§34 T A I calité. U économie confifte à ménager également la
•fève , en taillant plus long ou plus court, félon que
les arbres font foïbles ou vigoureux. Dans ce dernier
cas même, on peut tailler court en laifl'ant beaucoup
de branches' capables de divifer la fève ; car
c’eft en raifon de fa marche qu’il faut diriger toute
l ’opération ; d’où il arrive quelquefois que dans cette
Vue , il y a des parties de Marbre que l’on ne taille
point du-tout. La prévoyance n’efl pas moins nécef-
îaire ; elle confifte à juger par avance du fort des
branches , à difpofer celles qui doivent donner du
fruit, à ménager des reffources pour remplir les vui-
des, & à confèrver tout ce qui doit foutenir la per-
feélion de la forme, quand même le produit devroit
en fouffrir.
Les arbres fruitiers fe cultivent ordinairement fous
quatre formes différentes ; en arbres de tiges , en
buiffon, en efpalier, 6c en contr’efpalier-: il faut peu
d’art pour la taille des arbres de tiges , ou de plein
vent ; fur-tout fi ce font des fruitiers à pépin. Tout-
au-plus doit - on prendre foin dans les commence-
mens de façonner leur tête , afin de les difpofer pour
tonjeurs à une forme agréable. Mais les fruitiers à
noyau étant plus fujets à fe lancer , exigent une attention
plus luivie pour contribuer à leur durée, au
moyen d’un retranchement bien ménagé. L’art concilie
ici à divifer la fèv e, fans trop lui couper chemin
; car dans ce dernier cas , elle s’extravafe 6c fe
tourne en un fuc glutineux que l’on appelle gomme ,
6c cette gomme eft pour les arbres à noyau un fléau
qui les fait périr immanquablement. Du re lie , la
taille des fruitiers de plein v en t , tant à pépin <ju’à
noyau , confifte à retrancher le bois mort, croife ou
fuperflu, & à raccourcir les branches qui, tombent
trop bas ou qui s’élancent trop fur les côtés. La taille
des fruitiers en buijj'on , confifte à les former fur une
tige très-baffe , à les difpofer en rond, à les bien évi-
der par le milieu en maniéré de vafe, à les tenir également
épais 6c garnis dans leur contour, & à ne
les laiffer s’ élever qu’à la hauteur de 6 ou 7 piés. La
taille des arbres fruitiers en efpalier eft plus difficile ;
cette forme exige des foins fuivis, une culture entendue
6c beaucoup d’art pour en tirer autant d’agrément
que de produit; c ’eft le point qui décelle l’ignorance
des mauvais jardiniers , 6c c’eft le chef-
d’oeuvre de ceux qui ont affez d’habileté pour accorder
la contrainte que l’on impofe à l’arbre, avec le
produit qu’on en attend. Les fruits à pépin y conviennent
moins que ceux à noyau, dont quelques
efpeces y réuffiffent mieux que fous aucune autre
forme. Un arbre en efpalier doit avoir une demi-tige
, s’il eft deftiné à garnir le haut de la muraille, 6c
n’en avoir prefque point s’il doit occuper le bas,: il
faut enfuite leur donner une forme qui en fe rapprochant
le plus qu’il foit poffible de la façon dont les
arbres prennent naturellement leur croiffance , foit
autant agréable à l’oeil, que favorable à la production
du fruit. La figure d’une main ouverte ou d’un éventail
déplié, a paru la plus propre à remplir ces deux
objets. L’attention principale, eft que l’arbre foit également
garni de branches fur les côtés pour forcer la
fève à fe divifer également ; on retranche celles
qui font mortes , chiffonnes, fupèrflues 6c mal placées
, toujours eu égard à l’agrément & au produit.
On accourcit les branches qui doivent relier, félon
l’âge de l’arbre, fa force, l’on étendue 6c la qualité
de fon fruit. Les arbres en contr efpalier exigent à-
peu-près la même taille, on les conduit & on les cultive
de même, fi ce n’ eft que l’on ne permet pas aux
fruitiers en contr’ efpalier de s’élever autant que ceux
en efpalier, 6c que ceu x -c i ne préfentent qu’une
face , au lieu que les autres en ont deux.
Taille des arbres en pépinière. Cette forte de culture
demande également des attentions 6c des ménage-
T A I mens. On plante les jeunes arbres en pépinière après
qu’on les a multipliés de graine, de boutures, ou de
branches couchées. Ceux venus de graine fe plantent
à différens âges , depuis un an jufqu’à trois ou quatre,
félon leur force ou leurs efpeces. Il y en a quelques
unes privilégiées en ce point,c’eft: qu’on ne leur
doit jamais couper la cime. Tels font le frêne , le
châtaignier, le marronnier d’inde, le n o y e r , le pin,
le bonduc, le tulipier, &c. on les altéreroit, on les
retarderoit, 6c en un mot, on leur nuiroit beaucoup
fi on en ufoit autrement. Le commun de tous les autre
« arbres fe traite différemment. Il faut couper
leur tige jufqu’à deux ou trois yeux au-deffus du niveau
de la terre ; on doit aufii retrancher de moitié
les racines pivotantes de tout arbre quelconque, 6c
réduire les autres racines à-proportion de leur longueur.
On en ufe à-peu-près de même pour la taille
des jeunes plants venus de bouture , de branches
couchées, ou de rejettons. S’ils ont de la force &
de bonnes racines on peut fe contenter de réduire
feulement leurs branches latérales à deux ou trois
yeux. Dans les années qui fuivront la plantation en
pépinière , il faudra chaque année les tailler au prin-
tems , mais avec un grand ménagement, qui con«*
fille à ne jamais retrancher les branches en entier ,
& feulement peu-à-peu , à mefure que l’arbre prend
affez de corps pour le défendre de lui-même des vents
impétueux, 6c fe foutenir contre le poids de la pluie.
C ’eft ce qu’on ne fauroit trop recommander aux jardiniers
pépinieriftes ; car c’elt en quoi ils pèchent
principalement. Leur attention du relie doit fe porter
à former des arbres d’une tige unie, proportionnée
& bien droite. Quand aux plants qui s’y refii-
fent en devenant tortus, raffaux, défeélueux ou lan-
guiffans ; le meilleur expédient eft fouvent de Je couper
au pié.
Taille des arbres que Fonfe propofe de tranfplanter.
C’eft la forte de taille que l’on pratique avec le moins
d ’attention , 6c qui en mérite le plus : car c’eft de-là
que dépend fouvent tout l’agrément d’une plantation.
Prefque tous les jardiniers ont la fureur de
couper à fept piés de hauteur tous les arbres qu’ils
tranfplantent. Il fem'ble que ce foit un point abfolu
au-delà duquel la nature doive fe trouver dans l’é—
puifement. Ils ne voient pas que cette vieille routine
de planter des arbres fi courts, retarde beaucoup
leur accroiffement, 6c les prépare à une défeéluofit»
qui n’eft que trop fouvent irréparable. Des arbres
ainfi rabattus, font prefque toujours, à l’endroit de
la coupe , un genouil difforme d’un afpe61 très-défa-
gréable ; on ne peut prévenir ce défaut qu’en laif-
fant au-moins douze piés de tige aux arbres deftïnés
pour des allées, des avenues , des quinconces, &c.
On laiffe croître pendant quelques années les rejet-
tons qu’ils ont pouffés au-deffous des dix premiers piés,'
enfuite on les élague peu-à-peu pour ne leur laiffer que
les principales tiges qui s’élancent à la cime. C’eft ainfi
qu’on en peut jouir promptement, 6c cju’on leur voit
faire des progrès toujours accompagnes d’agrément.
Taille ou tonte des palliff 'ades. Quand on n’a pas
employé des plantes d’une bonne hauteur pour former
des palliffades , il faut de grands foins pour les
conduire 6c les traiter dans les commencemens. On
doit plus s’occuper pendant les deux premières années
à les dreffer & à les diriger, qu’à y faire du re*
tranchement. La tonte au croiffant ne doit gueref
commencer qu’à la troifieme année. Leur grande
beauté eft d’avoir peu d’épaiffeur ; mais comme elles
s’épaiffiffent toujours en vieilliffant ,il faut alors forcer
la tonte jufqu’à deux ou trois pouces près du tronc.
Cette opération fait pouffer de nouveau branchage
<jui renouvelle la palliffade , 6c la remet à fa jufte
epaiffeur. Si malgré ce retranchement elle fe trouve
dégarnie dans le bas, la derniere reffource fera de la
T A I rabaiffer de quelques piés en-deffus. Ceci'fé doit faire
au printems ; & la tonte ordinaire après la première
feve , dans le commencement de Juillet;
Taille ou élagage des avenues & des allées. L’ufage
eft pour les avenues 6c les grandes allées de laifîer
monter les arbres tant que leur vigueur peut y fournir.
La grande élévation en fait la principale Deauté.
Quant aux allées de médiocre étendue , on fe détermine
quelquefois à les arrêter par le haut pour les
faire garnir, pour leur donner plus de régularité, ou
plutôt pour ménager les vues des bâtimens qu’elles
avoifinent : mais le point principal eft de donner aux
avenues & aux allées la forme d’un berceau, foit à
une hauteur moyenne , foit à une grande élévation,
fuivant la nature de l’arbre & la qualité du terrein.
On ne peut y parvenir avec fuccès qu’en s’y prenant
de bonne heure , afin de n’être pas obligé de fuppri-
mer de greffes branches qui laiffent du vuide, ou dont
le retranchement endommage fouvent les arbres.
Pendant les 3 ou 4 premières années de la plantation,
on ne doit s’attacher qu’à retrancher les rejettons
inutiles , à fimplifier la tête des arbres, 6c à diriger
les maîtrefl'es branches qui peuvent garnir la ligne ,
ou qui doivent prendre de l’élévation. Après ce tems
on fera tous les ans au printems une tonte au croiffant
des branches qui prennent leur direétion , foit
en-dedans de l’allée, foit en-dehors ; d’abord à environ
un demi-pié du tronc des arbres. Enfuite on fe
relâche peu-à-peu de cette précifion, afin d’éviter le
chiffonnage des branches. Le but doit être ici de
former une forte de palliffade fur de 8 à 10 piés d’élévation.
On fera bien de ne difeontinuer ce foin de
culture que quand la plantation aura 20 ans. C’elt le
tems oh les arbres auront pris leur force ; on pourra
leur permettre alors d’étendre leurs branches fupé-
rieures pour faire du couvert, & il fuffira d’y donner
un coup de main tous les trois ans pour entretenir
les premières difpofitions, & donner faveur à tout ce
qui peut procurer de l’ombre 6c former un afpeét
agréable.
Taille des arbres toujours verds. On doit pour cette
culture diftinguer fpécialement les arbes réfineux qui
demandent plus de précaution que les autres arbres toujours
verds,pour lesretranchemens qu’on eft obligé de
iàire, foit dans leur première éducation , ou lorf-
qu’on veut leur donner une forme régulière à mefure
qu’il avancent en âge. Si l’on veut leur faire uite tête,
il ne faut couper les branches que peu-à-peu, 6c avoir
attention de laiffer fur l’arbre plus de rameaux que
Ton n’en retranche ; 6c comme la plûpart de ces arbres
réfineux par la régularité de leur croiffance
pouffent plufieurs branches raffemblées au-tour de la
tige dans un même point circulaire, enforte qu’elles
£c touchent à leur infertion ; il ne faut fupprimer ces
branches qu’aUernativement. Parce que fi on les ôtoit
toutes à-la-fois, cela formeroit une plaie au-tour de
la tige, d’oii il réfulteroit le même inconvénient, que
fi on avoit enlevé une zone d’écorce,& on fait le tort
que cette opération fait à un arbre. Une autre ob-
1ervation importante , c’eft que les arbres réfineux
qui ont été coupés au pié à quelqu’âge que ce foit,
ne repouffent prefque jamais , à-moins qu’il ne fo i t ;
refté à leur pié quelques rameaux de verdure ; encore j
cela fouffre-t-il des exceptions. Mais il n’y a nul rif-
que à les étêter légèrement, fi ce n’eft de mettre en
retard leur accroiffement, parce que la plus vive des
branches voifines de la coupure fe dreffe naturellement.
Du relie on peut tailler 6c tondre ces arbres,
6c les reftreindre à la régularité autant que l’on veut,
pourvu que Ton ne retranche que partie des rameaux,
.& qu’il en relie plus fur l’arbre que Ton n’en aura en-
leve ; exception faite des arbres réfineux, les autres
toujours verds fe conduilent pour la taille ou la tonte
? comme ceux qui quittent leur? fçuftiçs, Le moiç
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de feptembre eft le moment le plus propre à cette
opération pour tous les arbres verds. Alors leur feve
n’eft plus en mouvement, les plaies ont le tems de
s ’affermir avant l’hiver, Sc on les difpofe pour cette
faifon, qui eft celle de leur agrément.
Récépage & élagage des ferais de bots. Le récépage
eft l’opération la plus profitable dont on puiffe faire
ufage pour accélérer l’accroiffement des jeunes femis.
On ne peut même guere s’en difpenfer , que quand
le femis a été fait dans un excellent terrein , ou que
fi c’eft dans un fol de médiocre qualité, on a contribué
au fuccès par des foins de culture. Mais fi dans
un terrein quelconque les jeunes plants fe trouvent
foïbles, languiffans, de baffe venue, même dépé-
riffant, comme il arrive quelquefois, il faut les réce-
per au-bout de quatre à cinq ans ; c’eft l’unique moyen
de les remettre en vigueur,& d’exciter leur accroiffement
de façon que la plûpart pouffent dès la première
année des rejettons auffi élevés qu’étoient les
tiges récepées. Si après cette première opération on
apperçoit encore quelque langeur, il faudra la recommencer
au-bout de quatre ans. C ’eft encore un
expédient propre à remédier au fléau d’une forte grêle,
au dégât des grands hivers, 6c aux dégradations
du bétail. Mais on peut mettre en queftion s’il eft
utile d’élaguer les femis de bois. Cette forte de culture
, encore peu mife en ufage, n’a pas non-plus
montré de grands fuccès jufqu’à prefent. On retarde
les jeunes arbres en leur retranchant des branches
entières; il faudroit donc les conduire comme les
plans des pépinières , ce qui n’eft pas plus propofa-
ble qu’une culture complette.
A vantages & inconveniens de la taille. On tire avantage
de la taille lorfqu’elle a été faite avec ménagement,
qu’elle a été fuivie avec exaélitude, & qu’elle
a été appliquée avec intelligence. Ce foin de
culture accéléré la jouiffance, prolonge la durée &
conftitue l’agrément fous toutes les différentes formes
dont les arbres font fufceptibles. C’eft le plus
grand moyen qu’on puiffe employer pour remettre
en vigueur les arbres languiffans,pour donner de la
force à ceux qui fe cmffonnent 6c s’arrêtent dans des
terreins de mauvaife qualité , ‘pour hâter le progrès
de tous les arbres en général, & leur faire prendre
des belles tiges. Il peut réfulter au-contraire les plus
grands inconvéniens d’une taille forcée, ou négligée,
ou mal entendue. Par une taille forcée on entend le
retranchement qui a été fait tout-à-la-fois de plufieurs
branches entières fur un même arbre. Cette culture
mal-adroite 6c précipitée affoiblit l’arbre, amaigrit
la tige 6c retarde confidérablement facroiflànce. Une
taille négligée peut quelquefois fe reparer fous une
main habile ; mais quand elle a été mal appliquée ,
il eft bien plus difficile d’y remédier. Article de M.
D âUBEKTQN yfubdélègué.
Nous allons ajouter à ces généralités, le précis
fur la nouvelle taille des arbres , fuivant la méthode
de Montreuil , proche de Vincennes, par le fleur
abbé Roger Schabot. Ce précis eft extrait de l ’ouvrage
que cet auteur eft fur le point de donner au
public, qui a pour titre la théorie & la pratique du
Jardinage y d’après la phyfique des végétaux.
I. M. de la Quintinie parlant de la taille des arbres,'
d it , tout le monde coupe , mais peu fayent tailler. La
taille des arbres eft contre nature. Ils ne furent point
faits originairement pour être troublés 6c arrêtés
dans leur aélion de végéter, & par conféquent pour
être coupés, tailladés, racourcis, élagués, ébottés 6c
tourmentés en mille &millemaniere. Ces opérations
toujours douloureufes pour eux dans un fens , 6c ces
incifions dérangent à coup fur,& troublent l’ordre 6c
le mécanifme de leurs parties organiques ; elles dérangent
auffi la circulation & le mouvement de la feve ,
à qui on fait prendre un cours tout oppofé à celui