rcns airs fur un infiniment ; & lorfqu’il a rencontré i
celui qui plaît au malade , on voit aufli-tôt celui-ci
faire un petit mouvement : fes doigts commencent
à fe remuer en cadencé, .enfuite fes bras, puis fes
jambes & tout le corps fuccèffivement. Enfin il fe
leve fur fes pies & fe met à danfer devenant toujours
plus fort & plus aétif. Quelques-uns continuent
à danfer pendant fix heures fans relâche.
On met enfuite le malade au lit ; & quand on juge
qu’il eft fuffifamment repofé de fa danfeon le fait
lever eh joiiant le même air pour danfer de nouveau.
On continue cét exërcice pendant plufieurs jours*
È’eft-à-dire pendant fix ou fept au plus.\Alors le malade
fe trouve çxceflivement fatigué & hors d’état
de danfer plus lônig-teffis, ce qui eft la marque de la
guérifon ; caf tant que le poifon agit fur lui, il dan-
feroit, fi l’on vôuloit, fans difcontinuer jufqu’à ce
qu’il mourut de foibleffe.
Le malade fe fentant fatigué, commence à revenir à
lui-même,& fe réveille comme d’un profond fommeil,
fans aucun fouvenir de ce qui lui eft arrivé dans fon
paroxyfme, & pas même d’avoir danfé.
Quelquefois il eft entièrement guéri après un premier
accès. Si cela n’eft pas, il fe trouve accablé de
mélancolie , il évite la vue des hommes & cherche
l’eau ; & fi on ne veille exactement fur lui, il fe jette
dans quelque riviere. S’il ne meurt pas de cette fois,
il retombe dans fon accès au bout de douze mois ,
& on le fait danfer de nouveau. Quelques-uns ont
régulièrement ces accès pendant vingt ou trente
ans. Chaque malade aime particulièrement un certain
air de mufique ; mais les airs qui guérifl'ent font tous
en général très-vifs &c très-animés. Voye{ A ir &
T on.
Ce que nous venons de rapporter fut communiqué
en 1701 à l’académie royale des Sciences, par
M. Geoffroy, à fon retour d’Italie , & fiit'confirmé
par les lettres du P. Gouye. Baglivi nous donne la
même hiftoire dans une differtation compofée exprès
fur la tarentule, & publiée en 1696.
U n’eft pas étonnant qu’on ait ajouté quelques fables
à des faits fi extraordinaires ; comme par exemple
, que la maladie ne dure que tant que la tarentule
vit ; & que la tarentule danfe elle-même pendant tout
ce tems-là le même air que la perfonne mordue.
Théorie des effets de la morfure de la tarentule , par
M. Geoffroy. Cet auteur conçoit que le fuc empoi-
fonné que tranfmet la tarentule, peut donner aux
nerfs un degré de tenfion plus grand que celui qui
leur eft naturel, ou qui eft proportionne à leurs fonctions
; de-là vient la perte de connoiffance & de mouvement.
Mais en même tems cette tenfion fe trouvant
égale à celle de quelques cordes d’un infiniment
, met les nerfs à l’uniffon avec certains tons, &
fait qu’ils vont ébranlés & agités par les ondulations
& les vibrations de l’air qui font propres à ces tons.
De-là cette guérifon merveilleufe qu’opere la mufique
: les nerfs étant par ce moyen rétablis dans leur
mouvement naturel, rappellent les efprits qui auparavant
les avoient abandonnés. Voyei Unisson &
A ccord .
On peut ajouter, avec quelque probabilité & fur
les mêmes principes , que l’averfion du malade pour
certaines couleurs vient de ce que la tenfion de fes
nerfs, même hors du paroxyfme, étant toujours différente
de ce qu’elle eft dans l’état naturel, les vibrations
que ces couleurs occafionnent aux fibres du
cerveau font contraires à leur difpofition, & pro-
duifent une diffonnance qui eft la douleur.
Théorie des effets de la morfure de la tarentule , par
le D. Mead. La malignité du venin de la tarentule
confifte dans fa grande force & fa grande activité
par laquelle il excite auffi-tôt dans tout te fluide artériel
une fermentation extraordinaire qui altéré con-
fiderablement fon tiffu ; en confequence de quoi il
arrive néceffairement un changement dans la cohé-
fion des particules de ce liquide ; & par ce moyen
lès globules de fang qui auparavant fe preffoient les
lins les autres avec une égale force fe trouvent avoir
une aftion irrégulière & fort différente ; enforte que
quelques-uns font fi fortement unis enfemble qu’ils
forment des molécules * & comme de petits pelotons.
Sur ce pie-là, comme il y a alors un plus grand’
nombre de globules enfermés dans le même efpace
qu’il n’y avoit auparavant, & que l’impulfion de
plufieurs d’entre eux , lorfqu’ils font unis enfemble,
Varie fuivant le degré de leur cohéfion , fuivant leur
groffeur , leur figure, &c. l’impétuofité avec laquelle
ce fang àftérieleft pouffé vers les parties , ne fera
pas feulement plus grande quelquefois qu’à l’ordinaire
; mais encore fa prefîion fur les vaiffeaux fan-’
guins fera néceflàirement irrégulière & fort inégale;
ce qui arrivera particulièrement à ceux qui fe
diftendent lé plus àilément, tels que ceux du-cerveau,
&c.
En confequence le fluide nerveux doit ftibir divers
mouvemens ondulatoires, dont quelques-uns feront
fèmblables à ceux que différens objets agiffant fur les
organes du corps ou fur les pallions de l’ame excitent
naturellement. De-là s’enfuivent néceffairement
certains mouvemens du corps qui font les fuites ordinaires
de la trifteffe , de la joié, du défefpoir, &
d’autres pallions de l’ame. Voye^ Passions.
Il ÿ a alors un certain degré de coagulation du
fang, laquelle étant accompagnée d’une chaleur extraordinaire
, comme il arrive dans le pays oii les
tarentules abondent, produira encore plus fûrement
les effets dont nous avons parlé : car les efprits fépa-
rés du fang ainfi enflammé & compofé de particules
dures, fines & feches, ne fauroient manquer d’avoir
part à cette altération , c’eft-à-dire qu’au-lieu que
leur fluide eft compofé de deux parties, l’une plus
aftive & plus volatile, l’autre plus vifqueufe & plus
fixe, qui fert en quelque façon de véhicule.à la première
, leur partie vifqueufe fe trouvera alors trop
femblable à la partie aûive ; par conféquent ils au-*
ront plus de volatilité & de force qu’à l’ordinaire ;
c’eft pourquoi à la moindre occafion ils fe porteront
irrégulièrement à chaque partie.
De-là s’enfuivront des fauts, de la colere, ou de
la crainte pour le moindre fujet ; une extrême joie
pour des chofes triviales, comme des couleurs particulières
, & chofes femblables ; & d’un autre côté
de la trifteffe dès qu’une chofe ne plaît pas à la vue \
des ris , des difcours obfcenes & des actions de même
nature, & d’autres pareils fymptomes qui fur-,
viennent aux perfonnes mordues par la tarentule ;
parce que dans la difpofition oîi eft alors le fluide
nerveux, la plus légère caufe le fait refluer avec
ondulation vers le cei’veau, & produit des images
auffi vives, que pourroit faire la plus forte impref-
fion dans l’état naturel de ce fluide. Dans une telle
confufion, les efprits ne peuvent manquer , même
fans aucune caufe manifefte, de fe je.tter quelquefois
avec précipitation fur les organes vers lefquels
ils fe portaient le plus fouvent en d’autres tems ; &
l’on fait quels font ces organes dans les pays chauds.
Les effets de la mufique fur les perfonnes infe&ées
du venin de la tarentule, confirment la doctrine précédente.
Nous favons que le mouvement mufculaire
n’eft autre chofe qu’une contraction des fibres, cau-
fée par le fang artériel, qui fait une effervescence
avec le fluide nerveux , lequel par la légère vibration
& le trémouffeihent des nerfs , eft détferminé
à fe porter dans les mufcles. Voye1 Musculaire.
Ainfi la mufique a un double effet, Ôc agit égaleinent
fur le corps & fur l’ame. Uné harmonie vive
excite dans l’ame des mouvemens violens de joie Sc
de plaifir, qui font toujours accompagnés d’un pouls
plus frequent & plus fort , c’eft-à-dire, d’un abord
plus abondant du fluide nerveux dans les mufcles ;
ce qui eft aufli-tôt fuivi des actions conformes à la
nature des parties.
Quant au corps, puifqu*il fuffit poiir mettre les
mufcles en aélion , de caufer aux nerfs ces tré-
ihouffemens qui déterminent leur fluide à couler alternativement
dans les fibres motrices, c’eft tout un
que cela fe faffe par la détermination de la volonté
ou par les impreflions extérieures d’itn fluide élafti-
que.
Ce fluide élàftiqite, c’eft l’air. Or, oh convient
que les fons confiftent en des vibrations de l’air : c’eft
pourquoi étant proportionnés à la difpofition du malade
, ils peuvent auffi réellement ébranler les nerfs
que pourroit faire la volonté, & produire par con-
• fequent des effets femblables.
L utilité dé la mufique pour les perfonnes mordues
de la tarentule ; ne confifte pas feulement en ce que
la mufique les fait danfer , & leur fait ainfi évacuer
par la fueur une .grande partie du venin ; mais outre
cela, les vibrations Réitérées de l’air que caufe la
mufique, ébranlant par uii tontaÉl immédiat les fibres
contractiles des membranes du Corps, & fpécia-
lement celles de l’orejlle, qui étant contiguës au cerveau
, communiquent leurs trémouffemens aux membranes
& aux vaiffeaux de ce vifeere ; il arrive que
ces fecouffes & ces vibrations continuées détriiif'ent
entièrement la cohéfion des parties du fang, & en
•mpechent la coagulation ; tellement que le venin
étant évacue par les fueurs , & la coagulation du
lang étant empêchée par la contraction des fibres
mufculaires, le malade fe trouve guéri.
Si quelqu’un doute de cette force de l’air , il n’a
qu à confiderer, qu’il eft démontré dans le mécha-
nifme , que le plus léger mouvement du plus petit-
corps peut furmonter la réfiftance du plus grand
poids qui eft en repos ; & que le foible trémouffe-
ment de l’air , que produit le fon d’un tambour,
peut ebranler les plus grands édifices.
Mais outre cela, on doit avoir beaucoup d’égard
à la force déterminée , & à la modulation particulière
des tremouflemens de l’air ; car les corps capables
de fe contracter, peuvent être mis en aCtion
par un certain degré de mouvement de l’air qui les
environne ; tandis qu’un plus grand degré de mouvement,
différemment modifié, ne produira aucun
effet femblable. Cela ne paroît pas feulement dans
deux inftrumens à cordes , montés au même ton;
mais encore dans l’adreffe qu’ont cer^nes gens de
trouver le ton particulier qui eft propre à une bouteille
de verre, & en réglant exactement leur voix
fur ce ton, la pouffant neanmoins avec force & long-
tems, de faire d’abord trembler la bouteille , & en-
mite de la caffer, fans cependant la toucher ; ce
qui n’arriveroit pas , fi la voix étoit trop haute,
ou trop bafl'e. Voyeç Son.
Cela fait concevoir aifément, pourquoi les différentes
perfonnes infeCtées du venin de la tarentule,
demandent différens airs de mufique pour leur guérifon
; d’autant que les nerfs & les membranes dif-
traCliles ont des tentions différentes, & par conféquent
ne peuvent toutes être mifes en aCtion par les
mêmes vibrations de l’air.
Je n’ajouterai que quelques réflexions fur ce grand
article. Il eftaffez fingulier que ce foit dans la mufique
qu’on ait cru trouver le remede du tarantifme ; mais
les depenfes d’elprit qu’ont fait quelques phyficiens 1
pour expliquer les effets de la mufique dans cette
maladie, me femblent encore plus étranges : fi vous
en croyez M. Geoffroy, par exemple, la raifon de
la privation de mouvement & de coiinoîffance,
vient de ce que le venin de la tarentule caufe autf
nerfs une tenfion plus grande que celle qui leur eft
naturelle. II fyppole enluite , que cette tenfion égale
? celle de quelques cordés d’inftrument, met les nerfs
â l uniflort d’un certain ton, & les oblige à frémir dès
qu ns font ébranlés par les ondulations propres à ce
ton particulier ; enfin il établit que le mouvement
rendu aiix nerfs par un certain mode, y rappelle les
eipnts qui les avoient prefque entièrement abandonnes,
d ou il fait dériver certe cure muficale fifiirpre^
nante. Pour moi je ne trouve qu’un roman dans toute
cette explication*
D abord, elle fuppofe uiie tenfioh èxtradrdinairé
de nerfs qui les met à l’umffonaveda corde d’un infi
trament,Si cela eft, il faut que les membres du ma.
. e toi.ent roides &: dans la contraftion ; félon l’acd
tion égale ou inégalé des mufcles antagoniftes ; or.
, “ nous reprélente pas les malades dans un état
de raideur pareille. D’ailleurs , fi c’eft par l’effet de
lumflonçdu^de 1 accord qu’il y a entre le ton dé
inftrnment & les nerfs du malade .qu’ils reprennent
leurs mouvemens; ils femble qu’il s’agirait de mont
ter! înitrument fur le tdn qui le met en accords avec
ces nerfs, & c’eft néanmoins ce dont le muficien nè
r met Sh H Im B ■ bien étrange que tant
de neris de différente groffeur & longueur puiffent
ans deilein, le trouver tendus de maniéré à former
des. a|C0rds^u ce.quiff^t encore plus fingulier '
& meme en quelque forte impoffible , à être à l’unifi
Ion avec le ton de l’mftrument dont on joue. Enfin.
U les eipnts ont prefqu’entierement abandonné ces
nerfs, comme le fuppofe encore M. Geoffroy je
ne conçois: pas comment il peut en même tems (un.
poler qpe ces nerfs foient tendus au-délà du naturel
p -nfque fuivant l’opinion la plus généralement reçue ;
ce fpnt les efprits , qui par leur influence tendent les
- nerfs.
Je pourrais Oppofer à l’hypothèfe de M. Méad
de femblables difficultés , mais j’en, ai une bien plus
grande qui m’arrête , c’efl la vérité des ffiits dont je
voudrais m affurer auparavant que d’en lire l’expli-
I catIon- MM. Geoffroy, Méad, Grube , Schuchzer &
autrçs , n ont. parlé de la tarentule, que fur le témoi.
gnage de Baglivi qui n’exerçoit pas la médecine à
l.arente ; par conféquent l’autorité de ce médecin
n eft pas d’un grand pdgs , & fes récits font fort
lulpects, pour ne rien dire de plus. D’abord une
araignée qui par une petite piquûre femblable à celle
d une fourmi, caufe la mort malgré tous les reme.
des, excepté celui de la mufique, eft une Chofe incroyable.
Une araignée . çpmmune en plufieurs en-
droits de l’Italierr& qui n’eft dangereufe que dans
la rouille, feulement dans les plaines de ce pays
K feulement dans la canicule, l'aifon de fon accou’
plement, oii pour lors elle fe. jette fur tout ce qu’elle
rencontre; une telle araignée , dis-je, eft un in-
fefte unique dans le monde ! on raconte qu’elle
tranfmet fon venin par-fes cornes, qui font dans un
mouvement continuel, nouvelle figularité I on ajoute
pour completter le roman, que les perfonnes qui
font mordues de cette araignée, éprouvent fine aver-
lion pour les couleurs noire & bleue, & une* affection
pour les doUléürs blanche , rouge & verte*
II me prend fantaifie de Amplifier toutes ces 'fables ,
comme on fait en Mythologie ; & voici ce crue je
penfe. ^ j
La plupart des hommes oht poiir les araignées
une averfion naturelle ; celles de la Fouille peuvent
mériter cette averfion , & être réellement veriimeu-
fes. Les habitans du pays les craignent beaucoup ;
ils font fecs, fanguins, voluptueux, ivrognes impatiens
,faciles à émouvoir, d’une imagination vive -
& ont les nerfs d’une grande irritabilité ; le délit «