60 mines ; on voit par-là la différence du talent d’Eu-
bée & de celui d’Athènes.
Mais il faut qu’il y eût encore deux autres fortes
de talens d’Eubée , ou que les auteurs fe contredi-
fent ; Feftus dit : Euboicum talentum nummo graco
feptem millium , noflro quatuor millïum denariorum :
le talent d’Eubée eft de g mille drachmes greques , &
de 4 mille deniers romains. Tout le monde convient
qu’il y a ici quelque faute de copifte , & qu’au-lieu
de 4 mille deniers romains , il doit y avoir 7 mille ;
la preuve en éft que, félon le même Feftus, la drachme
des Grecs & le denier des Romains étoient de même
valeur.En effet il dit que le talent d’Athcnes, qui étoit
de fix mille drachmes , contenoit auffi fix mille deniers
romains. Selon lui donc, le denier romain & la
drachme d’Athènes étoient de même valeur, & il y
en avoit fept mille au talent. d’Eubée. Cependant le
talent d ’Eubée de la fomme que devoit payer Antio-
chus aux Romains étoit bien plus fort ; Polybe dit,
légat. X X V . p. 8 iy. & Tite-Live auffi, /. X X X V 11.
& X X X V I I I . qu’il contenoit 8q livres romaines.
Or la livre romaine contenoit 96 deniers romains,
& par conféquent 10 de ces livres faifoient 7680
deniers romains, c’eft-à-dire 240 livres fterlings.
Mais il faut remarquer qu’il y a une différence
dans le traité entre Tite-Live & Polybe ; car quoique
T ite-Live , dans le projet du traité , dife , auffi-
bien que Polybe , que les 15 mille talens étoient des
talens d’Eubée ; dans le traité même , il les appelle
talens d’Athènes ; Tite-Live entraduifant ici Polybe,
a fait une faute ; car Polybe dit feulement que l’argent
du payement qu’on donneroit aux Romains fe-
ro it, dpyvp'm Anj/xv dpiç-a, du meilleur argent d?Athènes
, & Tite-Liv® ne faifant pas allez d’attention à
ces expreffions qui marquent la qualité de l’argent,
& non pas l’efpece de monnoie, a traduit des talens
d’Athènes. Or comme le talent d’Eubée étoit le plus
pefant, la monnoie d’Athènes étoit auffi la plus fine
de toutes ; & , félon le traité, le payement fe devoit
faire de la maniéré la plus favorable aux Romains. Ils
obligèrent Antiochus , pour acheter la paix, de leur
payer cette fomme, déjà prodigieufe en elle-même,
de la maniéré la plus onéreufe pour lu i, en talens
les plus forts , & pour la qualité du meilleur ou du
plus fin argent.
On ne trouve jamais nos auteurs françois d’accord
fur l’évaluation des talens des anciens, pareequ’ils
me l’ont jamais faite d’après le poids & le titre, mais
toujours d’après le cours variable de nos monnoies ;
ainfi Budée évalue le talent d’Athènes à 1300 livres;
Tourreil à 2800, & nos derniers écrivains à 45 50
livres. (D . J . )
T alent hébraïque, ( Monnoie des Hébreux. )
monnoie de compte des Hébreux , qui valoit trois
mille fiçles ; & , félon le doûeur Bernard, 450 livres
fterlings. Voye^-en les preuves détaillées à 1’article
Monnoies des Hébreux. ( D . J . )
T A lent , peintre à , (Peint.') c’eft le nom qu’on
donne à un artifte qui s’applique à quelque genre
particulier de peinture, comme à faire des portraits,
à peindre des fleurs, à repréfenter des animaux, des
payfages , des noces de village , des tabagies , &c.
( Ä 7 -)
T A LE VA ,.f. m. (Hiß. nat. Ornitholog.') oifeau
aquatique de l’île de Madagafcar ; il eft de la groffeur
d’une poule ; fes plumes font violettes ; fa tête, fon
bec & fes piés font rouges.
T A L I , f. m. terme de relation, nom que les Indiens
de Carnate donnent au bijou que l’époux, dans la
cérémonie du mariage , attache au cou de l’époufe,
& qu’elle porte jufqu’au décès de fon mari, pour
marque de fon état ; à la mort du mari, le plus proche
parent lui coupe ce bijou , & c’eft-là la marque
du veuvage. ( D . J. )
T ALICE RU M,, f. m. (Hift.nat. &Mat.méd.) nom'
donné dans la matière medicale à la graine d’une ef-
pece de lifymbrium à feuilles d’abfynthe ; on eftime
cette graine aftringente ; on en introduit la poudre
dans les narines, pour arrêter les petites hémorrhagies
du n e z , mais je crois cette pratique affezmau-
vaife. (D . / .)
TALIIR-KARA, f. m. ( Hifl. nat. Botan. exot. y
grand arbre de Malabar toujours verd ; fon tronc eft
blanchâtre ; fon écorce eft unie , poudreufe & cendrée.
Il porte quantité de branches , qui s’étendent
au loin , & qui font armées d’épines oblongues, dures
& roides. Sa racine eft cendrée & couverte d’une
écorce obfcure. Son odeur eft forte, & fon goût
aftringent. Ses feuilles font vertes en-deffus, &c verdâtres
en-deflous, elliptiques, pointues, légèrement
dentelées par les bords, fortes , épaifles , luifantes ,
très-odorantes & très-âcres au goût; les feuilles tendres
qui croiffent au fommet font pour la plûpart
d’un rouge purpurin. On n’a point encore vu de
fleurs, ni de fruits fur cet arbre. C’eft pourquoi dans
le livre du jardin de Malabar on le nomme arbor indien
fpinofa , flore & fructu vidua. (Z ). J .)
TALINGUER, Étalinguer , v. n. (Marine.)
c ’eft amarrer-les cables à l’arganeau de l’ancre.
T A L IO N , f. m. ( Gram. & Jurifprud. ) talio , loi
du talion, lex talionis, eft celle qui prononçoit contre
le coupable la peine du talion, potna reciproca ,
c’eft-à-dire, qu’il fut traité comme il avoit traité fon
prochain.
Le traitement du talion eft la vengeance naturelle,
& il femble que l’on ne puiffe taxer la juftice d’être
trop rigoureufe, lorfqu’elle traite le coupable de la
même maniéré qu’il a traité les autres, & que ce
foit un moyen plus sûr pour contenir les malfaiteurs.
Plufieurs jurifconfultes ont pourtant regardé le talion
comme une loi barbare , & contraire au droit
naturel ; Grotius entre autres, prétend qu’elle ne
doit avoir lieu ni entre particuliers,, ni d’un peuple
à l’autre ; il tire fa décifion de ces belles paroles d’A-
riftide : « ne feroit-il pas abfude de juftifier & d’imi-
» ter ce que l’on condamne en autrui comme une
» mauvaife aftion ».
Cependant la loi du talion a fon fondement dans
les livres facrés ; on voit en effet dans l’Exode, que
Moïfe étant monté avec Aaron fur la montagne dè
Sinaï, D ieu après lui avoir donné le Décalogue, lui
ordonna d’établir furies enfans d’Ifraël plufieurs lois
civiles, du nombre defquelles étoit la loi du talion.
Il eft d i t , chap. xx j. que.fi deux perfonnes ont eu
une rixe enfemble, & q u e quelqu’un ait frappé une
femme enceinte, & l’ait fait avorter, fans lui caufer
la mort, il fera fournis au dommage tant que le mari
le demandera, & que les arbitres le jugeront ; que
fi la mort de la femme s’eft enfuivie, en ce cas Moïfe
condamne à mort l’auteur du délit; qu’il rende ame
pour ame, dent pour dent, oeil pour oe il, main
pour main, pié pour p ié , brûlure pour brûlure ,
plaie pour plaie , meurtriffure pour meurtriffure.
On trouve auffi dans le Lévitique, ch. xxjv. que
celui qui aura fait outrage à quelque citoyen, il
fera traité de même, frafture pour frafture, oeil
pour oe il, dent pour dent.
Dieu dit encore à/Moïfe, fuivant le Deutéronome
, ch. xix. que quand quelqu’un fera convaincu
de faux témoignage, que les juges lui. reridront ainfi
qu’il penfoit faire à fon frere ; tu ne lui pardonneras
point , dit 'le • Seigneur ; mais tu demanderas ame
pour ame, oeil pour oe il, dent pour dent, main pour
main, pié pour pié.
Ilfemble néanmoins que la peine du talion doive
s’entendre dans une proportion géométrique plutôt
qu’arithmétique, c’eft-à-dire, que l’objet de la loi
fou moins de faire fouffrir au coupable précifément
le menie mal qu’il a fait, que de lui faire fupporter
une peine égalé , c’eft-à-dire, proportionnée à’ fon
crime ; & c’eft ce que Moïfe lui-même femble faire
entendre dans le Deutéronome, ch. xxv. oh il dit
que fi les juges voient que celui qui a péché foit digne
d’être battu, ils le feront jetter par terre & battre
devant eux félon fon mesfait,/»™ menfurd peccati
erit 6* plagarum modus.
Jélus-Chrift prêchant aü peuple fur la montagne
( fuivant faint Matthieu, chap. v .) dit : vous avez
entendu que l’on vous a dit oeil pour oe il, dent
pour dent ; mais moi je vous dis de ne point réfifter
au mal; & que fi quelqu’un vous frappe fur la joue
droite , de lui tendre la gauche ; mais il paroît que
cette doftrine eut moins pour objet de reformer les
peines que la juftice temporelle infligeoit, que de
réprimer les vengeances particulières que chacun fe
Croyoit mal-à-propos permifes, fuivant la loi du
talidn, n étant réfervé qu’à la juftice temporelle de
venger les injures qui font faites à autrui, & à la juftice
divine de les punir dans l’autre vie.
Il eft encore dit dans 1 Apocalypfe, chap. xiij. que
celui qui aura emmené un autre en captivité, ira lui-
même; que^ celui qui aura occis par le glaive , fera
occis de même ; mais ceci fe rapporte plutôt à la
juftice divine qu’à la juftice temporelle.
Les Grecs à l’exemple des Juifs, pratiquèrent auffi
la loi du talion.
Par les lois de Solon, la peine du talion avoit lieu
contre celui qui avoit arraché le fécond oeil à un
homme qui étoit déjà privé de l’ufage du premier, '
& le coupable étoit condamné à perdre les deux yeux.
Ariftote écrit que Rhadamante roi de Lycie , fameux
dans l’hiftoire par fa févérité, fit une loi pour
établir la peine du talion qui lui parut des plus juftes ; il
ajoute que c etoit auffi la doèlrine des Pythagoriciens.
Charondas , natif de la ville de Catane en Sicile *
& qui donna des lois aux habitans de la ville de Thu-
rium, rebâtie par les Sybarites dansla grande Grece,
y introduifit la loi du talion; il étoit ordonné : f l quis
eut oculum eruerit, oculum reo pariter eruito • mais
cette loi fut réformée, au rapport de Diodore de
Sicile, à l’occafion d’un homme déjà borgne, auquel
on avoit crevé le bon oeil qui lui reftoit, il repré-
fenta que le coupable auquel on fe contenteroit de
crever un oe il, feroit.moins à plaindre que lui qui
étoit totalement privé de la vue; qu’ainfi la loi du
talion n’étoit pas toujours jufte.
Les décemvirs qui formèrent la loi des 12. tables,
prirent quelque chofe des lois de Solon par rapport
à la peine du talion, dans le cas d’un membre rompu ;
ils ordonnèrent que la punition feroit fembiable à
l ’offenfe, à moins que le coupable ne f ît un accommodement
avec fa partie , f i membrum rupit, ni cum
eopacit, talio eflo : d ’autres lifent, f i membrum rupit,
ut cum eo pacit, talio eflo.
Lorfqu’il s’agiffoit feulement d’un os caffé, la peine
n’étoit que pécuniaire, ainfi que nous l’apprend
Jüftinien , dans fes inftitutes, tit. de injur. y. On
ne fait pas à quelle fomme la peine étoit fixée.
Cette portion de la loi des 12 tables eft rappellée
par Cicéron, de legibus, Feftus, fous le mot talionis
, par le jurifconfulte Paul, receptarum fentent. liv.
F tit. 4. & autres jurifconfultes.
Il paroît néanmoins que chez les Romains la loi du
talion n etoit pas fuivie dans tous les cas indiftinâe-
ment ; c’eft pourquoi Sextus Cæcilius dans Aulugelle,
liv. X X . dit cjue toutes les injures ne fe réparent pas
avec 25 as d’airain; que les injures atroces, comme
quand on a rompu un os à un enfant ou à un ef-
clave, font punies plusféverement, quelquefois même
par la loi du talion ; mais avant d’en venir à la
vengeance permife par cette loi, on propofoit un
Tome X V%
accommodement au coupable; & s’il refufoit de s’accommoder,
il fubiffoit la peine du talion ; fi au contraire
il fe pretoit à l’accommodement, l’eftimation
du dommage fe faifoit.
La loi du talion fut encore en ufage chez les Romains
long-tems après la loi des 12 tables, au-moins
dans les cas oû elle étoit admife ; en effet, Caton
cité par Prifcien , liv. VI. parloit encore defontems
de la loi du talion , comme étant alors en vigueur
& qui donnoit même au coufin du bleffé le droit de
pourfuivre la vengeance, f i quis membrum rupit, aut
os f régit, talione proximus agnatus ulcifcitur.
On ne trouve pas cependant que la loi des r 2 tables
eût étendu le droit de vengeance jufqu’au cou-
fin de l’offenfé ; ce qui a fait Croire à quelques auteurs
, que Caton parloit de cette loi par rapport à
quelque*âutre peuple que les Romains.
Mais l’opinion de Théodore Marfilius , qui eft la
plus vraiffemblable, eft que l’ufage dont parle Caton
, tiroit fon origine du droit civil.
Les jurifconfultes romains ont en effet décidé que
le plusproche agnat ou coufin du bleffé pouvoit pour-
fuivre au nom de fon parent, qui étoit fouvent trop
malade ou trop occupé pour agir lui-même. On char-
geoit auffi quelquefois le coufin de la pourfuite du
crime , de crainte que le bleffé emporté par fon ref-
fentiment, ne commençât par fe venger, fans attendre
que le coupable eût accepté ou refufé un accommodement.
Au refte , il y a toute apparence que la peine du
talion ne fe pratiquoit que bien rarement; car le coupable
ayant le choix de fe fouftraire à cette peine
par un dedommagement pécuniaire , on conçoit ai-
lement que ceux qui étoient dans le cas du talion
aimoienr mieux racheter la peine en argent, que de
fe laiffer mutiler ou eftropier. n
Cette loi ne pouvoit donc avoir lieu que pour les
gens abfolument miférables, qui n’avoient pas le
moyen de fe racheter en argent ; encore n’en trouve
t-on pas d exemple dans les hiftoriens.
Il en eft pourtant encore parlé dans le code théo-
dofien , de exhibendis reis , l. III. & au titre de accu-
fationtbus t l tit. quefl. 14. 0n peut voir Jacques Go-
derroy , fur la loi 7 de ce titre, formule 2g.
Ce qui eft de certain, c’eft que long-tems avant
1 empereur Jüftinien, la loi du talion étoit tombée en
defuétude , puifque le droit du préteur appelle jus
honoranum , avoit établi que le bleffé feroit eftimer*
le mal par le juge ; c’eft ce que Jüftinien nous apprend
dans fes inftitutes , liv. IV. tit. 4. de injur. § . 7 : la
peine des injures , d it-il, fuivant la loi des 12 tables,
pour un membre rompu, étoit le talion, pour un os
caffé il y avoit des peines pécuniaires félon la grande
pauvreté des anciens ; les interprètes prétendent que
ces peines pécuniaires avoient été impofées comme
étant alors plus onéreufes,
Jüftinien obferve que dans la fuite les préteurs permirent
à ceux qui avoient reçu quelque injure, d’efi-
timer le dommage, & que le juge condamnoit le
coupable à payer une fomme plus ou moins forte , *
fuivant ce qui luiparoiffoit convenable: que la peine
des injures qui avoit été introduite par la loi des 12*
tables, tomba en defuétude : que l’on pratiquoit dans
les jugemens celle qui avoit été introduite par le
droit honoraire des préteurs, fuivant leqfiel l’eftimation
de l’injure etoit plus ou moins forte, félon la
qualité des perfonnes.
Il y a pourtant certains cas dans Iefquels les lois romaines
paroiffent avoir laiffé fubfifter la peine du
talion, comme pour les calomniateurs ; celui qui fe
trouvoit convaincu d’avoir accufé quelqu’un injufte-
ment étoit puni de la même peine qu’auroit fubi l’ac-
Cufé, s’il eût été convaincu du crime qu’on lui im-
putoit ; il n’y avoit qu’un feui cas oû l’accufateur fût
•DD__ -