ces fons les harmoniques du fon principal ; c’eft par eux
que M. Rameau prétend que tout fon eft appréciable,
Sc c’eft en eux qu’il a cherché le principe phyfique
de toute l’harmonie. V oye{. Harmonie.,
Une difficulté qui relierait g expliquer eft de^fa-
voir comment deux ou plufieurs forts p.euvent etre
entendus à la fois. Lorfqu’on entend, par exemple,
les deux fons de la quinte , dont 1 un fait deux vibrations
, pendant que l’autre en fait trois \ on ne conçoit
pas comment la meme malle d air peut fournir
dans un même tems ces differens nombres de vibrations,
& bien moins encore, quand il fe trouve plus
de deux fons enfemble. Mengoli & les autres fe tirent
d’affaire par des çompàr aifons. Il en eft, difent-
ils , comme de deux pierres qu’on jette à-Ia-fois dans
l’eau à quelque diftance , & dont les differens cercles
qu’elles produifent, fe croifent fans fe détruire. M. de
Mairan donne une explication plus philofophique.
L’air, félon lu i , eft divifé en particules de diverfes
grandeurs, dont chacune eft capable d’un ton particulier
, & n’eft fufceptible d’aucun autre. De forte
qu’à chaque fon qui fe forme , les .particules qui y
font analogues s’ébranlent feules, elles & leurs harmoniques
, tandis que toutes les autres reftent tranquilles
jufqu’à ce qu’elles foient émues à leur tour par
les fons qui leur correfpondent. Ce fyftème paroit
très-ingénieux ; mais l’imagination a quelque peine
à fe prêter à l’infinité de particules d’air différentes
en grandeur .& en mobilité,qui devroient etre répandues
dans chaque point de l’efpace, pour être toujours
prêtes au befoin à rendre en tout lieu l’infinité
de tous les fons poffibles. Quand elles font une fois
arrivéos au tympan de l’oreille , on conçoit encore
moins comment, en les frappant plulieurs enfemble,
elles peuvent y produire un ébranlement capable
d’envoyer au cerveau la fenfation de chacune d’elles
en particulier. Il femble qu’on éloigne la difficulté
plutôt qu’on ne la furmonte. Mengoli prétendoit aller
au-devant de cette derniere obje&ion, en difant
que les malles d’air , chargées , pour ainfidire,de
differens fons, ne frappent le tympan que fucceffive-
ment, alternativement, & chacune à Ion tour; fans
trop fonger à quoi cependant il occuperait celles
qui font obligées d’attendre que les premières aient
achevé leur office. ,
La force du fon dépend dp celle des vibrations du
corps fonore; plus ces vibrations font grandes *,plus
le fon eft vigoureux & s’entend de loin.
Quand là cordé eft allez tendue & qu’on ne force
pas trop la voix ou rinftrument, les vibrations ref-
ter.i toujours ifochrones , & par conféquentle ton
demeure le même , foit qu’on renfle ou qu’on adou-
cilfe le fon : mais en raclant trop fort la corde , en
fouillant ou en criant trop on peut faire perdre aux
vibrations l’ifochronifme néceffaire pour l ’identité
du ton ; & c’eft peut-être la raifon pourquoi, dans
la mufique françoife , où c’ eft un grand mérite de
bien crier; on eft plus fujet à chanter faux que dans
l’italienne, où la voix fe modéré plus fagement.
La viteffe du fon , qui fembleroit devoir dépendre
de fa force -, n’en dépend point. Cette viteffe eft toujours
égale & confiante , fi elle n’eft précipitée ou
retardée par ces altérations de l’air : c ’eft-à-dire que
le fo n , fort ou foible , fera toujours la même quantité
de chemin, & qu’il parcourra toujours dans deux
fécondés le double de l’efpàce qu’il aura parcouru
dans une. Au rapport de Halley & de Flamftead,
le fon parcourt en Angleterre 1070 piés de France
en une fécondé. Le pere Merfene & Gaffendi ont
affuré que le v en t , favorable ou contraire , n’accé-
léroit ni ne retardoit le fon ; depuis les expériences
que Derham & l’académie des fciences ont faites fur
ce fujet, cela paffe pour une erreur.
Sans ralentir fa marche, le fon s’affeiblit en s’étendant,
Sc cet affoibliffement, li la propagation eft libre
, qu’elle ne foit gênée par aucun obftacle , ni dérangée
par le v en t, fuit ordinairement la raifon des
quarrés des diftances.
Quant à la différence qui fe trouve encore entre
les fons par la qualité du timbre , il eft évident
qu’ellè ne tient ni au degré de gravité , ni même à
celui de force. Un hautbois aura beau fe mettre exactement
à l’uniffon d’une flûte, il aura beau radoucir
le fon au même degré , le fon de la flûte aura toujours
je ne fai quoi de doux & de moelleux ,
celui du hautbois je ne fai quoi de fec & d’aigre, qui
empêchera qu’on ne puiffe jamais les confondre.
Que dirons-nous des differens timbres des voix de
même force &c de même pôrtée ? chacun eft juge de
la variété prodigieufe qui s’y trouve. Cependant,
perfonne que je lâche n’a encore examiné cette partie,
qui peut-être , auffi-bien que les autres , fe trouvera
avoir les difficultés : car la qualité de timbre ne
peut dépendre, ni du nombre de vibrations qui font
le degré du grave à l’aigu , ni de la grandenr ou de la
force de ces mêmes vibrations qui fait le degré du
fort au foible. Il faudra donc trouver dans les corps
fonores une troifieme modification différente de ces
deux, pour expliquer cette derniere propriété ; ce qui
ne me paroit pas une chofe trop aifée ; il faut recourir
aux principes d'acoujliquc de M. Diderot, li l’on
veut approfondir cette matière.
Les trois qualités principales dont je viens de parler
, entrent toutes., quoiqu’en différentes proportions
, dans l’objet de la mufique, qui eft en général
le fon modifié.
En effet, le compofiteur ne confidere pas feulement
fi les fons qu’il emploie doivent être hauts ou
bas, graves ou aigus, mais s’ils doivent être forts ou
foibles, aigres ou doux ; & il les diftribue à differens
inftrumens, en récits ou en choeurs, aux extrémités
ou dans le médium des v o ix, avec des doux ou des
forts , félon les convenances de tout cela. Mais il eft
certain que c’eft uniquement dans la comparaifon
des fons de l’aigu au grave que confifte toute la feien-
ce harmonique. De forte que, comme' le nombre
des fons eft infini, on pourroit dire en ce fens que
cette mêmefcience eft infinie dans fon objet.
On ne conçoit point de bornes néceffaires àl’étendue
des fons du grave à l’aigu ; & quelque petit que puiffe
être l’intervalle qui eft entre deux fons,on le concevra
toujours divifible par un troifieme fon. Mais la nature
& l’art ont également concouru à limiter cette infinité
prétendue par rapport à la pratique de la mufique.
D ’abord, il eft certain qu’on trouve bientôt
dans les inftrumens les bornes des fons, tant au grave
qu’à l’aigu ;alongez ou racourciffezà un certain point
une corde fonore, elle ne rendra plus de fon: on ne
peut pas non plus augmenter ou diminuer à diferé-
tion la capacité d’une flûte ni fa longueur ; il y a des
limites au-delà defquelles elle ne rélonne plus. L’inf-
piration a auffi fes lois ; trop foible , la flûte ne rend
point de fon ; trop forte à un certain point, elle ne
fait plus, de même que la corde trop courte , qu’un
cri perçant qu’il n’eft pas poffible d’apprécier. Enfin,
c’eft une chofe inconteftable par l’expérience , que
tous les- fons fenfibles font renfermés dans dès limites
au-delà defquelles, ou trop graves ou trop aigus,
ils ne font plus apperçus, ou deviennent inappréciables.
M. Euler a même, en quelque façon , fixé ces
limites ; & , félon fes expériences & fon calcul rapportés
par M. Diderot, tous les fons fenfibles font
compris entre les nombres 3 o & 7 5 5 z;c’eft-à-dire que,
félon ce favant auteur , le fon le plus grave appréciable
à notre oreille, fait trente vibrations par fécondé,
& le plus aigu 7552 vibrations dans le même tems;
intervalle qui renferme près de huit oâaves.
D ’un autre côté, on voit par la génération harmonique
des fons, que parmi.ious les fons poffibles il
n’y en a qu’un très - petit nombre qui puiffent être
admis dans un bon fyftème de mufique ; car tous ceux
qui ne forment pas des confonances avec les fons fondamentaux,
ou qui ne naiffent pas médiatement ou
immédiatement des différences de.ces confonances ,
doivent être proferits du fyftème ; voilà pourquoi
quelque parfait que puiffe être aujourd’hui notre fyf-
teme de mufique, il eft pourtant borné à ix fo n sk u-
• lement dans l’étendue d’une oélave, defquels douze
toutes les autres oélaves, ne contiennent que des répliques.
Que fi l’on veut compter toutes ces répliques
pour autant de fons differens, en les multipliant
par le nombre d’oélaves auquel eft bornée l’étendue
des fons fenfibles , on trouvera 96 en tout pour le
plus grand nombre de fons praticables dans notre mufique
fur un même fon fondamental.
On ne pourroit pas évaluer avec la même précifion
le nombre de fons praticables dans l’ancienne mufique
: car lès Grecs formoient, pouf ainfi d ire, autant
de fyftème de mufique qu’ils • avoient de maniérés
différentes d’accorder leurs tétracordes. Il paroît par
la leélure de leurs traités de mufique, que le nombre
de ces maniérés étoit grand, & peut-être indéterminé.
Or chaque accord particulier changeoit les fons
de la moitié du fyftème, c’eft-à-dire, dès deux cordes
mobiles de chaque tétracorde. Ainfi l’on voit
bien ce qu’ils avoient de fons dans une feule maniéré
d’accord, c’eft-à-dire, fèize feulement; mais on ne
peut pas calçuler au jufte combien ce nombre devôit
le multiplier dans tous les changemens de mode, &
dans toutes les modifications de chaque genre, qui in-
troduifoient de nouveaux fons.
Par rapport à leurs tétracordes , les Grecs diftin-
guoient les fons en deux claffes générales ; favoir, les
J'ons fiables & permanens, dont l’accord ne changeoit
jamais., &c qui étoient au nombre de huit ; &
les fons mobiles, dont l’accord changeoit avec le genre
& avec l’efpece du genre : ceux-ci étoient auffi au
nombre de huit, & même de neuf & de d ix , parce
qu’il y en avoit qui fe confondoient quelquefois avec
quelques-uns des précédens , & quelquefois s’en fé-
paroient ; ces fons mobiles étoient les deux moyens
de chacun des cinq tétracordes. Les huits fons immuables
étoient les deux extrêmes de chaque tétracorde
, & la corde proflambanomene. Voye{ tous ces
mots.
Ils divifoient de-rechef les fons fiables en deuxef-
peces, dont l’une s’appelloit foni apieni, & eonte-
noit trois fons ; favoir, la proflambanomene, la nete
fynnéménon, & la nete hyperboleon. L’autre efpe-
ce s’appelloit foni baripieni, & contenoit cinq fons,
l’hypate hypaton , l’hypate mefon, la mefe, la pa-
ramefe , & lanite drezeugnumenon. Voyeç ces mots.
Les fons mobiles fe fubdivifoient pareillement en
foni mefopieni , qui étoient cinq en nombre ; favoir,
le fécond & montant de chaque tétracorde , & en
cinq autres fons appellés foni oxipieni, qui étoient le
troifieme en montant de chaque tétracorde. Voye^
T é tr a co r d e , Sy s t èm e , Gen r e , &c.
A l’égard des douze fons du fyftème moderne, l’accord
n’en change jamais, & ils font tous immobiles.
Broffard prétend qu’ils font tous mobiles, fondé fur
ce qu’ils peuvent être altérés par dièfe ou par bémol;
mais autre chofe eft de fubftituer un fon à un autre,
& autre chofe d’en changer l’accord. (S)
Sons harmoniques , ou Sons f lutés , font
une qualité finguliere de fons qu’on tire de certains
inftrumens à corde, tels que le violon & le violoncelle
, par un mouvement particulier de l’archet, &
en appuyant très-peu le doigt fur certaines divifions.
de la corde. C esjons font fort differens , pour le degré
& pour le timbre, de ce qu’ils feroient li l’on
appuyoit tout-à-fait le doigt. Ainfi ils donneront la
Tome XV.
quinte quand ils devroient donner la tierce, la tierce
quand ils devroient donner la quarte, &c> & pour le
timbre, ils font beaucoup plus doux que ceux qu’on
tire à plein de la meme corde, en la faifant porter
fur la touche ; c’eft pourquoi on les a appellés fons
flutés. Il faut pour en bien juger, avoir entendu M.
Mondonville tirer fur fon violon , ou le fieur Ber-
taud fur fon violoncelle, une fuite de ces beaux fons.
En gliffant même le doigt légèrement de l’aigu au
grave , depuis le milieu d’une corde qu’on touche en
meme tems de l’archet, on entend diftinélement un®
fucceffion de ces mêmes fons du grave à l’aigu , qui
étonné fort ceux qui n’en connoiffent pas la théorie*
Le principe fur lequel eft fondée la réglé des fons
harmoniques, eft qu’une corde étant divilée en deux
parties commenfurables entre elles, & par confé-
quent avec la corde entière, fi l’obftacle qu’on mettra
au point de divifion, n’empêche qu’imparfaite-
ment la communication des vibrations d’une partie
à l’autre ; toutes les fois qu’on fera fonner la corde
dans cet é tat, elle rendra non le fon de la corde entière,
mais celui de la plus petite partie fi elle.mefure
l’autre, ou fi elle ne la mefiire pas, le fon de. la plus
grande aliquote commune à ces deux parties. Qu’on
divife donc une corde 6 en deux parties 4 & z , le
fon harmonique réfonnera par la longueur de la petite
partie 2 qui eft aliquote de la grande partie 4 ; mais
fi la corde 5 eft divifee lelon 2 & 3 , comme la petite
partie ne mefure pas la grande, le fon harmonique
ne réfonnera que félon la moitié 1 de la petite partie
; laquelle moitié eft la plus grande commune mefure
des deux parties 3 & 2 , &c de toute ia c o r - .
de 5.
Au moyen de cette loi qui a été trouvée fur les expériences
faites par M. Sauveur à l’académie des
Sciences ,& avant lui par "Wallis, tout le merveilleux
difparoit : avec un calcul très-fimple, on affigne pour
chaque degré le fon harmonique qui lui répond : &C
quant au doigt gliffé le long de la corde, on n’y voit
plus qu’une luite de forts harmoniques, qui fe fiicce—
dent rapidement dans l’ordre qu’ils doivent avoir félon
celui des divifions fur lefquelles on paffe fucceffi-:
vement le doigt.
Voici une table de ces fons qui peut en faciliter la
recherche à ceux qui défirent de les pratiquer. Cette
table indique les fons que rendroient les divifions de
l’inftrument touchées à plein, & les fons flûtes qu’on
peut tirer de ces mêmes divifions touchées harmo-,
niquement.
Table des fons harmoniquis. La corde entière à vui-
de, donne l’uniffon.
La tierce mineure, donne la dix-neuvieme ou la
double oftave de la quinte.
La tierce majeure, donne la dix-feptieme ou la
double oélave de la tierce majeure.
La quarte, donne la double oélave.
La quinte, donne la douzième, ou l’oélave de la
même quinte.
La fixte mineure, donne la triple oélave.
La fixte majeure, donne la dix-feptieme majeure,1
ou la double oélave de la tierce.
L’oélave, donne l’oélave.
Après la première oélave, c’eft-à-dire, depuis le
milieu de ia corde jufque vers le chevalet, où l’on
retrouve les mêmesfons harmoniques répétés dans le
même ordre fur les mêmes divifions 1 , c’eft-à-dire,
la dix-neuvieme fur la dixième mineure ; la dix-
feptieme fur la dixième majeure, &c.
Nous n’avons fait dans cette table aucune mention
des fons harmoniques relatifs à la fécondé & à la fep-
tieme ; premièrement, parce que les divifions qui
les donnent, n’ayant entre elles que des aliquotes
fort petites, les fons en de viendraient trop aigus pour
être agréables à l’oreille, &trop difficiles à tirer par,
X x ij