la force du tuyau capillaire, augmentée parla vîfco-
fité qu’elle a acquife par la cuite du fucre, par l’évaporation
de l’eau l'urabondante. Pour iéparer cette
melaffe, il faut lui rendre affez de fluidité pour qu’elle
puifl'e s’écouler'à-travers la maffe du fucre, comme
à-travers un filtre, & s’égoutter par le fommet du cône
renverfé, dans lequél le /titre s’eft cryftallifé. Ce
fommet éft percé à cet effet, Sc fon ouverture eft placée
fur un vafe deftiné.à.recevoir la melaffe. L’eau
verfée fur la bafe du pain de fucre renverfé, entraînera
la melaffe en fe filtrant entre les pores du fucre.
Mais quoique le fucre foit beaucoup moins foluble
que la melaffe, cependant fi cette eaupaffoitentrop
grande quantité, 6c trop rapidement entre tous ces
cryftaux, elle ne pourroit manquer d’en diffoudre
aufli la plus grande partie, 6c de l’entraîner pêle-mêle
avec la melaffe. Pour ne donner à la melaffe que
la quantité précife d’eau néceffaire pour la rendre
plus fluide, & pour l’entraîner fans attaquer le fucre,
au lieu de verfer de l’eau fur la bafe du pain t e fucre,
on y verfe de l’argile détrempée 6c délayée à con-
flflance de bouillie. Cette bouillie contient beaucoup
plus d’eau que l’argile n’en peut foutenir ; elle la
laiffe donc, échapper, mais en petite quantité , avec
lenteur. La melaffe fupérieure humeftée preffe l’inférieure
par fon poids, celle-ci commencé à s’égoutter
, avant même que l’eau foit parvenue jufqu’à elle,
de nouvelle eau s’échappe de l’argile, 6c continue à
laver le filtre en entraînant le relie de la melaffe. A
mefure que l’eau à perdu plus de fa force par le chemin
qu’elle a parcouru, 6c que l’argile en laiffe
moins échapper, la forme conique du vafe laraffem-
ble en plus grande quantité, à-proportion de la melaffe
quife trouve dans les tranches inférieures du cône
renverfé. La melaffe la moins fluide a paffé dès le
commencement, preffée parla chûte de la melaffe
des tranches fupérieures ; celle-ci plus fluide s’écoule
toute feule, 6c il n’en relie qu’une très-petite
quantité au fommet du cône:, où la force du tuyau
capillaire la retient. Aufli le fommet du pain de fücre
eft-il moins beau que le fucre pris à deux ou trois
doigts de diftance. On voit par ce détail que la forme
conique des pains de fucre n’eft rien moins qu’indifférente
pour l’écoulement de la melaffe. La bouillie
d’argile a encore'un autre ufage que de donner de
l’eau à la melaffe, c’eft de former une croûte qui
conferve fon humidité 6c empêche l’évaporation de
l’eau qui traverfe le pain de fucre. On fent bien que
la bouillie plus ou moins délayée, 6c formant une
couche pliis ou moins épaiffe, détermine la quantité
d’eau qui doit paffer dans le pain de fucre ; & que le
tâtonnement feul peut enfeigner le point précis qu’il
faut obferver là-deffus, 6c qui doit varier fuivant le
degré de cuite du fucre y la forme 6c la hauteur du
moule, la nature de l’argile qu’on emploie, &c. malgré
l’inégale folubilité du fucre 6c de la melaffe, l’eau
entraîne un peu de fucre avec la melaffe, 6c il reQe
aufli dans le fucre un peu de melaffe. Aufli recuit-on
la melaffe pour en retirer encore le fucre, 6c le fucre
pour achever de le raffiner de plus en plus. Celui qui
n’a été raffiné qu’une fois s’appelle caffonade ou fucre
terré; on le repaffe encore plufieurs fois pour en faire le
fucre royal. On voit que la melaffe joue précifement
le meme rôle dans le raffinage du fucre, que l’eau
mere dans la purification du nitre. Je ne fais pourquoi
M. R. donne à cette melaffe le nom de matière
grajfe, ni pourquoi il imagine que l’argile dégraiffe
le fucre, par la propriété qu’elle a de s’unir aux huiles.
L’argile n’eft appliquée qu’extérieurement au fu cre
déjà cryftallifé, & fi on en mêloit avec le fucre
dans la cuite, il feroit très-difficile, vu l’extrême di-
vifion dont elle eft fufceptible 6c la vifcofité du firop,
de l’en féparer.
SUCRE DES A r a b e s , (Matière .médic, des Arabes.}
les Arabes ont fait mention de trois efpeces de fucre
qui font le facchar arundineum , c’eft-à-dire le fucre de
rofeau ou de cannes ; le tabaxir 6c le facchar alhujfer
ou alhuffar.
On prétend que le facchar arundineum d’Avicen-
nes coule des cannes, & fe trouve deffus fous la
forme de fel. Il ne peut être différent du fucre des anciens
, qui découloit de la canne à fucre ; on lui don-
noit encore le nom de tabarçed, parce qu’on le trou»,
voit tout blanc.
2°. Le tabaxir du même Avicenne, femble n’être
autre chofe que le facchar mambu des Indes, ou le
fucre naturel $es anciens qui venoit du rofeau en arbre.
Ce rofeau qui leur étoit également connu, eft
Varundo mambu. Pifon Mant. Aromat. 185, àrundo
arbor , in qud humor lacteus gignilur,qui tabaxir Avi-
cennoe , & Arabicus dicitur, C. B. P. 18. IH , Hortî
Malab. 1. 16.
Ses racines font genouillées 6c fibrées ; il en fort
des tiges fort hautes, cylindriques, dont l’écorce eft
verte, & dont les noeuds font durs ; ces racines font
compofées de filamens ligneux, blanchâtres 6c fépa-
rées aux noeuds par des cloifons ligneufes : de ces
noeuds fortent de nouvellies branches & des rejet-
tons , creux en-dedans, garnis aufli de noeuds, armés*
d’une, de deux ou d’un plus grand nombre d’épines,
oblongues 6c roides ; les tiges s’élèvent à la hauteur
de dix ou quinze piés, avant que de donner des rameaux.
Lorfqu’elies font tendres 6c nouvelles, elles font
d’un verd-brun, prefque folides, remplies d’une
moelle légère, fpongieufe 6c liquide, que le peuple
fuce avec avidité, à caufe de fon goût agréable.
Lorfqu’elies font vieilles , elles font d’un blanc jaunâtre
, luifantes, creufes en-dedans, 6c enduites
d’une efpece de chaux : car la fubftance , la couleur,
le goût 6c l’efficacité de la liqueur qu’elles contiennent
fe changent, & cette liqueur fort peu-à-peu;
elle fe coagule fouvent près des noeuds par l’ardeur
du foleil, & acquiert la dureté de la pierre ponce :
mais elle perd bientôt cette douceur, 6c devient d’un
goût un peu allongent,. femblable à celui de l’ivoire
brûlé : c’eft cette liqueur que les habitans du pays appellent
facchar-mambu, 6c que Garcias 6c Acofta nomment
tabaxir'. Ce fuc eft d’autant meilleur, qu’il eft
plus léger 6c plus blanc ; mais il eft d’autant plus
mauvais, qu’il eft plus inégal 6c de couleur cendrée.
Les feuilles fortent des noeuds, portées fur des
queues très-courtes; elles font vertes, longues d’un
empan, larges d’un doigt près de la queue, plus
étroites vers la|pointe, cannelées 6c rudes à leurs
bords.
Les fleurs font dans des épies écailleux, fembla-
bles à celles du froment, plus petites cependant, po-
fées en grand nombre fur les petits noeuds des tiges ;
elles font à étamines, 6c pendantes à des filamens
très-menus.
On trouve quelques-uns de ces rofeaux fi grands
,6c fi folides, que félon Pifon', on en fait des canaux
en les coupant par le milieu, 6c on laiffe deux noeuds
à chaque extrémité.
Les Indiens eftiment beaucoup les nouveaux re-
jettons, qui font fort fucculens 6c de bon goût, parce
qu’ils fervent de bafe à la compofition qu’ils nomment
achar, 6c qui fait leurs délices.
£ Quoique ces rofeaux foient remplis dans le commencement
d’une liqueur agréable, cependant on ne
la trouve pas dans tous les rofeaux, ni dans toutes
fortes de terres ; mais elle eft plus oit moins abondante
, félon la force du foleil & la nature du terroir. Or
quoique le prix de ce fucre varie félon la fertilité de
! l’annee, cependant Pifon rapporte qu’on le vend
toujours dans l’Arabie au poids de l’argent ; ce qui en
fait la chereté, c’eft que les médecins des Indiens 9
des Arabéê y dès Maures * des Pet fes & dès Turè§,
le regardent comme fôuvérain dans les'inâamtha*
lions internes ,-les dyffenteries bilieufes, les ftrangu-
ries 6c les gonorrhées.
Les anciens éonrioiffpient cette efpece de fucre,
qu’il ne faut pas confondre avec celui que les modernes
tirent par art de’s can'rîes à fucre-. Les Perfes, les
Arabes l’appellent encore tabaxir, mot que les nouveaux
grecs 6c latins qui ont interprété les Arabes,
ont rendu par Celui de cendre ou te fpode . Mais il faut
obferver que lé fpode des Arabes eft bien différent
de celui des anciens grées-; car çéux-ci ont entendu
par ce mot la cendre du cuivre, & les Arabes entendent
par le même mot de fpode , le facchar mambu, ou même lëjïtcre commun,
30. Pour ce qui regarde le facchdr alhujfer on alkaf-
fer ou alhujfdites Arabes; nous n’en pouvons parler
que par conjeftures, car tantôt ils lui ont donné le
nom dé mamie, & tantôt celui t e fucre, ne fachant
eux-mêmes à quelle efpece ils le dévoient rapporter.
Avicenne diftingue le {ucchar alhuffar du fucre
que l’on tire des rofeaux*
Le zuechar alhuffar eft, dit-il, Une manne qui toril*
be fur l’alhuffar, & il reffemble aux grains de fel : il
a quelque falure & quelque amertume, 6c il eft un
peu déterfif & refolutif. Il y en a de deux fortes ,
l’un eft blanc, & l’autre tire fur le noir : il appelle le
blanc iamenïim, & le noir agïftum ; il eft utile * félon
lui, pour les poumons,-' l’hydropifie anafarque, en
le mêlant avec du lait de chameau ; il eft encore bon
pour le foie, les reins, & la Veflie ; il n’excite pas la
foif, comme les autres efpeces t e fucre, parce que fa
douceur n’efbpas grande.
Quoique Avicenne appelle ce fucre, manne qui
tombe du cid , peut-être parce qu’il eft formé en petits
grains qui reffemblent à de la manne, cependant
il ne vient point*du-tout de la rofée , mais il découle
d’une plante appellée alhuffar, de la même maniéré
que les pommes & la manne elle - même, comme
Sérapiqn le reconnoît. L’alhaffer, dit cet auteur, a
des feuilles larges 6c il fort du zucchar des yeux de
fes branches & de fes feuilles ; on le recueille comme
quelque chofe de bon : il a de l’amertume. Cette
plante porte des pommes, d’oîi découle une liqueur
brûlante, ftiptique, 6c très*propre pour faire des
cautères: le bois de l’alhaffer eft p o li, gros , droit,
& beau.
On ne trouve point à-préfent dans nos boutiques
ce fucre nommé alhujfer : cependant il n’eft pas inconnu
en Egypte ni dans l’A rabie, car c’eft une larme
qui découle d’une plante d’Egypte, nommée
btid-el-offar, par P. Alp. de plant, ægyp. 86. Apocy-
num ereclum, incanum , latifolium agyptiacum ,floribus
cioceis, Herman. Par. Bat. Apocynnm agyptiacum,
laclefcehs , Jiliquâ afclepiadis, C. B. P.J04. Beidelfar
alpiei, jzvè apocynnm Jyriacum, J. B. II. 1^6'. Cette
plante vient comme un arbriffeau : elle a plufieurs
tiges droites qui fortent de la racine, & s’élèvent à
la hauteur de deux coudées i fes feuilles font larges,
arrondies, épaiflès, & blanches, d’oîi il découle une
liqueur laiteufe quand on les coupe.
Ses fleurs font jaunes, fafrannées : fes fruits font
pèndans deux -à -d eu x , oblongs, de lagrofleur du
poing, attachés chacun à un pédicule de la longueur
d’un pouce , courbé, épais , dur & cylindrique.
L ecorce extérieure eft membraneufe, verte : l’intérieure
eft jaune, & reffemble à une peau mince paf-
fee en huile, elles font liées enfemble par des filets
femblables aux poils de la pulmonaire..
Tout l’intérieur du fruit eft rempli d’un duvet
blanc, aufli mou que de la foie, & des graines de la
forme de celle de la citrouille, mais moins groffes
n mPÎtié’ P^us aPpiaties, brunes; la pulpe en eft
blanchâtre intérieurement & d’un goût amer. Les
tigéâ & lé§ feuilles font blanéhes, éoiivêïtés de
dnvet^ enfin toute la plante paroit être làupôttdrêâ
d’une farine grofîiere. L’écorce des tiges & la côté
des feuilles j l'ont remplies .de beaucoup de lait ameK
& âcre» Cette plante s'appelle communément en.
Egypte ojfar, & fon irmt bcid-d-ojfar j c’eft-à*dire v
oeuf d'ojjar; Honorius Bellus n’a rien pn-favoir fur lé
fucre que l’on dit qui fe trouve fur cette plante , ou
qui en découle j n’ayant pas pû l’obferver fur les
nouvelles-plantes qu’il a cultivées i il a feulement re-,
marqué que le lait qui découle de la feuille que l’ort
a arrachée4 fe fige avec le tems à la playe* & de»
vient comme une certaine gomme blanche, fent»
blable à la gomme adragant,.fans avoir cependant
de la douceur»
Il eft vraiffemblable que cette larme, .ou cette ef*
pecedeyi/cre découle d’elle-même feulement dans;
les pays chauds. Cette plante croît, félon P. Alpin,;
dans des lieux humides auprès d’Alexandûe,-dans
le bras du N il, appelle Nili- calig, & au Caire près,
de Mathare, qui eft prefque toujours humide & ma*
récageux à caufe du Nil qui y croupit long-tems»
On fe fert, dit P. Alpin, de fes feuilles piiées foit
Crues, foit cuites-dans l’eau, en forme d’empiâtrq
pour les tumeurs froides» On fait avec fon duvet des
lits ou des couffins; on s’en fert aufli à la place d’a-i
madou pour retenir le feu de la pierre à fufil» Toute
cette plante eft remplie d’un -lait très- chaud brûlant
, que plufieurs ramaflênt dans quelques vaiffeaux
pour tanner le cuir & en faire tomber les poils ; car
fi on le laiffe quelque tems dans ce lait, tous les poils
tombent. Ce lait étant defleché, produit des flux dé
ventre dyffentériques qui font mortels. On l’emploie
extérieurement pour diflîper des dartres viv es, &£
autres maladies de la peau. Le tems nous apprendra
peut-être fi la larme qui dédoule d’elle * même, &£
qu’on nomme fucre, a la même acrimonie. ( D. ƒ .)
Sucre an t i-scorbu tique, (Médecine.) prenez
une certaine quantité de fuc de cochléaria, renfer*
mez ce fuc dans un vaiffeau de verre bien fermé,
jufqu’à ce que les feces foient précipitées; décantez
la partie claire & la mettez dans un mortier de mar*
bre avec une quantité fuffifante de fucre, travaillez
le tout enfemble &faires-le fécher doucement ; ver-
fez de-rechef du fuc fur le même fucre, travaillez le
tout de-rechef & le faitès fécher ; réitérez fept fois
la même opération, & gardez le dernier mélange
pour l’ufage»
SUCRE C A N D i, (Hi/l. mod. des Drogues.) xdvéi OU
XavS'tov par Myrepfe, faccharum candum ofjicin. eft un
fucre dur, tranfparent, anguleux, d’où lui eft venu
fon nom. Il y en a de deux fortes, l’un eft femblable
au cry fta l, &Ç s’appelle cryflalin, qui fe fait avec le
fucre rafiné ou terré ; l’autre eft roux & ne devient
jamais clair, il fe fait avec la mofeouade & la caf-
fonnade. Les uns choififfent celui qui eft très*dur,
fec, cryftalin & tranfparent; d’autres préfèrent celui
qui eft rouffâtre, comme étant plus gras, & plus
propre en qualité de remede.
Le fucre candi fe fait mieux avec du fucre terré
qu’avec du fucre rafiné, parce que le premier a plus
de douceur. On fait dilfoudre le fuc qu’on y Veut
employer dans de l’eau de chaux foible, & après
qu’on l’a clarifié, écumé & paffé au drap, & qu’il
eft fuffifamment cuit, on en remplit de mauvaifes
formes qu’on a auparavant traverfées de petits bâtons
pour retenir & arrêter le fucre lorfqu’il fe cryftalife.
Ces formes fe fufpendent dans l’étuve déjà chaude,
avec un pot au-deffous pour recevoir le fyrop qui
en fort par l’ouverture d’en -b a s, qu’on bouche à
demi pour qu’il filtre plus doucement. Quand les
formes font pleines, on ferme l’étuve & on lui donne
un feu très-vif: alors le fucre s’attache aux bâtons
dont les formes font traverfées j 6c y telle en petits