bleffures ou les- déchirures, récentes ; il eft certain
que les humeurs viciées d’une vieille plaie ou d’une
vieille tumeur, çonfidérées dans les diverfes efpeces
de dépravation qu’elles peuvent avoir , altéreront
confidérablement l’organifation d’un tendon ou de
tel autre organe , 6c des parties adjacentes comme la
peau, le periofte, &c. dont le bon état de chacun
contribue , ainfi qu’il eft bien aifé de le penfer, à
l’exercice de Famé fenfitive. C ’eft comme un poi-
fon qui détruit fourdement le tiffu organique qui
conftituoit dans ces parties leur aptitude à la Jenfibi-
iitè ; cette altération peut encore moins fe révoquer
en doute lorfqu’il y a eu précédemment des efeharres.
Il n’eft donc pas étonnant que le tendon ne fe foit pas
trouvé fenfible dans quelques obfervations qu’on a
communiquées à M. de Haller, ou dans celles qu’il
peut avoir fait liu-meme ; 6c que MM. Zimm 6c Me-
kel aient trouvé la dure-mere infenfible dans un homme
à qui la carie avoit ouvert le crâne.
Nous ne faurions fuivre plus loin M. de Haller
dans le détail de fon fyftème ; M. ‘Whitt l’a fait pour
nous dans i’ouvrage dont nous avons parlé , &dont
nous ne pouvons ici que recommander la le&ure. En
attendant, ce petit nombre de réflexions pourra faire
connoître combien les expériences les mieux tâites
font infuffifantes pour avancer, dans la connoiffance
d’une matière, dont les objets délicats fe dénaturent
ou difparoiffent fous la main qui cherche à les travailler
; c’eft-là un carattere de réprobation attaché à
toutes les tentatives humaines de ce genre ; parvenu
après de grands efforts aux objets qui paroiflènt toucher
le plus immédiatement la nature, l ’obfervateur
le plus heureux fe trouve n’avoir que quelques pouces
de terrein au-deffus des autres , avantage qui ne
peut lui fervirqu’à découvrir une plus grande ^dif-
tance du point oii il eft à celui ou il fe flatoit d etre,
& qu’il doit défefpérer de pouvoir jamais atteindre.
« Combien de chofes , difoit Séneque , fe meuvent
» dans les ombres d’un fecret impénétrable, 6c dont
» la connoiffance nous fera éternellement dérobée ?
L. annoei Sentenz, natur. quoefi. lib. V il . Il faut donc
nous contenter de quelques formes fugitives que la
nature, comme un Prothée qu’on ne f auroit forcer,
veut bien de tems en tems fe laiffer furprendre ; 6c
celui-là aura vraiment attrapé le but qui réuffira à le
mieux faifir. Article de M. Fou QUET , docteur en médecine
de la faculté de Montpellier.
SENSIBILITÉ, ( Morale. ) difpofition tendre 6c
délicate de Famé, qui la rend facile à être émue, à
être touchée.
La fenfibilité d’ame, dit très-bien l’auteur des moeurs,
donne une forte de fagacité fur les chofes honnêtes,
& va plus loin que la pénétration de l’efprit feul. Les
âmes fenfibles peuvent par vivacité tomber dans des
fautes que les hommes à procédés ne commettroient
pas ; mais elles l’emportent de beaucoup par la quantité
des biens qu’elles produifent. Les âmes fenfibles
ont plus d’exiftence que les autres : les biens 6c les
maux fe multiplient à leur égard. La réflexion peut
faire l’homme de probité ; mais la fenfibilité fait
l’homme vertueux. La fenfibilité eft la mer e de l’humanité
, de la générofité ; elle fert le mérite, fecourt
l’efprit, 6c entraîne la perfuafion à fa fuite. ( D. J. )
SENSIBLE , adj. Voye^ les articles Sens , Sensation
, & Sensibilité.
Sensible , en Mufique, voyei A ccord , Note
SENSIBLE. ( s )
Sensible a l’éperon, ( Maréckall. ) fe dit d’un
cheval qui y obéit pour peu qu’il le fente.
Sensible, Varbre, ( Hiß. nat. Botan.') arbre, des
Indes orientales, dont le nom vient de ce que fon
fruit commence à fauter pour peu qu’on y touche. Il
eft furprenant que Gautier Schouten foit le feul voyageur
qui ait parlé d’un phénomène fi fingnlier, ce
qui ténteroit de croire que cet arbre eft fabuleux.
SENSILES, f. f. pl. (Marine?) nom que l’on donne
en France aux galeres ordinaire sà la différence des
plus groffes appellées galeres extraordinaires. (D .J .)
SENSITIVE , (Botan. ) plante fort connue par la
propriété qu’elle a de donner des Agnes de fenfibilité,
6c pour ainfi dire de vie quand on la touche. On
rapporte qu’un philofophe de Malabar eft devenu fou
à examiner les Angularités de cette plante , & à en
rechercher la caui'e. Je ne fâche pas que cet accident
foit arrivé .à aucun de nos phyficiens de l’Europe ; ils
font fi accoutumés à ces fortes de phénomènes, difficiles
à expliquer, qu’après tout celui-ci ne fera jamais
pour eux qu’un feuillet de plus à ajouter à un
grand livre. Tandis que nos dames ont la curiofité
d’aller voir cette merveille végétale dans les jardins
où elle fe trouve, les botaniftes qui la cultivent la
caraûérifent de la maniéré fuivante.
Ses caractères. Ses fleurs , ramaffées en têtes , font
monop étales, faites en forme d’entonnoir, ordinairement
munies d’un grand nombre d’étamines dans le
centre. Sa filique eft ou fimple, à deux panneaux, 6c
remplie de femençes oblongues ; ou compofée de
plufieurs parties unies par des noeuds tranfverfes,
dont chacun contient une femence arrondie. Ses
feuilles ont un mouvement de fyftole & de diaftole.
Elle s’appelle en latin mimofa, frutex fenfibilis herbu
viva. On en compte cinq efpeces, qu’on cultive communément.
Les anciens les nommoient o/a/ms cefehy-
nomenoe. Décrivons ici l’efpece ordinaire.
Defcription de la fenfitive ordinaire. Elle pouffe plufieurs
tiges ou rameaux, la plupart rampans & inclinés
vers terre, chargés de feuilles longuettes, polies,
étroites à-peu-près comme celles des lentilles, rangées
de côté 6c d’autre en ordre ou par paires fur une
cote , fe rapprochant l’une de l’autre quand on les
touche, comme fi elles avoient de là lenfation. Il
fort des aiffeles des feuilles, des pédicules qui fou-
tiennent chacun un bouquet de fleurs fait en forme
d’entonnoir, incarnates, agréables à la vu e , pouffant
de leurs fonds une touffe d’étamines , & une filique
à deux panneaux , qui renferme ordinairement des
femençes oblongues & plates. Sa racine eft petite.
Cette plante merveilleüfe méritait un traité à part
par lâfingularité de fes phénomènes. Hook en Angleterre
les a le premier examinés avec beaucoup
d’attention ; mais fon examen au lieu d’empêcher
MM. du Fay & du Hamel d’en faire en France une
étude particulière, les y a invités. Voye%_ les mém. de
Uacad. des Scienc. ann. iy$ 6.
Plufieurs plantes ; telles que les acacias, les caffes,'
lès càflies , ont la même difoofition.de feuilles par
paires fur une côte , comme à la fenfitive ; elles ferment
aufîi leurs feuilles le foir , 6c les r’ouvrent le
matin, comme la fenfitive fait les fiennqs. Ce n’eft pas
ce mouvement périodique qui fait le merveilleux de
la fenfitive, il lui eft,commun avec, d’autres plantes ;
c’eft ce même mouvement entant qu’il n’eft point
périodique 6c naturel, mais accidentel, en quelque
forte , parce qu’on n’a qu’à toucher la fenfitive pour
lui faire fermer fes feuilles, qu’elle, r’ouyre : ênfuite
naturellement. C’eft-là ce qui lui eft particulier, 6c
qui lui a fait donner le nom de mirpofa, imitatrice,
d’un animal qu’on1 auroit incommodé ou effrayé en le
touchant. Mais ce mouvement eft beaucoup plus
çonfidérable que nous, ne difons encore ; & il a un
grand nombre de, circonftances dignes d’attention.
Voici donc les principaux faits qui attachent nos regards
fur cette plante,
Obfervations détaillées qui la concernent, i. Il eft
difficile de toucher une feuille d’une fenfitive vigou-
re.ufe 6c bien faine, fi légèrement 6c fi délicatement,
qu’elle ne le fente pas 6c ne fe ferme.: fa plus grofl'e
nervure étant prife pour fon milieu, c’eft fur ce milieu
, comme fur une charnière, que les deux moitiés
fe meuvent en s’approcha nt l’une de l’autre, jufqu’à ce
qu’elles fe foient ap pliquées l’une contre l’autre exactement.
Si Fattouch ement a été un peu fort, la feuille
oppofée 6c de la même paire , en fait autant par une
efpece de fympathie.
2. Quand une feuille fe ferme , non-feulement fes
deux moitiés vont l’une vers l’autre, mais en même
tems le-pédicule de la feuille va vers la côte fëuillée
d’où il fort, fait avec elle un moindre angle qu’il ne
faifoit auparavant, 6c s’en rapproche plus ou moins. Le
mouvement total de la feuille eft donc compofé de
celui-là & du fien propre.
3. Si l’attouchement a été plus fort, toutes les
feuilles de la meme côte s’en reffentent 6c fe ferment.
A un plus grand degré de force, la côte elle-même
s’en reffent, 6c fe ferme à fa maniéré , c’ eft-à dire fe
rapproche du rameau d’où elle fort. Et enfin la force
de l’attouchement peut être te lle , qu’aux mouve-
mens précédens s’ajoutera encore celui par lequel les
rameaux fe rapprochent de la greffe branche d’où ils
fortent, 6c toute la plante paroîtra fe vouloir réduire
en un faifeeau long & étroit, & s’y réduira jufqu’à
un certain point.
4. Le mouvement qui fait le plus grand effet, eft
une efpece de fecouffe.
5. Trois des mouvemens de la plante fe font fur
autant d’articulations fenfibles ; le premier fur l’articulation
du pédicule de la feuille avec la côte fouillée
; le fe.cond fur l’articulation de cette côte avec
fon rameau ; le troifieme fur celle du rameau avec
fa groffe branche; un quatrième mouvement, le premier
de tous , celui par lequel la feuille fe plie 6c fe
ferme , doit fe faire auffi fur une efpece d’articulation
qui fera au milieu de la feuille, mais fans être auffi
fenfible que les autres.
6. Ces mouvemens font indépendans les uns des
autres, & fi indépendans , que quoiqu’il femble que
quand un rameau fe plie ou fe ferme,. à plus forte
raifon fes feuilles fe plieront 6c fe fermeront. Il eft
cependant poffible de toucher le rameau fi délicatement
, que lui feul recevra une impreffion de mouvement
; mais il faut de plus que le rameau en fe pliant
n’aille pas porter fes feuilles contre quelqu’autre partie
de la plante , car dès qu’elles en feroient touchées,
elles s’en reffentiroient.
7. Des feuilles entièrement fanées & jaunes , ou
plutôt blanches 6c prêtes à mourir, confervent encore
leur fenfibilité , ce qui confirme qu’elle réfide
principalement dans les articulations.
8. Le vent & la pluie font fermer la fenfitive, par
l’agitation qu’ils lui caufent ; une pluie douce 6c fine
n’y fait rien.
, 9. Lesparties de la plante qui-, ont reçu du mouve- ;
ment, & quifefont fermées chacune à.fa maniéré , fe j
r’ouvrent enfuite d’elles-mêmes , & fe rétabliffent j
dans leur premier état. Le tems néceffaire pour ce réta- j
bliffement eft inégal,. fuivant différentes circonftan- j
c e s , la vigueur de la plante^, la faifon , l’heure du
jour : quelquefois il fout jo. minutes , quelquefois
moins de 10. L’ordre dans lequel fe fait le rétabliffe-
ment, varie auffi; quelquefois il commence par les
feuilles ou les côtes feuillées , quelquefois, par les rameaux
, bien entendu qu’alors toute la plante a été en
mouvement.-
• 10. Si l’on veut fe faire une idée quoique fort
vague & fort fuperfieielle, de la caufe des mouvemens
que nous avons décrits,il paroîtra qu’ilss’exécutent fur
«les efpeces de charnières très-déliées , qui communiquent
enfemble par des petites cordes extrêmement-fines,
qui les tirent 6c les font jouer dès qu’elles fontfuffi-
famment ébranlées ; 6c ce qui le confirme affez, c’eft
que des feuilles fanées 6c prêtes à mourir, font encore
fenfibles ; elles n’ont plus de fuc nourricier, plus
de parenchime , plus de chair, mais’ elles ont confer-
.vé leur charpente folide, ce petit appareil, 6c. qette
difpofition particulière des cordagesqui fait tout le jeu.
11. Ces mouvemens que nous avons appelles accidentels
, parce qu’ils peuvent être imprimés à la plante
par une caufe étrangère vifible, ne laiffent pas d’être
naturels auffi, comme nous l’avons dit d’abord;ils accompagnent
celui par lequel elle fe ferme naturelle*
ment le foir, 6c fe r ’ouvre le matin,mais ils font ordi*
na-irement plus foibles. que quand ils font accidentels.
La caufe étrangère peut être dès qu’elle le.veut,& eft
prefque toujours plus forte que la caufe naturelle.
Nous allons rapporter maintenant les principales
circonftances du mouvement total naturel de la fenfitive.
J
ï 2. Il a été dit dans Fhifioire de Ûacadémie des Scient
c e f, année 1.7?9 , que dans un lieu obfcur 6c d’une
température affez uniforme , lafenfitive ne Iaiffe pas
d’avoir le mouvement périodique de fe fermer le foir
6c de fe r’oùvrir le matin. Gela n’eft pas conforme
aux obfervations de MM, du Fay 6c du Hamel. Un
pot àt fenfitive étant porté au mois d’Août dans une
ca-ve plus ofefcure, 6c d’une température plus égale
que le lieu des obfervations de 173 9 > k plante fe
ferma à la!vérité, mais ce fu t ,,félon toutes apparences,
par le mouvement du tranfport, elle fe r’ouvrit
le lendemain au bout de 24 heures à-peu-près , 6t
demeura près de trois jours continuellement ouverte
quoiqu’un peu moins que dans fon état naturel. Elle
fut rapportée à l’air linre , où elle fe tint encore ouverte
pendant la première nuit qu’elle y paffa, après
quoi elle fe remit dans fa réglé ordinaire, fans avoir
été aucunement affoiblie par le tems de ce déréofe-
ment forcé, fans avoir été pendant tout ce tems-là
que très-peu moins fenfible.'
13. De cette expérience, qui n’a pas été la feule
il fuit que ce n’eft pas la clarté du jour qui ouvre la
fenfitive, ni l’obfcurité de la nuit qui la ferme : ce ne
font pas non plus le chaud & le froid alternatifs du
jour 6c de la nuit; elle fe ferme pendant des nuits plus
chaudes que les. jours où elle avoit été ouverte. Dans
un lieu qu’on aura fort échauffé, 6c où le thermomètre
apporté de dehors hauffe très-promptement 6c
d’un grand nombre de degrés, elle ne s’en ferme pas
plus tard qu’elle n’eût fait à l’air libre, peut-être mê*
me plutôt : d’où l’on pourroit foupçonner que c’eft
le grand 6c foudain changement de température d’air
qui agit fur elle ; 6c ce qui aideroit à le croire , c’eft
que fi.on leve une cloche de verreyoli elle étoit bien
expofée au foleil 6c bien échauffée , elle fe ferme
prefque dans le moment à un air moins chaud.
14. Cependant il faut que le chaud 6c le froid contribuent
de quelque ehofe par eux-mêmes à fon
mouvement alternatif ; elle eft certainement moins
fenfible, plus pareffeufe en hiver, qu’en été ; elle fe
reffent de l’hiver même dans de bonnes ferres , où
elle fait fes fondions avec moins de vivacité.
15. Le grand chaud, celui de midi des jours bien
ardens, lui fait prefque le même effet que le froid;
ellefe ferme ordinairement un peu. Le bfin. tems pouf
l’obferver eft fur les neuf heures du matin d’un jour
bien chaud, 6c le foleil étant un peu couvert.
16. Un rameau coupé & détaché de la plante,
continue encore à fe fermer j foit quand on le touche
, foit à l’approche de la nuit ; il fe r’ouvre enfuite.
Il a quelque analogie avec ces parties d’animaux
retranchées qui fe meuvent encore. Il confervera
plus long-tems fe v ie , s’il trempe dans l’eau par un
bout.
17. La nuit lorfque la fenfitive eft fermée, & qu’il
n’y a que fes feuilles qui le foient, fi on les touche,
les côtes feuillées & les rameaux fe ferment, fe plient
comme ils euffent fait pendant le jour, & quelquefois
avec plus de force.
18. Il n’importe avec quel corps on rouche la plante.,
il y a dans les articulations des féuilfes un petit
endroit, reconnoiffable à fa couleur blanchâtre, où