Enfin,
il faut que la fentence convienne dans la bouche
de celui qui la débite, & foit conforme à fon caractère.
L ’Ariofte a fur-tout péché dans fes fentences morales
, qu’il fait débiter a-tort & à travers par fon
héros. ( D . J.)
Sen ten ce , ( Littérat.) les Grecs avoient grand
foin de faire apprendre a leurs enfans les fentences
des poètes, & cette coutume étoit fort ancienne
dans la Grece. Céfar affure que la même chofe fe
pratiquoit dans les Gaules. Les jeunes gens tirôient
de cette forte d’étude, trois avantages confidérables ,
elle exerçoit la mémoire, ornoit l’efprit, & formoit
le coeur ; ce dernier avantage étoit celui qu’on avoit
principalement en vue ; on vouloit infpirer de bonne
heure à la jeuneffe, la haine du v ic e , & l’amour de
la vertu ; rien n’étoit plus propre à produire cet effet
, que les fentences répandues dans les ouvrages
des poètes Grecs. C ’eft une vérité dont on conviendra
, pour peu que l’on connoiffe les écrits de Sophocle
, d’Euripide, de Ménandre , d’Ariftophane
de Pindare, d’Héfiode , & d’Homere. Je ne crains
point de dire que dans les fentences dont ces beaux
génies ont embelli leurs poèmes, les fouverains &C
lesfujets, les peres & les enfans, les maîtres & les
ferviteurs, les riches &c les pauvres, &: généralement
tous les états de la vie , peuvent trouver de quoi
s’inftruire de leurs devoirs.
Quelques poètes avoient fait aufli des ouvrages
purement gnomiques, c’eft-à-dire, entièrement timis
de fentences. Tels étoient le poème moral desThéog-
nis, les inftruflions de Phocy lide, les vers d’or qu’oit
attribue communément à Pithagore, &c.
On fait que les anciens rhéteurs entendoient par
fentence , une maxime qui renferme quelque vérité
morale, & qu’ils en diftinguoient de plufieurs fortes.
Aphtone remarque qu’il y a desfentences qui exhortent
, d’autres qui détournent , & d’autres qui ne
font Amplement qu’expofer une vérité ; il y en a ,
continue-t-il, de fimples, de compofées, de vraiffem-
blables , de vraies, d’hyperboliques; en voici quelques
exemples uniquement tirés des poètes, car il ne
s’agit pas ici des rhéteurs.
Sentence qui exhorte. « Il eft bon d’engager un hôte
» à demeurer avec nous , par la bonne réception,
» & lui laifler pourtant fa liberté fur fon départ. »
Odiff O.
Sentence qui détourne. » Une faut pas qu’un homme
» d’état paffe les nuits entières à dormir. » Iliad. B.
Sentence & expofition d'une vérité. « Il faut des fonds
» pour la guerre , fans quoi tous les projets, les me-
» fures ,
» Aires , 8c les précautions , deviennent inutiles. »
Olynt, g.
Sentence jîmple. « Le meilleur de tous les "préfages
» c’eft de combattre pour la patrie ». Iliad. A.
Sentence, compofée. a Le pouvoir fouverain ne peut
» être partagé : qu’il n’y ait qu’un maître & qu’un
» roi ». Iliad. B.
Sentence vraifjemblable, « On eft tel que ceux qu’on
» fréquente ». Euripide.
Sentence vraie. « Nul homme ne peut être parfai-
» tement hevu-eux dans Cette vie». Héfiode.
Sentence hyperbolique. « La terre ne produit rien
» de plus fôibîe que l’homme ». Odyff H.
Cette divifion qu’on, a fait des Jentences , n’eft
point exaéle ; mais on a eu raifon de faire lire les poètes
de mérite à la jeuneffe. Nous avons foin, dit Solon
à Anacharfis , d’éveiller d’abord l’efprit des jeunes
gens, par l’étude de la géométrie , après leur
avoir appris à lire & à écrire, & nous l’adouciffons
par la mufique ; enfuite nous les portons à l’amour
de la vertu par la lecture des poètes , oii voyant les
paroles & les actions des grands perfonnages, le de-
fir de leur reffembler échauffe leur aine : car’la poéfie
a des charmes particuliers qui attachent l’efprit,
& qui impriment les belles chofes dans la mémoire
& dans le coeur. (Z>. J. )
Sen ten ce, ( Jurifprud,) eft le jugement que rend
un juge non-fouverain, fur une caufe, inftance, ou
procès.
Le juge prononce la fentence, le greffier la rédige
par éc rit, & en délivre des expéditions aux parties.
Une fentence d’audience n’a que deux parties ,
favoir les qualités & le difpofitif ; celle de rapport a
de plus le vu de pièces qui eft entre les qualités & le
difpofitif. Voye{D ispositif 6* QUALITÉ.
L’appel d’une fentence en fufpend l’exécution à
moins qu’elle ne foit exécutoire par provifion auquel
cas le juge fupérieur peut, s’il y a lieu, accorder
des défenfes d’exécuter la fentence. Voye[ Appel
D éfense , Ex é cu t io n prov isoire. ’
Sentence arbitrale , eft celle qui eft rendue par un
ou plufieurs arbitres. Voye? Arbitre.
Sentence d'audience , eft celle que le juge rend fur
une caufe , & qu’il prononce à l’audience.
Sentence contradictoire, eft celle qui eft rendue fur
la plaidoirie refpeélive des parties, ou de leurs dé-
fenfeurs.
Sentence par defaut, eft celle qui eft donnée contre
une partie qui ne comparoit point, ou qui refufe de
défendre , ou qui ne fe préfente pas pour plaider.
Sentence définitive, eft celle qui décide le fond des
conteftations.
Sentence fur délibéré, eft celle qui eft rendue fur
une affaire d’audience, après que le juge en a délibéré.
Sentence par forclufion, Voye^ FORCLUSION.
Sentence interlocutoire , eft celle qui avant faire
droit fur le fond, ordonne quelque chofe de préalable.
•
Sentence au premier ou au fécond chef de Cédit eft
celle qui eft rendue dans un préfidial, & qui juge
une caufe dont 1 objet n’excede pas le premier ou le
fécond chef de l’édit des préfidiaux. Foyt{ Présid
ia l , Edit des présidiaux.
Sentence préparatoire, eft celle qui ordonne quelques
inftruétions, avant d’en venir au fond, comme
de fatisfaire à des exceptions, de fournir des défendes
, &x.
preiidial, & fingulierement celle qui y eft rendue
au lecond chef de l’édit des préfidiaux ; on l’appelle
ainfi pour la diftinguer de celle qui eft rendue ai
dernie? Préfidialprononce par jugemem
Tome X K
Sentence pfovifoiit^ eft celle qui ordonne quelque
chofe qui doit s’exécuter par provifion.
„ Sentence de rapport, eft celle qui eft rendue fur une
mftru&ion par écrit j & fur le rapport qu’un des juges
en fait en préfence des autres. Voyeç Appoint
e r o n t , Pr o c è s , Rapportfur. ( J )
SENTENE , f. f. ( Commerce de fils.') c’eft l’endroit
par oh l’on Commence à décider un écheveau • ce
qui fait la fentene, font les deux bouts de fil liés en-
femfcle & tortillés fur l’écheveau. (£>. J.)
SENTENTIEUX , adj. ( Gram.) qui eft plein de
fentences. Il fe dit des perfonnes & des chofes ; c’eft
un homme fententieux ; le trait eft fententieux j le ton
fente mieux eft la cognée de la converfation.
SENTEUR , f. f. ( Gram^j fÿnonyme à odeur;
mais odeur fe peut prendre en bonne & en mauvaife
part, au lieu qu’il me femble quefenteur fe prend toujours
en bonne ; quand on dit des fenteurs, on fous-
entend bonnes', de même lorfqu’on dit des eaux de
fenteur.
SENTICE , ( Géog. anc. ) contrée de la Macédoine
:Tite-Live , qui en parle, l. IV. c. ult. donne à
la ville d’Héraclée , qui y étoit fituée, le furnomde
Sentice.- Céfar, civ. I. l i t . & Pline,/. IV. c. x. écrivent
Sintica : les habitans de cette contrée font les
Sinti, s Uto1, de Thucydide, /. II. p. /<%. (D . J. )
SENTIERS, f. m. pl. ( Jardin. ) Ce font, dans les
parterres, de petits chemins parallèles, quiendivi-
fent les compartimens, 8c qui ont ordinairement la
largeur de là moitié des platebandes.
On appelle aufli fentiers , des petits chemins droits
ou obliques, qui féparent des héritages à la campagne.
( D . J .)
S EN T I I , ( Géog. anc. ) peuple de la Gaule nar*
bonnoife ; Ptolomée, /. II. c.x. leur donne la ville
de Dinia, qu’il marque dans les terres. Ce font les
habitans du diocèfe de D ie. (D. J.)
SENTIMENT , AVIS, OPINION, (Synonym.)
il y a un fens général,qui rend c es mots fynonymes,
lorfqu’il eft queftion de confeiller ou de juger ; mais
le premier a plus de rapport à la délibération, on dit
fon fentiment; le fécond en a davantage à la décifion,
on donne fon avis ; le troifieme en a un particulier à
la formalité de judicature , on va aux opinions.
Le fentiment emporte toujours dans fon idée celle
de fincérîté, c’eft-à-dire une conformité avec ce qu’on
croit intérieurement. L'avis ne fuppofe pas rigou-
reufement cette fincérité, il n’eft précifémentqu’un
témoignage en faveur d’un parti. \Jopinion renferme
l’idée d’un fuffrage donné en concours de pluralité
de voix.
Il peut y avoir des occafions oîi un juge foit obligé
de donner fon avis contre fon fentiment, & de
le conformer aux opinions de fa compagnie. Girard.
( D . J . j
Sentiment in t im e , ( Mètaphyfiq. ) Le fentiment
intime que chacun de nous a de fa propre exiftence,
& de ce qu’il éprouve en lui-même, c’eft la première
fource & le premier principe de toute vérité dont
nous foyonsfufceptibles. Il n’en eft point de plus immédiat,
pour nous convaincre que l’objet de notre
penfee exifte auffi réellement que notre penfée"mê-
me , puifque cet objet Sc notre penfée, & le fentiment
intime que nous en avons, ne font réellement
que nous mêmes qui penfons, qui exilions, & qui en
avons le fentiment. Tout ce qu’on voudroit dire, afin
de prouver ce point ou de l’éclaircir davantage, ne
feroit que l’obfcurcir : de même que fi l’on vouloit
trouver quelque chofe de plus clair, que la lumière ,
& aller au-delà, on ne trouveroit plus que ténèbres.
Il faut néceffairement demeurer à cette première
réglé qui fe difeernepar elle-même dans le plus grand
jour , & qui pour cette raifon s’appelle évidence au
luprème degre. Les feeptiques auroientbeau objec-
H