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Soies d'Italie. "Les foies qu’on tire d’Italie, font en
partie travaillées , 6c en partie crues fans etre travaillées.
Milan, Parme, Luques 6c Modène n’en
foumiffent que de la derniere efpece : Gènes beaucoup
de la première; Boulogne fournit des deux
fortes,.. , •
' L es foies dCEfpagne font toutes crues ; & on les
file & on les mouline, &c, en Angleterre, à proportion
des ouvrages auxquels on les deftine.
Les foies de Turquie font toutes crues : nous trouvons
dans le commerce des foies du Levant un avantage
qui manque dans celles de Sicile ; c’eft que les
dernieres ne peuvent venir que dans une faifon particulière
de l’année ; au lieu que les premières peuvent
être amenées en toutes faifons. On les tire
d’Alep, de Tripoli, de Sayde, de l’île de Chypre,
de Candie, &c. Mais la principale ville de commerce,
particulièrement pour les foies de Perfe, eft Smyrne.
Les foies y arrivent en caravanes, depuis le mois de
Janvier jufqu’ à celui de Septembre : les caravanes
de Janvier -lont chargées des plus fines foies ; celles
de Février 6c de Mars les apportent toutes indifféremment
;& celles des autres mois ne fe chargent
que des plus groflieres.
Elles viennent toutes des différentes provinces de
Perfe , principalement de celles de Quilan 6c Schi-
revan, 6t de la ville de Schamachia , qui font iituées
près des bords de la mer Cafpienne : un auteur, hol-
landois prétend que ces trois places ne fourniffent pas
moins de .30000 balles de foie par an. Ardeuil ou Ar-
d ebil, autre ville de Perle qui n’eft pas éloignée des
pays où 011 fait la foie, eft le lieu où on la dépofe ,
• & d’oùles caravànnes prennent le chemin de Smyrne,
d’Alep & de Conftantinople : 6c cette ville 6c
■ celle de Schamachie ont toujours été regardées comme
le centre du commerce.de la foie, quoiqu’on ait
tâché plufieurs fois de l’éloigner de Smirne 6c de la
Méditerrannée , en faveur de l’Archangel 6c de la
mer Blanche, en les tranfportant à-travers la Mofco-
-vie par le Volga 6c la Doiiine, qui font deux fleuves
qui traverfent les principales provinces de ce
-vaffe empire.
Ce nouveau cours des foies de Perfe en Europe fut
d’abord propofé par Paul Centurien, génois, au
czar Bafile , fous le pontificat dé Léon X . Les Fran-
_çois eurent le même deffein en 1626. Le duc d’Holf-
tein envoya en 1633 des ambaffadeurs à la cour de
Perfe précil'ément dans le même deffein; & en 1668,
.le czar Alexis Michel fit lui-même cette entrepri-
-fe ; mais il en fut détourné par la révolte des Cofa-
■ ques 6c par*la prife d’Aftracan.
En 1668, le commerce des foies de Perfe fut un
.peu détourné de Smyrne à caufe d’un tremblement
de terre qui bouleverfa toute la ville ; 6c fans doute
cette tranflation de commerce fe feroit faite, fans les
puifl'ans moyens que les Turcs mirent en oeuvre pour
-l’empêcher. Quoi qu’il en foit, Smyrne eft toujours
demeurée dans fon ancienne poffelfion ; 6c les différentes
nations de l’Europe continuent toujours d’y
•envoyer leurs flottes., 6c d’en tranfporter les foies:
6c les chofes relieront fans doute dans cet état, à
.moins que les conquêtes que le dernier czar a faites
le long de la mer Cafpienne, ne mettent les fuccef-
-feurs en état d’exécuter ce. grand projet que lui-même
a eu. certainement en vue.
Soies de la Chine & du Japon. Différentes provinces
de la Chine font fi abondantes en meuriers , 6c
d ’un climat fi favorable aux vers k foie , qu’on nefau-
-roit concevoir combien elles produifeat de foie ; la
feule province deTchekiam pourroit fuffire à en
fournir toute la Chine, 6c même une grande partie
de l’Europe. Les foies de cette province font les plus
eftimées, quoique celles de Nanquin 6c de Canton
iôient excellentes.
Le trafic des foies eft le principal commerce de la
Chine , 6c celui qui occupe le plus de monde. Mais
les marchands européens qui y trafiquent, furtout
en foies travaillées, doivent bien prendre garde au
filage, &c. parce que ces foies font fujettes à avoir
beaucoup de dechet, comme la compagnie françoife
des Indes orientales l’a éprouvé depuis peu à les dépens.
Le Japon ne fourniroit pas moins de foie que la
Chine, fi les Japonois , qui font un peuple barbare
6c foupçonneux, n’avoient interdit tout commerce
avec les étrangers, furtout avec les Européens , excepté
la Hollande, qui y eft reçue dans des termes
impies, que Tavernier rapporte, mais que nous ne
pouvons pas croire. Auffi les Hollandois fe font efforcés
de fedifoulperpar la plume de plufieurs écrivains
fameux.
Les foies des états du grand-mogol viennent toutes
de Kafem-Bazar, ville fituée dans le milieu des
terres , d’où elles font tranfportées par un canal de
quinze lieues dans le Gange , d’où elles font encore
tranfportées à quinze autres lieues plus avant jufqu’à
P embouchure de la fameufe riviere de l’Indoftan. La
foie de Kafem-Bazar eft jaunâtre, comme font auflî
celles de Perfe 6c de Sicile ; il n’y en a point, du
moins que nous connoiflions, qui foit naturellement
blanche , fi on en excepte celle de Paleftine. Quoi
qu’il en foit, les Indiens la blanchiffent avec une
leffive faite des cendres d’un arbre qu’on appelle le
figuier d'Adam. Mais comme cet arbre eft fort rare ,
les Européens font forcés de prendre la plus grande
partie de leurs foies dans leur couleur naturelle qui
eft jaune.
On prétend que Kafem-Bazar feule produit tous
les ans 22000 balles de foie du poids de 100 livres
chaque balle. Les Hollandois en achètent la plus grande
partie ; mais ils ne l’apportent point en Europe,
non plus que celles du Japon ; mais ils la donnent en
échange d’autres riches marchandifes , comme particulièrement
des lingots d’argent, &c.
Tirage de foie. Première opération de cette matière
importante. Pour tirer la foie on s’eft attaché à la méthode
des Piémontois, par la réputation qu’ils fe lont
acquis défaire mieux que les autres nations ; on a
même jugé à propos de donner une idée des différentes
qualités des cocons qui font produits par le
v e r , avant que de détailler les parties dont le chevalet
eft compofé.
Lorfque les cocons font tirés des bruyères où on
fait monter les vers, il faut féparer les bons d’avec
les mauvais, c’eft-à-dire ceux qu’on appelle chiques,
6c en Piémont chochetti, qui font tachés , ou dont
le ver eft mort ou fondu. ( Article 3 . du réglement de
Piémont pour la filature des cocons, du 8 Avril 1724).
On doit encore féparer dans les bons les cocons fins
d’avec ceux qui font doubles, c’eft-à-dire les cocons
formés par deux vers enfémble , parce que les derniers
ne peuvent produire qu’une foie très-grofliere;
enfin dans les cocons fins , 011 doit encore féparer
les cocons fatinés ou veloutés de ceux qui ne le font
pas. Ces différentes qualités de cocons doivent être
tirées féparément ; il eft à obferver que les cocons
fatinés ou veloutés demandent un degré de chaleur
plus tempéré à l’eau de la bafline , que ceux qui font
fins ; les différentes opérations démontrent la nécef-
fité de tirer les cocons féparément , parce que ce
mélange de cocons fe trouvant réuni , ne peut que
cauferune imperfection dans la matière qui en eft
tirée.
Lorfque les cocons font triés pu, fép.arés , il faut
avoir foin de les paffer au four lorfqu’il eft un peu
chaud, ou les expofer à la chaleur vive du foleil afin
de faire mourir le ver qui y eft renfermé, fans qucfi
au bout de j 8 ou 20 jours, le vex changé en papillon
«erceroft le cocon, qui par-là fe trouveront hors d’é*
tat de fournir la foie au tirage, attendu que le trou
auroit coupé tous les brins qui le compofent. Les cocons
qui ne font pas paffés au four fervent , à fournir
les papillons qui font la graine dont fe tire le ver. Les
cocons;ronds produifent des papillons mâles-, 6c
ceux qui font pointus des papillons femelles. Cela
fait, on a deux machines, l’une eft un fourneau avec
fa chaudière , l’autre eft un dévidoir. L’ouvrier eft
affis près du fourneau , jette dans la chaudière pleine
d’eau qui eft fur le feu, qu’il a déjà fait chauffer 6c
même bouillir, l’entretenant enfuite à un certain degré
que l’expérience feule peut déterminer, une poignée
ou deux de cocons qui ont été bien nettoyés de
la fubftance.grofliere qui les environnoit ; enlùite il
remue le tout fort vite avec des brins de bouleau liés
enfemble, 6ç coupés comme une broffe. Quand la
chaleur 6c l’agitation ont démêlé les bouts de Joie des
cocons , ils prennent aux brins du bouleau , 6c l’ouvrier
les fort dèhors en tortillant à la fois 9 , 10 , 12 ,
1 5 , iô bputs de foie ; il en forme un fil qu’il porte fur
le dévidoir qu’on a repréfenté dans nos Planches.
La fig. A repréfente la fille, qui tire la foie, 6c qui
conduit les opérations du tirage. La fig. B celle qui
tourne l’hafple ou le dévidoir lur lequelfe forment les
écheveaux. La fig. C repréfente les quatre piés qui
foutiennent le chaflîs ou quarré long de 4 piés environ
fur environ :deux piés 6c demi dans le haut, 6c
2 piés du côté de la tireufe de foie. La fig. E, repréfente
les quatre piliers, que les Piémontois nomment
famine 9 dont deux foutiennent l’hafple ou dévidoir,
6c les deux autres l’épée ou va-&-vient. Les piliers
qui foutiennent l’hafpie doivent être éloignés de ceux
qui foutiennent le va-&-vient de 2 piés liprandi,
ou 3 8 pouces de notre mefure ( mefure de Piémont,
qui contient 12 onces, qui font 18 pouces de notre
mefure ) , afin que la diftance de l ’halple à la bafline
puiffe conduire le fil plus fec 6c mieux conditionné
fur l’hafple. ( Art. C. du réglement de Piémont, du 8
Avril 1.724. ) La fig. F repréfente .l’hafple ou dévidoir
fur lequel la Joie eft: formée en écheveau. La
fig. G reprefente lamanivélle du dévidoir. La fig. H
l’arbre du dévidoir, au bout duquel 6c en-dedans du
pilier eft un pignon de bois / , compofé de 22 dents ,
qui engrene à une roue taillée . comme une roue de
champ, appellée campana en langage piémontois,
marquée K , attachée à une piece de bois arrondie ,
marquée L , au bout de laquelle eft une autre roue de
champ , marquée M , de 22 dents, qui engrene à un
autre pignon, marqué M, compofé de 3 5 dents , fur
lequel eft un excentrique, marqué O , qui entre par
une pointe recoudée en équerre dans-un trou qui eft
à l’extrémité du va-&-vient, marqué P , qui de l’autre
côté entre dans une couliffe, où il a la liberté
d’aller 6c venir fur une même ligne. La fig. Q repréfente
deux fils de fer recourbés.en anneaux ouverts,
que l’on appelle griffes, .dans lefquels la Joie eft paffée
d ’une part 6c de l’autre à une lame de fer percée,
marquée R , 6c adhérente à la bafline ou chaudière,
marquée S , dans l’eau de laquelle font les cocons ,
qui eft pofëe fur un fourneau marqué T.
La fiëure marquée V , repréfente les fils compofés
de plufieurs brins de cocons croifés Çart. 4. du reglement
de Piémont) , dans la partie marquée Y , entre
la lame & les griffes, pour former l’écheveau marqué
Z . Us fig. a repréfente un petit balai avec lequel on
touette les cocons b , lorlqu’ils commencent à être
chauds , afin de trouver le brin de chaque, cocon ;
ce quon appelle en termes de l’a r t , faire la battue.
, JlS- f repréfente le plan de la première ; la fig.
3 . la partie du chevalet 6c de l’hafple en face , 6c la
Jig. 4. le devant du même chevalet en face ; la fig. S.
repréfente le pignon de 3 5 dents , auquel eft joint
i excentrique marqué .5. repréfente une manne
pleine de cocons,
Ces tours ôli chevalets dont on fe fert én France
ne font point compofés comme ceux de Piémont,
quant au mouvement; ceux de France n’ont ni roue,
ni pignons pour conduire le va-&-vient, mais feulement
une Corde fans fin, laquelle paffant dans une ca-.
vité de l’arbre de l’hafple dans l’endroit où eft le pignon
/ , vient embraffer une poulie cavée placée
dans la partie où fe trouve placé le pignon N , fur
laquelle eft pofé l’excentrique O , 6c au moyen du
mouvement que- la tourneufe donne à l’hafple , i’ex-
tenfion de la corde le donne au va-&-vient.
L'art. i j . du réglement de Piémont défend abfolu-*
ment lufage des chevalets à corde , proibendo onni-■
namente Pujo di cavaletti à corda , fous peine d’amende
; il faut en expliquer la raifon , de même que celle
qui veut qu’on croife les fils comme ils paroiffent par
la fig. Y ; - i r v
Chaque fil de la foie niée eft compofé de plufieurs
brins de cocons ; les fils les plus fins font compofés de
4 & y cocons ; les plus gros de 25 6c 30. Cette façon
de les croifer fert à les unir tellement enfemble, que
tous ces brins réunis ne compofent qu’un, fil, qui par
cette opération acquiert toute la confiftance. nécef-
faire pour l’emploi auquel il eft deftiné ; elle l’arron-
dit'& le déterge de façon, qu’aucun bouchon ou bavure
ne peut paffer à l’écheveau , qualité néceffaire
pour former un parfait organfin ; on croife les fils les
plus fins 18 à 20 fois au moins ( art. 4. du règlement de
Piémont ) , 6c on augmente les croifemens à proportion
de leurs groffeurs.
Outre ces croifemens de fils fur eux-mêmes, il eft
encore une façon de les faire croifer féparément lorf*
qu’ils viennent fur l’hafple pour former des ‘ éche-
veaux , 6c c’eft ici le point fondamental de la perfection
que les Piémontois fe font acquife,& qui eft tellement
connue de toute l’Europe, qu’il n’eft point de
fabriquant dans cette partie du monde, qui ne foit
obligé de convenir que les organfins ( ce font les foies
qui fervent à faire les chaînes ou toiles des étoffes de
foie) , compofés avec la foie du tirage du Piémont,
font les plus beaux &les meilleurs de ceux qui fe font
dans cette partie du monde. Ces croifemens doivent
former une efpece de zig-zag fur le dévidoir , telle^-
ment irrégulier qu’un brin ne puiffe pas fe trouver
fur un autre brin , attendu que la foie qui vient de la
bafline ou chaudière, .qui n’eft qu’une gomme duc*i-yi
le , n’étant pas feche , fe colleroit fur un autre fil if
elle le joignoit dans fa longueur, ce qu’on appelle en
terme de l’art, b'out-baifè ; il eft donc, d’une confé-
quence extraordinaire d’éviter ces baifemens de .fil,
afin de faciliter le dévidage de la foie, 6c empêcher les
caffemens de fils, qui ne peuvent être raccommodés
que par des noeuds, qui dans les étoffes fines , comme
les taffetas unis, ne peuvent paffer dans les peignes
fins où la Joie eft paflëe ; de Façon que s’il.étoit pof-
fible de trouver une chaîne ou toile qui n’en eût aucun
, on feroit sûr de faire une étoffe parfaite.
La méthode des Piémontois pare aux inconvé-
niens qu’on vient de démontrer , qui confiftent dans
la difficulté du devidage de la Joie lorfqu’on veut
la préparer pour organfin ou pour trame ; elle empêche
encore la caufe du vitrage , défaut le plus commun
6c le plus rebelle de tous ceux qu’on éprouve
dans la filature. On en diftingue douze plus ou moins
nuifibles. Le vitrage eft un arrangement vicieux des
fils fur le dévidoir,caufé par le mouvement du va-&-
vient, dont la variation répétée trop fouvent les fait
trouver dans la même place , & les attache ou fait
baifer, de façon que le devidage en eft toujours difi-
ficultueux, 6C le déchet ou diminution delà foietrès-
confidérable. Un habile homme penfe avoir trouvé la
façon de corriger ce défaut ( galette d'Avignon ,
du 2F'Janvier 1749 ) , en fe fervant des chevalets, à
la maniéré de ceux de France ; mais comme.il n’eft;