SENS, fGcogr. mod.) en latin Agendicum, Agcti-
ncum, Agenniacum ; ville de France en Champagne,
capitale du Sénonois, au confluent de l’Yonne & de
la Vanne, à 12 lieues au nord d’Auxerre, à 13 au
couchant de T ro y es , & à 15 au fud-eft de Paris.
Cette ville autrefois capitale du peuple Sénonois,
fort peuplée & connue des Romains, eft aujourd’hui
allez chétive, & contient à peine dans toute fon étendue
fix mille habitans. Ils ne purent arrêter les progrès
des conquêtes de Céfar dans les Gaules , & fe
trouvèrent mal de leur révolte contre ce général ;
mais l’empereur Julien n’étant encore que céfar ,1'ou-
tint avec fuccès .un fiege dans cette ville contre les
Germains. Toutes les antiquités de Sens fe bornent
aujourd’hui à quelques monnoies de Charlemagne &
de fa poflérité, qui ont été battues à Sens.
Vers l’an 940 elle étoit au pouvoir.de Hugues le
grand, duc de France. En 1015 le roi Robert prit
cette v ille , & la réunit à la couronne. L’archevêché
de Sens fut érigé, félon M. de Marca, vers l’an 3 80 ;
fon archevêque prend le titre de primat des Gaules,
mais la primatie eft demeurée provifionnellement à
l’archevêque de Lyon. Celui de Sens n’a pour fuffra-
gans a&uels que les évêques de Troyes, d’Auxerre
& de Nevers ; il avoit encore autrefois les évêques
de Paris, de Chartres, de Meaux & d’Orléans. Son
archevêché vaut au moins 70000 livres de revenu,
&; fon diocèfe eft d’une grande étendue ; car il renferme
fuivant le pouillé, 766 cures, tant féculieres
que régulières ; 26 abbayes, tant d’hommes que de
filles ; & 11 chapitres, fans compter celui de la
métropole, dont l’églife a quelques privilèges particuliers.,
t . . . ,
Le chapitre de Sens a une bibliothèque qui renferme
quelques manuferits, & entr’autres l’original de
l ’ancien office des Fous, tel qu’il fe chantoit autrefois
dans l’églife de Sens. C’eft un, in-folio long &
étroit, écrit en lettres affez menues, &C couvert d’ivoire
fculpté : on y voit des bacchanales & autres
folies de l’ancienne fête des Fous repréfentés groffie-
rement ; on y lit au commencement une profe rimée
au fujet de l’âne, qu’on fetoit auffi dans quelques
diocèfes. Le refte de l’office eft compofé de,prières
de l’églife, confondues lés unes dans les autres, pour
répondre au titre de la fête des Fous. Voyc{ Fête des
Fous.
Entre plufieurs conciles tenus à .SW,le plus célébré
eft le premier, de l’an 1140. Le roi Louis le jeune
y affifta, & S. Bernard, ennemi d’Abailard, fît condamner
dans ce concile ce fameux doéfeur, qui n’a-
voit aucun tort dans fa dottrine, & qui appella de fa
condamnation au pape.
Sens eft le fiege d’un préfidial, d’une éleftion &
d ’un bailliage. Il y a dans cette ville deux abbayes
de bénédittins, un college, un féminaire dirigé par
les PP. de la miffion, & plufieurs couvens. La fitua-
tion de Sens feroit très-propre pour le commerce,
&c cependant il ne s’y en fait prefque aucun. Long, fuivant
Caffini, 20.43.30. lat. 48. n.
Malingre ( Claude) , né à Sens dans le xvij. fiecle,
publia fur l’hiftoire de France, un grand nombre
d’ouvrages qui ne font point eftimés, 6c qui ne l’ont
jamais etc. Le premier qu’il mit au jour en 163,5 , eft
line Hifoire des dignités honoraires de France, &C c’eft
le feul de fes livres qui ait une certaine utilité, parce
qu’il a eu foin de citer fes garans. Il eft mort entre les
années 16.52 & 165 5,
Loifeau (Charles).,, fôn compatriote, eft un des
plus habiles jurifconfultes de la France , &t a donné
plufieurs ouvrages excellons fur des matières de droit.
Il eft mort à Paris, en 1627, âgé de 63 ans. {D. J.)
SENS AL , adj. (Comm.') qu’on écrit plus ordinairement
cenfal.
C'eft ainfi qu’on appelle én Provence , en quelques
endroits d’Italie , & dans les Echelles du Levant, ce
qu’on nomme ailleurs un courtier. Voye[ C ensal 6*
C ourt ier.
Tout le commerce de Livourne fe fait par la voie
des fenfaux, dont les journaux font foi en juftice. Ils
font tous italiens ou juifs, & paient au grand duc une
taxe, plus ou moins forte, à proportion des affaires
qu’ils ont faites pendant le cours de l’année. Dicl. de
Comm.
SENSATIONS, f. f. ( Métaphyfq. ) lesfenfations
font des impreffions qui s’excitent en nous à 1 occar
fion des objets extérieurs. Les philofophes modernes
font bien revenus de l’erreur groffiere qui reve-
toit autrefois les objets qui font hors de nous des di-
verfes fenfations que nous éprouvons à leur préfence.
Toute fenfation eft une perception qui ne fauroit fe
trouver ailleurs que dans un efprit, c eft-à-dire, dans
une fubftance qui fe fent elle-même, & cpii ne peut
agir ou pâtir fans s’en appercevoir immédiatement.
"NOS philofophes vont plus loin ; ils vous font très-
bien remarquer que cette efpece de perception que
l’on nomme fenfation , eft très-différente d’un coté
de celle qu’on nomme idée , d’autre cote des aftes
de la volonté & des pallions. Les paffions font bien
des perceptions coniufes qui ne reprefentent aucun
objet ; mais ces perceptions fe terminant à Pâme même
qui les produit, l’ame ne les rapporte qu’àelle-
même , elle ne s’apperçoit alors que d’elle-meme ,
comme étant affeélée de différentes maniérés , telles
que font la jo ie , la trifteffe, le defir, la haine &c l’amour.
Les Jénfations au contraire que l’ame éprouve
en f o i , elle les rapporte à l’attion de quelque caufe
extérieure , & d’ordinaire elles amènent avec elles
l’idée de'quelque objet. Les fenfations font auffi très-
diftinguées des idées.
i° . Nos idées font claires ; elles nous repréfentent
diftinftement quel'que objet qui n’eft pas nous : au
contraire, nos fenfations font obfcures ; elles ne nous
montrent diftinâement aucun objet, quoiqu’elles attirent
notre ame comme hors d’elle-meme ; car toutes
les fois que nous avons quelque Jenfation t il nous pa-
roît que quelque caufe extérieure agit fur notre
ame.
20.1 Nous fô mm es maîtres de l’attention que nous
donnons à nos idées ; nous appelions celle-ci, nous
renvoyons celle-là ; nous la rappelions, & nous la
faifons demeurer tant qu’il nous plaît ; nous lui donnons
tel degré d’attention que bon nous femble :
nous difpofons de toutes avec un empire auffi fouve-
rain , qu’un curieux difpofe des tableaux de fon cabinet.
Il n’en va pas ainli de no s fenfations ; l’attention
que nous leur donnons eft involontaire , nous
fommes forcés de la leur donner : notre ame s’y applique,
tantôt plus, tantôt moins, félon que laJen-
fation elle-même eft ou foible ou vive.
30. Les pures idées n’emportent auçu ne fenfation i
pas même celles qui nous repréfentent les corps ;
mais lesfenfatio/is ont toujours un certain rapport à
l’idée du corps ; elles font inféparables des objets
corporels , & l’on convient généralement qu’elles
naiffent à l’occafion de quelque mouvement des
corps , & en particulier de celui que les corps extérieurs
communiquent au notre.
40. Nos idées font ftmples, ou fe peuvent réduire
à des perceptions ftmples ; car comme ce font des
perceptions claires qui nous offrent diftinftement
quelqu’objet qui n’eft pas nous, nous pouvons les
décompofer jufqu’à ce que nous venions à la perception
d’un objet ftmple & unique , qui eft comme
un point que nous appercevons tout entier dune
feiilevuc. No s fenfations au contraire font confufes;
& c’eft, ce qui fait conjecturer , que ce ne fontpas
des perceptions ftmples , quoiqu’on dife le célébré
Locke. Ce qui aide S là Conjeftiire, c’eft que nous
éprouvons tous les jours des fenfations qui nous pa-
roiffent ftmples d<ms le moment même, mais que
nous découvrons enfuite ne l’être nullement. On
fa it , par les ingénieufes expériences que le fameux
chevalier Newton a faites avec le prifme, qu’il n’y
a que cinq couleurs primitives. Cependant, du différent
mélange de ces cinq couleurs, il fe forme cette
diverfité infinie, de couleurs que l’on admire dans les
ouvrages de la nature , & dans ceux des Peintres ,
fes imitateurs & fes rivaux, quoique leur pinceau le
plus ingénieux ne puiffe jamais l’égaler. A cette variété
de couleurs, de teintes, de nuances , répondent
autant de fenfajions diftinttes, que nous prendrions
pour fenjations ftmples, auffi bien que celles
du rouge & du v erd , fi les expériences de Neuton
ne démontroient que ce font des perceptions com-
pofées de celles des cinq couleurs originales. Il en
oft de même des tons dans la mufique. Deux ou plufieurs
tons de certaine efpece venant à frapper en
même terns1 l’oreille, produifent un accord : une
oreille fine apperçoit à la fois ces tons différens, fans
les bien diftinguer ; ils s’y unifient & s’y fondent
l’un dans l’autre ; ce n’eft proprement aucun de ces
deux tons qu’elle entend ; c’eft un mélange agréable
qui fe fait des deux , d’où réfulte une troifieme fen-
Jàtion, qui s’appelle accord, fymphonie : un homme
qui n’auroit jamais ouï ces tons féparément, pren-
droit la fenfation que fait naître leur accord pour
une ftmple perception. Elle ne le feroit pourtant pas
plus que la couleur violette1, qui réfulte du rouge &
du bleu mélangés fur une furface par petites portions
égalés. Toute fenfation , celle du ton, par exemple,
ou de la lumière en général, quelque ftmple , quelque
indiviiible qu’elle nous paroiffe, eft un compofé
d’idées, eft un affeinblage ou amas de petites perceptions
qui fuivent dans notre ame fi rapidement,
& dont chacune s’y arrête fi peu, ou qui s’y prélèn-
tent à la fois en fi grand nombre , que l’ame ne pouvant
les diftinguer l’une de l’autre, n’a de ce compofé
qu’une feule perception très-confufe , par égard
aux petites parties ou perceptions qui forment ce
compofé ; mais d’autre côté , très-claire, en ce que
1 ame la diftingue nettement de toute autre fuite ou
affemblage de perceptions ; d’où vient que chaque
fenfation confufe , à la regarder en elle-même, de-
tres-claire , fi vous i’oppofez à une fenfation
.differente. Si ces perceptions ne fe fuccédoient pas
fi rapidement l’un à l’autre, fi elles ne s’offroient pas
il >S ^ Srand nom^r e , fi l’ordre dans lequel
elles s’offrent &: fe fuccedent ne dépendoit pas de
celui des mouvemens extérieurs, s’il étpit au pouvoir
de l’ame de le changer ; fi tout cela étoit, les
fenjations ne feroient plus que de pures idées , qui
repi ef enteroient divers ordres de mouvement'. L ’ame
le les reprefente bien, mais en petit, mak dans une
rapidité & une abondance qui le confond 3 quil’em-
peche de demeler une idée d’avec l’autre, quoiqu’elle
foit vivement frappée du tout enfemble , &c
qu elle diftingue très-nettement telle fuite de mouvemens
d’avec telle autre fuite , tel ordre , tel amas
de perceptions d’avec tel autre ordre & tel autre
hsjenjhtions l’ont des idées, on en peut former pl
# ficurs autres , tant cette matière devient féconde
quand on la creufe de plus en plus.
1 °* Ees impreffions que notre ame reçoit à l’occ
fion des objets fenfibles, font-elles arbitraires?
paroît clairement que non , dès qu’il y a une anal
gic entre nos fenjations & les mouvemens qili 1
caulent, &: dès que ces mouvemens fon t, non
liniple occafion , mais l’objet même de ces perce
nons confules. Elle paroîtra cette analogie , fi d’i
cote lions comparons c es fenfations entr’dles , &
Tome X K .
a autre cote nous comparons entr’euX les Organeâ
de cesfenfatioms , & l’impreffion qui fe fait fur ce§
difterens organes. La vue eft quelque chofé de plus
délicat & de plushabile que l’ouïe ; l’ouïe a vifible*
ment un pareil avantage fur l’odorat & fur le goût ;
& ces deux derniers genres de fenfation l’emportent
par le meme endroit fur celui du toucher. On ob-*
ferve les mêmes différences entre les organes dé
î10^ frns 9 Pour k compofition de ces organes pour
la deheateffe des nerfs , pour la fubtilité & la vîteffe
des mouvemens, pour la groffeur des corps exté»
rieurs quiaffeftent immédiatement ces organes. L’im*
preffion corporelle fur les organes des fens, n’eft
qu un ta61 plus ou moins fubtil & délicat, à propor*
^ n de la nature des organes qui en doivent êtré
affectes. Celui qui fait la vifion eft le plus léger de
tous : le bruit & le fon nous touchent moins délicatement
que la lumière & les couleurs ; l’odeur & là
laveur encore moins délicatement que le fon ; le froid
& le chaud, & les autres qualités tattiles, font l’impreffion
la plus forte & la plus rude. Dans tous, il né
faut que différens degrés de la même forte de mouvement
, pour faire paffer. l’ame du plaifir à la douleur
; preuve que le plaifir & la douleur, ce qu’il y,
a d’agréable & de défagréable dans nos fenfations ;
eft parfaitement analogue aux mouvemens qui les
produifent, o u , pour mieux dire, que nos ferif nions
ne font que la perception confufe de ces divers mouvemens.
D ’ailleurs , à comparer nos Jénfations entre
elles, on y découvre des rapports & des différences
qui marquent une analogie parfaite avec les mouvemens
qui les produifent, & avec les organes qui reçoivent
ces mouvemens. 'Par exemple, l’odorat &
le goût s’avoifinent beaucoup, & tiennent affez de
1 un & de l’autre. L’analogie qui fe remarque entre
les fens & les couleurs eft beaucoup plus fenfible. Il
faut à prefent venir aux autres queftions, & entre?,
de plus en plus dans la nature des fenfations.
Pourquoi, dit-on, l’ame rapporte-t-elle fesfenfa-
lions à quelque caufe extérieure ? Pourquoi ces fenfa-
lions font-elles inféparables de l’idée de certains objets
? Pourquoi nous impriment-elles fi fortement
ces idees, ce. nous font - elles regarder ces objets *
comme exiftans hors de nous ? Bien plus, pourquoi
regardons - nous ces objets non-feulement comme la
caufe , mais comme le fujet de c es fenfations? D ’où
vient enfin que la fenfation eft fi mêlée avec l’idée de
l’objet même , que quoique l’objet foit diftingué de
notre ame, & que la JcnJ'ation n’en foit point diftin-*
guee , il eft extrêmement difficile, ou même impofi*
iible a notre ame , de détacher la fenj'atton d’avec l’i»
dee de cet objet ; ce qui a principalement lieu dans
la vifion. On ne fauroit prefque pas plus s’empêcher,
quand on voit un cercle rouge , d’attribuer au cercle
la rougeur qui eft notre propre J'enJ'ation, que de lui
attribuer la rondeur, qui eft la propriété du cercle
meme. Tant de queftions à éclaircir touchant les fenfations
, prouvent affez combien cette matière eft épi-
neufe. Voici à-peu-pres ce qu’on y peut répondre dé
plus raifonnable.
L es fenfations font fortir l’ame hors d’elle-même;
en lui donnant 1 idee confufe d’une caufe extérieure
qui agit fur elle, parce que les Jénfations font des perceptions
involontaires ; l’aine en tant qu’elle fent eft
palïïve, elle eft le fujet d’une aftion ; il y a donc
hors d’elle un agent. Quel fera cet agent ? Il eft raifonnable
de le concevoir proportionné à fon aélion,
& de croire qu’à différens effets répondent de différentes
caufes ; que les fenjations font produites par
des caufes auffi diverfes entre elles, que le font les
fenjations même. Sur ce principe, la caufe de la lumière
doit être autre que la caufe du feu ; -celle qui
excite en moi la J'enJ'ation du jaune , doit n’être pas*
la même que celle qui me donne la fenjation du violet«
E ij