-atomes, comme un tout figuré ou modelé fur l’en-
demble dç-ces mêmes.parties : « Par-là , dit Bayle ,
» on eft à l’abri de Fohjettion foudroyante de Ga-
» lien , lorfqu’il interprète.ces paroles d’Hippocra-
» te , f î unum effet homo , non dolent, quia non foret
» undè dolent, » Voye{ didlion. de Ba yle, voL II.
•art. Epicure.
Du refile , on fe recriera peut-être fur l’idée de cette
figure que nous affrétons , d’après Wil lis, à, l’ame
.fenfitive ; mais ce ne f e r a f i l’on veut, qu’une métaphore
qui paroît en quelque façon juftifiée par ce
qui femanifeftedu principe fenfitif dans les palfions.
•C’eft en effet le relief de cette ame qui lèmble varier
celui du corps fous des caraûeres relatifs aux af-
feûions qu’elle éprouve ; fouvent même ces caractères
reftent repréfentés fur certaines parties, quelques
momens après la mort ; ce qui rend prefque
applicables à des êtres réels, les expreflions figurées
des hiftoriens 8c des j poètes , comme par exemple,
le reliclat in vultibus mince de Florus , lib. I. 8c le
e mono anco minaccia , du Taffe, &c.
De tout ce que nous venons de dire il fu it, qu’on
.peut regarder le ƒIntiment dans les animaux, comme
.une paffion phyfique ou de la matière , fans qu’il
foitbefoin, pour rendre raifon des fpalmes affreux
<pie peut caufèr un flimulus même leger, de recourir
à Famé fpirituelle qui juge., ou qui effime les fenl'a-
tions, comme le prétend Stahl. Vid. Theor. ver. tom.
I L capit. de fenjibilitate. On connoit cette hiftoire
de Galien ; ce grand homme racconte qu’étant tombé
•dangereufement malade,& entendant que deuxaflif-
tans defes amis s’entretenoient de quelque mauvais fi-
gnequ’ils-venoiént de reconnoître en lui , il s’écria
qu’on y prît bien garde,qu’il étoit menacé du délire,8c
demanda qu’on lui fit des remedes en conféquence ;
cet exemple eft remarquable , il n’en eft point qui
établiffe mieux la diftinélion des deux âmes dans
l’homme , favoir la raifonnable, 8c la fenfitive , 8c
des différentes fondions de chacune ; l’ame fènfitive
de Galien malade, eft occupée du mal qu’elle reffent
dans fes organes, 8c de tout le danger qui menace le
.•corps ; elle en eft troublée, ce trouble, cette, affection
fe manifefte au dehors par des palpations involontaires
; Famé raifonnable paroît au contraire indifférente,
à cet état depafliôn du corps , ou de l’ame
fenfitive , elle attend qu’on l’en avertiffe , &c. Galien
remarque même que tel étoit dans ces momens,
l’état affuré de-fon ame, que fa. raifon n’avoit rien
perdu de,fhh afliette ordinaire , ut rationalis facultas
■ non vacillant, Vid.. de locis affeclis., lib. I f*, cap. ij.
Charter, tom. II. On fent les conféquences qui résultent
d e ce que nous venons de, rapporter , contre
le s prétentions trop abfoluesdes ftahliens. . i
Ainfi le piaitir 8c la douleur .feront, en fait de fen-
fation, «comme les .données où les deiix.fenfations
élémentaires dont le mode, le ton , s’il eft permis de
le dire, eft originairement conçu dans Famé fenfitive;
ce fera :1a bafe ou la gamme de toutes les autres fenfa-
tions qu’on pourroit appellerfccondaires, 8c dont l’ordre
, la férié exifte néceffairement dans des relations
infinies ; tirées de l’habitude des individus ou de la
;variétc des efpeces.
- C’eft donc une -condition inféparable de l’état d’a-
jnimal, que.celle de percevoir ou de fentir matériellement
, comme-on dit, ou dans fa fubftance. L’ame
raifonnable peut; fans doute ajouter à çes fenfations
.par des eireonftances morales ; mais encore üne fois
-ces eireonftances n’appartiennent point à l’animal
-cônfidéré comme tel., 8c il eft même probable qu’elles
n’ont point lieu chez plufieurs.
Reliera toujours cette différence notable entre
l’homme ,8c laL brute , que. dans le premier la fenfibi-
‘lité ou Canimalité eft dirigée ou modérée par un prin-
>cipe fpirîtuel 8c immortel qui eft l’ame de l’homme,
8c que dans la brute elle tient à un être moins parfait
8c périflable appellé infli.net ou ame des bêtes.
Voyeç A m e . Les payens eux-mêmes ont reconnu
cette diftin&ion bienraifante, qu’il a plu au Créateur
d’établir en faveur de l’homme ; befliis autem fenfum
& motum dédit, 6* curn quodam appaitu acceffum ad
res falutares , à pefiiferis receffum, homini hoc ampliùs
quod addidit rationem qua regerentur animi appetitus
qui tùm remitterentur , tum continercntur. C ’eft dans
ces termes que Cicéron en parle d’après les Stoïciens.
Voyt{ de natura deorum , lib. II. §. 3 4 .
Jufqu’ici, nous ne nous fommes occupés de la fenfibilité
, que comme d’un objet purement métaphyfi-
. q ue, ou en ne la prenant que du côté fpéculatif.
Voyons maintenant ce que Fobfervation nous apprend
de fon influx fur l’économie animale , 8c parcourons
- en pour cet effet, les principaux phéno»
menes. •
Senfibilité dans Vembryon.. Il paroît en réfumant un
grand nombre d’expériences,que l’embryon faifi dans
ce point de petiteffe où l’imagination eft obligée de
fuppléer à la foibleffe des fens; il paroît, dis-je, que
l’embryon ne repréfente dans cet état, qu’un cylindre
nerveux d’une tenuité prefqu’infinie , nageant
ou fe mouvant dans un fluide muqueux. Or ce cylindre
eft déjà fenfible , puifqu’il fe meut 8c fe contracte
par l’effet des ftimulans. Koye^ Harvée , exer-
citati 3 j .
; S’il eft permis de fe livrer aux conjectures dans
des matières d’une fi grande obfcurité , apparemment
que la première étincelle de Famé fenfitive aura
pénétré les premiers atomes de ce cylindre dans
l’inftant précis de fon animation, ou même aura porté
dans cette matière le caraCtere d'animalité requis
pour que Famé raifonnable puiffe s’y unir ; ce qui
revient au fentiment de Willis , qui croit que cette
particule ignée préexifte dans le cylindre.
Ce cylindre qu’on pourroit dès-lors appeller in-
différemmentfibre animale ou atome animal, doué de
l’ame fpirituelle dans l’homme-, s’accroît de plus en
plus , en s’appropriant les molécules du fluide qui
l’environne ; il fe couvre d’afperités 8c jette de toutes
parts de petits rameaux dont il trace les délinéa-
mens des parties, conformément au type imprimé
.par le Créateur. Enfin tous- les organes fe développent
fous l’aCfivité des rejettons de ce premier 8c
unique nerf, qui travaillent de différentes façons le
mucus de fa nature très-ductile pour s’en conftruire-,
comme autant de domiciles.
Cependant la maffe du principe fenfitif ou de l’ame
fenfitive identifiée avec l’atome animal, augmente
en proportion de la maffe de ce dernier qu’elle
.anime ; il en émane de tous côtés comme autant de
filets fenfitifs, d’irradiations qui fuivent les rameaux
nerveux dans le développement des parties : d’où il
eft clair que la combinaifon. de toutes ces émanations
de l’ame fenfitive répandues avec les rameaux
nerveux dans les organes , doit y établir autant d®
centres de fenfibilité dont l’influx fera plus ou-moins
étendu relativement au département de l’organe ,
plus ou moins v i f , fuivant la difpofition des parties
nerveufes de cet organe , laquelle peut varier par
beaucoup de eireonftances.
Le coeur fera vraiffemblablement un de ces premiers
centres ou foyers, qui une fois mis en jeu ,
continuera d’attirer ou de rejetter par fon aftivité,
l’humeur qui y aborde ; de-là mille petits ruiffeaux
qui , comme autant de colonnes liquides dirigées
par quelques.filamens nerveux , 8c fuivant lesréfif-
tances, fe répandront par tout le corps pour former
le fyftème vafculaire , 8c fe mouleront en allant 8c
venant fans ceffe par les mêmes endroits, des canaux
dans le tiffu muqueux.
Mais tout çe qui ne vient pas originairement du
1 cylindre
cylindre nerveux ou n’eft pas de fa nature, ne pouvant
être difpofé pour admettre la fenfibilité, fe convertit
en un organe général 8c paflif appellé tiffu cellulaire
ou corps muqueux , dont le principal ufiige
eft de contenir les fu.es aqueux du corps j de renforcer
les produftions de la fibre animale, ou d’en modifier
la fenfibilité, 8cc.
Voilà à-peu-près tout ce qu’on peut préfumer de
fenfibilité dans l’état de fimple ébauche où fe trouve
l’embryon ; ce tableau , tout imparfait qu’il eft ,
ne laiffe pourtant pas que de renfermer des vérités
très-importantes qu’on peut fe repréfenter par autant
de corollaires.
r°. On voit que la fenfibilité ou Famé fenfitive eft
une avec la vie de l’animal, qu’elle naît avec elle ,
8c eft inhérente à la’fubftance du nerf ou des parties
nerveufes , à l’exclufion de toutes les autres lubftan-
ces du corps.
2°. Que le nerf doit compofer effentiellement l’animal
en tant qu’être fenlible ou vivant : car ce que
nous avons appellé tiffu cellulaire n’appartient pas
plus à l’animal proprement d i t , que la terre n’appartient
à la plante qui y végété ; ce n’eft-là que l’écorce,
l’enveloppe de l’animal, la terre dans laquelle
la plante nerveufe fe plaît à vivre ; énforte que l’homme
phyfique n’eft à cet egard que le fquelete nerveux
, s’il eft permis de s’exprimer ainfi , animé de
la fenfibilité 8c plongé ou niché dans differens tas de
matière muqueufe, plus ou moins compaéle, fuivant
la nature des organes ; ce qui revient à-peu-près à
la comparaifon qu’Ifaac fait de l’homme à un arbre
renverlé dont le cerveau eft la racine , ex libris Ga-
leno. adfcriptis, pag. 4b.
30. Les nerfs formant 8c la bafe 8c Feffence de
tous les organes , il eft clair que toute partie du
corps doit être douée plus ou moins de fentiment,
ou de fenfibilité, de mouvement ou de mobilité. Les
feules parties purement muqueufes font infenfibles
8c immobiles, ou du moins n’ont-elles qu’un fentiment
8c un mouvement empruntés du nerf ; car leur
difpofition au defféchement 8c à l’adhérence propre
à tous les corps muqueux, ne doit pas être confondue
avec la faculté animale ou vitale propre au nerf,
&CiC
ette fenfibilité générale des parties eft d’une venté
confiante en Médecine. Hippocrate avoit déjà
remarqué que toutes les parties de l’animal étoient
animées ,. animantur animalium ornnes partes. Elles
ont, dit Montagne , des paffions propres qui les éveillent
& les endorment. Voyez EJJais , lib. /. c. xx.
Lucr.ece s’en explique pluspofitivement encore dans
fon poëme.
Senfus jungitur omnis
Vifceribus, nervis, venis qucecumque videmus ,
Mollia mortali conjiflere corpore creta ,
Lib. I. de rerum nat.
40. L’aâivité de l’arne fenfitive étant une propriété
inféparable de cette ame , 8c comme fon archée
, 8c la fenfibilité fe mefurant elle-même fur la
difpofition des parties nerveuf es, combien n’en doit-
il pas réfulter de modifications ou de nuances de
fenfibilité 8c de mobilité, conféquemment au plus ou
au moins de corps muqueux qu’il peut y avoir dans
une partie, 8c aux autres variétés de l’organifation ?
De-là peuvent fe déduire les differens goûts 8c appétits
des nerfs, ainfi que leurs differens ufages
pourquoi, par exemple, le fon qui frappe les nerfs
de F oreille y caufe un fentiment qu’il ne lauroit produire
fur l ’oe il, 8c que la lumière fait-fur celui-ci
une fenfation qu’elle ne fauroit faire fur l’autre ?
Pourquoi de meme l’eftomac ne peut fupporter le
tartre émétique qui ne fait rien fur l’oeil, tandis que
Fhuile qui eft infupportable ajix parties fenfibles de
Topie X K '
te dernier organe, rte fait aucune imprefîîon fur Fef-
tomac ? Enfin, pourquoi tel organe eft plus mobile
que fenfible j tel autre au contraire plus fenfible qiie
mobile, &c. toutes ces différences dérivant naturellement
de cette fpécification d’organifation , il eft
donc bien inutile de créer des nerfs de plufieurs fortes
, comme le font ceux qui d’après Erafiftrate, en
veulent pour le fentiment, 8c d’autres pour le rriouve-*
ment, fans penfer que le même nerf réunit néceflài-
rement les deux propriétés, 8c qu’elles font encore
une fois abfolument dépendantes 8c inféparables
l’une de l’autre.
Senfibilité dans le foetus. L’embryon ayant acquis
toutes fes formes au point dê donner l’enfemble ou la
figure entière de l’animal, le foetus en un mot, renferme
dans fes parties l’appareil économique de la
vie où de la fenfibilité ; il vit par conféquent, néanmoins
cette vie du foetus ne peut guere être qu’empruntée
dès qu’il lui manqne plufieurs circonftanceâ
qu’il ne fauroit trouver que hors du ventre de la
mere , pour exercer toutes les branchel de la fenfibilité.
Il n’y, aura donc que quelques centres, comme
le coeur 8c certains autres organes prépofés à la
nutrition 8c à l’accroiffement du foetus, qui, aidés
de l’impreffion de la vie de la mere , exerceront actuellement
le fentiment.- Tout le refte de la fenfibilité
attendra que l’animal jouiffe de la lumière pour fe développer
fous Fimpreffion des agens externes , 8£
établir le concours des fondions d’où dépend laVië
générale , ou la vie proprement dite. Foye^ ce qu’en
dit Filluftre auteur de Vidée de l'homme phyfique &
moral.
Senfibilité dans Ûétat naturel de C homme, ou par
rapport à la Phyfîologie. Dans le tems marqué par la
nature, le foetus éprouve l’effet puiffant d’unefenfibilité
étrangère qui le met au jour. Il eft d’abord frap*
pé du nouvel air qui l’environne, 8c on fent quelles
révolutions doit éprouver la fenfibilité pour que la
convenance ou le rapport des températures s’établiffe
entre elle 8c ce fluide*
Cette première imprefîîon de l’air excite fur-toiif
la flamme vitale dans les poumons > comme par une
efpece de ventilation ; cette aélion fe communique à
plufieurs autres centres dont les forces 8c l’aclivité fe
déployant, tout s’anime , tout fe meut dans ce nouvel
homme , 8c la fenfibilité jouiffant de prefque tous
fes droits , ouvre le cercle des phénomènes de la
vie.
i°. La difpofition 8c la fituation favorables des Organes
influant fur leur fenfibilité, \ arrive qu’il y en
a qui doivent paroître avoir différens mouvemens
8c fentimens, 8c plus ou moins de mouvement 8c de
fentiment, fuivant qu’ils font plus ou moins à portée
des impreflions externes. Voilà le fondement 8c l’origine
des cinq fens qui radicalement fe réduifent à
un, c’eft« à-dire le tact.
20. Mais comme, ainfi que nous l’avons remarqué
plus haut en parlant de la formation, il fe trouve dans
le corps différens centres ou foyers de fenfibilité qu’on
pourroit évaluer par une plus grande ou une moindre
combinaifon de filamens nerveux ou de fubftance
nerveufe, 8c peut-être encore par la circonftancç
d’avoir été les premiers jouiffans de la fenfibilité, ij
fuit que les principaux de ces centres doivent abfor-
ber à euxfeuls prefque toute l’aôivité de l’ame fenfitive.
Tels font, fuivant des obfervations aifées à faire,
la tête , le coeur ou la région précordiale, l’eftomac'
ou la région épigaftique, où reviennent très-bien'les
divifiofts que les anciens avoient faites des fon&ions
en animales, vitales!*, naturelles, lefquelles fe foutien-
nent réciproquement les unes les autres, en fe volant
ou (é prêtant mutuellement de leur aélivité ; ce
qui paroît vifiblem.ent.dans le fommeil. Ces trois fameux
centres feront donc comme le triumvirat ou le
F