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corps qu’elles ont animés avant cet événement.
L ’a me eft un corps, car elle e f t , & elle agit ; niais
ce corps eft d’une ténuité & d’une fubtilité extrêmes.
On y diftingue huit facultés ; les cinq fens , la faculté
d’engendrer , celle de parler une partie princi-
pale.
Après la mort, elle remonte aux deux ; elle habite
les aftres, elle converfe avec les dieux, elle contemple
, & cet état durera jufqu’à ce que le monde
confumé 3 elle & tous les dieux fe confondent, & ne
forment plus qu’un feul être , Jupiter.
L’ame du fage , après la diffolution du corps ,
s’occupe du cours du foleil, de la lune, & des autres
aftres , & vérifie les connoiflances qu’elle a acquifes
fur la terre.
Principes de îaphUoJqphie morale des Stoïciens. Dans
la v ie , c’ eft lur-tout la fin qu’il faut regarder ; la fin
eft l’être par qui tout fe f a it , pour qui tout e ft , à
qui tout le rapporte.
La fin peut fe confxdérer fous trois afpeâ s, l’objet
, les moyens, & le terme.
La fin de l’homme doit être de conformer fa conduite
aux lois de la nature.
La nature n’eft autre chofe que la raifon univer-
felle qui ordonne tout ; conformer fa conduite à celle
de la nature , c’ eft fe voir comme une partie du
grand tout , & confpirer à fon harmonie.
Dieu eft la portion principale delà nature ; l’ame
de l’homme eft une particule de Dieu ; la loi de la
nature, ou de Dieu , c’ eft la réglé générale par qui
tout eft coordonné, mu , & vivifié; vivre conformément
à la nature , imiter la divinité, luivre l’ordre
général, c’eû la même chafe fous des e.xpref-
fions différentes.
Là nature eft tout ce qu’il y a de bon & beau.
La vertu a ces deux qualités comme la nature.
Lebonheur en eft une fuite.
Bien v iv re , aimer le beau, pratiquer le bien, &
être heureux, c’eft une même chofé,
La vertu a fon germe dans l’ame humaine, c’eft une
conféquence de fon origine ; particule émanee de la
divinité, elle tend d’elle-même à l’imitation du principe
de fon émanation ; ce principe la meut, lapouffe
& l’infpire.
Cette particule détachée de la grande ame, &
fpécifiée par fon union à tel ou tel corps , eft le démon
de cet homme, ce démon le porte au beau, au
b o n , & à la félicité.
La fouveraine félicité confifte à l’écouter : alors
on choifit ce qui convient à la nature générale ou à
D ieu , & l’on rejette ce qui contredit Ion harmonie
& faloi..
' Chaque homme ayant fon démon, il porte en lui
le principe de fon bonheur, Dieu lui eft préfent. C’eft
un pontife facré qui préfidë à fon autel.
Dieu lui eft préfent ; c’eft Dieu-même attaché à
un corps.de figure humaine.
La nature du bonheur de l’homme eft la même que
la nature du bonheur de Dieu. C’eft la vertu.
La vertu eft le grand infiniment de la félicité.
Le bonheur fouverain n’ eft pas dans les chofes du
corps, mais dans celles de l’ame.
Il n’y a de bien que ce qui eft honnête. L’honnête
n’eft relatif qu’à l’ame. Rien de ce qui eft hors de
l’homme ne peut donc ajouter folidement à fon bonheur.
Le corps, les jouiflances, la gloire , les dignités
font des chofes hors de nous & de notre puiflan-
ce ; elles ne peuvent donc que nuire à notre bonheur,
fi nous nous y attachons.
Le dernier degré de la fageffe confifte à bien distinguer
le bon du mauvais.
Entre les chofes, il y en a qui font bonnes ; il y en
a qui font mauvaifes, & d’autres qu’on peut regarder
comme indifférentes.
Une chofe eft bonne relativement à la nature -dlutt
être : une créature raifonnable ne peut être heurensfe
que par les objets analogues à la raifon.
Ce qui eft utile & honnête eft bon. La bonténefe
conçoit point féparée de l’utilité & de i’honnêteté-
L’utile confifte à fe conformer A la fin d« tmst
dont on eft partie ; à fùivre la loi du principe qui
commande.
La vertu eft le vrai bien ; la chofe vraiment uts&s.
C*eft-là que la nature parfaite nous invite.
Ce n’eft point par des comparaifons de la ventât
avec d’autres objets, par des difeours , par des jvsge-
mens que nous découvrons que la vertu eft le foies.
Nous le fentons. C ’ eft un effet énergique de fa propre
nature qui fe développe en nous , malgré nous.
La férénité, le plaifir &: la joie font les acceflbir.es
■ du bien.
Tout ce qui eft oppofé au bien eft mal. Le osai
eft un écart de la raifon générale du tout.
Les acceffoires du mal font les chagrins , la douleur
, le trouble.
La vertu & fes acceffoires confirment la félicité.
Il y a des biens préfens ; il y en a de futurs.* Des
biens conftans , des biens intermittens, de durables
&c de paffagers ; des biens d’-objets, de moyens , de
fin, d’utilité, d’intérieurs, d’extérieurs, d’abfolus,de
relatifs, &c.
Le beau c’eft la perfeélion du bien.
Tous les biens font égaux. Il faut les defirerrons.
Il n’ en faut négliger aucun.
Il y a entre le bien ou l’honnête ; entre le mal nu
le honteux, des chofes intermédiaires qui ne peuvent
ni contribuer au bonheur, ni y nuire. On pcaaft
ou les négliger , ou les rechercher fans conséquence.
Le fage eft févere; il fuit les cüftra£rions;H a Fefpfik
fain; il ne foufffe pas ; c’eft un homme dieu ; c’en: le
feul vrai pontife ; il eft prophète ; il n’opin.e poiaf;
c eft le Cynique par excellence; il eft libre; il eftxai;
il peut gouverner un peuple ; il n’erre pas ; il eftisD-
nocent;il n’a pitié de rien; il n’eft pas in diligent,il nVîr
point fait pour habiter un desfert ; c’ eft un véritable
ami ; il fait bien tout ce qu’il fait ; il n’eft point ennemi
de la volupté ; la vie lui eft indifférente ; iloSî
grand en tout ; c ’eft un économe intelligent ; ii a'ht
nobleffe réelle ; perfonne n’entend mieux la médecine
; on ne le trompe jamais; il.ne trompe point;
c’eft lui qui fait jouir de fa femme, de fes enfans, de Sa
vie ; il ne calomnie pas ; on ne fauroit l ’exiler s
&c.
Les Stoïciens à ces caraéleres en ajoutaient uneia&-
nité d’autres qui fembloient en être les contradafkw-
res. Après les avoir regardés comme les meilleurs
des hommes, on les eût pris pour les plus méchams.
C’étoit une fuite de leur apathie, de leur imitaficra
ftriéle de la divinité , & des acceptions particuliesies
des mots qu’ils employoient. La définition du ftoa-
cien étoit toute femblable à celle queVanini donnoîï
de Dieu.
L’ame, femblable à un globe parfaitement rond,
eft uniforme ; elle n’eft capable ni de cQjnprefSiMü,
ni d’expanfion.
Elle eft libre; elle fait ce qu’elle veut; elle a
propre énergie. Rien d’extérieur ne la touche, n*
ne peut la contraindre.
Si on la confidere relativement au tout, die en
fujette au deftin ; elle ne peut agir autrement qu’ dis
agit ; elle fuit le lien univerfel 6c facré qui unit 1 ut"
nivers & fes parties.
Dieu eft fournis au deftin , pourquoi l’ame humaine
, qui n’en eû qu’une particule, en feroit-elle affranchie
?
Aufli-tôt que l’image du bien l’a frappée, elle le
defire.
S T O
Le principe qui fe développe le premier dans un
ç * mme. I e" cehh de fa propre confervatioïi.
S il atteint ce qui eft conforme à. la nature, fon
bonheur commence.
Les defirsfuiventlaconnoiffance ou l’opinion des
choies. r
dépend celle du vrai bien.
Si l’on préfente à l’homme un bien convenable à
fa nature , & qu’il s’y porte avec modération, il eft
fage & non paffionne ; s’il en jouit paifiblement, il
eitlerein & content ; s’il ne craint point de le perdre
, il eft tranquille , &c. r
. ,S’d k tromPe fur la nature de l’objet; s’il le pour-
uit avec trOD d arrlpiiî* • cM /.n _
. . ------- -31M- > - -* s’y attache ; s’il aime la
vie , il elt pervers.
Les defirs fondés fur l’opinion, font des fources
de trouble. L’intempérance eft une des fources les
plus fécondés du trouble.
Le vice s introduit par l’ignorance des chofes qui
font la vertu.
Il y a des vertus de théorie. Il y en a de pratique.
Il y en a de premières. Il y en a de fècon-
daires.
La prudence qui nous inftruit de nos devoirs ; la
tempérance qui réglé nos appétits ; le courage’qui
nous apprend à fupporter ; la jufiiee qui nous apprend
à diftribuer, font des vertus du premier or-
H y a entre les vertus un lien qui les enchaîne; celui
à qui il en manque une , n’en a point. Celui qui
en poffede bien une , les a toutes.
La vertu ne fe montre pas feulement dans les d it
cours ; mais on la voit auffi dans les aérions.
Le milieu entre le vice & la vertu n’eft rien.
On forme un homme à la vertu. Il y a des méchans
qu on peut rendre bons.
On eft vertueux pour la vertu-même. Elle n’eft
fondée ni dans la crainte , ni dans l’ efpérance.
Les aérions font ou des devoirs, ou de la généro-
fite ; ou des procédés indifférens.
La raifon ne commande ni ne défend les procédés
indifférens ; la nature ou la loi prifent les devoirs. La
generofite immole l’intérêt perfonnel.
Il y des devoirs relatifs à foi-même ; de relatifs au
prochain , & de relatifs à Dieu.
11 importe de rendre à Dieu un culte raifonnable.
Celui-là a une jufte opinion des dieux qui croit
leur exiftence, leur bonté , leur providence.
II faut les adorer ayant tout, y penfer , les invoquer,
les reconnoître, s’y foumettre, leur aban-
w>nner fa v ie , les louer même dans le malheur,
L apathie eft le but de tout ce que l’homme fe doit
a lui-même. Celui qui y eft arrivé eft fage.
Le fage faura quand il lui convient de mourir ; il
hu fera indifférent de recevoir la mort ou de fe la
donner. Il n’attendra point à l ’extrémité pour ufer de
ce remede. Il lui fuflira de croire que le fore a
changé.
Il cherchera l’obfcurité.
■ Le foir il fe rappellera fa journée. II examinera fes
actions. Il .reviendra fur fes difeours. Il s’avouera
les fautes. Il fe proposera de faire mieux.
bon etude particulière fera celle de lui -même.
™eP*“ era la vie & fes amufemens ; il ne redou-
„ n! la d°wleur , ni la mifere , ni la mort.
nemisim6ra ^ ^emklables. H aimera même fes en-
1àpedbnne' “ ^ d r a û b ie n -
Tome XV.J
S T O 331
Il vivra dans le monde, comme s’il n’y avoir rien
de propre. I
Le témoignage de fa confcience fera le premier
qu il recherchera. r
Toutes les fautes lui feront égales.
Soumis à^out événement, il regardera la commi-
ieration & la plûpart déï vertus dé cet ordre, comme
une forte d’oppofition h la volonté de Dieu.
II jugera de même du repentir.
, II n aura point ces vues de petite bienfaifance
étroite , qui diftingue un homme d’un autre. Il imitera
la nature. Tous les hommes feront égaux à fes
yeux. 0
S’il tendla main à celui qui fait naufrage, s’il
foie çehu qut pleufe, s ’il reç«it celui qui manâue
tfaiyle; s il donne la vte à celui qui périt; s’il prélente
du pain â cehii qui a faim, il ne fera point ému,
ngardera la feremte. il né permettra démit au fné4;
cracle de la mifere , d’altérer fa tranquillité. Il re-
connoitra en tout la volonté de Dieu & le malheur
des autres; & dans fon impuiffance à les fecourir
il fera content de tout, parce qu’il faura que rien
ne peut etrë mal.
Des dJ/ci.pUs & des fuccejfeitrs de Zénon. Zenon eut
pour difciple Phdomde, Calippe, Pofidonius Ze-
node, Scion & Cléanthe.
Perfee, Arifton, Herille, Denis, Spherus & Athé-
nadore fe font fait un nom dans fa feéle.
Nous allons parcourir rapidement ce qu’il peut y
avoir de remarquable dans leurs vies & dans leurs
opinions.
I>er^ e étoit fils de Démétrius de Cettium. II fut ;
difent les uns, l’ami de Zenon ; d ’autres , un de ces
eiclaves qu’Anrigone envoya dans fon école pour
en copier les leçons. Il vivoit aux environs de la
exxx. olympiade. Il étoit avancé en âge , Iorfqu’i!
alla à la cour d Antigone Gonatas. Son crédit auprès
de ce prince fut tel, quéia garde de l’Acro--eotinthe
lui fut confiée. On l'air que la lïireté deCorinthe & de
tout le Péloponnèfe dependoit de cette citadelle. Le
philofophe répondit mal à l’axiome ftoïque, qui difoit
quil n’y avoir que le fage qui fâche commander.
Aratus de Sycfone (e préfenta fuhitement devant
I Acro-Cormthe , & le furprit. 11 empêchi Antigone
de teniràMenedeme d’Erétrie là parole qu’illui avoit ■
donnée , dê remettre les Erétriens en république ; ii
regardent les dieux Gomme lés premiers invénteürs
des chofes utiles chez les peuples qui leur avoieut
e eve des autels. Il eut pour difciples Hermagoras
d Amphipolis.
Arifton de Ohio étoit fils de Milriade. Il étoit élo-
qnent, & il n’en plaifoit pas davantage à Zenon qui -
attectoit irn difeours bref. Arifton qui aimçiit le plai- .
, * c~ort ^’ailleurs peu fait pour cette école févere.
II profita d’urié maladie de fon maître pour lé Cuit-
ter, II fuivit Polëmfm , puquél il ne demeura* pas
:feng-tems attaché. II eut l’ambition d’ê tfê che f de
fefie, & il s’établit dans'le Gÿnofarge , dîiîl affembla
quelques auditeurs, qu’on appella de fon nom ks
A r i j lo n ie n s : mais bientôt fon école fut ■ méprifée &
déferte. Arifton attaqua avec chaleur Arcefilaiis &
la maniéré de philofopheracadémique & foeptique.
Il innova plufieurs chofes dans le Stoïcifme : il pré-
tendoit que l ’étude de la nature étoit au-deffus da
l’efprit humain ; que la Logique ne fignifioit rien &
que la Morale étoit la feule icience qui nous impor-
tat ; qu il n y avoit pas autant de vertus différentes
qu’on en comptoit communément, mais qu’il ne fal-
loit pas , comme Zénon , les réduire à une .feule ;
<ju i ly avoit entr’elles un lien commun; que les dieux
etoient fans intelligence & fans vie , & qu’il étoit
impofîible d’en déterminer la forme. Il mourut d’un
coup de foleil qu’il reçut fur fa tête qui étoit chauve.
Il eut pour difciple Eratofthene de Cyrene. Celui-çi
X x x ij