à beaucoup près fi fâcheux que ceux qui nous font
infpirés par l’artifice & le mauvais carattere d’autrui
; ces derniers nous piquent bien davantage. La
meilleure maniéré de nous tirer du labyrinthe des
foupçons, c’eft de les avouer franchement à la partie
fufpefte : par-là on découvre plus aifément la
vérité, & on rend celui qui eft foupçonné plus cir-
confpeft à l’avenir ; mais il ne faut pas ufer de ce re-
mede avec des âmes baffes. Quand des gens d’un
mauvais cara&ere fe voient une fois foupçonnés, ils
ne font jamais fideles. Les Italiens difent fojpctto li~
cenfia fede, comme fi le foupçon congédioit & chaf-
foit la bonne foi ; mais il devroit plutôt la rappeller
& l ’obliger à fe montrer ouvertement. Enfin il faut
que l ’homme fe conduife de fon mieux, pour ne
pas donner lieu à des foupçons ; & pour le dire en
poëte,
I I faut pour mériter une folide ejlime ,
S'exempter du foupçon aujji-bien que du crime.
HS
OUPE, f. f. ( Cuifine. ) eft une efpece de potage
compofé de pain & de bouillon, ou jus de viande,
& autres matières, que l’on fert ordinairement au
commencement d’un repas.
• Ce mot eft françois, & formé de l’italien \uppa ou
fuppa, qui vient du latin fapa, qui fignifie du vin réduit
au tiers : d’autres le dérivent du mot celtique
fauben, qui a la même lignification.
En France , la foupe eft regardée comme une partie
effentielle d’un dîner. On en rehauffe quelquefois
le goût avec des oignons ou des choux, des navets ,
des porreaux, des coulis, &c.
Soupe de l a it , (Manege.) ce terme de manege
& de commerce de chevaux, fe dit du poil qui tire
fur le blanc.' Trévoux. ( D . J. )
SOUPEAU, f. m. (Agricul.) morceau de bois qui
fert à tenir le foc de la charrue avec l’oreille, & qui
eft pofé en-deflous. (Z). J. )
SOUPENTE de machine, ( Méchanifj. ) pièce de
bois qui, retenue à-plomb par le haut, eft fufpendue
pour foutenir le treuil & la roue d’une machine. T elles
font les foupentes d’une grue retenue parla grande
moife, pour en porter le treuil & la roue à tambour.
Dans les moulins à eau , ces foupentes fe hauffent &
fe baiffent avec des coins & des crans, félon la crue
& décrue des eaux, pour en faire tourner les roues
par le moyen de leurs aüuchons. Daviler. (D . J .)
Soupente , f. f. terme de Bourreliers, ils appellent
foupentes de groffes courroies de plufieurs cuirs cou-
fus enfemble , qui tiennent fufpendus le corps d’un
carroffe, & qui s’alongent ou s’accourciffent fuivant
qu’il en eft befoin, parle moyen de fortes boucles de
cuivre relevées en boffes, que fondent les Fondeurs
en fable ■, & que dorent les Doreurs fur métal. (D. ƒ.)
Soupente , f. f. ( Menuiferie. ) éfpece d’entrefol,
qui fe fait de planches jointes à rainure & languettes
portées fur des chevrons ou foliveaux. On pratique
1 zs foupentes dans les lieux élevés pour avoir plus de
logement. Daviler. (D . J. )
Soupentes , ( Serrurerie, Maçonnerie. ) les Serrurier
& les Maçons appellent de la forte les barres de
fer ou les morceaux de bois qui fervent à foutenir le
feux-manteau d’une cheminée. {D . J .)
SOUPER, en terme de Cuifine , fignifie l’aélion de
prendre le repas du foir.
Souper fe prend encore fubftantivement pour marquer
le repas du foir même, & fouvent ce qui le
compofe.
Souper des Romains, (Antiq. romi) le fouper
des Romains étoit non feulement leur principal repas
, mais c ’étoit fouvent un repas préparé, une af-
îemblée de toute une famille, un rendez-vous de plufieurs
amis. Tout y étoit concerté de maniéré à rendre
les chofes plus commodes & plus agréables à
ceux qui en dévoient être ; l’heure, le lieu, le fervi»
c e , la durée > les.accompagnemens & les fuites. *
Le tems de ce repas étoit ordinairement entre la
neuvième & la dixième heure du jour, fuivant leur
maniéré de compter, & félon la nôtre, entre trois &
quatre heures après midi ; en forte qu’il reftoit du
tems fuftifamment pour la digeftion, pour les amu-
femens, pour les foins domeftiques, & même quelquefois
pour le régal extraordinaire: les écrivains
iont d’accord fur cet article.
Imperat ex'lruclos frangerenona thoros:
c*eft-à-dire, la neuvième heure avertit de fe mettre
à table. Juvenal outrant la déclamation, remarque
comme une infulte faite aux bonnes moeurs, aux lois
& à la juftice, la conduite d’un certain Marius, qui
dans l’exil qu’il avoit mérité par fes concuflions,
prévenoit cette heure.
Exu l ab octavd Marius bibit, 6* fruitur dis
lratis, at tu , viclrix prpvincia, ploras.
Le lieu du fouper étoit anciennement in atrio, c’eft-
à-dire dans une efpece de veftibule expofé aux yeux
de tout le monde. Ils ne rougiffoient point de manger
ainfi, dit Valere Maxime, liv. II. c .j. parce que
leur fobriété & leur modération n’apprehendoient
point la cenfure de leurs concitoyens : nec fané ullas
epulas habebant, quas populi oculis fubjicere erubefce-
rent. Après cela ils y furent obligés par lés lois Æmi-
lia, Antia, Julia, Didia, Orchia, de peur qu’une plus
grande retraite ne donnât lieu à la licence : Impera-
tum efl ut patentibus januis pranfitaretur, & canaren-
tur , dit Macrobe, ne Jingularitas licentiam gigneret,
ajoute Ifidore.
Quelquefois, & fur-tout dans la belle faifon, le
fouper fe donnoit fous un platane, ou fous quelqu’au-
tre arbre touffu; mais en quelque lieu que ce fû t, on
avoit foin de faire étendre en l’air une grande piece
de draperie, qui pût mettre la table & les convives
à couvert de la pouflâere & des autres malpropretés.
Outre les anciens marbres qui en font foi encore
aujourd’hu i, Horace dans la defcription du
repas que Nafidienus donna à Mecenas, n’oublie pas
ce tapis dont la chûte malhéureufe caufa une fi grande
defolatioii.
Interea fufpenfa graves aulcea ruinas
In patinam fecêre, trahentia pulveris atri
Quantum.non aquilo campanis excitât agris.
Mais quand les Romains eurent été'inftruits dans
Parchiteélure, ils voulurent mettre en oeuvre les leçons
qu’ils en avoient reçues. Les difciples, afin d’y
mieux réuffir, dépouillèrent leurs maîtres, & bâtirent
à leurs dépens des fallons exprès, pour recevoir
plus commodément & plus fplendidement ceux
qu’ils vouloient traiter. Alors cette modeûie des premiers
Romains, ces réglemens mêmes tant de fois
renouvellés & multipliés pour la maintenir, furent
bientôt mis en oubli. Les cenfeurs, quoique fécondés
par les plus fages du fénat & du peuple, ne purent
arrêter le torrent ; on écoutoit fans s’émouvoir, les
harangues des uns ,& les menaces des autres.
La république étoit encore dans fa plus grande
fplendeur, lorfqu’il plut à Lucullus d’avoir plufieurs
de ces fuperbes l’allons, à chacun defquels il donna le
nom de quelque divinité, & ces noms étoient pour
fes maîtres d’hôtel, un lignai de la dépenfe qu’il vou-
loit faire à fes repas.
L’empereur Claude avoit entr’autres un fallon,
auquel il avoit donné le nom de Mercure. Mais tout
ce qu’on en avoit vu jufqu’alors, fut effacé par l’éclat
de ce fallon auffi merveilleux que magnifique de Néron,
appelle domus aurea. Celui-ci, par le mouvez
mént circulaire de fes lambris ôc de fes plat-fonds,
imitoit
imitoit les converfions du ciel, & repréfentoit les
diverfes faifons de l’année, qui changeoient à chaque
fervice & faifoient pleuvoir des fleurs & des
effences furies convives. Comme le luxe va toujours
en augmentant, quoique la fortune diminue, Elioga-
bale enchérit encore fur Néron, autant que Néron
avoit enchéri fur Lucullus.
Les buffets étoient chargés de quantité de vafes,
encore plus précieux par la délicateffe du travail,
que par l’o r , l’argent ou la matière rare dont ils
étoient compofés. C’étoient la plupart des fruits de
leurs vi&oires, & des dépouilles des. provinces qu’ils
avoient conquifes , dont la plus grande partie fervoit
plutôt à former unfpeétacle magnifique, qu’à aucun
ufage néceffaire.
La table étoit chez .les premiers Romains de figure
quarree, du bois que leur fourniffoient leurs forêts,
& que leur tailloient leurs propres ouvriers. Quand
ils eurent paffé chez les Africains & chez les Afiati-
ques, ils imitèrent d’abord ces peuples, puis ils les
furpafferent en ce genre-là comme en tout autre. Ils
varièrent la figure de leurs tables; & parce qu’ils ne
les couvroient point encore de nappes, il fallut les
faire au-moins d’une matière qui n’offrît à leurs yeux
rien que de luifant & de beau. Ils y employèrent l’ivoire
, l’écaillé de tortue, la racine du buis, de l’érable,
du citronnier & tout ce que l’Afrique féconde
en Angularités, leur fourniffoit de plus curieux. 1
Non contens de cette recherche, ils les ornèrent de
plaques de cuivre, d’argent & d’o r , & ils y enchâl-
ferent des pierres précieufes en forme de couronne.
La table des pauvres étoit à trois piés; celle des riches
étoit foutenue par un feul. A chaque fervice on
iiettoyoit-les tables avec une éponge mouillée, & à
chaque fois les conviés fe lavoient les mains. On
avoit encore l’ufage de fubftituer au premier fervice
une nouvelle table toute fervie, & ainfi pour tous les
autres jufqu’à la fin du fouper.
La maniéré dont les Romains étoient à table n’a
pas toujours été la même ; mais elle a paru digne de
la curiofité des gens de lettres. Dans les premiers
tems, ils mangeoient fur des bancs à l’exemple des
Lacedemoniens ; enfuite ils adoptèrent l’ufâge des
petits lits de Carthage qui n’étoient pas fort tendres;
enfin ils vinrent à manger fur les lits les plus mollets
les plus voluptueux & les plus magnifiques. Voye{
Lit de ta bl é , Antiq, rom.
Les convives fe rendoient au fouper à la fortie du
bain, avec un habillement qui ne fervoit qu’à cela ,
& qu’ils appelloient^«//ie/£y; efpece de draperie qui
ne tenoit prefque à rien, comme il paroît dans les
marbres, & qui étoit pourtant différente du pallium
des Grecs.
On ne voit point qu’on ôtât les fouliérs aux dames,
ni qu’on leur lavât ou parfumât les pies quand
elles venoient prendre part à la fête; mais rien n’é-
toit plus commun pour les hommes : on avoit raifon
de ne pas expofer à la boue & à la poudre, les étoffes
precieufes dont les lits de table étoient couverts.
On préfentoit de l’eau pour les mains, &
meme pour les piés, à'ceux qui ne fortoient pas du
bain. 1
Quant aux ombres & aux parafites qui venoient
aux repas, ceux-ci appellés ou tolérés par le maître
de la maifon, & ceux-là amenés par les convives,
yoyeç-en l’article au mot O mbre 6* Pa rasite.
Une chofe qui paroîtra même ici fort bifarre, c’eft
que ong-tems après le fiecle d’Augufte,ce n’étoit
point encore la mode que l’on fournit des ferviettes
aux conviés ; ils en apportoient de chez eux.
m-0nde ainfl rangé > on ôtoit de deffus le
• a i| | ej? ie.nt les vafes plus ou moins précieux,
X Ü 01 * dls.~le> des Coupes qu’on plaçoit devant
faifoit préfenter à chacun des
B B m 1 9 de lierre, W W on fe .
plauolt d attribue!* la propriété cTempêîher parleuf
frarcheur, 1 effet des fitmées du vin. Après s’Itre fait
frotter les cheveux d’effences odorantes, ils mettaient
ces couronnes fur leur tête, & les eardoient
pendant tout le repas. On leur donnoit en même tems
une liffe de tous les fervkes & de tous les mets qui
dévoient compofer le feftin.. n
Oïl fervoit enfuite les viandes, non pasiouiours
ccaque plat fêpafement; mais fouvent plufieurs plats
ctnembie ïl:r une table portative.
Leursjoupers étoient pour l’ordinaire à trois fervi-
ces ; mais quelquefois par un furcroît dé bonne cheré
« de magnificence, on les augmentoit îufqu’à fept
On co mmençoit d’abor d par des oeufs, c’étoit un des
mets dit premier fermee ;; on y fervoit‘auffi des fala.
« S de laitues & d’olives, des huitroe dulacLucrin lî
renomme cher eux pour la bonté de 'coquillage.
« <1 autres choies pareilles qui pouvoient exciter
1 appétit.
Le fécond fervice étoit compofé du rôti & des
viandes les plus folrdes, parmi lefquelles on entre-t
meioit quelques plats de poiffon, dont ils étoient fi
grands amateurSj que fans ce mêts on n’auroit pas cru
raire bonne chere. x r
Le tioilieme fervice confiftoit en pâtifferie, &en
fruits de toute efpece ; rien n’étoit pltismaenifiqùe.
On attendent Ce dernier fervice pour faire les der.
■ Aieres hbanons. Ces libations confiftoient à répandre
avant que de boire, un peu de vin de la coupe en
1 honneur de quelque divinité, ou même de l’empereur,
pour fe montrer bon ç&urtifan quand la ré™,
clique fut affujettie ; ou en celui du genie de la per-
ionne à. qui on vouloir déférer cette diftinclion • c’é-
toitle tems du repas oîi la gaieté des conviés paroiffoif
davantage. .
On commençoit à feife courir les fantés, le maître
de là maifon faifolt apporter une coupe plus grande
“ ƒ 'us riche que les autres, qu’on appelloit cupa
gijtra, la principale coupe, pour boireià la ronde les
iailtes des perfonnes quîon çhériffoit. Quand c’étoit
celle dune mmtreffe, fouvent par galanterie on •
obligeoit de boire autant de coups que fon nom avoit
ne lettres. On chfoit fouvent un roi du féffin. Voyez
Roi du festin. j ^
Il y ayoit d“ domeftiques dont la fonflion étoit
de preuder *Larrangement des plats, & quitenoi-nt
B de nos maîtres d’hôtel; d’autres pour avoir foin
de la dutnbutiOn des vins , & d’autres pour couper
les viandes. Ils faifoient la fonftion de nos écuyers
- tfanqhans : il y en avoit même qui pendant l’été ne
faifoient que chaffer lés mouches avec de grands
éventails de plumes garnis d’un manche, comme
quelques bas-reliefs antiques nous les repréfentent
On fe lavoit quelquefois les mains auffrfouvent que
Tes lervices, vanoient ; fi on fervoit un poiffon ou un
oileau de quelque prix & de quelque rareté Meulière,
on l’apportoit aux fons des flûtes 5c des hautbois
; l’allegreffe redoubloit, ainfi que le vin de Paterne
qu’<oe falloir rafraîchir dans des vafes d’ôr &
le maître du fellin fe croyoit amplement récompen-
fe par les acclamations.de toute l’affemblée.
La bonne chere n’étoit pas le feu! plaifir des fiu -
Ptrs > m mufiqne en faifoit fouvent partie ; on y admet-
toit des chanteufes & des joueurs dfinftramens1 ou
bien les conviés eux-mêmes y fuppléoient; on yap-
pelloit auffi des danfeufes, des mimes, des pantomimes,
qUi faifoient des feenes muettes, & d’autres
fortes de gens dont le métier étoit de débiter des contés
plaifans, pour amufer la compagnie ; on y lifoit '
fouvent des ouvrages d’efprit : enfin on tâchoit dé
raffembler tout ce qui pouvoit divertir & flater les
feris.
A u commencement de la république les Romain*
F f f