liere ; 1 après avoir forcé la population par 1 abondance.
il doit porter fes vues fur le commerce intérieur
& extérieur, en favorifer la branche avanta-
eeufe gêner l’inutile, fupprimer la plus dangeréufe ;
s’il doit garnir les manufiûuKS fans dépeupler la
campagne; fi dans les échanges, les traites, les retours
, il fait pancher la balance du cote de fa nation ;
fi débarraffant l’exportation de entraves,
il tire parti de l’importation &C d eE reexportation ;
s’il place utilement fes colonies; s’il les entretient
■ avec foin, & qu’il ne les applique qu’à la culture la
plus fruaueufe à la métropole ; s’il découvre lequel
e il le plus fage, de détruire la compagnie des Indes,
ou de lui donner une meilleure direaion ; s’il ne pay e
que des gens qui rendent plus qu’ils ne coûtent ; s il
a fur toutes les parties de l’admimflration, des notions
claires & précifes ; s’il pofl'ede ce lad fin &
prompt, qui diftingue laliberte de la licence, qui ap-
perçoit oh confine l’ufage Si ou commence 1 abus;
s’il ne fe méprend pas fur les cas qui follicitent des
gratifications, & fur ceux qui exigent des prohibitions
; certainement ce miniftre affurera le bonheur
du gouvernement duquel il préiiccra.
IX. Un auteur célébré (/ ) , qui voit prefque tou-
jours fi philofophiquement, dit que ceux qui attribuèrent.
dans les teins malheureux de Louis X IV ,
Faffoibliffement des fources de l’abondance
fufions qiie ce roi fit en: tous genres , rtc pas
qui Us déptnfcs qui encouragent l indu fine, inndujjtnl
pétât. Gomment cet écrivain ignore-t-il que la n -
cheffe que procure à l’état la dépenle de fon fouye-
ra in , ne tombe d’abord que fur un petit nombre, &
fur ce petit nombre déjà opulent,qui na point de
relation immédiate avec les denrées de première
jiéceffité ? Gomment n’a-t-il pas vu que la circulation
toujours lente ne .vivifie le général de la nation des. I
produits de là dépenfe royale, que long tems apres
qu’ elle eft. faite? L’argent refte meme fouvent enfoui
dans les cbffres de quelques particuliers. Or ,
dans des guerres ruineufes oh le fécours eft nidit-
penfable, comment le demander à ceux qui n’ont
.pas une feule partie des profufions du monarque?
Comment retirer d’une bourfe ce qui n y eft |>omt
entré> Comment reprendre en un jour ce qui n a etc
acquis qu’à.force de peines §c de tems , & cê qui a
été détourné par. différens emplois? Dailleurs il
faut que l’argent refte bien des années à la dilpoh-
tion du peuple, pour que la population , ] agncul-,
tu r e& le commerce en rapportent 1 interet. Lnhn,
il n’eft que trop bien démontré par les faits, qui
font les feules conféquences qui puiffent, quand il
eft queftionde gouvernement, appuyer un principe,
que lorfqu’une fage économie, ne prelide pas
au fife l’ état eft o béré, que les fujets font foules,
qu’on eft eontraint de renoncer aux.operations fermes,
pour s’attacher à des expédiens funeftes, qu on
ne peut réformer aucun abus , qu’on eft enfin 1 ef-
■ clave & la v ia b le de ceux qui ont l ’argent, Si quion
réuffit suffi mal à fe relever pendant la paix, qu à l e
défendre pendant la guerre. Les régnés de Charles V.
de Henri IV. de Louis X IV. lui-même dans fes plus
beaux momens, oppofés aux exemples qu il n eft
que trop aifé d’accumuler , prouvent ce que j a-
V x . M. de V . dit encore (m) que « le roi de France
» eut en 1756 tout l’argent dont il avoit befoin
» p o u r fe venger des. déprédations de l’Angleterre,.
» par un® des promptes reffources, qu’on ne peut
» connoîfre que dans un royaume auffi o'pulént que
„ la France : vingt places nouvelles de fermiers ge-
„ néraux , & quelques emprunts fuffirent pour foü-
» tenir les premières années de la guerre, tandis
( n Lirai fur fhifloire générale , vol. VU. p. tpo.
(m) Lliài tur l’lliftoire générale > Vtll-p. S7S*
n que la grande-Bretagne s’épuifoit en taxes exor-
» bitantes ». M. de V . fe trompe ici dans tous les
points. D ’abord, ces vingt places de fermiers généraux
ne produifirent aucun avantage, meme paffa-
ger & elles cauferent un mal à la circulation : leur
çréation fut la fuite de la fuppreffion des fousfermes,
dont la continuation auroit rendu fûrement autant,
& peut-être p lus, que les nouvelles places : le miniftre
qui fit en 1756 le bail des fermes, livra à vingt
perfonnes les profits qui fe partageoient entre cinq
cens particuliers. Voilà le réfultat de fon opération,
dire&ement contraire à cette maxime qui établit,
que dans une monarchie, Us fortunes divifées valent
mieux que les fortunes réunies. ,
Secondement, quelques emprunts ne fuffirent pas,
puifqu’il y eut un nouveau vingtième en 1756 , un
doublement de capitation en 1760, précédé d’un troi-
fieme vingtième impofé en 1759- f° nt-ce pas-là
des taxes exorbitantes, & ne faut-il pas convenir que
la guerre a été auffi ruineufe à. la France qu’à l’Angleterre
?
XI. Quand j’ai difeuté Futilité de la régie & celle
de la ferme, je n’ai point entendu qu’on fut actuellement
maître de préférer l’un ou l’autre parti; j ai pro-
jetté pour l’avenir :*lorfque le tréfor royal eft épuifé
& que les chofes font venues au point, que le crédit
qui n’eft plus dans lé corps deffeché de l’état, ne
repofè encore que foiblement fur une compagnie
opulente ; alors la ferme eft forcée, parce qu’il faut
des avances, & qu’il n’y a lieu ni à la reforme ni à
ces difpofitions des revenus, cpiifuppofent les dettes
liquidées & des fonds réferves.
XII. On le voit clairementque l’état n’a point
de crédit, & que l’on redoute les proportions, les
banques & les arrangemens qui viendroient de lui.
Dans les contrats de prêt, à quelque titre que ce
puiffe être, le débiteur s’oblige à ne jamais rembour-
fer en papiers ou effets royaux. De telles conventions
font la preuve d’un très-grand mal. Emery difoit que
la foi riétoit que pour les marchands ; & que ceux. qui
l'alleguoient dans les affaires du roi, méritaient d'être
punis. Ce difeours du furintendant des finances étoit
d’iine férocité ftupide. Les étrangers reçoivent l’alarme
d’une nation qui n’a aucune confiance dans fon
gouvernement : ainii, en fe difereditant au-dedans,
on fe ruina au-dehors.
XIII. On a voulu dans ce fiecle encourager l’agriculture,
& on a eu raifon ; elle eft la richeffe de première
néceffité, &: la fource de toutes celles de convention
: mais on s’eft trompe fur les moyens ; les
fociétés, les mémoires , les ordres des intendans,
tout cela, ou contrarie l’objet, ou n’y tend qu’im-
parfaitement. Il eft queftion de ramener & d’attacher
les hommes à la terre ; ceux qui la travaillent,
en leur faifant trouver leur aifance dans leur peine;
& ceux qui la poffedent, ou qui font en état d’acquérir,
de défricher, d’améliorer, en leur préfentant dans
leur poffeffion un revenu auffi avantageux & plus fur
que celui qu’ils pourraient chercher ailleurs. On y
parviendra en baiffant l’intérêt de l’argent, & en augmentant
le produit des terres. Tant qu’une fomme
rendra 6 pour 5 , & que l’immeublè n’en fournira
que 2 , on voit bien qu’on fera valoir fon argent
fur la place. Mais fi le taux de l’argent eft réduit
à 3 pour ! , & que les terres, au moyen d’une exportation
des grains non-feulement permife mais encouragée
, & d’une décharge d’une partie des taxes
qui abforbent près du tiers du revenu, donnent autant,
ou à-peu-près autant ; alors les inquiétudes Si
les banqueroutes qui fuivent le travail de l’argent,
le feront rejetter. On défirera une richeffe plus douce
& plus folide ; elle excitera le courage &: l’attention
du cultivateur, comme le zele &C les obfervations du
propriétaire. Je ne parle point ici de la fupérionM
qu’une réduttion réfléchie de l’intérêt donnerait a
une nation fur les autres par les facilités & l’accroif-
fement qu’elle communiquerait à toutes les branches
du commerce.
XIV. Tous les moyens de favorifer la population
& l’agriculture, dit un philofophe anglois (M. Hume)
font violens ou inutiles, excepté celui qui prend fa
force dans l’intérêt même du propriétaire des fonds.
X V . Le meilleur réglement qu’un fouverain pourrait
faire pour augmenter le commerce, ferait l’affu-
rance d’un prêt fans intérêt de fommes confidérables,
à des négocians pour exécuter ou étendre des entre-
prifes auxquelles leurs fortunes ne fuffiroient pas.
Tel eft le moyen avec lequel Henri VII. quoiqu’a-
v a re, jetta les fbndemens de la puiffance de l ’Angleterre
: mais pour opérer ainfi, il faut avoir des fonds.
Le grand principe de l’économie fe démontre donc à
l’homme d’état toutes les fois qu’il veut déraciner
l’abus & commencer les établiffemens fructueux.
XVI. Si une compagnie établie chezune nation, exporte
fon argent, pour acquérir dans des climats éloignés
des marchandifes qu’elle revient vendre à cette
leule nation, elle eft certainement nuifible. Si dans un
autre royaume, une compagnie de la même efpece
répété les achats que fait l’autre ; mais que n’en limitant
point la vente à fes concitoyens , elle l’étende
affez pour remettre dans l’état, par fon gain, la quantité
d’efpeces qu’elle lui enleve pour l’emplette, cette
compagnie eft nulle. Mais, fi dans une république
qui pouede les épiceries de l’Inde, une compagnie,
au-lieu de fortir l’argent de fa patrie, lui en rapporte
de toutes les parties du monde où elle trafique avec
fes propres richeffes ; cette compagnie eft utile, &
on peut ajouter qu’elle eft le tréfor du gouvernement
fous lequel elle travaille.
XVII. Je parts, pour fixer la pofition de l’Angleterre
, du calcul de M. Davenant. Je conviens qu’elle
a ’ parmi les puiffances le plus grand profit de la navigation
, & que fon revenu peut monter à onçe cens
trente millions : Si on leve un feptieme de ce produ
it, il rendra à peu p rès..................161,000,000.
Profit de la douane........................ 11,600,000
Total............................... 173,600,000.
Déduire pour les frais de régie . . 5,500,000
Refte n e t ................................- . • 168,100,000
Examinons maintenant la dépenfe : l’ état, fuivant
les Anglois, doit trois milliards quatre cens cinquante
millions ; l’intérêt à 3 pour £ , monte
à ..................................................................103,500,000
Les papiers publics reconnoiffent
une dette cachée de 460,000,000.
L’intérêt . . .......................................... 13,800,000
Lifte civile, c’eft-à-dire, dépenfe
ordinaire de l’é t a t ..................... , . . 23,000,000
Entretien des troupes...................... 23,000,000
M a r in e ............................................. 17,250,000
Total de la dépenfe . . . . '180,550,000
D on c, en tems de paix, la dépenfe excede la re-
■ cette de plus de dou^e millions quatre cens cinquante
nulle livres; puifque j’ai compris dans 'la recette le
profit de la douane, qui n’a lieu qu’en tems de guerre
, & que l’intérêt qui fe paye à 4 pour f , n’a été
porté qu’à 3. Donc, ce royaume, loin de pouvoir
éteindre les capitaux augmentera fes emprunts pour
fuffire aux intérêts ; donc il fera forcé à une banqueroute
générale, s’il ne tire de fonfeinun revenu bien
plus confidérable par des moyens extraordinaires.
Si l’on compare à cette lituation celle de la France,
on verra qu’ ayant un revenu de trois milliards deux
sens millions, le tréfor royal en reçoit un feptieme
qui eft . ? ; 457 »‘Ufo"»'
Sur quoi déduifant les frais des régie
, qui, proportion gardée à ceux de
l’Angleterre, font exceffifs, puifqu’ils
montent au moins à . . . . . . . . . 57
Refte net . .......................................400 m‘ilioni-
Les befoins en tems de paix . . . 3 00
Les intérêts de quatre milliards, .
à 3 pour | ............................................. n o
Ainfi la dépenfe excede la recette de vingt mil-
^ . Xr lions ; & ce gou_v_e_r_n_e_m_e_n_t n...’a. n-i 1b anquer°o ute àV
craindre, ni reflources violentes à mettre en oeuvre.
Un meilleur fyftème d’économie fufliroitfeulpour
apurer en moins de quinze ans la dette nationale.
Concluons encore, qu’aucune des deux nations rie
peut continuer la guerre fans marcher à fa ruine,
iurtoutfi fon argent paffe à des mains étrangères;
comme il arrivera quelquefois à la France,& toujours
à l’Angleterre, quand elle combattra fur terre («).
XVIII. Jacques premier, dont l’ardeur pour le
defpqtifme fut fi fimefte à fon fils & à fa poftérité,
agitoit fans ceffe des queftions relatives à la puiffance
abfolue. Il demandoit un jour à deux évêques
qui dinoient avec lui, J i uti roi pouvoit, fans autre
loi que fa volonté, s'emparer de tout le bien de fes fu jets.
L’un dit qu’il n’y avoit aucun doute, & que fa
majefté pouvoit dilpofer de tout ce que poffédoit
fon peuple : l’autre voulut éluder la queftion ; mais
preffé d’y fatisfaire, il répondit : « Je crois que votre
» majefté peut prendre le bien de mon confrère qui
» le lui offre »f C’eft ainfi que la nation voudrait
qu’en ufât fon maître à l’égard de ces gens qui, partant
du même principe que l’un des deux évêques
avoit la bafteffe d’admettre, imaginent fans ceffe de
nouveaux impôts, & ofent en preffer l’établiffement i
leurs mémoires deviendraient fort rares, fi on com-
mençoit par s’emparer de leurs biens, avant de charger
les peuples des taxes qu’ils ont inventées.
XIX. On pourrait juger affez fûrement de la bonne
ou mauvaife adminiftration d’un état, par le plus oit
le moins de perfeûion qu’on y auroit donnée aux
taxes fur les confommations du luxe. Je ne définis
point ici le luxe, que je prends dans l’acception la
plus générale. Le fyftème du chevalier Deker fur
cet objet, peut fournir à un miniftre de très-heureu-
fes parties. On a indiqué un projet pour remplacer*
à Paris la capitation & le dixième d’induftrie,impôts
onéreux & arbitraires, par une taxe fur les domefti-
ques & fur les fenêtres : mais on n’a pas fuffifam-
mênt développé cette idée. Pour les domeftiques,
il faudrait accroître l’impofition en raifon de leur'
nombre, de leur néceffité & de leur deftination.
A l’égard des fenêtres, on devrait auffi 'obferver des
proportions entre celles du devant, du premier, de
la rue, du quartier ; fe régler fur la quantité & peut-
être fur la forme. Mais comme on ne mettrait point
de taxe, ou qu’il n’y en auroit qu’une très-legereî
pour les domeftiques que là charge du maître rendrait
d’une néceffité abfolue, on exempterait auffi
les artifans qui ne tirent le jour que par un feul endroit.
Voilà une petite branche du luxe impofée fans
inconvénient, ôî même avec avantage, furtout la
première qui renverrait à la culture des terres Si
dans les manufactures cette armée d’hommes forts
ou adroits, qui'furcharge infolemmenut les villes«
Eh combien d’autres articles fur lefquels ôn pourrait
détourner des impôts qui écrafent les fonds 1
( n ) Quand les calculs énoncés dans cet article ne feroiètit
pas juftes, pourvu qu’ils ne s'doignallènt pas du vrai, de façon
à préfenter des induétions oppofées, les raifonnemens qu®
l'on fait conferveroient toujours la gième force*