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ter qu’ils doutent s’ils exiftent : ce feroit perdre le
tems que de s’amufer à leur faire fentir leur folie ,
& de leur dire que s’ils doutent de tout, il eft donc
vrai qu’ils exiftent, puifqu’on ne peut douter fans
exifter. Il fera toujours en leur pouvoir de fe retrancher
dans un verbiage ridicule, 8c où il feroit également
ridicule d’entreprendre de les forcer.
Quoiqu’on ne donne pas de nos jours dans un
pyrrhonifme fi univerfel, & de là fi extravagant,
puifqu’il va jufqu’à éteindre toutes les lumières de la
raifon , 8c à nier l’exiftence du /intiment intime qui
nous pénétré, on peut dire néanmoins qu’on ne s’eft
jamais plus approché de leur opinion. Certains phi-
lofophes de notre tems n’ont excepté du doute univerfel
, dans lequel ils ont fait périr toutes leurs con-
noiffances , qift? cette première réglé ou fource de
vérité qui fe tire de notre fentiment intime ; ils n’ont
pas daigné reconnoitre ni admettre d’autres genres
de vérité 8c d’évidence. Ainfi quand on leur demande
s’il eft évidemment certain qu’il y ait des corps ,
& que nous en recevions les impreffions, ils répondent
nettement que non, 8c que nous n’avons là-def-
fus aucune certitude évidente,puifque nous n’avons
point ces connoiffances parlefentiment intime de notre
propre expérience , ni par aucune conféquence
néceffaire qui en foit tirée. C’eft ce qu’un philofophe
anglois n’a point fait difficulté de publier.
D ’ailleurs on ne peut foupçonner quelle autre
certitude évidente admettraient ces philofophes. Se-
roit ce le témoignage des fens , la révélation divine
, l'autorité humaine ? Seroit-ce enfin Pimpreffion
immédiate de Dieu fur nous ? Le témoignage des
fens étant corporel, il ne fauroit être admis parmi
ceux qui par avance n’admettent pas l’exiftence des
corps. La révélation divine & l’autorité humaine ne
font encore impreffion fur nous que par le témoignage
des fens ; c’eft-à-dire, ou de nos yeux qui ont vu
les miracles du Tout-puiflant, ou de nos; oreilles
qui ont entendu les difcours des hommes qui nous
parlent de la part de Dieu. Enfin Pimpreffion immédiate
de Dieu fuppofe un Dieu, 8c un être différent
de moi. Mais fi le fentiment intime de ce qui fe paffe
en moi eft la feule chofe évidente , tout ce qui ne
fera pas formellement ce fentiment intime , ne fera
.point évident pour moi.
De ce principe, que le fentiment intime eft la feule
réglé de vérité, il s’enfuit i°. que nous n’avons nulle
certitude évidente de l’exiftence des corps, pas même
du nôtre propre; car enfin un efprit, une ame
telle que la nôtre , refîent bien Pimpreffion que
le corps, & le fien en particulier, font fur elle ;
mais comme au fond ion corps eft très-difiingué
de cette impreffion, & que d’ailleurs cette impreffion
pourroit abfolument fe faire éprouver
dans notre ame fans Pexiftence des corps, il s’enfuit
auffi que notre fentiment intime ne nous donne aucune
conviétion de Pexiftence d’aucun corps.
2°. .Une autre conféquence tout auffi naturelle,
eft que nous n’avons nulle certitude évidente de ce
qu’hier il nous arriva ou ne nous arriva pas , ni même
fi nous exiftions ou nous n’exiftions pas. Car félon
cet abfurde fyftème, je ne puis avoir d’évidence
que par une perception intime qui eft toujours actuelle.
Or actuellement j’ai bien la perception du fou-
venir de ce qui m’arriva hier ; mais ce fouvenir n’eft
qu’une perception intime de ce que je penfe préfen-
tement, c’eft-à-dire, d’une penfée aâuelle, laquelle
n’eft pas la même chofe que ce qui fe paffa hier, 8c
qui n’eft plus aujourd’hui. Par la même raifon, je
ferai encore moins certain fi je ne fuis pas en ce monde
depuis deux ou trois mille ans. Qui m’empêchera
de pouffer cette réflexion jufqu’à l’éternité même ,
puifque nous pourrions avoir toujours exifté , fans
que nous nous en reffouvenions ? Que fi on nous re*-
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préfente que nous avons.été produits , nous pourrons
répondre que nous n’en avons point de certitude
évidente. Car avoir été produit eft une chofe paf
fée , & n’eft pas la perception ni 1t fentiment intime
de ce qui fe paffe actuellement en nous. Je n’ai que
la perception aCtuelle de la penfée, par laquelle je
crois avoir exifté avant le moment oit je me trouve
préfentement. -
3 °. Enfin , une autre conféquence auffi légitime
que les précédentes, eft que nous n’avons nulle c'eiv
titude qu’il exifte au monde d’autres êtres que chacun
de nous. Nous avons bien une perception intime
des impreffions reçues en nous, dont nous attribuons
l’occafion à des el'prits 8c à des intelligences qu’on
fuppofe exifter hors de nous; mais cette perception
intime ne portant conviction que d’elle-même , 8c
étant toute intérieure , elle ne nous donne aucune
certitude évidente d’un être qui foit hors de nous.
En effet, félon cette belle philofophie , famé n’eft
point évidemment certaine, fi elle n’eft pas de telle
nature, qu’elle éprouve par elle-même & par fa feule
conftitution , les impreffions dont elle attribue la
caufe à des êtres qui exiftent hors d’elle. Elle n’a
donc pas de certitude évidente qu’il y ait hors d’elle
aucun efprit, ni aucun être quel qu’il foit ; elle n’a
donc point d’évidence qu’elle n’exifte pas de toute
éternité, ou même qu’elle ne foit pas l’unique être
qui exifte au monde. Après une conféquence auffi
finguliere, ce n’eft pas la peine d’indiquer toutes les
autres quife préfenteroient enfouie, pour montrer
que je n’ai nulle évidence , fi je veille actuellement,
ou fi je dors ; fi j’ai la liberté d’agir ou de ne pas agir,
de vouloir ou de ne pas vouloir, &c. Toutes ces
conféquences fautent aux yeux d’elles-mêmes, fans
qu’il foit befoin de les marquer plus au long.
Puifque les conféquences quis’enfuivent néceffai-
rement de ce principe, favoir que le fentiment intime
de notre propre perception eft l’unique réglé de vérité
, font fi bifarres, fi ridicules & fi abfurdes ,il faut
nécessairement qu’il foit lui-même bifarre, ridicule
8c abfurde, puifqu’il eft démontré que les conféquences
ne font qu’une même chofe avec le principe.
Voye^ Evidence 6* Sens com m u é.
Sentimens , enPoéfîe, 8c particulièrement dans
le poëme dramatique, font les penfées qu’expriment
les différensperfonnages, foit que ces penfées ayent
rapport à des matières d’opinion, de paffion , d’affaires
ou de quelque choie femblable. Voye^ Pensée.
Les moeurs forment l’aCtion tragique, & les fen-
timens l’expofent, en découvrant fes caufes, fes motifs
, &c. Les fentimens font aux moeurs ce que les
moeurs.font à la fable. Voye{ Moeurs.
Dans les fentimens, il faut- avoir égard à la nature
& à la probabilité. Un furieux, par exemple, doit
parler comme un furieux, un amant comme un
amant, 8c un héros comme un héros. Les fentimens
fervent beaucoup à foutenir les caraCteres. Voye£
CARACTERE, DICTION, HÉROS , &C.
Sentiment d’épée , Sentir l’épée , ( Efçrime.')
on dit d’un éfcrimeur qu’il a le fentiment délicat ;
lorfqu’en touchant l’épée de l’ennemi avec la fienne,
il connoit fon attaque & la pofition des épées.
Le fentiment d’épée doit être tel qu’il ne fatigue pas
le bras de l’ennemi, & qu’il ne le contraigne pas de
dégager. Mais il doit être affez fenfible pour s’apper-
cevoir fi l’ennemi quitte l’épée, s’il fait un coule-
ment d’épée , ou s’il force l’épée, Voye^ Engagem
en t.
Sentiment , ( Vénerie. ) lorfqu’un chien reçoitle
vent de la voie, on dit qu’il a du fentiment.
SENTIN, f. m. (Gram. & Mytholog.) dieu qui pré-
fidoit à tout ce qui avoit le fentiment. On l’invoquoit
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âiïx couchés des femmes ; afin qu’il donnât des fens
bien difpofés à l’enfant. *
S E N T IN E , f. f. ( Marine. ) terme du levant qui
fignifie ou l’anguillere ou l’eau puante 8c croupie
qui s’y corrompt. Voye^ Anguillere.
Sentine, f. f. (Charpenter. navale. ) forte dé grand
bateau ou chaland, dont on fé fert en Bretagne pour
la voiture des fèls fur la riviere de Loire. (D . ƒ.)
SENTINELLE, f. f. terme de Guerre, c’eft un foldat
tiré d’un corps-de-garde d’infanterie, qu’on place
en quelque pofte pour découvrir les ennemis , pouf
prévenir les furprifes, 8c pour arrêter ceux qui veulent
paffer fans ordre, 8c fans fe faire connoitre.
Ce mot eft moderne ; il n’y a pas long-tems que
l’on difoit être aux écoutes, pour fignifier ce que l’on
dit à préfent, être en fentinelle'. Ménage dérive ce mot
à fentiendo, du verbe appercevoir.
Sentinelle perdue, foldat qü’on place dans Un pofte
dangereux 8c prefque defefpéré. On appelle auffi
enfans perdus, dés foldats qu’on expofe dans une bataille
à la premiefè fureur de l’ennemi. Voye^ En-
tans perdus.
La fentinelle appelle, crie Ou arrête par un qui
vive ? qiii va-là ? demeure-là. Chambirs.
On appelle configne les ordres qu’on donne à la
fentinelle. La fentinelle doit refter à fon pofte, quoi
qu’il puiffe arriver, à moins qu’elle n’en foit relevée
par fon officier. Pendant la durée de fon fervice ou
de fa faCtion , fa perfonne eft en quelque façon regardée
comme facrée ; elle peut arrêter 8c empêcher
de paffer quelque officier que ce foit, fans pouvoir
ctre maltraitée ou punie qu’après avoir été relevée,
c’eft-à-dire, qu’il ait été mis un autre foldat à fa pla-
ce. «2)
Sentinelle , { Marine. ) voyè[ HünE.
S E N T IN O l e , ( Géog. mod. ) riviere d’Italie,
dans l’étàt de l’Eglife. Elle fort de l’Apennin, au duché
d’Urbin, 8c fe joint enfuite au Jano ; alors toutes
deux perdent leur nom , & ne coulent plus que
dans un feul lit appellé Fiumtff.no. (D . J.)
SENTINUM, ( Géog. anc. ) ville d’Italie , dans
l’Umbrie, félonStrabon, L V.p. 2 2 7 ,& Ptolomée,
l. III. c. j . C ’eft aujourd’hui Sentina. ( D . J. )
SENTIR, v. a£t. 8c neut. voye{ les articles Sens }
Sensation, Sensibilité , Sentiment.
Sentir , ( Maréchal. ) faire fentir les éperons à
fon cheval, c’ eft en appuyer un coup. Faire fentir les
gras des jambes, c’eft les approcher du cheval pour
qu’il obéiffe. Sentir fon cheval dans la main, c’eft le
tenir de la main 8c des jarrets, de façon qu’on en foit
le maître pour tout ce qu’on veut entreprendre fur
lui.
S’EN VA CHIENS, ( Vénerie.) c’eft une expfeffion
dont fe fervent les piqueurs pour fe faire entendre
des chiens qui chaffent ; voici encore d’autres termes
qui lignifient la même chofe , il vala , chiens coutre-
vaux, chiens ; le piqueur doit les prononcer les uns
après les autres 8c l'uivant fa diferetion.
SENUS, (Géog. anc.') fleuve de l’Irlande : fon embouchure
eft marquée par Ptolomée, /. II. c. ij. fur
la côte occidentale de l’île , entre les embouchures
de l’Aufoba & du Dur : ce fleuve qui eft appellé Sce-
na ; par O rofe, /. I. c. ij. eft le plus grand fleuve de
l ’île , & fe nomme à préfent le Schannon. (D. J.)
SEP, f. m. terme de Vigneron ; c’eft le tronc de la
vigne, qui porte & jette le farment qu’on taille tous
les ans. On voit des feps bien plus gros les uns que
les autres , ce qui provient fouvent de l’efpece de
raifin qu’il apporte ; c a r , par exemple, un J'ep de
bourdelais, de mufeat, de raifin de damas, devient
plus gros qu’un J'ep de méfier ou pineau,noir 8c blanc,
& ainfi de plufieurs autres, dont on fait des plants de
vigne. Il y a toujours à efjierer du profit d’un jeune
fep, an fieu qu’un vieux n’eft propre qu’à briller 8i fome jC V*
SEP w a donner dé bonnes cendrés polir la leffivè. (2). J.)
Sep de drisse , ou Blo c d ’issus * ( Mâtine 1 )
gf-offe piece de bois quarrée, qui eft entaillée avéc
un barrot du premier pont, & un barot du fécond
pont, qu’elle excede d’environ quatre pies ; poféé
d'erriere un mât, & au bout de laquelle il y a quatre
poulies fur un même effieu, fur quoi paffeht les
grandes drijfes. On diftingue deux grandsJ'eps de drifi
. fe : celui du grand mât qui fert à la grande vergue ^
( & celui de mifaine qui fert à la vergue de mifaine.
Les autres feps de driffe font attachés aux grands , &
on ert fait ufage pour mettre les mâts de hune hauts*
par le moyen des guindereffes , & pour manoeuvrer
lés driffes des huniers. Voye^ Marine * PI. IV. fig. /■ „
le grand fep de driffe, cotté 961 & celui de mifaine É
cotté 97.
Dans les flûtes, on ne met point de feps de driffe *•
mais des poulies ou des rouets contre le bord, 8c
des taquets contre le mât ; & dans les autres bâti-,
mens j comme les tialques ; les damelopres, les fe-
males, &c. on fait ufage d’un bloc appellé petit fep
de driffe, qu’on met en plufieurs endroits fur les bor-
dages > & fur-tout à l’avant 8c fur la-couverte, dans
la tête duquel paffe une cheville de bois fort Ion5-
gue, qui déborde de chaque côté & où l’on amarre?
les manoeuvres.
SÉPARATION, f. f. (Gram.&Jurifprud.) eft lorf-
que l’on met une perfonne ou une chofe à part d’avec
une autre.
Il y a trois fortes de féparations , deux qui regar*
dent les perfonnes mariées , l’une que l’on appellé
féparation de biens, l’autre féparation de corps ; la
troifieme eft la féparation des biens de l’héritier d’avec
ceux du défunt.
Séparation des biens , eft lorfque deux conjoints
ont chacun leurs biens à part & divis.
Quelquefois les conjoints font féparés de biens
par contrat de mariage, ce qui arrive lorfqu’ils fti-
pulent que la femme jouira à part & divis de fes
biens ; dans ce cas on autorife la femme à toucher
fes revenus , 8c ordinairement elle paye penfion k,
fon mari.
On ne doit pas confondre une femme non com-î
mune en biens avec une femme féparée de Biens par
contrat de mariage ; la première eft feulement ex-,
clufe de demander communauté dans les biens acquis
par fon mari, du refte elle n’a pas l’adminiftra*
tion de fes biens à moins qu’elle ne foit féparée.
Les féparations volontaires, foit des biens feulé"*
ment confenties depuis le mariage, 8c les féparations
de corps 8c de biens, quoiqu’autorifées par quelques
coutumes,ne font point pernjifes dans nos moeurs. D é
telles féparations par rapport aux biens font ordinairement
frauduleufes ; les féparations volontaires de?
corps font de plus contre lés bonnes moeurs. Touté
féparation de corps 8c de biens, ou même de biens
feulement depuis le mariage, doit être ordonnée par
juftice & en connoiffance de caufe.
La féparation de biens ne peut être demandée què
par la femme, en cas de diffipation de fon mari. Ellé
. n’eft pourtant pas obligée d’attendre que le mari ait
diffipé tout fon bien, 8c encore moins la dot de la
femme, la féparation feroit alors un remede inutile i
il fuffit que le mari foit diffipateur , & que vergat ad
inopiam, que la dot foit en péril : l. X X IV . ff. folut-J
matrim. lib. X X IX . cod. de jure dotiiun. I. I. cod. de
curât, ftiriof.
Si la femme qui demande fa féparation eft commune
en biens avec fon mari j il faut qu’elle renoncé
| a la communauté , autrement l’acceptation qu’ellé
en feroit feroit préfumer qu’il n’y a pas eu de diffipation
de la part du mari.
Le défaut de renonciation à la communauté rie fé*
roit pourtant pas un moyen de nullité dans une feriji
H ij