tonne plantée au champ de Mars, haute de 161 pies,
& percée d’un bout à l’autre d’un efcaher de 107
marches qui tiroient le jour de cinquante petites
ouvertures.
On voyoit,tant à Rome que dans les campagnes,
plufieurs autres fiatues pédefires de particuliers, placée
s fur des colonnes folitaires. C eft auez de citer
ici celle de Caïus Duellius qui vainquit fur mer les
Carthaginois; & celle que le fénat & le peuple romain
decernerent à P. Minutius au-delà de la porte
dite Trejemina. V oyez les Ornamcnà difabnche anu-
chi h moderni di Romà, de Bartolomæo Rofli fiorentino.
. „
Les fiatues pé de (1res furent Connues dans Kome
avant les équeftres. Cependant les deux premières
équeftres qu’on y v it, étoient affez anciennes-; puisque
l’une fut élevée en l’honnëur’de Clélie qui s e-
chappa des mains de Porfenna, & paffa le Tibre à la
nage fur un bon cheval; l’autre étoit à la gloire
d’Horatius furnommé le borgne : c’eft Pline qui nous
l’apprend. Pedeflres, dit-il, ƒ «c dubio Rotnat fuêre in
autoritate longo tempore. Equefirium tamcn origo per
quant vêtus efi9 cum fx/ninis etiam honore comnitirucato;
ChUce enirn ftatua efi equeflris. Hanc primant & Uora-
tïi cocliùs publïcï dicatam Crediderini.
Les marchés de Rome & les places publiques
étoient décorées des plus belles fiatues équeftres. Jules
Céfar ordonna de mettre celle qui le reprefentoit
dans le forum de fon nom. Le cheval la fiatue
avoient été taillés par Lyfippe pour Alexandre-le-
grand. Céfar fit ôter la tête d’Alexandre de deflus la
flatue , & y fubftitua la fienne. Stace, /. L Syll. nous ^
apprend cet échange :
Coedat equus, Latia qui contra templa Diones
Ccefarei fiat fede fori , quem tradere es aufus
Pellao, Lyjippe duci : mox Cafaris ora
Auratâ cervice tulit.
C ’eft ici le moment de remarquer que les anciens
faifoient fouvent des fiatues, dopt la tête fe détachoit
du refte du corps, quoique l’une & l’autre fuffent
d’une même matière; & pour faire promptement une
nouvelle/*««, ils fe contenaient d’en changer la tête.
Ainfi nous lifons dans Suétone, qu’au-lieu de brifer
les fiatues des empereurs, dont la mémoire étoit
odieufe, on en ôtoit les têtes, à la place defquelles
l ’on mettoit celles des empereurs chéris ou confi-
dérés. De-là vient fans doute en partie qu’on a trouv
é dans la fuite des tems, quantité de têtes antiques
fans corps.
Les fiatues équefires de Pollux, de Domitien, de
Trajan, de Marc-Aurele, d’Antonin-le-pieux revêtu
d’un long manteau qui lui pend de l’épaule
gauche fur la croupe du cheval, ont une grande célébrité
pere Oé la ve, l’enrichit d’un quadrige, fur lequel
étoient les repréfentations d’Apollon & de Diane»
Le tout, char , chevaux, figures, étoit d’une feule
piece de marbre, ouvrage de Lyfias dont Pline,
/. X X X y i . c. v. vante extrêmement l’exfcellence.
Enfin, l’on eftimoit beaucoup l’arc de triomphe que •
le fénat & le peuple romain firent ériger en l’honneur
dans l’hiftoire. Elle vante aufli celles qu’Ale- '
xandre Severe fit mettre dans le forum tranfitorium
de Nerva. Lampride en parle en ces termes : Statuas
colojfos , vel pedeflres nudas, vel equefires, divis impe-
ratoribus dicatasfm foro divi Nerva quod tranfitorium
dicitur, locavit, omnibus cum titulis & columnis oereis
qua geflorum ordinem continerent.
Les fiatues curules, foit de marbre ou de bronze,
avoient pour lieu propre de leur emplacement, les
. arcs de triomphe. Comme on élevoit de tels arcs en
l’honneur de ceux à qui le triomphe étoit décerné
après leurs victoires, & que les triomphateurs , en
entrant dans Rome, paffoient par-deffous ces arcs
fur des chars attelés de plufieurs chevaux de front,
l’on mettoit leurs fiatues curules au-deffus defdits
arcs pour en conferver la mémoire. Ainfi l’arc de
triomphe érigé en l’honneur d’Augufte fur le pont
du Tibre, étoit orné de fa fiatue de bronze portée
fur un char attelé de quatre chevaux. Ce même em-
pereur ayant fait élever un arc de triomphe à fon
de Trajan, dans la ville d’Ancône, & qui
étoit orné de la fiatue de ce prince pofée fur un
char tiré par quatre chevaux. Eicherrius dans fes
délices d'Italie, /. IL en parle en ces termes : In
ejus medio nofeitur arcus ille fublimis, quadrigis &
trophais in faftigio onufius A . S. P. Q- ÿ us
beneficii memoriam , Trajano ibidem ereiïus, & adhuc
temporis extans, 1 >
C’eft encore une belle chofe à confideret que^ la
différence de grandeur des fiatues , car quelle qu’en
fût la matière, de métal, de marbre ou d’ivoire , il
y en avoit en tout genre , de grandes , de moyennes
& de petites. On appella grandes fiatues celles qui
'furpaffoient là grandeur naturelle des perfonnes pour
lefquelles elles étoient faites ; on nomma moyennes.
ou athlétiques celles qui étoient conformes à leur
grandeur, Sc petites celles qui étoient au-deffous. Ce
n’eft pas tou t, les grandes fe divifoient en trois ordres;
quand elles n’excédoient la hauteur naturelle
que d’une moitié, on les nommoit augufies, & elles
{enrôlent à représenter les empereurs, les rois & les
grands capitaines de Rome. Celles qui avoient deux
fois leur grandeur s’appelloient héroïques , & on les
confacroit aux demi-dieux & aux héros. Enfin lorl-
qu’elles s.’étendoient jufqu’à trois hauteurs ou plus,
elles prenoient le nom de colojjales , & etoient defu-
nées pourics c'icux. (
Quoique lés premières fortes de fiatues, c eir-:i-
dire les augnfles & les J&îji«s,ftn'iffeiit commune*
meint à reprefonjèv en marbre ou en fonte les empereurs,
les;rqis &: les généraux romains, cependant
on en étendit l’ufage à quelques gén? de lettres.
L. Actius, célébré entre les poètes de ion rems, montra
l’exemple eu fe faifant faireuneflatue de bronze
beaucoup plus: grande que fa taille , oc qu’il mit dans
le temple des mufes hors la porte Capene. Uotatuai
ah ttuSoribus , dit Pline, /.. Aüium pietam in cama-
narutn xde, maximâforma ÜMmmfibippfuiffe , faim
I brevet admodum fuiffee Mais il eft étonnant quejes
hommes ayent ofé fe faire ériger dés fiatues fembla-
bles à celles que la religion avoit fpécialement com
facrees pour les dieux, jeveux dire des ftatua colof-
fales ; cependant on vit des rois Si des empereurs,
Séfoftris , Attila, Eumenes y Néron , Domitien,
Commode, &c. qui s’attribuèrent tou-sde même honneur.
.
Tous.les hiftoriens, & Pline en particulier, leiont
fort étendus fur la defeription des flatiut coloffales
de marbre ou de bronze.. qui faifoient l’admiration
publique. Audacias, iriolcs ftatuarum excogilaias, puas
cohüos vocam, vidimus mrribus parcs, dit lVlftonen
naturalifte de Rome. Telle étoit la flatue de Jupiter
olympien , chcf-d’oeuvredePhidias;fahauteur etoit
fiprodigieufe, ajoute Paufanias , que ce dieu qui
étoit affis , n’auroit pù fe lever fans percer la voûte
du temple. Telle étoit la Minerve d’Athènes haute
de 36 coudées, Si tel le Jupiter du capitole que Sp.
Carvilius fit élever de la fonte, des dépouilles des
Samnites. Tel étoit encore un autre Jupiter au champ
de Mars quë l’empereur Claude y fit pofer. Tel un
Hercule, que Fabius Verrucanus tira de Tarente;
telle eft enfin \aflatue coloffale d’Apollon par Lyfippe,
dont la hauteur ëtoit:de 40 coudées. Je palfe foiis fi-,
lence le cololfe de Rhodes .dedie au foleil.
Plin'êy l. X X X IV . h v ÿ . ajoute que la Gaule avoit
dans une ville d’Auvergnemnc flatue de Mercure qui
furpaffoit tout ce qu’on connpiffoit, de flatues cobjf
i le s , ayant 400 pies de hauteur. C’étoit l’ouvrage
de Zénodore, qui y avoit employé dix ans de travail
& desfommes immenfes. Voici fes paroles : Ve-
ritm omnem amplitudinem ftatuarum ejus generis vicie
atate nofirâ Zenodorus Mercurio faclo in civitate G allia
Avernis per annos decem , pedum cccc. imntani pre-
tio. Néron , frappé de la renommée de cette fiatue,
attira Zénodore à Rome, & l’engagea de faire à fa
reffemblance une fiatue coloffale de 100 piés de haut,
félon P line, ou de 1 zo , félon Suétone , cap. xxxj.
veflibulum fuit in quo coloffus cxx. fiabat ejus effigie. Il
eft vrai qu’après la mort de ce prince on ôta le nom
de Néron à cette fiatue coloffale, & on la dédia au foleil
, ainfi que d’autres.
Le le&eur jugera fans doute qu’il n’étoit pas poffi-
ble de travailler à un feul attelier les fiatues coloffales
qu’on vient de décrire ; or l’artifte, pour pouvoir
les exécuter , diftribuoit la befogne à un grand nombre
d’ouvriers choifis, & leur traçoit les proportions,
enforte que quand ils rendoient les parties dont ils
avoient été chargés féparément, elles fe rapportoient
avec tant de jufteffe, qu’en les rejoignant elles com-
pofoient un tout parfaitement afforti, & qui fembloit
être du meme bloc & de la même main. Paufanias
nous a donné fur ce fujet des détails de l’art de la _
fonte qui méritent attention. Le Jupiter de bronze,
dit-il, la plus ancienne des fiatues de ce métal, n’étoit
point l’ouvrage d’une feule & même fabrique.
Il a été fait dans le même tems par parties ; enfuite
les .. pièces ont été fi bien enchâffées & fi bien jointes
ensemble avec des clous, qu’elles font un tout fort
folide. Nous avons vu renouveller de nos jours le
même procédé par un artifte médiocre , qui a exécuté
de la même manière à Drefde uneflatue équeftre
plus grande que nature.
Les Grecs meîtoient furla bafe de leurs fiatues le
nom de celui qu’elles repréfentoient ou qui en avoit
fait la depenfe ; ils pouvoient effacer ce même nom
& en fubftituer uu autre, c’eft ce qu’ils firent fouvent
par flatterie, quand ils furent fournis aux Romains ;
quelquefois ils changeoient en même tems la tête, ou
en retouchoient les traits. Plutarque dit qu’ils uferent
de ce ftratagème , & mirent le nom d'Antoine aux
deux fiatues coloffales d’ Attalus & d’Euménès.
Corifidérez eh paffant les progrès de l’art ftatuaire,
depuis les premières fiatues. taillées pour les dieux,
jufqu’à la coloffale que Néron fe fit faire par Zénodore.
La première idole de la Diane d’Ephefe étoit
un tronc d’orme , ou , félon Pline , une fouche de
vigne. Paufanias parle d’un Mercure de bois groffier,
qui étoit dans le temple de Minerve Poliade. Avant
que Rome triomphât de l’A îie , les fiatues des dieux
confacrées dans les bocages n’étoient que de terre
cuite. Cicéron, l. I. de la divination, dit que la flatue
àe Summanus placée fur le faîte du temple de
Jupiter étoit pareillement de terre. Les Romains ne
perdaient pas alors qu’ils feroient un jour tellement
épris de l’amour des fiatues, qu’ils publieroient une
loi qui, condamneroit à l’amende les ftatuaires chargés
de faire des fiatues, fi dans leurs ouvrages ils pé-
choient en quelque chofe contre la réglé de leur art
& contre l’attente de ceux qui les employeroient.
isQs flatues de grandeur naturelle furent nommées
athlétiques ou iconiques, fiatucc athletïca, flattiez ico-
nicoe, parce qu’elles imitoient mieux que les grandes
, les petites la reffemblance de ceux pour lefquels
elles etoient faites.
Les peuples de la Grece, pour perpétuer le fouve-
mr des viftoires remportées par les athlètes, employèrent
tout l’art des Sculpteurs, afin de tranfmet-
tre aux fiecles à venir la figure & les traits de ces
memes hommes qu’ils regardoient avec tant d’efti-
me oc a.admiration : on leur érigeoit ces fiatuesdans
le lieu meme ou ils avoient été couronnés, & quelquefois
dans celui de leur naiffance, & c’étoit ordi-,
nairement la patrie du vainqueur qui fatisfaifoit les
trais de ces monumens. Les premiers athlètes pour
qui on décora Olympie de ces fortes dqfiatues ( ce
qui arriva dans la lix. & la lxj. olympiade, félon Paufanias),
furent Praxidomes vainqueur au pugilat, &
Rhexibius vainqueur au pancrace. La fiatue du premier
étoit de bois de cyprès ; & celle du fécond, de
bois de figuier. Le bronze dans la fuite devint la matière
la plus ordinaire de ces fiatues.
On ne les faifoit pas neanmoins toujours de grandeur
naturelle, mais on accordoit cet honneur à ceux
qui avoient vaincu aux quatre grands jeux de la
Grece. Ces fiatues chez les Romains repréfentoient
les athlètes nuds , fur - tput depuis le tems qu’ils
avoient ceffé de fe couvrir d’une efpece d’écharpe
ou de ceinture ; mais comme les athlètes romains ne
l’avoienr point quittée, ils la confervoient dans leurs
fiatues. On elevoit de ces monumens non-feulement,
aux athlètes , mais encore aux chevaux , à la vîteffe
defquels ils étoient redevables de la couronne ago-
niftique ; & Paufanias témoigné que cela fe fit pour
une cavale , entr autres, nommée Aura, qui a voit,
fans condufteur, procuré la vi&oire à fon maître,
après l’avoir jette par terre. On peut lire dans le
même auteur un dénombrement exad de toutes les/?<?-
««îd’athletes qui fe voyoient de fon tems à Olympie;
Les Hellanodiques prenoient grand foin que cts fiatues
ne fuffent pas plus grandes que le naturel ; & en
cas de contravention, ils faifoient renverferlafiatue
par terre. C’etoit fans doute de crainte que le peuple,
qui n’étoit que trop porté à rendre les honneurs divins
aux athlètes, ne s’avifât, en voyant leurs fiatues
d une taille plus qu humaine, de les mettre au rang
des demi-dieux.
Les fiatues plus petites que nature étoient foudi-
vifées en quatre efpeçes , auxquelles on donna des
noms tirés de leur différente hauteur, celles de la
grandeur de trois pies fe notnvnoïtnt tripedamee. Tel-
les étoient Us fiatues que le fénat & le peuple ordon-
noient pour leurs ambafîadeurs qui avoient péri de
mort violente dans leur légation ; c’eft ce que Pline,
L LIV. c. vj. nous apprend : a roniano populo tribut
folere injuria coefis tripedaneas ftatuas in foro. On cite
pour exemple laflatue de Tullius Coelius, • qui fut tué
par les Fidénates , & celles de P. Junius & de T . Ca-
rumanus que .la reine des Illy riens fit mettre à mort.
Quand les flatues n’etoient que delà grandeur d’une
j coudee, on les appelloit cubitales. Lorfqu’elles étoient
hautes d une palme, c’eft-à-dire de quatre doigts ,
elles étoient appellées palmarès. Enfin quand elles
etoient encore moins hautes, on les nopimoit Jigilla.
On faifoit quantité de ces jîgilla en or , en argent,
en ivoire , & on les eftimoit beaucoup , foit pour
leur travail, foit à çaufe qu’on pouvoit les tranf-
porter commodément, & même les avoir fur foi
par dévotion pour les dieux , par reconnoiflance
pour des princes, par admiration pour de grands
hommes,. ou par attachement pour des amis qu’ils
repréfentoient.
Voilà l’hiftoire des fiatues dont le nombre étoit incroyable
chez lesGrecs & les Romains. Ilfuffit de lire
Paufanias pour s’en convaincre. Sans parler de l’Atrique
& d’Athènes qui fourmilloient de. ce genre d’ouvrages,
la feule ville deMilet en Ionie en raffembla une
fi grande quantité, que lorfqu’Alexandre s’en rendit
maître, il ne put s’empêcher de demander ou étoient
les bras de ces grands hommes, quand les Perfes les
fubjuguërent. On fait que Mumfnius remplit Rome
des fiatues de la feule A e haïe : devicld Achaïa, ftatuis
implevit urbem. Plutarque rapporte quePaulEmile employa
trois jours à la pompe de fon triomphe de Macédoine
, & que le premier put à peine fuffire à faire
paffer en revue les tablea ux & les fiatues d’exceffiye