\m raifonnement énoncé fuivanties regies de lalo-
gique. Pour le conftruire , on compare deux idées
-dont on veut connoitre le rapport ou la différence à
une troifieme idée qui fe nomme moyenne. Quand
deux idées peuvent etre comparées enfemble pour
en.former immédiatement un jugement affirmatif ou
négatif, il n’eft pas befoin de recourir au raisonnement
; mais comme cela ne fe peut pas toujours, c’eft
■ alors qu’on recourt à l’idée moyenne, qui fert de
principe de comparaifon. Si j’entreprends, par exemple,
de prouver que la terre eft fphérique, il m’efl
jmpoffible de comparer immédiatement l’idée de la
imire fphérique 6c celle de la terre ; mais avec le fe-
cours d’une idée moyenne , favoir celle de l’ombre
de la terre , qui fe trouve être l’ombre d’un corps
fphérique, je ferai la comparaifon dont il s’agit ; 6c
voici comment j’exprimerai mon argument : tout
corps e(î fphérique, f i fon ombre tombant directement fur
un plan eft circulaire, quelle que foit la fituation de ce ■
corps; or nous voyons dans les éclipfes de la lune que
P ombre de la terre a cette propriété: donc La terre eft un
corps fphérique.
Pour que la conclufion foit jufte, il faut i®. que les
prémiffes qui conftituent la matière de l’argument,
l’oient vraies : enfuite que la conclufion en foit bien
déduite, c’eft-à-dire , que la comparaifon de l’idée
moyenne avec les termes de la conclufion démontre
leur relation : ce qui fait la forme de l’argument.
Quand une feule idée moyenne fuffit pour conduire
à la conclufion cherchée, ceraifonnement eft fim-
ple ; quand il faut plufieurs idées moyennes pour démontrer
la relation qu’ont entr’elles deux idées qu’on
veut comparer, le raifonnement devient compofé,
& fe forme del’affemblage de plufieurs raifonnemens
fimples. Pour avoir une idée diftinôe des fyllogifmesy
i l faut connoître les parties qui les compofent.
Dans chaque fyllogifme régulier il y a trois termes
& trois propofitions : trois termes , le grand ou l’attribut,
le petit ou le fujet, 6c le terme moyen: trois
propofitions, la majeure 6c la mineure, qui forment
les deux prémiffes , 6c la conclufion. L’attribut
de la conclufion's’appelle \e grand terme; 6c la propo-
„ fition dans laquelle ce terme eft comparé avec l’idée
moyenne , forme la majeure de l’argument. Le fujet
de la conclufion fe nomme le petit terme; 6c on donne
le nom de mineure de l ’argument à la propofition dans
laquelle ce terme eft joint avec l’idée moyenne.
Les regies qui fervent à conftruire un fyllogifme ,
font de deux fortes : les unes générales, qui concernent
toiis 1 esjyllogifmes, 6c les autres particulières,
qui déterminent les figures & les modes, Voyelles
: figures 6c les modes où ces regies font expliquées.
. Nous: nous bornerons à parler ici des regies générales:..
ces regies font fondées fur les axiomes qui ont
été établis touchant les propofitions affirmatives 6c
négatives.
Les propofitions confédérées par rapport à leur
quantité & à leur qualité , fe partagent en'quatre
claffes,. qu’on défigne par. les lettres A , E , I , O.
A marque une propofition univerfelle affirmative.
E , une univerfelle négative. .
. Z, une particuliere affirmative. .
‘ rO, une particuliere négative.
Voici donc les axiomes qu’on peut regarder comme ;
la bafeffur laquelle font appuyées toutes les regies ;
générales des fyliogifmes.
il0.'Les propofitions particulières font enfermées;
• -dans les générales de même nature, I dans A , 6c. O j
dans E. Onpourroit dans la rigueur des termes, con- j
, teftér la vérité de cet axiome. On né peut'pas dire ,1
par exemple, dans toute la précifioriphilofophique,:
que quelque homme eft raifonnablé, que quelque,
cercle eft rond, parce qu’en le difant ,• on fémble ref-j
iraindrç | | rationalité à' certains hommes, ôt.l’ex-i
dure des autres, de même qu’on paroit reftraindre
la rondeur à quelques cercles feulement, avec l’ex-
clufion des autres. Quoi qu’il en foit, il eft certain,
que ce qui convient aux fujets pris dans toute leur
univerfalité, convient auffi à tous les individus ou inférieurs
de ces fujets : ce qui fuffit par rapport aux
regies des fyliogifmes.
2°. L’univerlalité ou la particularité d’une propofition
dépend de l’univerlalité ou de la particularité
du fujet : donc le fujet d’une propofition univerfelle
eft univerfel, 6c le fujet d’une propofition particuliere
eft particulier.
3°. L’attribut eft toujours particulier quand la pro=
pofition eft affirmative, parce que l’affirmation ne
regarde jamais qu’une partie de l’attribut. En difant,
tout homme vit, je ne parle point de toute forte de
vie.4
°. L’attribut d’une propofition négative eft toujours
univerfel, à caufe que ce fujet eft féparé de
l’attribut pris dans toute l’étendue dont il eft capable.
Un certain homme n eft point blanc ; il s’agit ici de
toute forte de blancheur.
De-là on déduit les conféquences fuivantes : toute
propofition univerfelle négative a fes deux termes
pris univerfellement, & cette propriété ne convient
qu’à ces fortes de propofitions feules.
Toute propofition particuliere affirmative a fes
deux termes pris particulièrement, 6c il n’y a que
ces fortes de propofitions qui aient cette propriété.
Toute propofition univerfelle affirmative ou particuliere
négative n’a qu’un terme univerfel.
Une propofition affirmative qui a un terme univerfel
, eft univerfelle.
- Une propofition négative qui n’a qu’un terme univerfel
, eft particuliere.
D e ces axiomes nous déduifons des regies ,
par le fecours defquelles nous déterminons fi la conclufion
du JyllogiJme eft légitimement tirée des prémiffes
; & ces mêmes regies nous enfeignent ce qu’il
faut obferver dans la conftru&ion du fyllogifme ; les
voici :
i° . Dans tout fyllogifme il y a trois termes, 6c il
n’y en peut avoir que trois, chacun defquels eft employé
deux fois, 6c pas davantage, de maniéré que
nous ayons pourtant fix termes en trois propofitions.
2°, Le moyen terme doit être pris, au moins une
fois, univerfellement ; car s’il fe prend particulierer
ment dans la majeure 6c dans la mineure, il pourra
arriver que dans ces deux propofitions -, ce qu’on
prend pour le terme moyen, exprimera des idées
différentes, 6c alors il n’y aura point d’idée moyenne.
Ainfi dans cet argument, quelque homme ejl faint :
quelque homme eft voleur : donc quelque voleur eft faint,
le mot d'homme étant pris pour diverfes parties des
hommes, ne peut unir voleur avec faint, parce que
■ ce n’eft pas le même homme qui eft faint 6c qui eft
voleur. Pour déterminer donc fi un argument eft en
forme, il faut examiner d’abord s’il n’a pas quatre
termes, c’eft-à-dire, fi les termes majeur & mineiir
ont le même fens dans les prémiffes que dans la conclufion
, 6c fi c’eft la même idée qu’on emploie dans
chaque prémiffe, Comme idée moyenne.
3®. Les termes de la conclufion ne doivent pas y
avoir plus d’étendue que dans les prémiffes. La rài-
vfon eft qn’on ne peut rien conclure du particulier au
- général ; car de ce que quelque homme eft eftima-
! ble, on n’en doit pas conclure que tous les homnlfes
- m foient.
• De-là on déduit les confeqiiéncés fuivantes : i°.il
. doit toujours y avoir dans les prémiffes un terme
.univerfel de plus que dans la conclufion; car tout
terme qui eft général dans la conclufion , le doit etre
• auffi dans les prémiffes ; d’ailleurs le moyen terme
doit être pris du moins une fois univerfellement^
2°. lorfque la conclufion eft négative, il faut nécef-
fairement que le grand terme foit pris généralement
dans la majeure ; car comme il eft l’attribut de la conclufion
, & que tout attribut de conclufion négative
’eft toujours univerfel, s’il n’avoit pas la même étendue
dans la majeure, il s’ènfuivroit qu’il feroit pris
plus univerfellement dans la conclufion que’dansles
prémiffes : ce qui eft contraire à la troifieme regie ;
3°. la majeure d’un argument dont la conclufion eft
négative, ne peut jamais être une particuliere affirmative
; car le fujet 6c l’attribut d’une propofition
affirmative font tous deux pris particulièrement
comme nous l’avous vu, & ainfi le grand terme n’y
feroit pris que particulièrement ; 4°. le petit terme
eft toujours dans la conclufion, comme dans les prémiffes;
là ràifon en eft bien claire ; car quand le petit
terme de la conclufion eft univerfel dans la mineure,
tout ce qui en eft prouvé, ne doit pas plutôt être rapporté
à une de fes parties qu’à l’autre ; d’où il s’enfuit
qu’étant le fujet de la conclufion auquel fe rapporte
l’affirmation ou la négation, il fera auffi univerfel
dans la cohclufion, & communiquera à celle-ci fon
univerfalité.
40. On ne peut rien conclure de deux propofitions
négatives. Le moyen eft féparé dans les prémiffes,
du grand 6c du petit terme ; or de ce que deux cho-
fes font féparées de la même chofe, il ne s’enfuit ni
qu’elles fo jent, ni qii’elles ne foient pas la même
chofe. De ce que les Efpagnols ne font pas turcs, 6c ;
de ce que les Turcs ne font pas chrétiens, il ne s’en- i
fuit pas que les Efpagnols ne foient pas chrétiens , ;
non plus que les Chinois le foient, quoiqu’ils ne ;
foient pas plus turcs que les Efpagnols.
5 °. On ne fauroit déduire une conclufion négative i
‘de deux propofitions affirmatives. Comment deux j
termes pourroient-ils être féparés, parce qu’ils font j
Unis l’un & l’autre avec un même moyen ?
6°. La conclufion fuit toujours la plus foible par- S
tie. La partie la plus foible, dans la qualité eft la négation,
& dans là quantité ; c’eft la particularité ; de i
Torte que le fens de cette regie .eft, que s’il y a une j
des deux propofitions qui foit négative, la .conclufion
doit l’être auffi, comme elle doit être particuliere
, fi une des deux prémiffes l’eft. Le moyen, s’il I
eft féparé d’un des deux termes, ne fauroit jamais !
démontrer que la conclufion eft affirmative , c’ë'ft-'à-
dire , què le's termes de cette conclufion font joints i
enfemble ; c’eft pbùrqiioi une pareille conclufion ne
fauroit fubfiftér ave'c une des prémiffes qui feroit négative.
, Nous prouvons auffi que la éonclufion eft particuliere
, fi l’une des préùiiffes eft telle. Les prémiffes
font toutes deux affirmativesR ou l’une d’elîës^éft rië-
gative ; dans le premier cas, comme une des pré- j
miffes eft particuliere, nous aurons au-moins trois j
termes particuliers parmi les quatre termes deS prémiffes,
favoir le fujet & l’attribut de la propofition
particulière^ 6c le prédicat de l’univerfelle, 6c il n’y
aura au plus qu’un de ces termes, lavoir le fujet de
nitiiveffelle, qui fera univerfel ; mais le moyen eft 1
pris au-moins une fois univerfellement : donc les deux
termes de la conclufion feront pris particulièrement ; j
<îe qui la rend elle-même particuliere.
Dans le fécond cas , à caufe d’une propofition par- i
^îiculiere, il n’y a dans les. prémiffes que deux termes \
pris univèrfellement , favoir le fujet de la propofition :
univerfelle & l’attribut de la négative;‘mais le moyen ;
eft pris une fois univerfellement : donc il n’y a qu’un j
•feul terme univerfel dans la conclufion, laquelle eft
m'égatrve , & -par cela même particuliere, comme ;
nous l’avons démontré ci-deffus.
.7 • De deux -propofitions particulières il ne s’en- ■
fuit rfon -; fi elles; font l’une 6c l ’autre affirmatives , j
tous les termes feront particuliers i '6c le moyenne 1
Tojne X V t
fera pas pris univerfellement une feule fois : donc la
conclufion ne fauroit être jufte. Si les deux prémiffes
font négatives, on n’en peut auffi rien conclure ; mais
f il une eft négative & l’autre affirmative, elles n’ont
qu un feul terme univerfel; mais ce terme eft le ter.
me m oyen, & les deux termes de là conclufion font
particuliers : ce qui ne fauroit être, à caufe que lu
conclufioM eft négative.
^esfyliogifmes font ou fimples bu conjonétifs.
Les fimples font ceux où le moyen n’eft joint à la
■ rS/^U ^ B ^es termes de la conclufion ; les conjonctifs
font ceux où il eft joint à tous les deux.
L ts fyliogifmes fimples font encore de deux fortes î
les uns, où chaque terme eft joint tout entier avec
le m oyen, favoir avec l ’attribut tout entier dans la
majeure, & avec le fujet tout entier dans la mineure :
les autres ou la conclufion étant complexe, c’eft-à-
dire compofee de termes complexes, on ne prend
qu’une partie du fujet ou une partie de l’attribut pour
joindre avec le moyen dans l’une des propofitions ,
6c on prend tout le refte qui n’eft plus qu’un feul terme,
pour joindre avec le moyen dans l’autre propofition,
comme dans cet argument :
La loi divine oblige d’honorer les rois i
Louis X V . eft roi :
Donc la loi divine oblige d?honorer Louis X V .
Nous appellerons les premiers des fyliogifmes in-
complexés , 6c les autres des fyliogifmes complexes,
non que tous ceux où il y a des propofitions complexes
, foient de ce dernier genre, mais parce qu’il
n’y en a point de ce dernier genre, où il n’y ait des
propofitions complexes.
Il h y a point de difficulté fur les fyliogifmes incom-
• pjexes ; pour en connoitre la bonté ou le défaut I il
n eft queftion que de les plier aux réglés générales
que nous venons de rapporter. Mais il n’en eft pas
tout-à-fait de meme des fyliogifmes complexes ; ce
qui les rend obfcurs & embarraffans , c’eft que lés
termes de là conclufion qui font complexes, ne foiit
Pas P™? entiers dans chacune des prémiffes ,
■ pour être joints avec le moyen, mais feulement Une
partie de l’un des termes, comme en cet exemple:
Le foleil eft une chofe infenfble :
Les Perfe$ adoraient le foleil :
Donc les Perfes adoraient une chofe infenfble.
ou l’on voit que la conclufioh àyant pour attribut,'
àdoroierit une chofe infenf ble , 'on n’eh met qu’une
partie dans la majeure , lavoir une cliofe îhfehfble, 6c
àdoroient dans là mineure.
On peut réduire cés fortes dèfyliogifmes aux fylto-
gifrnès incomplexes,, pour en juger par lés mêmes réglés.
Prenons pour exemple ce fyllogifme que nous
avons déjà cité.
La loi divine commande d'honorer les fois :
Louis XV. eft roi : :
Donc la loi divine commande d'honorer Louis X V .
Le terme de roi, qui eft Te moyen dans ceJyilo'gi’f -
mef ri’eft point attribut dans cêtfe propofitidfi : 'lalbi
divine^ commande d'honorer les rois, quoiqu’il foit joiiit
à l’attribut commande, ce cjtii eft bien différent ; câr
Ce qui eft véritablement attribut, eft affirmé & convient
: or roi n’eft point affirmé, 6c ne convient point
a la loi de Dieu. Si l’on dèmande ce qu’il èft donc ,
il eft facile de répondre, qu’il eft fujet d’uné autre
propofition envelopée dàns celle-là. Car quand je
dis que la loi divine commande d’honorer les rois ,
comme j’àttribiie à la loi de commander, j’affribüe
àuffi l’honneur àux rois. Car c’eft comme fi je difoi's,
la loi divine commande que les rois foient honorési Àinn
ces propofitions étant ainfi dcvélopées , il eft clair
que 'tout rùfgùmèht côiififte clàns ces propofitions,'