640 S U ï eliee dont ce qu’on fè doit il foi-memè ; on interrompt
le cours de fon bonheur, on fe prive des
moyens de fe perfectionner davantage dans ce monde.
Il eft vrai que ceux qui fe tuent eux-memes regardent
la mort comme un état plus heureux que la
vie • mais c’eft en quoi ils raifonnent mal ; iis ne peu-
Vent jamais avoir une entière certitude ; jamais ils ne
pourront démontrer que leur vie eft un plus grand
malheur que la mort. Et c’eft ici la clé pour repondre
à diverfes queftions qu’on forme fuivant les
différens cas oii un homme petit fe trouver.
On demande t°. fi un ioldat peut fe tuer pour ne
pas tomber entre les mains des ennemis ; comme cela
eit fouvent arrivé dans les fiecles pàffes. A cette
queftion on eh peut joindre une autre qui revient au
même, & à laquelle on doit foire la même réponfe,
l'avoir 11 un capitaine de vaiilcau peut mettre le feu a
fon navire pour le foire fauter en 1 air afin que 1 ennemi
ne s’en rende pas maître. Quelques-uns d’entre
les moraliftes croient que le fmade eft permis
dans ces deux cas , parce que l’amour de la patrie eft
le principe de ces aaions. C ’eft une façon de nuire à
l’ennemi pour laquelle on doit fuppoler le confente-
ment du louverain qui veut faire tort à fon ennemi
de quelque façon que ce fort, Ces raifons quoique
fpccieufes , ne font cependant pas fans exception.
D ’abord il eft fur que dans un cas de cette importance
il ne fuflit pas de fuppofer le confentement du louverain.
Pendant que le fouverain n’a pas déclaré fa volonté
expreffément., il fout regarder le cas comme
douteux : or .dans un cas douteux, on ne doit point
prendre le parti le plus v iolent, Sc qui choque tant
d’autres devoirs qui font clairs & fans conteftadon.
Cette queftion a donné occafion à une fécondé ,
favoir s’il fout obéir à un prince qui vous ordonne de
vous tuer. Voici ce qu’on répond ordinairement. St
lïomnie qui reçoit cet ordraeft un criminel qui mérite
la mort, il doit Obéir fans craindre de commettre
un fuicide punifîable , parce qu il ne fait en cela que
ce que le bourreau devroit foire. La lentence de
mort étant prononcée;, , ce n’eft pas lui qiii s ote la
vie c'eii le juge auquel il obéit comme un infiniment
qui la lui Ote. Mais fi cet homme eft un innos
cent, il vaut mieux qu’il refufe d executer cet ordre,
parce qu’aucun fouverain n’a droit fur la vie d’un innocent.
On propofe encore cette troifieme queftion,
favoir fi un malheureux condamné a une mort igno-
minieufe & douloureufe , peut s’y fouftraire en fe
tuant lui-même. Tous les moraliftes font ici pour la
négative. Un tel homme enfreint le droit que le ma-
giftrat a fur lui pour le punir, il fruftre en même tems
le but qu’on a d’infpirer par le châtiment de l’horreur
pour des crimes femblables au lien.
Difons un mot du fuicide indire£L On entend par**
là toute aftion qui oecafionne une mort prématurée,
fans qu’on ait eu précifément l’intention de fe la procurer.
Cela fe fait ou en fe livrant aux emportemens
des pallions violentes , ou en menant une vie déréglée
, ou en fe retranchant le néceffaire par une avarice
honteufe, ou en s’expofant imprudemmenta un
danger évident. Les mêmes raifons qui défendent
d’attenter à fa vie directement condamnent auffi le
fuicide indirect , comme il eft aifé de le voir.
Pour ce qui regarde l’imputation du fuicide, il faut
remarquer qu’elle dépend de la lituation d’efprit ou
un homme.ie trouve avant & au moment qu’il fe
tue ; fi un homme qui a le cerveau dérangé , ou qui
eft tombé dans, une noire mélancolie, ou qui eft en.
phrénéfie,fi un tel homme fe tue ,. on.ne peut, pas
regarder fon aftion comme un crime, parce que dans
un tel état on ne fait pas ce qu’ on fait ; mais s’il le fait
de propos délibéré, l’a&ion lui eft imputée dans fon’
entier. Car quoiqu’on ohjeâe qu’aucun homme jouif-
làntde la raifon ne peut fe tuer, & qu’effe&ivement
S U I tousles meurtriers <Peux-mèmès puiffent être ïègâïi'
dés comme des fous.clans le moment qu’ils s’ôtent !a
vie : il fout cependant prendre gardaà leur vièpçécé-
dente. C’eft-là oh fe trouve ordinairement l’origine
de leur défefpoir. Peut-être qu’ils ne favent pas'ce
qu’ils font dans le moment qu’ ils fe tuent, tant leur
efprit eft troublé par leurs pallions ; mais c’eft leur
faute. S’ils avaient tâché de dompter leurs pallions
dès le commencement , ils auroient finement prévenu
les malheurs de leur état préfent, ainfi la dernière
aétion étant une fuite des aûions précédentes ,
elle leur eft imputée avec les autres.
Lg fuicide a toujours ete un fujet de conteftatioii
parmi les anciens philofophes : les Stoïciens le per-
mettoient à leur fage. Les Platoniciens foutenoient
que la v ie eft une ftation dans laquelle Dieu a placé
l’homme, que par conféquent il ne lui eft point permis
de l’abandonner fuivant fa fantaifie. Parmi les
modernes , l’abbé de S.' Cyran a foutenu quîil y a
quelques cas oii on peut fe tuer. Voici le titre de ion
livre? Queftion royale oit eft montré en quelle extrémité,
principalement en tems de paix, le fujet pourroit être obligé
de conferver la vie du prince aux dépens de la jîenne.
Quoiqu’il ne foit point douteux que l’Eglife chrétienne
ne condamne le fuicide , il s eft trouve des
chrétiens qui ont voulu le juftifier. De ce nombre
eft le dofteur Donne, favant théologien anglois,
q u i, fans doute, pour confoler fes compatriotes *
que la mélancolie détermine aflèz fouvent à fe donner
la mort, entreprit de prouver que 1 ejuicide n’eft
point défendu dans l’Ecriture-Sainte, & ne fut point
regardé comme un crime dans les premiers fiecles de
l’Eglife.
Son ouvrage écrit en anglois, a pour titre bia©a-
NATOZ : a déclaration, o f that paradoxe or thefis that
felf-homicide is. not fo naturally fin & that it mai ne-
ver be otherwife., &c. London \joo. ce qui fignifie ex-
pofitioti cCun paradoxe oüfiyfthne qui prouve que le fuicide
n'eft pas toujours un péché naturel, Londres tyoo*.
Ce doâeur Donne mourut doyen de. S. P au l, dignité
à laquelle il parvint après la publication de fon
ouvrage. • _ .
Il prétend prouver dans fon- livre, que le fuicide
n’eft oppofé, ni à la loi de la nature, ni à la raifon,
ni à la loi de Dieu révélée. Il montre que .dans l’ancien
Teftament , des hommes agréables’ à Dieu fe
font, donné la mort à eux-mêmes ; ce qu’il prouve
par l’exemple de Samfon, qui mourut écralé fous les
ruinés, d’un temple, qu’il fit tomber fur ies Philiftins
& fur lui - même. Il s’appuie encore de l’exemple d’E-
leazar, qui fe fit écrafer fous un éléphant en-combattant
pour fa patrie ; aftion qui eft louée par S. Am-
broife. Tout le monde connoît chez les payens, les
exemples de Codrus, Curtius , Decius , Lucrèce,
Câfon, &c.
Dans le nouveau Teftament, il veut fortifier fon
fyftème par l’exemple de Jefus-Chrift, dont la mort
fut volontaire. Il regarde un grand nombre de martyrs
comme de vrais fuicides , ainfi qu’une foule de
folitaires & de pénitens qui fe font fait mourir peu-à-
peu. S. Clément exhorte les premiers chrétiens au
martyre , en leur citant l’exemple des payens qui fe
dévouaient pour leur patrie. Stromat, lib. I P , Ter-
tullien eondamnoit ceux quifuyoientla perfécution,
Voye^ Tertullian. de fugd, p ro p o fll. Du tems des
perfécutions, chaque chrétien pour arriver au ciel
affrontoit généreufement la mort, & lorfqu’on fuppli-
ci'oit un martyr., les afliftans s’écrioient, je fuis aufft
chrétien. Eufebe rapporte, qu’un martyr nommé Ger-
manus, irritoit les bêtes pour fortirplus promptement
de la vie. S. Ignace , évêque d’Antioche, dans
fa lettre aux fideles de Rome ,• les prie de ne point
folliciter fa grâce, voluntarius morior quia mihi utileeft
mort. ■ . ■ ■ ' dB odji-n,
SU î Bodin rapporte d’après Tertullieri, que dans ïihê
perfécution qui s’éleva Contre les chrétiens d’Afrique
, l ’ardeur pour le martyre fut fi grande, que le
procOnful lafle lui-même de fupplices, fit demander
par le crieur public, s 'il y av oit encore des Chrétiens
qui demandafjent à mourir. Et comme on entendit
une voix générale qui répondoit qu'oui, le proconful
•leur dit de s’aller pendre & noyer eux-mêmes pour
en épargner la peine aux juges. Voyei Bodin, De-
monft. lib. IV. cap. iij. ce qili prouve que dans l’Eglife
primitive les chrétiens étoient affamés du martyre
, & fe préfentoient volontairement à la mort.
Ce zele fut arrêté par la fuite au concile de Laodi-
cé e, canon 33. & au premier de Carthage, Canon 2.
dans lefquels l’Eglife diftingua les vrais martyrs des
faux ; & il fut défendu de s’expofer volontairement
à la mort ; cependant l’hiftoire eccléfiaftique nous
fournit des exemples de faints & de faintes, honorés
par l’Eglife, qui fe font expofé à une mort indubitable
; c’eft ainfi que fainte Pélagie & fa mere fe précipitèrent
par une fenêfre & fe noyèrent. Voye[ S. Au*
guftin, de civit. D e i, lib. I. cap. xxvj. fainte Apollo-
nie courut fe jetter dans le feu. Bâronius dit fur là
première, qu’il ne fait que dire de cette aétion, quid
adhcec dicdmus nonliabtmus. S. AmbrOifè dit auffi à
fon fujet, que Dieu ne peut s ’oftènfer de notre mort,
lorfqiie nous la prenons comme un remede. Voyez Am-
■ brof. de virginitàte , lib. III.
Le théologien anglois confirme encore fon fyftème
par l’exemple de nos miflionnaires , qui de plein
gré s’expofent à une mort afliirée, en allant prêcher
l’Evangile à des nations qu’ils favent peu difpofés à
le recevoir ; ce qui n’empêche point l’Eglife de les
placer au rang des faints, & de les propoler comme
des objets dignes de la vénération des fideles ; tels
font S. François de Xavier & beaucoup d’autres que
l’Eglife a canonifés.
Le do&eur Donne confirme encore fa thèfe par
une conftitution apoftolique, rapportée au lib. IV.
cap. \jj. & cap. ix. qui dit formellement qu’un hom-
•me doit plutôt confentir à mourir de faim , que de
recevoir de la nourriture de la main d’un exconynu-
jnié- Àthenagoras dit que plufieurs chrétiens de fon
tems le mutiloient & fe faifoient eunuques. S. Jerô-
ane nous apprend, que S. Marc l’évangeliftê fe coupa
le pouce pour n’être point fait prêtre. Voyez Prole-
gomena in Marcum.
Enfin , le même auteur înet au nombre des fuicidis
les pénitens * qui à force d’auftérités, de macérations
& de tourmens volontaires , nuifent à leur fanté &
accélèrent leur mort ; il prétend que l’on ne* peut
faire le procès aux fuicides, fans le faire aux religieux
aux religieufes, qui fe foumettent volontairement
à une réglé afl’ez auftere pour abréger leurs jours. Il
rapporte la réglé des Chartreux , qui leur défend de
manger de la viande, quand même cela pourroit leur
fauver la vie ; c’eft ainfi que M. Donne établit fon
fyftème , qui ne fera certainement point approuvé
par les théologiens orthodoxes.
En 173 2, Londres vit un exemple d’un fuicide mémorable
, rapporté par M. Smollet dans fon fiiftoire
.d’Angleterre. Le nommé Richard Smith & fa femme,
mis en prifon pour dettes, fe pendirent l’un & l’autre
après avoir tué leur enfant ; on trouva dans leur
chambre deux le ttre adrèffées à un ami, pour lui recommander
de prendre foin de leuf chien & de leur
chat ; ils eurent l’attention de laiffer de quoi payer le
porteur de°ces billets, dans lefquels ils expliquoient
les motifs de leur conduite; ajoutant qu’ils neçroioient
pas que Dieu pû trouvèr du plaifir a voir fes créatures
malheureufes & fans reffources ; qu’au refte, ils
fe réfignoient à ce qu’il lui plairoit ordonner d’eux
.dans l’autre v ie , fe confiant entièrement dans fa bon-
lé* Alliage bien étrange de religion & de crime !
TomeXV»^
S U Î 641
SüicïbE , ( jurifpriid.) chez les komains, î’a&ion
de ceux qui s’ôtoient la vie par un fimple dégoût, à
lafuite de quelque perte où autre événement fâcheux
étoit regardée comme Un trait de phïlofophie & d’hé^
roïfme ; ils n’étoient fujets à aucune peine , & leurs
héritiers leur fuecédoient.
Ceux qui fe défaifoient ou qui avoïent'tenté de lé
faire par l’effet de quelque aliénation d’efprit, n’étoient
point réputés coupables, ce qui a été adopté
par le droit canon & auffi dans nos moeurs.
Si te fuicide étoit commis à Ja fuite d’un autre crime
, foit par l’effet du remord, foit par la crainte des
peines, & que le crime fût capital & de nature à mériter
le dernier fupplice ou la déportation, les biens
du fuicide étoient confifqués, ce qui n’avoit lieu néanmoins
qu’en cas que le criminel eut été pourfuivi en
jugement ou qu’il eût été furpris en flagrant délit.
Lorfque le fuicide n’avoit point été confonimé ,
parce qu’on l’avoit empêché, celui qui l ’avoit tenté
étoit puni du dernier iiipplice , comme s’étant ju^é
lui-même, & auffi parce que l’on craignoit qu’il n’épargnât
pas les autres ; ces criminels étoient réputés-
infâmes pendant leur v ie , & privés de lafépulturé
après leur mort.
Parmi nous, tous fuicides, excepté ceux qui font
commis par l’effet d’une aliénation d’elprit bien ca-
ra&érifée -, font punis rigoureüfement.
• Le coupable eft privé de la fépulture , bn en ordonne
même l’exhumation au cas qu’il eût été inhumé
; la juftice ordonne que l'e cadavre fera traîné fur
une claie, pendu par les piés, & enfuite conduit à là
voirie.
Loifqué le cadavre ne fe trouve point, on condamne
la mémoire du déflint.
Enfin, l’on pronoriçoit autrefois là cônfïfcatiôn de
biens ; mais Mornac & l’annotateur de Loyfel remarquent
, que fuivant la nouvelle jurifprudence, cettè
peine n’a plus lieu. Voye^ au digft. te tic. de his qui
Jibi mortem confcivertint ; le trait, des crimes , de M. dé
Vouglans, tit.1V. ch. vij-. & le friot H o m i c i d e . (A)
SUIE, f. f. {Chimie.') humidité pénétrante, noire,
& graflé, qui, quand on brûle des végétaux, s’ele-
ve en fumée & s’ïnfinue dans les parois de la cheminée
, & par fa matière huileufe les peint d’ttnè couleur
très-noire. Cette matière ainfi raffemblëe, s’a-
maffe fur la fuperficie des parois d’une cheminée en
forme de floccons noirs, peu àdhérens, & fe détachant
aifément;
La fuie eft proprement un charbon volatil j mais
fort gras, & qui lorfqu’elie eft feche, eft uile matière
très-inflammable. Elle eft très-amere; comme lés
huiles brûiées la quantité d’huile qu’eilè contient
eft ee qui la rend graffe. Sa noirceur lui eft dbnnée
par cette même huile brûlée , comme cela arrive à
tout charbon. Elle paroîtfort fimple; mais, cependant
fi on la réfout en fes principes par la diftillationi
elle donne premièrement une affez grande quantité
d’eau, qui étant exa&ement féparée de toute àutrè
chofe, éteint la flamme & le fèu.
La vapeur aqueufe qui s’élève encore daiis cetté
première diftillation, éteint auffi tout-à-fait le feu ;
de forte qu’à parler proprément, on ne.peut guère
/ l’appeller efprit. Si l’on augmente enfuite le feu, il
I fort de la fuie une grande quantité d’huile jaunâtre ,
inflammable, & qui eft un àliment très-convenablé
au feu & à la flamme. *
La partie la plus fubtilè de cette huilé qu’on appelle
efprit j eft auffi inflammable : on en tire cèpen-
dant un fel très-Volatil, un autre qui l’eft moins, &"
un troifieme qui eft plus fec. Si l’on fépare exafte-
ment cès fels dé l’huile & de I’efprit, dont je viens
de parler, on n’y trouvera rien d’inflammable , lé
fel qui reftera fera entièrement incombuftible.
Enfin la derniere chofe qit’on trouvera pat' cetté
• ' . 1 ......... M