Quand ôn eft fîir qu’on tient fuffifamment la pierre,
il faut faire .prefque en même teins trois mouvemens,
deux fur les côtés & un en-devant,mais les faire doucement
j de façon que la pierre foit d’abord amenee
peu-à-peü en-devant ; enfuite il faut eïever l’extre-'
mité du crochet, afin que l’inftrument foit plus engagé
fous la pierre, 8c la faffe fortir avec plus de fa-r
cilité ; que s’il arrive qu’on ne puiffe pas iàifir commodément
la pierre par. fa partie fupérieure, on la
prendra par fa partie latérale, fi on y trouve plus de
facilité ; voilà la maniéré la plus fimple de faire l’opération.
.
Celfe dit plus loin, que Mege imagina un infiniment
droit, dont le dos étoit large, le tranchant demi
circulaire 8c bien affilé ; il le prenoit entre l’index
& le doigt du milieu, en mettant le police par-déf-
fus , 8c le conduifoit de façon qu’il coupoit d’un feul
coup tout, ce qui fail'oit faillie fur la pierre;
Telle eft la defcription que Celfe fait de la lithotomie.
Tous les auteurs qui l’ont fuivi, n’ont pref-
qite fait que le copier. Gui de Chauliac donna affez
de réputation à cette méthode, pour qu’elle en prît
le nom ; 8c c’eft à elle que l’art a été borné jufqu’au
commencement du xvj. fiecle. Elle ne peut être pratiquée
que fur des petits fujets , 8c la chirurgie étoit
abfolument fans reffource pour les grands, à-moins
que la pierre ne fut engagée dans le col de la veffie ;
car hors cette circonftance , il n’eft pas poflible d’atteindre
la pierre avec les doigts, 8c de la fixer au périnée.
C’eft cette opération à laquelle on a donné depuis
le nom de petit appareil. On appelle encore ainfi l’in-
cifiôn qu’on fait fur la pierre engagée dans l’ùretre.
Pour la pratiquer on tire un peu la peau.decôté;
on incife la peau , 8c le canal de l’uretre dans toute
l’étendue de la pierre ; on la tire avec le bout d’une
fonde, ou une petite curette. La peau reprenant fa
fituation naturelle, couvre l’ouverture, qu’on a faite
à l’uretre, 8c empêche que l’urine ne forte par la
plaie, qui très-fouvent eft guerie en vingt-quatre
heures. Du grand, appareil. La méthode de Celfe étoit une
méthode imparfaite à plufieurs égards : les-grands fu-
jets attaqués de la pierre étoient abandonnés aux
tourmens & au défefpoir. Le petit appareil étoit la
reffource des feuls enfans ; encore cette opération
fe faifoit ridiculement. Gui de Chauliac prefcrivoit la
précaution de faire fauter le malade,pour que la pierre
fe précipitât vers les parties inférieures. On fouilloit
fans lumière dans la veffie, on n’avoit aucun égard
à la ftructure & à la pofition des parties que le fer
intéreffoit. Enfin on chercha des réglés pour conduire
les inftrumens avec certitude ; Germain Collot
tenta le premier une opération nouvelle qu’il imagina.
Cette tentative entreprife avec une hardieffe
éclairée , donna les plus grandes efpérances ; le malade
qui en fut le fujet fut parfaitement guéri en moins
de 15 jours, comme nous l’avons dit au commencement
de cet article.
Cette opération, malgré de fi heureux commen-
cemens , eft reftée long-tems dans l’oubli. Jean des
Romains rechercha la route qu’on pouvoit ouvrir à
la pierre, 8c enfin par fes travaux l’art de la tirer dans
tous les âges devint un art éclairé. Marianus SanCtiis
fon difciple , publia cette méthode en 1514. Elle a
fouffert en différens tems & chez différentes nations
des changemeris notables en plufieurs points, 8c principalement
dans l’ufage des inftrumens.
Pour la pratiquer, on fait fituer le malade convenablement.
Foye^ L iens. On lui paffe un cacheter
dans la veffie , fur lequel on fait avec un lithotome
à lancette , une incifion commune à la peau 8c à l’u-
retre , avec les précautions que nous avons pref-
crites en parlant de l’opération de la boutonnière ;
laquelle ne différé point de l’ancienne méthode de
faire le grand appareil pour l'extraCtion de la pierre.
Les bornes dé cette incifion expofoient les malades
, pour peu que leurs pierres euffent de volume ,
à des contüfions 8c à dfes déchiremens dont les fuites
étoient prefque toujours fâcheufes ; après l’inci-
fion on mettoit le conduCteur mâle dans la cannelure
de la fondé, 8c on le pouffoit jufque dans la veffie.
On gliffoit un dilatatoire fur le côndu&eur, afin
d’écarter tout le paffage , on retiroit le dilatatoire
pour placer le eonduCbeur femèlle, & à la faveur de
ces deux inftrumens on portoit une tenette dans la
veffie pour tirer là pierre.
Toutes ces précautions ne mettoient point à l’abri
du déchirement 8c de la contufion du col de la veffie.
On fentit la néeeffité d’étendre davantage l’ouverture
vers cette partie. C’eft cette coupe à laquelle
on a donné le nom de coup de maître elle a donne
lieu à la variation des lithotomes, comme nous l’aj
vons expliqué à cet article. Voye^ Lithotom e.
M. Maréchal a fupprimé le dilatatoire ; il fiippléa
à fon ufage par l’écartement des branches de la tenette
, lorfqu’elle eft introduite dans la veffie. H
trouva de meme qu’il étoit moins embarraffant de fe
fervir du gorgeret que des conduftcurs, 8c il abandonna
totalement ceux-ci. Foye% Gorgeret.
Quelque perfection qu’on ait tâché de donner à cette
opération, elle a des défauts effentieis : la divifion
forcée d’une portion de l’uretre, du col de la veffie,
8c de fon orifice, la contufion des proftates, leur
féparation du col de la veffie, comme fi elles euffent
été difféquées, font des marques du délabrement qui
fuit néceffairement cette operation. Si la pierre eft
groffe, 8c que le malade ait eu le bonheur d’échapper
aux.accidens primitifs de l’opération, il refte le
plus fouvent incommodé d’une incontinence d’urine,
& fouvent de fiftules. La confidération de ces incon-
véniens 8c du danger abfolu de cette méthode, a fait
recouvrir au haut appareil, ou taille hypogaftrique,
opération au moyen de laquelle on tire la pierre
hors de la veffie par une incifion que l’on fait à fon
fond, à la partie inférieure du bas-ventre, au-deffus
de l’os pubis. On doit cette méthode à Franco, chirurgien
provençal. Voye^ Haut appareil. Corrections du grand appareil, connu fous le nom
d’appareil latéral. Le grand appareil, tel que nous
l’avons décrit, confifte à' faire une incifion au périnée
parallellement & à côté du raphé: cette incifion,
comme nous l’avons dit, a.été étendue inférieurement
du côté du col de la veffie par une coupe interne.
Pour la faire cette coupe interne , fans rifque de
couper le reCtum,on a diminué la largeur du lithotome
, on l’a même échancré , pour que le tranchant
fupérieur put gliffer dans la cannelure de la fonde ,
ens’ajuftantàfa convexité. Foye^ Lit H OT o M e.T ouïes
ces précautions, 8c l’attention tant recommandée
de ne point faire violemment l’extraCtion de la pierre
, 8c d’en préparer, le paffage par des dilatations lentes
au moyen de l’écartement des branches des tenet-
tes , précédé de l’introduCtion du doigt trempé dans
l’huile rofat tiede, & coulé dans la gouttière du gorgeret
, foutes ces précautions 8c ces attentions ne
mettent point à l’abri des accidens que nous avons
rapportés. Il n’eft pas poflible d’ouvrir à toutes les
pierres un paffage qui leur foit proportionné, 8c l’on
ne peut éviter un délabrement fâcheux, pour peu que
la pierre ait de volume, parce qu’on eft obligé de la
tirer par la partie la plus étroite de l’angle que forment
les os pubis par leur réunion.. On eft même
fort borné pour l’incifion destégumens; on ne peut la
porter en-bas à caufe du reCtum ; 8c fi on coupe trop
haut, la peau des bourfes qu’on a été obligé de tirer
vers l’os pubis , fe remettant dans fa fituation naturelle
, recouvre toute la partie fupérieure de l’inci-
• fioh de l’uretre , ce qui donne lieu à l’infiltfation de
1 Ufine 8c de la matière de la fuppuration dans le
tiflu graiffeux du fcrotum, fource des abfcès qui fur-
Viennent fréquemment à cette méthode, 8c dont on
'accufe, fouvent mal-à-propos, celui qui a troufle les
bourfes.
On évite ces inconvéniens en faifantune incifion
oblique qui commence un peu au-deffus de l’endroit
où finit celle du grand appareil décrit, 8c qui fe porte
vers la tuberofite de l’ifchion. C’eft à cette coupe
oblique 8c plus inférieure que celle du grand appareil
ordinaire, que les modernes ont donné le nom d ’app
a r e il latéral. Mais doit-on donner ce nom à une méthode
qui ne permet l’entrée de la veffie qu’en ouvrant
l’uretre 8c le col de cet organe ? La taille de
frere Jacques n’étoit que le grand appareil ; fon peu
de lumières en anatomie, fur-tout dans les premiers
tems, permet de croire qu’il n’étoit que l’imitateur .
d’un homme plus éclairé que lui, à qui il avoit vu
pratiquer cette opération qu’on croyoit nouvelle.
On lit dans Fabricius Hildanus, lib . delith otom . veficce,
que l’incifion de la taille aii grand appareil fe doit
faire obliquement,ab offe p u b is verfus coxam Jinifiram.
La pratique de notre opération au grand appareil
étoit défechieufe; c’étoit un des effets de la décadence
de la chirurgie par l’état d’aviliffement où elle
avoit été plongée quarante ans auparavant que frere
Jacques fe fît connoître en France. F o y e r le mot C hirurgien.
De L operation de frere Jacques. Frere Jacques étoit
une efpece de moine originaire de Franche-Comté,
qui vint à Paris en 1697. ^ s’annonça comme pof-
leffeur d’un nouveau fecret pour la guérifon de la
pierre. Il fit voir aux magiftrats une quantité de certificats
qui atteftoient fon adreffe à opérer. Ii obtint
la permiffion de faire des effais de fa méthode à l’hô-
tel-Dieu fur des cadavres , fous les yeux des chirurgiens
8c des médecins de cet hôpital. M. Mery, qui en
etoit alors chirurgien major, fur pareillement chargé
par M. le premier préfident d’examiner les épreuves
de frere Jacques, 8c de lui en faire fon rapport.
M. Mery dit que « frere Jacques ayant introduit
m dans la veffie une fonde folide, exactement ronde,
9* fans rainure, 8c d’une figure différente de celles
9* des fondes dont fe fervent ceux qui taillent fui-
* vant l’ancienne méthode, il prit un biftouri fem-
» blable à ceux dont on fe fert ordinairement, mais
» plus long, avec lequel il fit une incifion au côté
» gauche 8c interne de la tubérofité de l’ifchium, 8c
9* coupant obliquement de bas en haut, en profon-
» dant, il trancha tout ce qui fe trouva de parties
» depuis la tubérofité de l’ilchium jufqu’à fa fonde
9> qu il ne retira point. Son incifion étant faite , ii
9* pouffa fon doigt, par la plaie, dans la veffie, pour
» reconnoître la pierre. Et après avoir remarqué fa
9* fituation, il introduifit dans la veffie un inftru-
9> ment (qui avoit à-peu-près la figure d’un fer à * '
9> polir de relieur) pour dilater la plaie , 8c rendre
» par ce moyen la fortie de la pierre plus facile fur
9> ce dilatatoire qu’il appelloit fon conducteur, il
» pouffa une tenette dans la veffie, 8c retira auffi-
» tôt cé-conduCteur; 8c après avoir cherché 8c chargé
» la pierre, il retira la fonde de l’uretre, 8c enfuite là
» tenette avec la pierre de la veffie par la plaie, ce
» qu’il fit avec beaucoup de facilité, quoique la pierre
» fût à-peu-près de la groffeur d’un oeuf de poule.
» Cette operation étant faite , je difléquai, çonti-
» nue M. Mery, en préfence de MM. les médecins 8c
» chirurgiens de l’hôtel-Dieu-, les parties qui avoient
9> ete coupees. Par lâ diffeCtion que j’en fis, 8t en
» les comparant avec les mêmes parties oppofées
» que je difféqiiai auffi, nôiïs remarquâmes que frere
» Jacques avoit d’abord coupé des graiffes envi r<;n
» un pouce 8c demi d’épaiffeur ? qu’il avoit enfuite
lom ç X F , - - -
>> 'conduit fon fcalpël entre le muicle éreCteür 8c ac-
» célérateur gauche fans les bieffer, 8c qu’il avoit
>> enfin coupé le col de la veffie dans toute fa lon-
» gueur par le côte, à environ demi-pouce du Corps
» meme de la veffie.
Sur ce rapport on permit à frere Jacques de faire
Ion operation fur les vivans. Il tailla environ cin-
quante^perfonnes ; mais le fuccès ne répondit pas
a ce qu on en attendoit; on fit de nouveau l’examen
des parties bleffées, 8c on reconnut que les unes
etoient tantôt intéreffées, 8c tantôt lesf autres, en
forte qu on peut dire de frere Jacques qu’il n’avoit
point de méthode; car une méthode de tailler doit
être une maniéré de tailler fuivant une réglé toujours
eonftantej au moyen de laquelle on entame les mêmes
parties toutes les fois. Ce font les termes de M. Morand
, dans fes Recherches fur L’opération latérale infé-
1 ees dans les Mem. de l ’ac. royale des Scienc. ann, ri
Frere Jacques n’avoit donc point de méthode : il en-
tamoit la veffie, tantôt dans fon col tantôt dans fon
corps ; il féparoit quelquefois le col du corps ; fouvent
il traverfok la veffie, 8c l’ouvroit en deux endroits
; enfin il intéreffoit l’inteftin reftum qui né
doit point être touché dans cette opération, &c.
M- Méry publia en 1700 un traité fous le titré
d Obfervations fur la maniéré de tailler Jexes pour l’extraction de la pierre dans les deux , pratiquée par frere
Jacques. L’auteur releve vivement toutes les fautes
commifes par le nouveau lithotomifte, en donnant
des louanges à fa fermeté inébranlable dans l’opération.
Frere Jacques profita de la critique de M. Mery
8c des confeils qui lui furent donnés par MM. Fagon
8c Félix, premiers médecin 8c chirurgien du roi.
La principale caufe des défordres de l’opération ve-
noit du défaut de guide. Frere Jacques opéroit fur
une fonde cylindrique ; mais lorfqu’il eut fait ufa^e
de la fonde cannelée, il pratiqua fon opération avec
beaucoup de fuccès. On a de lui un écrit intitulé ,
Nouvelle méthode de tailler, munie des approbations
des médecins 8c des chirurgiens de la cour, qui lui
virent faire à Verfailles trente-huit opérations fans
perdre un feul de fes malades. Frere Jacques y reproche
à MM. Mery 8c Saviard de l’avoir décrié
comme feftateur d un nomme Raoulx qui étoit un
fripon , de n’avoir pas affez examiné par eux-mêmes,
8c d’avoir écrit contre lui.fur des ouï-dires, par
plaifir de blâmer l’opérateur 8c l’opération.
M. Raw, fameux profeffeur en Anatomie 8c en
Chirurgie à Leyde, vit opérer frere Jacques, 8c
pratiqua enfuite l’opération de la taille avec un
fuccès étonnant; mais il ne publia rien là-deffus;
M. Albinus a donné un détail circonftancié de tout
ce qui regarde l’opération de M. Raw fon prédé-
ceffeur. Il prétend qu’il avoit perfectionné la taille
du frere Jacques, 8c qu’il coupoit le corps même
de la veffie au-delà des proftates. Mais en fuivant
la defcription de M. Albinus, 8c fe fervant de la
fonde de M. Raw, on voit qu’il eft impoffible de
couper le corps de la veffie fans toucher aux proftates
, à fon col 8c à l’uretre , 8c on penfe que M. AI-
binus s eft mépris fur la méthode de M. Raw dont
nous ignorons abfolument les particularités, autres
que les fiicces extraordinaires dont elle étoit fiiivie.
Opération de Chefelden. L'a differtation deM. Albi-
mes fur la taille de Raw , excita l’émulation des chirurgiens
, 8c les porta à faire des expériences pro-1
près à les conduire à la perfection annoncée dans cet
ouvrage.
M. Chefelden fit les premières tentatives ; il rencontra
en fuivant ponctuellement la defcription de
M. Albinus , des inconvéniens qui le conduifirent à
une nouvelle opération ; voici la méthode de la pratiquer.
P p P P P ij