une épreuve fingulierement frappante.
M. le duc de la Rochefoucault s’exprime en cette
forte (penf. édit, de l’abbé de la Roche.) : « La ja -
» loujic eft en quelque maniéré jufte & raifonnable,
» puifqu’elle ne tendqu’à conferver un bien qui nous
»» appartient, ou que nous croyons nous appartenir;
» au lieu que Venvie eft une fureur qui ne peut fouf-
» frir le bien des autres ». Rien n ejl plus commun, dit
là-deffusfon commentateur, que d’entendre confondre
ces paffions. . . Cependant elles ont des objets bien diffé-
rens. Mais lui-même fert bientôt de preuve à ce qu’il
obferve ici ; car à l’occafion de la penfèe 55 , oii l’auteur
parle de la haine pour les favoris, quel ejl, dit
l’abbé de la R oche, le principe de cette haine ‘ Jinon un
fond de ialoufie qui nous fait envier tout le bien que
nous voyons dans les autres ? Il eft clair qu’il explique
ici la jaloufie par l’idée que M. de la Rochefoucault
devoit lui avoir fait prendre de Y envie, d’où il a même
emprunté le verbe envier. Au refte ce n’eft pas la
feule faute qu’il ait faite dans les remarques fur un
texte qui n’exigeoit de lui que de l’étude 6c du ref-
pett.
Quoi qu’il en fo it , je remarquerai qu’il fuit naturellement
de tous les exemples que je viens d’indiquer
dans différens écrivains, que ce qu’enfeigne
l ’abbé Girard au fujet des différences qui diftinguent
les fynonymes, n’eft rien moins qu’arbitraire ; qu’il
eft fondé fur le bon ufage de notre langue ; 6c qu’il
ne s’ag it, pour en établir les décifions fur cet objet,
que d’en extraire avec intelligence les preuves répandues
dans nos ouvrages les plus accrédités 6c les plus
dignes de l’être. Ce n’eft pas non plus une chofe qui
appartient en propre à notre idiome. M. Gottfched
vient de donner ( 1758, à Leipfick ) des obfervations
fur Vufage & l'abus de plujieurs termes & façons de
parler de la langue allemande : elles font dit M. Roux
(annales typogr. Août i j6 o . bell. lett. n. clviij. ) ,
dans le goût de celles de Vaugelas fur la langue fran-
çoife, 6c on en trouve plufieurs qui reffemblent beaucoup
aux fynonymes de l’abbe Girard.
Il y a long-tems que les favans ont remarqué que
la fynonymie n’étoit pas exacte dans les mots les plus
reflémblans. « Les Latins, dit M. du Marfais ( trop.
» part. III. art. xij.pag. 304 ),fentoient mi eux-que
» nous ces différences délicates, dans le tems même
» qu’ils ne pou voient les exprimer. . . Varron (</e
» ling. lat. 1. y.j'ub fin. \ , dit que c’eft une erreur de
» confondre agere ,facere 6c gerere, 6c qu’ils ont cha-
» cunleur deftination particulière ».Voici le texte
de Varron \pr opter Jimilitudinem agendi, & faciendi,
& gerendi , quidam error his qui putant effe unum ;po-
tejl enim quis aliquid facere & non agere, utpoèta facit
fabulam , & non agit ; contra actor agit, & non facit ;
&Jic à poêla fabula fit & non agitur, ab actore agitur
& non fit ; contra irnperator qui dicitur res gerere, in eo
neque agit neque facit ,fed gerit, id ejl fuftinet, tranf-
latum ab his qui onera gerunt qubd fufiinent.
Cicéron obferve ( tufc. II. n. i5. ; qu’il y a de la
différence entre do 1ere 6c laborare, lors même que ce
dernier mot eft pris dans le fens du premier. Interefl
aliquid inter laborem & dolorem ; funt finitima omni-
nb ,fed tamen differt aliquid ; la^or ejlfunctio quoedam
velanimi velcorporis gravions operis vel muneris ; dolor
autem motus afper. in cor pore. . . Aliud, inquam, efl
dolere , aliud laborare. Cum varices fecabantur Cn.
Mario, dolebat; cum oejlumagno ducebat agmen, labo-
rabat. Cette remarque de l’orateur romain n’eft que
l’application du principe général qu’il n’y a point de
mots tout-à-fait fynonymes dans les langues, principe
qu’il a exprimé très-clairement 6c tout-à-la-fois
juftifié dans fes topiques ( « .3 4 ) : quanquam enim
vocabula propï idem valere videantur, tamen quia res
differebant, nomina rerum dijlare voluerunt.
Non-feulement Cicéron a remarqué,comme grammairien,
les différences délicates des fynonymes , il
les a fuivies dans la pratique comme écrivain intelligent
6c habile. Voici comme il différencie dans la
pratique amare 6c diligere.
Quis eratqui pu tare t adeum amorem quem ergà te ha-
bebam pojfe aliquid accedere ? Tantum accejît, ut mihi
nunc dènique amare videar, anteà dilexijje. ( ep.famil.
ix. 14.') 6c ailleurs : Quid egotibi commendem eum quem .
tu ipfe dïligis ? Sed tamen ut feires eum non à me diligi
foliim, verum etiarmimn, ob eamrem tibi heee feribo.
( ib .xU j.4 7 .)
Les deux adjeâifs gratus 6c jucundus que nous
fommes tentés de croire entièrement fynonymes, 6c
que nos traducteurs les plus fcrupuleux traduiroient
peut-être indifféremment delà même maniéré,fides
circonftances marquées ne les déterminoient à y faire
une attention fpéciale ; Cicéron en a très-bien fenti
la différence, 6c en a tiré un grand parri. Répondant
à Atticusqui lui avoit appris une trifte nouvelle, il
lui dit : ifla veritas etiamjiyxcwnàz non efl, milii tamen
grata ejl. ( cp. ad Attic. üj. 2 4 .) & dans une lettré
qu’il écrit à Lucretius après la mort de fa fille Tuliia:
amor tuus gratus & optatus; dicerem jucundum, nifihoe
verbum ad tempus perdidiJJ'ern. ( ep.famil. v. i5. )
On voit par-là avec quelle circonfpeâion on doit
étudier la propriété des termes, & de la langue dont
on veut traduire, 6c de celle dans laquelle on traduit,
ou même dans laquelle on veut écrire fes propres
penfées. « Nous avons, dit M. du Marfais
»(Trop. I II. xij.pag. 304.) quelques recueils des
» anciens grammairiens fur la propriété des mots
» latins : tels font Feftus , de verborum Jîgnificatione ;
» Nonius Marcellus, de varia Jîgnificatione fermonum,
» (voyez Veteres grammatici. ) On peut encore con-
» fùlter un autre recueil qui a pour titre , Autores
» hnguoe latince. De plus, nous 'avons un grand nom-
» bre d’obfervations répandues dans Varron, de lin-
» gua latina : [ il fait partie des grammatici veteres\
»dans les commentaires de Donat 6c de Servius:
»elles font voir les différences qu’il y a entre plu-
» fieurs mots que l’on prend communément pour
» fynonymes. Quelques auteurs modernes on fait des
» réflexions fur le même fujet : tels font le P. Vavaf-
» feur, jéfuite, dans fes Remarq. fur la langue latine*
» Scioppius,Henri Etienne, de latinitate falsb fufpecld,
» 6c plufieurs autres ». Je puis ajouter à ces auteurs
, celui des Recherches fur la langue latine. ( 2 vol.
in-i 1. Paris, chez Mouchet 1750.) Tout l’ouvrage eft
partagé en quatre parties ; 6c la troifieme eft entièrement
deftinée à faire voir, par des exemples comparés
, qu’il n’y a point d’expreflions tout-à-fait fyno*
nymes entre elles, dans la langue latine.
Au refte, ce qui fe prouve dans chaque langue,
par l’autorité des bons écrivains dont la maniéré
conftate l ’ufage, eft fondé fur la raifon même ; 6c par
conféquent il doit en être de même dans toutês les
langues formées 6c polies. « S’il y avoit des fynonymes
» parfaits, dit encore M. du Marfais, (ibid. p. 3 oS.)
» il y auroit deux langues dans une même langue.
» Quand on a trouvé le ligne exaft d’une idée, on
» n’en cherche pas un autre. Les mots anciens 6c les
» mots nouveaux d’une langue font fynonymes t.
» maints eft fynonyme de plujieurs ; mais le premier
» n’eft plus en ufage ; c’ eft la grande reffemblance de
» lignification, qui eft caufe que l ’ufage n’a confervé
» que l’un de ces termes, & qu’il a rejetté l’autre
» comme inutile. L’ufage, ce [prétendu] tyran des
» langues, y opéré fouvent des m erveilles, que l’au-
» torité de tous les fouverains ne pourroit jamais
>y y opérer.
» Qu’une fàufle idée des richeffes ne vienne pas
» ic i,d it l’abbé Girard, ( Préfi desSynon.pag. 12.)
» faire parade de la pluralité 6c de l’abondance. J’a-
» voue que la pluralité des mots fait la richefle des
■” dua? dlVdrfit|é ’ M qu’dle H H de. Ia, n, ature.......... Jber iUnee fda^is dieoVn pnraês-
J W H H “
»leur. S ils ne font v0atrSi.e ^su qe uPea.r pcaerl lele ds ef konusr: v&a
».. &no nd ep parré lcei fpioluns, odue cleo mmpooinfist iodn’é noeur gdiee ,f idm’éptleincidtéu e
» que les idées peuvent avoir; ils me paroiffent plu:
* WcilfiëteÈrÈ 1t aiir fta tdPe^Tla plaa r“oflen.’ OPnr-ont,é qguer’à l ee nnriocmhibrr &e dfeas-
H» ■fondr fea "I saBbonda nacue f atnvesc, cl’ae fftu,p ceer fmlueit éfe. mJeb nleé, cfoanu -
!! MH Wh HI f fHf lH q«>h fero Mit c toenl fSif0te“r1 iHl ma gcneilfuiic edn’ucne »d un feflin dans le nombre des plats plutôt que
.» tdearnmse cse pluoiu dr eusn em feetus.l eQ idué iem ? pNo’retfet -dil’ apvaos ipr hpslu fieurs ayàn » râpeux den avoir pour toutes celles qu’on fou-
». haite déprimer «}On doit juger dt U rfch'iït d'unt
Uogut, dit M du Marfais, ( Trop.pag. par -
nombre des penfees qu elle peut exprimer, & non par Le
Ieijteüt qJu Me 1 u Hfage dHe tons Bles & id iome•s ,& to Uu t fienmdébllieb éerné
quil paraît, ne perde jamais de vue cette maxime
dd’unn!? Tautmtreie, Üfanms pHro ‘fre"n?r eIé 8l’iatinmciee unn, fmi loat fymnymt jjnonymU eft entière; & d ne laiffe fubfifter enfemblfcesS
mes mots, qu autant qu’ils font réellement différen-
îmndparie?Ue qUeS “k “ acceffoires qu‘ modifient la
W» dem Bromflesm damns udne sm cié;mofoei?r>ed ;dto mnt - j’kapi rdééfjiàd teinrét
! ' Ilefsf ieMnviffla gaeilnlet if'rosu >s differentedse lcaec eqsu,e & lelse huorm dmoens- »» rlioefnet edfets unnom etsr ere elaxtiifftsa àn tc rhé aeclulenme ednet c&es dfeà cfoesi .d Sain lsa
»*. 1& diftmae i, eülle mn a qu ed 'peexuc ioteur lp’iodiénet édtea fnytu noentyte.
« n u s , par exemple, JUur; mais fi la chofceft J e
». perception de lhomme relative à lui-même, & à ». 1 rdee d ordre qu’i l fe forme à lui-même- pour fa
»» convenance, & qui „ ’eft qu’en lui, non dans la
B " f ure» a|ors comme chaque-homme a fa maniéré
, :0" fiderar& de fe former un ordre, la chofe
». abonde m fynonymes (mais dans ce cas-là même,
les differentes origines àesfynonymes démontrentla
diverfite desafpeéls accidentels de la même idée ptin-
cipale , & juftifient la doftrine de la diftinftion réelle
desjynonymts ) ; « par exemple, une certaineéten-
■ Uf i e tnrr?1^1 nomme région, eu égard à ce
» quelle eft régie par le même.prince ou par les mê-
»- mes loi s: province, eu égard à ce que l’on y vient
». d un lieu à un autre (provenir..) [L’i & le /de pro-
vintta me teroient plutôt croire que ce mot .vient de
procul & dey,nom conformément à ce qu’en dit Hé-
g îppe cite par Callepin ( vtrb. provincia ) ; feribit
*wm Htgefippus , dit-il, Romanos cùm vincendo in
P.°yPa! cm: Teilg‘ r‘ nt proculpojîtas régions, ap-
pellavijfe provmcias : ou bien du verbe vincire, q u i.
tendron le nom de provincia applicable aux régions
memes qui fe foumettroient volontairement & par
cnoix à un gouvernement : ce qui fe. confirme par ce
que remarque Cicéron ( Venin, iv. ) que la Sicile eft
première qui ait été appelléeprovince, parce qu’elle
mt la première qui fe confia à l’amitié & à la Bonne
toi au peuple romain; mais toutes ces étymologies
£ pte?megal!m<;nt dans las vues de M. le préfident
Brofles, & dans les miennes ] : « contrée, parce
» qu elle comprend une certaine étendue circonvoi-
». U ^ ‘ r“ a “S ’ c°mraSus> eonlrada ) : difiriM, en
l narît5UC'Cett' ^ endue eft W Ë M comme k
« FriSus 5‘ £ar?e B autre étendue voifine ( dif-
» tnUus, dtjlradus ) :pay s , parce qu’on a coutume
1 1». nquue/ lqigenri-ffiieS lihea libaittiant ipoangsu ps rdèus gdreesc e aux: cfaorn sc ’■e iftt J ce
: Met/11 eV abmdaBskfom:Z* r * m H ü • ; • B ces termes paffent dans-l’ufage •
on les generalife dans la fuite, & on les emploie
»> fans aucun egard à'ia caufe originelle de l’inllitu-
» non. Cette variété de mots met dans les langues
». beaucoupd embarras & de richeffes i elle eft très-
! "v,“ mm? de p°“ r le vulgaire & p o u r les philofo-
». phes qui 11 ont d autre but en parlant que de s’ex-
> piquer clairement : elle aide infiniment au poété
» & à 1 orateur,^ en donnant une grande abondance
» à la partie materielle de leur ftyle.C’eft le fupe»flu
qui fournit au lu x e, &»qui eft à charge dans le
» p°icitéde. la We ^ ceux qui {e contentent de la fim-
De la diverfité des points de vue lhoncé's par les '
mots fynonymes, je conclurois bien plutôt que l’a-
H « e«P?urlesphilofophesPune reqffource
admirable puifqu elle-leur donne lieu de mettre
m0lirS S i Ia Prémdon&la netteté qu’»
uueS k rbft-effe 8 P. us metaPhyfique ; mais j’avoue .
que le choix peut leur donner quelque embarras
parce qu il eft aife de fe méprendre fur des différences
quelquefois affezpeufenfibles. «Jenedifconviens pas
I H « B dcsqccafions oh il foit affez indifférent '
» de choilir ; mais je foutiens qu’il y en a encore
» plus ou les fynonymes ne doivent ni ne peuvent fi-
H êu,r ,e.r1, 1“ Pour l’autre, furtout dans les ouvrages
» médités & compofes avec réflexion. S’iln’eft quef-
» bon qued un habit jaune, on peut prendre le fouci
.. -ouïe jonquille ; mais s’il fhut affortir, on eft obli-
B f ? u oonfulter la nuance (préf. des fynon. )
M. de la Bruyere remarque ( carnet, des ouvrages
dejpru) quentre. toutes les différentes cxprfftons qui
peuvent rendre une feule de nos penfées, il n'y en a qiiC
| m B M •• que » « ce qui ne l’ejl point, e/l
joible , 6* nefausfau pas un homme déefprit qui Veut fe
futre entendre. « Amf., dit M. du Marlàis , ( trop, p i .
» 30 7 ) , ceux quifefont donné la peine de traduire
les aqteuïplatins en un. autre latin, en affeàant
d éviter les termes dont ces auteurs fe Un t fervis,
auroient pu s’épargner un travail qui gâte plus le
goût qu il n apporte de lumière..L’une & l’autre
pratique ( il parle de la méthode de faire le thème
H “ eu* fa9°ns ) eft une fécondité ftérile qui em-
peche de fentir la propriété des termes, leur énergie
, 6c la finefle de la langue. » ( E . R M B
SYNONYMIE, f. f. ( felles-ùures. ) fo n f/ d e
rhétorique oi\ 1 on emploie plufieurs mots iynony-
mes ou differens termes qui tous ont la même figni-
ncation, dans le deflein d’amplifier ou d ’enfler le dif-
C ° T S i W r S y n o n y m e & A m p l i f i c a t i o n .
Tel eft ce paflage de Cicéron, abiit, evâfit, exceflit
erllptt, pour dire que Catilina eft forti de Rome. *
foripé du 8rec ™v-> & otoput, nom.
SYNOQUE, ( Médec.) trvvoxcç, en latin febris con-
tmens, fievre renfermée dans un feul paroxifme depuis
le commencement jufqu’à la fin, & prolongée
pendant plufieurs jours de fuite ; le terme révovoc n’eft
pas proprement grec; car il faudroit dire avec Hip-
pocratetnj^êWWToç; mais il a été forgé par le tems
a 1 effet de rendre une idée pour laquelle on manq
u â t d expreflïon; enfuite on a établi deux efpeces.
% ^ t ^ fy noi ue,s-a favoir la fievrefynoque fimple 6c
«evre fynoque putride. Voye^ S y n o q u e s i m p l e &
OYNOQUE PUTRIDE. ( D . J. )
_ S y n o q u e SIMPLE, ( Médec. ) forte de fievre continue
fans redoublement, ni rémiflïon depuis le commencement
jufqu’à la fin , & qui s’étend au-delà d&.
quatre jours, fans être cependant ni dangereufe ni
putride ; c ’eft proprement une fi evre éphemere, prolongée
au-delà des vingt-quatre heures , mais qui n e .
va pas jufqu’au feptieme jour,