■ d’hui. On ne fait-pas s’il y-en a eu quelqu’un de complet
, ou qui ait été fait l’ur tout le vieux Teftament
par la même.perfonne ; mais pour ceux qui nous réfutent
, ils font de différentes mains ; l’un fur une partie
, & l’autre fur une autre.
Il y en a huit, i c. celui d’Onkelos., fur les cinq
livres de Moite ; i°. Jonathan Ben-Uzziel,fur les prophètes,
c’eft-à-dire, fur Jofué, les Juges, Samuel,
les Rois, Ifaïe, Jérémie , Ezéchiel, & les xij. petits
prophètes ; 3°. un autre fur la loi, attribué au même
Jonathan 'Ben-Uzziel ; 40. le targum de Jérufalem,
•tiufli fur la loi ; 50. le targum fur les cinq petits livres
appelles megillotth ; c’eft-à-dire, fur Ruth, Efther ,
TEccléfiaïte , le cantique xle Salomon & les lamentations
de Jérémie ; 6°. le fécond targum fur Efther ;
70. le targum de Jofeph le borgne, fur Job, les pfeau-
mes & lés proverbes ; enfin, 8°. le targum fur les deux
livres des chroniques.
SurEfdras, Néhémie & Daniel, il n’y a point de
targum. La raifon qu’on en donne ordinairement,
c’en qu’ime grande partie de ces livres eft déjà en
•chaldaïque dans l’original, & n’a point par confé-
quent béfoin de verfion chaldaïque. Et cela eft vrai
dès livres de Daniel & d’Efdras;mais il ne l’eft pas de
-celui de Néhémie. Sans doute qu’ autrefois il y avoit
des verfions de l’hébreu de.ces livres, qui aujourd’hui
font perdues. On a cru long-tems qu’il n’y avoit
point de targum fur les chroniques non-plus ; parce
qu’on ne le connoiffoit pas , jufqu’à ce queBeckius
en a publié un à Augsbourg ; celui du premier livre ,
l’an 1680 , & le targum du fécond , l’an 1683.
Comme le targum d’Onkélos eft le premier en
rang, parce qu’il eft fur le pentateuque ; je crois que
•c’eft aufli le premier compofé , & le plus ancien de
tous ceux qui font parvenus jufqu’à nous. Le ftyle de
ce targum prouve auffi fon antiquité ; car il approche
le plus de tous de la pureté du chaldaïque de Daniel
& d’Efdras , qui eft ce que nous avons de plus ancien
•dans cette langue.
Le targum d’Onkélos eft plutôt une verfion qu’une
paraphrafe ; en effet, il fuit fon original mot-à-mot,-
& le rend pour l’ordinaire fort exactement. C’eft
fans comparaifon le meilleur ouvrage de cette efpe-
ce. Aufli les juifs l’ont-ils toujours préféré de beaucoup
à tous les autres ; & ont-ils pris la peine d’y
mettre les mêmes notes de mufique , qui font à l’original
hébreu ; de forte qu’il fe peut lire avec une ef-
pece de chant dans leurs fynagogues, en mêmè tems
que l’original, & fur le même air, fi cette efpece de
chant fe peut appeller air. Elias le lévite nous apprend
qu’on l’y lilqit alternativement avec le texte hébreu
, de la maniéré dont j’ai dit ci-deffus que cela fe
pratiquoit. Il faut remartmer que cet auteur eft de
tous les écrivains juifs qui ont traité de cette matière
, celui qui en parle le plus pertinemment. Au refte
l’excellence & l’exaftitude du targum d’Onkélos nous
font juger que cet Onkélos étoit juif. Il ne falloit pas
moins pour réuflir, comme il a fait dans un ouvrage
li pénible, qu’un homme élevé dès l’enfance dans la
religion &c dans la théologie des juifs, & long-tems
exercé dans 'leurs cérémonies & leurs dogmes , &
qui poïfédât aufli parfaitement l’hébreu Sc le chaldéen
, que cela étoit poflible à un juif de naiflance.
lu t targum qui fuit celui d’Onkélos , eft de Jonathan
Ben-Uzziel fur les prophètes. C’eft celui qui
, approche le plus du premier pour la pureté du ftyle:
mais il rfe'ft pas fait fur le même plan; car au lieu que
le targum'd’Onkélos eft une verfion exafte qui rend
l ’hébreu mot-à mOt, Jonathan prend la liberté de
paraphrafer, d’étendre & d’ajouter tantôt une hif-
toïre & tantôt une glofe , qui ne font pas toujours
'beaucoup d’honneur à l’ouvrage ; en particulier fôn
travail fur les derniers prophètes eft encore moins
çlair , plus négligé & moins littéral que jçe qu’il a
fait fur les premiers. On appelle premiers prophètes le
livre de Jofué, les Juges, Samuel Sc les Rois ; Sc
derniers prophètes Ifaïe , Jérémie , Ezéchiel & les
xij. petits prophètes.
Le troifieme targum , dans l’ordre oh je l’ai placé,
eft celui qu’on attribue au même Jonathan Ben-Uzziel
fur la loi ; mais le ftyle de cet ouvrage prouve
clairement qu’il n’eft pas de lui ; car il eft fort different
de celui de fon véritable targum fur les prophètes
que tout le monde lui donne ; & pour s’en convaincre
, il n’y a qu’à comparer l’un avec l’autre avec
un peu d’attention. Outre cela cette paraphrafe s’étend
bien davantage ; & eft encore plus chargée de
glofes, de fables, de longues explications, p c d’autres
additions,qué n’eft celle de Jonathan fur les prophètes.
Mais ce qui prouve clairement que cette
paraphrafe eft plus moderne, c’eft qu’il eft parlé de
diverfes chofes dans ce targum, qui n’exiftoient pas
encore du tems de Jonathan , ou qui n’avoient du-
moins pas encore le nom qui leur eft donné dans ce
targum. Par exemple, on y voit les fix ordres ou livres
de la Mifna, près de deux cens ans avant qu’elle
fut cômpofée*par R. Judah. On y trouve aufli Conf-
tantinople & la Lombardie, dont les noms ne font
nés que plufieurs fiecles après Jonathan.
On ne fait pas qui eft le véritable auteur de ce targum
, ni quand il a été compofé. Il faut qu’il ait été
long-tems dans l’obfcurité parmi les juifs eux-mêmes;
car Elias le lévite, qui a fait le traité le plus étendu
fur les paraphrafes chaldaïques , ne l’a point connu ;
puifqu’il parle de tous les autres , fans dire un feul
mot de celui-ci ; & jamais on n’en avoit otii parler
avant qu’il parût imprimé à Venife , il y a environ
deux fiecles. Apparemment qu’on n’y mit le nom de
Jonathan que pour lui donner du relief, & faire que
l’ouvrage le débitât mieux.
Le quatrième targum eft aufli fur la loi, & écrit
par un inconnu ; perfonne ne fait ni qui en eft l’auteur,
ni quand il a été compofé. On l’appelle le targum
de Jerufalem ; apparemment par la même raifon
qui a fait donner ce nom à un des talmuds ; c’eft-
à-dire , parce que c’eft le dialette de Jérufalem , car
le chaldéen ou la langue d’Aflyrie avoit trois diale-
ttes. Le premier étoit celui de Babylone, la capitale
de l’empire d’Aflyrie. Le fécond dialeâe eft celui de
Comagene ou d’Antioche, qu’on parloit dans toute
l’Aflÿrie ; c’étoit dans ce dialeéte qu’étoient écrite»
les verfions de l’Ecriture & les liturgies des chrétiens
de Syrie & d’Aflyrie d’autrefois, & de ceux
d’aujourd’hui-même ; fur-tout des Maronites, qui
demeurent fur le Mont-Liban, oh le fyriaque eft encore
la langue vulgaire du pays. Le troifieme de ces
dialeftes eft celui de Jérufalem , ou. celui que par-
loient les juifs à leur retour de la captivité. Celui de
Babylone & celui de Jérufalem.s’écrivoient avec les
mêmes cara&eres ; mais les caratteres d’Antioche
étoient différens ; & ce font ceux que nous appelions
fyriaques.
C e targum de Jérufalem n’eft pas au refte une pa-,
raphrafe fuivie , comme le font tous les autres. Elle
n’eft que fur quelques paffages détachés, que l’auteur
a cru avoir plus befoin d’explication cpie les autres;
Tantôt il ne prend qu’un verfet, ou meme une partie
de ce verfet ; tantôt il en paraphrafe plufieurs à la
fois ; quelquefois il faute des chapitres entiers ; quelquefois
il copie mot à mot le targum qui porte le
nom de Jonatham fur la loi ; ce qui a fait croire à
Drufius , que c’étoit le même targum.
Le cihquieme targum, eft -la paraphrafe fur les livres
qu.’on appelle mègilloth : le fixieme , eft la fécondé
paraphrafe fur Efther : & le feptieme, eft la
paraphrafe fur Job, les Pfeaumes & les Proverbes..
Ces trois targums font du ftyle le plus corrompu du
dialeûê de Jérufalem. On ne nomme point les autèurs
des deux premiers ; maïs on prétend qüë pôur
le troifieme, il a été compofé par Jofeph le borgne,
fans nous apprendre pourtant quand a Vécu ce Jofeph
, ni quel homme c’étoit. Quelques juifs même
affurent, que l’auteur de celui-ci eft tout auffi peu
■ connu que le font '. eux des deux précédens. Le fécond
targum fur Efther eft une fois aufli long que le
premier, & fembie avoir été écrit le dernier de tous
ceux-ci, à en juger par la barbarie du ftyle. Celui qui
eft fut le mègilloth , dont le premier fur Efther fait'
partie , parle de la mifna & du talmud, avec l’explication.
Si par-là il entend le talmud de Babylone,
comme il n’y a pas lieu d’en douter, ce targum eft
écrit depuis le talmud dont il parle , c’eft - à - dire-,
■ depuis l'an 500, qui eft la plus-grande antiquité qu’on
puifle donner à la compilation du talmud de B'aby-
lone.
Le huitième & dernier de ces targums dans l’ordre
oh nous les avons mis, eft celui qui eft fur deux
livres des chroniques ; & c’eft celui qui a paru le
•dernier: car il n’étoitpoint connu jufqu’en l’an 1680,
que Beckius en publia la première partie à Augsbourg
fur un vieux manufcrit, & trois ans après la fécondé.
Jufques-là tous ceux qui avoient parlé des paraphra-
fés chaldaïques , avoient infinité qu’il n’y en avoit jamais
eu fur ces deux livres , excepté Walt on, qui
marque avoir oui-dire , qu’il y avoit un targum ma-
nuîcrit fur les chroniques, dans la bibliothèque de
Camdbrige;mais çet avis ne lui vint qu’apres que fa
polyglotte fut achevée ; & cela fit qu’il ne fe donna
pas la peine de l’aller déterrer. On fait qu’effedive-
ment parmi les livres d’Erpenius, dont le duc de
Buckingham a fait prêtent à l’univerfité d’Oxford,
il y a une bible hébraïque manufcrite en trois'
volumes, qui a un targum ou- paraphrafe chaldaï-
que fur les chroniques ; mais cette paraphrafe ne
va pas plus loin que le 6~. v, du çh. 23. du premier liv.
n’eft pas trop fuivie ; ce font feulement quelques
courtes glofes qu’on a mifes par-ci par-là à la
marge. Ce manufcrit a été écrit l’an 1347, comme
cela paroît par Un mémoire qui eft à la fin ; mais-il n’y
a rien dans ce mémoire qui marque quand cette glote’
chaldaïque a été compofée, ni par qui.
Les juifs & les chrétiens s’accordent à croire, que
le targum d’Onkclos fur la loi, & celui de Jônathan
fur les prophètes , font du-moins aufli anciens que la'
venue de Jefus-Chrift au monde. Les hiftoriens juifs
le difënt pofitivemcnt, quand ils rapportent que Jonathan
étoit l’éleve le plus confidérable que forma'
Hillel ; car Hillei mourut à-peu-près dans le tems de
la naiflance de N; S'. & qu’Ohkélos étoit contemporain
de Gamaliel le vieux, fous qui faint Paul fit tes-
études. D’ailleurs ce témoignage eft foutenu par le
ftyle de ces deux ouvrages, qïtiv eft le plus- pur de'
tout.ce qu’on a du dialeûe de Jérufalem ,& fans mélange
des mots étrangers que^ les juifs de Jérufalem
& de Judée adoptèrent dans la fuite: Il eft donc vraif-
fèmblable que l’un & l’autre targum ontéte compo-
fés avant la venue de N. 'S. & que celui d’Onkélos'
eft le plus ancien, parce que c’eft le plus pur des
deux.
La feule objeôion qu’on petit faire contre l’antiquité
des targums d’Onkélos & de Jonathan , c’eft
que ni Origene, ni faint Epiphane, ni faint Jérôme,
ni finalementaucun des anciens peresde I’Eglife n’éii
ont parlé ; mais ,cet argument négatif ne prouve rien,,
parce que les- Juifs d’alors cachoient leurs livres &
leur Icience autant qu’il leur étoit poflible. Les rabins
même qui enfeignerent l’hébreu à faint Jérôme , le'
feul des Peres qui ait étudiée le chaldaïque , ne ve-
noient chez lui qu’en cachette, & toujours de nuit,
comme Nicodeme à J. C. craignant de s^expofer au
reiTentiment de lèurs freres.Enfin les chrétiens ont été
plus de mille ans fans connoître ces à&xx targums&c
Tome X V .
à peiné y â-t-il trois cens ans qu’ils font tin peu corn*
muns parmi nous.
Quant aux autres targums, ils font inconteftable-
ment plûs nouveaux que ceux dont nous venons de
parler} le ftyle barbare le prouve en général ; & les
fables tamuldiques dont ils font remplis, juftifient
qu’ils^n’ont paru qu’après le talmud de Jérufalem
oti memé lé talmud de Babylone , c eft-à-dire depuis
là commencement du quatrième fieclé, ou plutôt
vers le commencement du fixieme.
Je ne faurois décider fi ces targums d’Onkélos &
de Jonathan étoient déjà reçus & autorifés du tems
de Nôtre Seigneur ; mais il eft bien fur qu’il y en
avoit déjà dont on fefervoit, & en public, & en particulier,
pour l’inftruâion du peuple , & qu’il y en
avoit non-feulement fur la loi & fur les prophètes
mais fur tout le refte du vieux Teftament,car les Juifs
n’avoient jamais pratiqué la maxime de ne donner ail
peuple la parole de Dieu, quedans une langue inconnue.
Dilperfés parmi les Grecs , ils la lui donnoienc
en grée : dans les pays oh le chaldéen étoit la langue
vulgaire , ils l’avoient en chaldéen. Quand on fit îire
à J. C. la fécondé leçon dans la fynagogue de Nazareth
, dont il étoit membre , il y a beaucoup d’appa-
rence que ce fut un targum qu’il eut : car lepaffage
iïlfdUy Ix j. 1. tel qu’il fe trouve dans S . L u c ,iv . 18.
n’eft exactement ni l’hébreu, ni la verfion desfep-
tante : cl’oh l’on peut fort bien conclure I que cette
différence venoit uniquement de la verfion chaldar-
que dont on fe fervoit dans cette fynagogue. Et
quand fur la croix il prononça \&pfeaume x x i j . v . j .
eÜ y e l i , tama fabachthani ? mon Dieu , mon Dieu
pou rquoi m’avez-vous délaiffé ? ce ne fut pas l’hébreu
qu’il prononça, ce fut le chaldéen ; car en hébreu
il y à y eli y eli y lama a^abtani ? & le motyà-
bachthani ne fe trouve quedans la langue chaldaïque.
\ Les targums font fort anciens parmi les Juifs après
1 Ecriture fainte. Cela eft bien certain par rapport à
celui d’Onkélos & de Jonathan ; & quoique les autres
ne foient pas, à beaucoup près, fi anciens, il eft-
pourtàht vrai qu’ils font prefque tous tirés d’autres
anciennes-glofes, ou paraphrafes chaldaïques, dont-
on s’étoit fervi fort long-tems avant que ceux-ci re-
çûflentla forme qu’ils ont aujourd’hui.
Il-faut convenir que tous les targums en général'
fervent à expliquer quantité de mots & de phrafes^
hébraïques , qui, fans ce fecours, embarrafferoient
beaucoup'aujourd’hui. Enfin ils nous tranfmettent;
plufieurs anciens ufages & coutumes des Juifs , qui'
éclàirciflënt extrêmement les livres fur lefquels ils
ont travaillé.
La meilleure édition'des targums, eft la fécondé
grande bible hébraïque dé Buxtorf le pere à Bâle en
1620. Get habile homme' s’y eft donné beaucoup de
peine, non-feulement à publier le texte chaldaïque
correâ , mais il a pouffé l’exaftitude jufqu’à en corriger
avec foin les points qui fervent de voyelles.
C es targums s’é'crivoient d’abord, auflï-bien que tou-
tès les autres langues orientales,, fans-points-vôyelles. •
Dans la fuite , quelques juifs s’aviferent d’y en mettre
; mais comme ils s’enétôient aflez mal acquittés,
Buxtorf entreprit de les corriger, fuivant les réglés
qu’il fe fit fur la ponftuatiôn de ee qu’il y a de chaldaïque
dans Daniel & dans Efdras. Quelques criti- •
qiies prétendent que c’eft trop peu que ce qui eft'
dans ces deux livres, pour en former des réglés pour'
toute la langue ; & que Buxtorf auroit mieux fait de1
rfy point toucher , & de les faire imprimer fans
points : enforte qu’on rfeût pour guide que leslet--
r tes alep 9 h e , vau & ■ jo â , qu’on appelle mat res lec-
tionis: Mais Buxtorf.connoiirôit mieux ce qu’il falloit ’
que ceux qui fe mêlent de le critiquer. C’efhl’hom-1
me de fon fiecle à qui le public ait le plus d’oblipa-
txon en ce genre. Sesouvrages-font fa vans & judi-'